Catégorie : Avignon

« No way Veronica ou nos gars ont la pêche », d’Armando Llamas, m.e.s. Jean Boillot

Jean Boillot us propose une troisième version de son spectacle qui a déjà connu une première version radiophonique, puis une seconde version enrichie de claviers sur la proposition du compositeur David Jisse. Cette troisième version, encore enrichie d’un guitariste compositeur et interprète pop-rock, Hervé Rigaud, débouche sur un remix plus festif, d’obédiance rock, avec une esthétique de Comics.
L’ensemble se présente comme la mise en son d’une parodie de The Thing, le film de John Carpenter. Neuf hommes (il n’y en aura que quatre au plateau) travaillent sur une base météorologique au milieu de l’Ocean Antarctique. Dans ce milieu clos, les hommes développent une « chaude amitié virile », voire une homosexualité latente et se meuvent avec délice dans un bain de testostérone. Mais ils vont devoir affronter un danger mortel: l’arrivée d’une femme sur la base, la vénéneuse Véronica. Ils feront tout leur possible pour la rejeter à la mer.
Le propos aurait pu être tragique, s’il n’était profondément comique. Les personnages masculins incarnent avec candeur tous les poncifs de la virilié, dans leurs gestes, leurs déplacements, leurs paroles, leurs choix de spectacle etc.

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« Les Présidentes », texte Werner Scwab, m.e.s. Laurent Fréchuret

C’est une comédie catastrophe, griçante, hilarante, cynique et provocatrice, à l’instar des autres textes de l’auteur Werner Scwab. Cet auteur est une figure singulière de la littérature autrichienne. Né en 1958, il fait des études à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne. Il partage son temps entre écriture et sculpture. Ses productions artistiques sont marquées par les matériaux en putréfaction. Ordures et rebuts de toutes sortes sont également les aliments de son travail d’écriture. Les Présidentes fait partie de ce qu’il nomme ses « drames fécaux ».

« Les Présidentes…ce sont des gens qui croient tout savoir, et veulent décider de tout. Je viens moi-même d’une famille de présidentes. » dit-il. Les Présidentes, ce sont trois femmes, Erna, Grete et la « petite Marie » engluées dans leurs fantasmes, la première est une maniaque de l’épargne éprise d’un charcutier, la seconde est une nymphomane en qûte de mâle puissant, la troisième une bigote illuminée qui règne sur ce bourbier en débouchant à mains nues les toilettes que les autres s’ingénient à boucher. Métaphore de cette société autrichienne dont on a déjà connu des satires au vitriol chez Th.

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« Fragments », textes Hannah Arendt, adaptation Bérengère Warluzel, m.e.s. Charles Berling

Festival d’Avignon, Présence Pasteur du 7 au 28 juillet 2021

Qu’est-ce que penser? Rien n’est plus naturel, et pourtant rien n’est plus rare. Penser n’est pas automatique. Contrairement à une idée répandue, penser n’est pas agir. Il y faut un recul, un retrait. Pour penser, il faut le désirer. Et c’est ce désir de penser, comme une aventure collective, joyeuse et féconde que doit suciter le théâtre. Dès lors, suffit-il de placer bout à bout des extraits de textes d’Annah Arendt sur la question pour y parvenir? Certes non: il y faut une véritable adaptation, reposant sur une sélection pertinente et un habile montage, non moins qu’une véritable mise en scène. Pour ce faire, Bérengère Warluzel et Charles Berling ont oeuvré conjointement au travail scénique. Le plateau propose un dispositif suggestif du travail de pensée collective: une table, des chaises vides, d’autres occupées par des marionnettes de taille humaine, des pilles de livres, un piano, un tableau sur lequel viendront figurer des dessins emplis d’images projetées en vidéo. La dimension sonore joue également un rôle essentiel: la comédienne (Bérengère Warluzel) chemine dans le texte d’Hananh Arrendt portée par sa propre voix en play back.

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« Samson », texte et m.e.s. de Brett Bailey

En 2013 il présentait au public d’ Avignon Exhibit B avant d’investir le Théâtre Gérard-Philippe de Saint-Denis en novembre 2014. Depuis quatre ans déjà cette installation, instruisait, dans la quinzaine de pays européens où elle avait été invitée le procès de la colonisation de l’Afrique, à travers douze tableaux scéniques construits à partir de faits réels, des « pièces à conviction » ( Exhibit). La pièce qui mettait le spectateur en position de voyeur à l’instar de celui qui visitait les zoos humains du débit du Xxè sicècle, s’est très vite trouvée au centre d’une vive polémique. Des pétitionnaires ont réclamé son interdiction, des représentations ont été annulées, d’autres se sont déroulées sous la protection de la police !

En 2021, Brett Bailey, un sud-africain blanc de peau, puisque c’est de lui dont il s’agit présente dans le In sa dernière création «  Samson ». La légende est bien connue : le héros biblique dont la force surhumaine provient de la chevelure et qui lui est interdit de couper, doit conduire son peuple, esclave des Philistins, à la révolte. Il est un cadeau de Dieu fait à mère stérile jusqu’alors.

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À Avignon, l’opération « théâtres ouverts » empêchée

Avignon – « On était prêts, le public était là, et rien ne se passe »: en combinaison pailletée sur la scène du théâtre de l’Oulle à Avignon (Sud de la France), l’actrice Alice Benoit est émue. En pleine crise sanitaire, une opération symbolique « théâtres ouverts » a été interrompue par la police.

Cela aurait dû être « une rencontre, un moment d’émotion entre un très beau spectacle et le public« , après des mois de fermeture à cause de la crise sanitaire due au Covid-19, selon les mots de Laurent Rochut, directeur artistique de la Factory, réseau de lieux dédiés à la pratique et à la représentation des arts vivants à Avignon.  

C’est à son appel qu’une quarantaine de théâtres en France, dont neuf à Avignon –où se déroule en juillet l’un des plus célèbres festivals de théâtre d’Europe–, devaient participer samedi à la manifestation qui consistait, pendant une heure seulement, à ouvrir les portes des salles aux spectateurs pour leur permettre d’assister à de courtes représentations. 

Malgré une pluie battante, plusieurs dizaines de personnes, détrempées mais joyeuses, attendaient l’ouverture des portes au son d’une guitare.

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Olivier Py : La culture n’est pas un luxe mais un devoir impérieux !

Dans une tribune au journal « Le Monde », Olivier Py, le Directeur du Festival d’Avignon, se positionne pour un Ministère de la Culture ambitieux.

Alors que la crise sanitaire a durement touché le secteur culturel, Olivier Py appelle à un nouveau pacte entre les pouvoirs publics et le monde de la culture :

« Le 3 juillet aurait dû s’ouvrir la 74e édition du Festival d’Avignon. Je partage le désarroi des spectateurs, des artistes et de toutes celles et ceux qui rendent possible ce rendez-vous unique. Je pense à la ville d’Avignon et au Vaucluse qui, depuis soixante-treize ans, deviennent chaque été festival. Le Festival d’Avignon n’est pas qu’une liste de beaux spectacles, il est le lieu où les défenseurs de la culture tous azimuts pensent la culture comme la plus haute ambition politique.

Pour la culture, le « monde d’après » ressemble au monde d’avant, mais en ruines. L’étendue du désastre, symbolique, politique et financier est sans commune mesure, et il faut commencer par reconnaître l’ampleur des dégâts : l’annulation historique de tous les festivals, le déficit abyssal de grandes institutions, les inquiétudes sur le dialogue avec les publics… Pouvons-nous rêver que « l’après-Covid » soit l’occasion d’un nouveau pacte entre les pouvoirs publics et le monde de la culture ?

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Du 3 au 25 juillet : Un rêve d’Avignon, l’événement numérique

L’audiovisuel public se mobilise avec le Festival d’Avignon et propose une programmation exceptionnelle en juillet

« Pour « rêver » d’Avignon au mois de juillet »

« Le ciel, la nuit, le texte, le peuple, la fête » : depuis 1947, Avignon se transforme en forum à ciel ouvert où des artistes, venus du monde entier, partagent leurs expériences avec les festivaliers. Olivier Py, au service de l’esprit originel de la manifestation, précise la vision poétique de Jean Vilar à l’aune des défis artistiques et politiques d’aujourd’hui : « Un ciel qui ne soit pas autoritaire, une nuit qui ne soit pas celle du désespoir, un texte, un geste qui, classique ou inédit, soit nécessairement notre contemporain, un peuple qui soit fier de ses différences et une fête qui soit celle de l’esprit. »

Cette année, pour les raisons sanitaires que nous connaissons, le Festival d’Avignon ne peut se tenir, et ceci pour la seconde fois, après 2003¹, en 74 ans. Nous ne pourrons donc pas physiquement déambuler dans les rues, nous installer dans une cour envahie des chants des cigales, entrer dans la Cour d’honneur au son des trompettes ou encore attendre que les martinets finissent leur danse dans le jour tombant.

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Le festival OFF d’Avignon se met au vert


— Par Guillemette de Préval —
Pour des raisons écologiques et économiques, Pierre Beyfette, président du festival OFF d’Avignon, a annoncé mardi 12 février vouloir diminuer drastiquement le nombre d’affiches collées dans la ville. Une proposition accueillie favorablement chez les compagnies mais qui oblige à inventer d’autres façons de communiquer.
Chaque mois de juillet, Avignon se transforme en théâtre à ciel ouvert. En marge du Festival d’Avignon, le « In », le festival Off, réunit plus de 1 500 spectacles indépendants. Du jour au lendemain, les rues de la ville se tapissent de centaine de milliers d’affiches.

Pour répondre à ces dégradations écologiques, son président Pierre Beyfette a suggéré, mardi 12 février, de limiter drastiquement le nombre d’affiches en vue de la prochaine édition, qui se tiendra du 3 au 26 juillet. « L’affichage est interdit dans les villes. Mais à Avignon, en période de festival, la mairie édite un arrêté pour l’autoriser. On va demander à la mairie de ne plus l’éditer pour mettre fin à l’affichage sauvage », a indiqué à l’AFP Pierre Beyfette, dans la présentation du premier plan environnemental du « Off », étalé sur quatre ans.

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Avignon 2019 : récapitulatif des comptes rendus

Le festival à l’heure des bilans

Le « IN » : faire mentir les fatalités

La 73e édition du Festival d’Avignon s’est achevée pour les spectateurs dans la nuit du 23 au 24 juillet, célébrant d’une certaine manière en aînée les 60 ans du ministère de la Culture, cette utopie réaliste d’un accès égalitaire aux œuvres. Il faudra encore quelques jours à l’équipe du Festival d’Avignon pour terminer, démonter, entretenir, ranger ce grand théâtre. Les histoires individuelles ont raconté la grande Histoire, les spectacles ont dialogué de l’un à l’autre, esthétiquement comme politiquement, dessinant une dramaturgie de la programmation. Des triomphes du Brésil, de Chine, de Russie, de France ou de Grande Bretagne, ont soulevé les salles et nous avons accompagné de nouvelles générations d’artistes accueillis par les spectateurs avec une curiosité passionnée, faisant une fois encore du Festival d’Avignon ce carrefour unique de productions légendaires et d’annonces de demain. Ce public d’Avignon, multiple, divers, fervent, fidèle, exigeant, militant aussi, était présent pour les spectacles comme pour les rencontres, revendiquant le plaisir sérieux de partager la recherche, l’engagement, l’histoire, le sens.

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Avignon 2019. « Outside » de Kirill Serebrennikov : dramaturgie scénographie et m e s.

— Par Dominique Daeschler —

Kirill Serebrennikov impressionné par les photos de nu du photographe chinois Ren Hang, y voyant une poétique liée à une culture et découvrant ses écrits, décide de le rencontrer avec l’envie de bâtir un projet ensemble. Hang se suicide avant. Serebrennikov empoigne alors ses mots, ses images et fait Outside.
Nous voilà entraînés dans une surimpression de scènes et d’images pour dire que l’art n’est pas une tour d’ivoire, que l’artiste est témoin de son temps, « mouillé » qu’il le veuille ou non et surtout pas politiquement correct. Des liens se tissent : pluridisciplinaires, multiculturels. Les hommes nus de Hang rencontrent les perquisitions et les interrogatoires russes. Pour fuir tout totalitarisme la liberté est débordante, désordre et provocation qu’il s’agisse de sexe, de genre, de pensée. … « Il est interdit d’interdire », il faut fuir la dépression, l’invitation au suicide. Alors tout se bouscule : un couple marche sur un toit, une chanteuse chinoise devient sirène puis enfile une tête de cochon. Des hommes et des femmes nus se couvrent de fleurs : statues, croix, tombes ? Une petite boule verte -qui nous rappelle l’homme vert de Cetelem- traverse le plateau.

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Avignon 2019. « Le reste vous le connaissez par le cinéma » de Martin Crimp, m.e.s. de Daniel Jeanneteau.

— Par Dominique Daeschler —

Le texte de Martin Crimp reprend la trame singulière des Phéniciennes d’Euripide. Trame singulière car Euripide soumet le mythe fondateur (Œdipe) à la parodie, au jeu, orchestre avec malice et critique les aventures de ces héros grecs, les soumet « à la question » par le biais d’un chœur de « filles » omniprésent et omnipotent. Ces filles d’aujourd’hui, étudiantes ou dans la vie active, brillamment conduite par la déjantée et gouailleuse Elsa Guedj, ne sont rien moins que ces Phéniciennes, femmes d’Orient, migrantes avant la lettre. En pleine guerre du Péloponnèse qui entraînera la décadence de la Grèce, ce sont des femmes qui parlent et qui s’opposent. Crimp fait de ce chœur l’axe de la représentation.

Dans une salle de classe désaffectée, au mobilier renversé, les filles exhument et convoquent tous les personnages, les interrogent, les interrompent, les confessent, changent leur destin. Quel héritage ! Défilent la vacuité de la recherche du pouvoir (Empédocle et Polynice), la responsabilité d’Œdipe (une sorte de péché originel), l’impossibilité de l’effacement et de la réunion (Jocaste) etc.…Dans les mots d’aujourd’hui des filles, des liens se font avec le présent.

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Avignon 2019. « La Brèche » de Naomi Wallace, m.e.s. de Tommy Milliot. 

— Par Dominique Daeschler —

Ils sont quatre adolescents qui se réunissent dans un sous-sol de banlieue aux USA. Deux milieux s’affrontent : deux nantis et deux prolos. Déjà des jeux de pouvoir, des défis, des serments et des paris. Jude, la révoltée, sœur d’Acton petit frère protégé par les fils de famille Frayne et Hoke, en est l’enjeu. Les voilà grands, se retrouvant à l’enterrement d’Acton qui s’est suicidé ne supportant pas sa lâcheté qui a permis le viol de sa sœur par les deux autres. Deux équipes d’acteurs au jeu vif font le va et vient entre ces deux époques. Sur une simple dalle de béton, l’espace étant délimité par une lumière vive ou un noir qui appelle le vide, les mots traversent les corps, les déconstruisent dans leurs mensonges, leur rationalité leur bonne conscience ou leur remords. Tous ont triché et le plus faible a trinqué. Deux dénonciations fortes : le viol lié à la présence de substances pharmaceutiques pose la question du consentement, le fossé entre les classes sociales crée une inégalité et donne une lecture de l’Amérique d’aujourd’hui.

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Avignon 2019. « Qui a peur de Virginia Woolf ? » d’Edward Albee, m.e.s. de Panchika Velez.

— Par Dominique Daeschler —
Voilà un spectacle bien huilé qui roule tout seul avec le plaisir de retrouver de vrais dialogues (oui, on l’avoue), des retournements de situations, un décor qui fonctionne dans son classicisme absolu et ses répartitions d’entrée-sortie de cour à jardin. Pépère ? Le duel à fleuret moucheté Martha- George l’en empêche : voilà deux comédiens toniques qui derrière le cynisme laissent éclater leur douleur (la perte du fils) tout en buvant sans modération. Ils entraînent dans la danse les jeunes Nick et Honey qui finiront par se mettre au diapason (excellents acteurs eux aussi). Jeu de dupes et jeu de rôles. La mise en scène et la direction d’acteurs frôlent parfois le boulevard comme pour donner une ambiguïté supplémentaire ce qui retentit habilement sur la joute oratoire. Un seul regret, le choix d’un jeu trop hystérisé pour Martha ce qui renforce la maitrise de George. A quelque chose malheur est bon.
D.D.

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Avignon 2019. « Ava, la dame en verte ». de Pavlata et 0. Bernard. m.e.s. d’Alexandre Pavlata.

— Par Dominique Daeschler —
Totalement allumée, Ava : râlant d’être trop belle et multipliant les poses lascives, elle ne veut plus être uniquement cet objet de désir qu’elle provoque pourtant. Ava a un univers : trapéziste, acrobate, chanteuse, fakir c’est une femme orchestre qui maitrise le rire avec humour et dérision (les bouts d’essai de cinéma). Elle joue. Drôle et sensuelle ce n’est pas incompatible, le comique au cirque n’est pas l’apanage de l’homme, le clown ne se décline pas qu’au masculin. Ava est brillante et a du mal à trouver chaussure à son pied : c’est aussi souvent comme ça dans la vraie vie. Pourquoi n’arrive-t-on pas à croire qu’elle nous permet de décliner une image différente du clown en introduisant sa féminité ? Question des auteurs et du cirque actuel que ne pose pas le spectateur car elle introduit un univers poétique qu’elle conduit avec le panache d’un Cyrano. La fin, comme une pirouette est trop convenue c’est dommage car Orianne Bernard, en vraie circassienne, assure de bout en bout ce personnage fantasque et doué.
D.D.

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Avignon 2019. “Music-Hall” de Jean Luc Lagarce. m.e.s. d’ Eric Sanjou.

— Par Dominique Daeshler —
Une vieille artiste et ses boys qui ont roulé leur bosse de salle des fêtes en foyers ruraux se racontent, se montrent, de l’habillage au maquillage : les faux cils, les vestes usées, les perruques, on verra tout par le menu et en même temps la scène centrale et les deux espaces loges avec leurs petits mensonges renvoyant à la réalité de l’exercice du métier dans des lieux miteux où fleurissent plus de moqueries que d’applaudissements. Dans le rôle de la Fille, Céline Pique ne manque pas d’abattage mais pourquoi tant de détails, de couleurs, de costumes ? Le spectateur devient voyeur : le kitsch s’impose à lui, effaçant la construction de la langue particulière de Lagarce qui crée un va et vient à la fois codé et grinçant. C’est dommage.
D.D.

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Avignon 2019. « Ventre » de Steve Gagnon, m.e.s. de Vincent Goethals. Cie théâtre en scène.

— Par Dominique Daeschler —
Dans le cadre de la sélection Grand Est, Théâtre en scène s’empare d’une pièce de Steve Gagnon jeune auteur québécois qui explore la séparation amoureuse d’un jeune couple. Il n’est pas si facile de faire le deuil de ses espoirs d’adolescent idéaliste, comment s’aimer sans se résigner, être guetté par l’usure et la convention sociale ? Vincent Goethals dont les créations sont très liées à l’écriture théâtrale francophone contemporaine (Québec, Afrique) est totalement à l’aise dans la saveur de la langue québécoise et le mode interpellatif de la pièce même si le spectateur y perd parfois le souffle tant le rythme et le débit sont rapides, tant les « marde » et les « tabernacle » lui tombent dessus comme autant de grêlons. Tant, pis, tant mieux, le but n’est pas de le préserver. Le décor : une baignoire, un appartement avec des bâches de protection, des éclairages de chantier, un univers sonore : tout va bouger, se mettre au rythme du jeu des acteurs et de leurs mouvements chorégraphiés dans l’amour pour affirmer l’espoir des retrouvailles.

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Avignon 2019. “Les imposteurs.” de A Koutchevsky. m.e.s. de J Boillot

— Par Domionique Daeschler —
Deux comédiens, artistes permanents du CDN de Thionville, partent de leur enfance (le vécu, le rêvé, l’inventé) pour construire à base d’improvisations, de souvenirs un spectacle avec le dramaturge A Koutchevsky. Très vite en partant d’une photo de classe les deux protagonistes (Régis et Isabelle) qui n’ont pas les mêmes souvenirs en arrivent au questionnement sur le métier d’acteur, le jeu d’identité. Le personnage crée l’imposture pour la bonne cause, pour l’imaginaire. Ils inversent les rôles : celui qui écoute devient le leader et vive versa…C’est une joute amicale qui les conduira à débusquer une imposture dans la vie réelle : l’usurpation d’identité pour extorquer un peu d’attention et d’affection. A moins que ce soit le départ de l’invention d’un personnage… La parole coule comme on parle dans la vie réelle sans volonté d’étayer un raisonnement qui fait démonstration. Dans une salle de classe avec un ordinateur et un écran, ils sont vrais au milieu des spectateurs assis en demi -cercle et cependant ils jouent. ETRE peut aussi se jouer ? Qu’est-ce qui vous construit ? Quelles armes dans une société qui accorde de la place à ceux qui ont pignon sur rue ?

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Avignon 2019. « L’homme qui tua Don Quichotte », d’après Cervantès, m.e s de S. Tcheumlekdjian.

— Par Dominique Daeschler —
Le point d’appui de jeu est un choix risqué. Cervantès, las d’un personnage qui a pris ses aises par rapport à l’auteur décide de rabattre le caquet à ce dernier, de le raconter en le démontant avec toutes ses faiblesses, afin de reprendre son droit d’auteur ! La folie, l’extravagance du chevalier à la triste figure est la plus grande et l’accent mis sur le côté pouilleux du chevalier désargenté accentue son humanité. Le texte est servi par une comédienne qui, jouant tous les personnages, instaure un récit qui sait donner, avec quelques mimiques, chair à chacun avec vivacité et humour. C’est joliment accompagné musicalement. Parce que la notion de jeu dans le jeu est subtile, parce qu’on utilise tous les possibles de l’acteur sans artifice, le pari est gagné.

D.D.

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Avignon 2019. « Claudel » texte et m.e.s. de Wendy Beckett

— Par Dominique Daeschler —

Ce Camille Claudel, à la distribution cosmopolite, doit beaucoup à la complicité entre deux artistes australiennes : la chorégraphe Meryl Tankard et l’autrice, metteuse en scène Wendy Beckett. L’une, membre éminent de la compagnie de Pina Bausch, directrice un temps de l’Australian Dance Theater apporte son sens inné des rencontres entre art visuel, théâtre et danse. L’autre, autrice féconde et férue de littérature et de science, est avec cette pièce au cœur d’un de ses axes de recherche : l’exploration des possibilités artistiques données par les ressorts psychologiques d’une biographie. Nous voilà dans l’atelier, avec les modèles – comme autant de sculptures dansantes, indociles car à façonner, libres comme Camille. Fière, arrogante, sûre de son talent, elle en jette Camille (belle interprétation de Célia Catalifo). Les obstacles sont multiples : une société bloquée quant à la place des femmes surtout dans une discipline dite masculine, la désapprobation d’une mère bourgeoise que Paul le pleutre rejoindra plus tard dans la décision d’enfermer Camille, la lâcheté de Rodin dans le rapport amoureux et déjà sa jalousie dans la reconnaissance d’un grand talent, la mort du père, autant d’éléments qui vont déstabiliser Camille qui se brûle.

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Avignon 2019. « Qui va garder les enfants ? » de Nicolas Bonneau et Fanny Chériaux, m.e.s. de Gaëlle Héraut

— Par Dominique Daeschler —
Seul en scène, dans un récit- reportage, Nicolas Bonneau, avec quelques chaises hétéroclites qui encombrent un escalier, donne le ton. Il campe les femmes politiques qu’il a rencontrées, histoire de comprendre pourquoi elles font encore souvent tâche dans un monde d’hommes, un peu ovni, sorcières ou séductrices, pas vraiment intégrées (tiens, tiens). Serait-on encore dans un colonialisme ? Et puis comme disait Fabius à propos de Ségolène Royal, qui va garder les enfants ? Tout par de cette amoureuse qui lui fauche la place de déléguée de classe et qu’il retrouve plus tard comme déléguée du Nord… Jalousie, égalité hommes -femmes, postes ministériels plutôt dans le social, insultes sexistes jusqu’à l’Assemblée (concert des vagins) : tout y passe. Défilent les plus célèbres : Roudy, Bouchardeau, Cresson, Royal, Merkel, Veil, Taubira. Elles ne céderont pas et prendront place. Le mélange de l’anecdote et de l’analyse sociologique et politique est finement ciselé sans lourdeur ni profession de foi, simplement dans la vie.

D.Daeschler

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Avignon 2019. « Fushigi ». Impro à la manière de Miyazaki, m.e.s. : Ian Parizot. Improvidence.

— Par Dominique Daeschler —
Les spectateurs choisissent une couleur. Pour chacune des couleurs les quatre comédiens en scène ont travaillé sur quelques thèmes et l’improvisation commence. En blanc, ils se fondent dans l’espace scénique sans décors : seuls les mouvements laissent trace, mimant les mots, initiant une image qui apportera la parole de l’autre. C’est farfelu, délirant, partant souvent d’un geste quotidien qu’on a plaisir à dépasser. L’histoire, partant du bleu, nous a conduit dans un aquarium géant avec vol d’une espèce rare…Parfois ça pédale un peu et le rattrapage se fait sur le fil ! On entre facilement dans cet univers inspiré de l’univers du dessinateur japonais Miyazaki, joliment accompagné par une musique et une lumière qui s’adaptent en direct à l’histoire inventée.
D.D.

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À Avignon, le festival Off au bord du burn out

— Par Nedjma Van Egmond —
Avec sa croissance exponentielle (1.592 spectacles), le festival Off d’Avignon, longtemps synonyme de liberté, craint la saturation. L’association qui le chapeaute et des collectifs de compagnies s’activent pour inverser la tendance.

Affiches de spectacles par milliers des pavés jusqu’aux toits, sur les lampadaires et les murs des immeubles. Représentations du matin à la nuit. Pour quelques vrais théâtres, de nombreuses salles éphémères qui poussent comme des champignons au joli mois de juillet avant de se rendormir l’hiver. Ici, une cour d’école ou une classe aménagées, là un garage ou une église. Sur les planches, théâtre classique et contemporain, cirque, danse ou humour plus ou moins fou. Les mots de Shakespeare voisinent avec ceux de Tchekhov, les vannes de Mathieu Madénian avec la prose des frères Grimm. Ainsi va le festival Off d’Avignon, qui, depuis 50 ans, rime avec création, folle émulation… et bientôt saturation.

Lire aussi : « Il faut moraliser le festival Off d’Avignon »

En marge du festival officiel créé en 1947 par Jean Vilar, le Off naît dans l’euphorie libertaire pré-mai 68.

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Avignon 2019. « Nous le peuple européen », d’après Catherine Guibourg, par la Cie Tyr & Sidon

— Par Roland Sabra —

Roland Barthes  à propos de lEurope : «  Il nous faut un théâtre de l’explication et pas seulement un théâtre de l’expression. » C’est à quoi répond le travil de la Cie de Théâtre Tyr & Sydon en présentant «  Nous le peuple européen avec comme sous-titre :  « 6 personnages en quête d’Europe » clin d’œil à la pièce de Pirandello dans laquelle la mise en abyme autour de laquelle elle se construit, ignore de bout en bout le public. La construction européenne se ferait-elle en dehors des peuples qui la concernent les rédusant au rôle de simples spectateurs impuissants ?

Le travail présenté se fixe un double objectif. Premièrement tenter de cerner, si ce n’est de définir une identité européenne en devenir, telle qu’on peut l’appréhender à travers les échanges entre les peuples qui la composent. La libre circulation n’est pas seulement celle des capitaux et des marchandises, elle est aussi celle des hommes et ce sont eux dans leur diversité assumée, revendiquée et affirmée, dans la reconnaissance mutuelle de leur différence mais aussi de leur ressemblance, de leur communauté idéelle qui la feront vivre ou mourir.

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Avignon 2019. « Amitié », de Eduardo de Philippo et Pier Paolo Pasolini, m.e.s. Irène Bonnaud

— Par Michèle Bigot —
Spectacle itinérant

Spectale itinérant: spectacle qui peut se jouer n’importe où, dans un théatre à l’italienne, une salle des fêtes, sur la place du village ou au milieu d’un terrain de football. Autrement dit, un théâtre de tréteaux, dans la plus pure tradition de la comédie italienne, qui ne s’embarrase ni de décor, ni de vidéo ou autre artifice spectaculaire, mais mise sur le costume et les accessoires pour situer un contexte, quitte à articuler les épisodes avec des pancartes. Un théâtre véritablement populaire, fidèle à l’Arte povera, reposant sur le jeu des acteurs, leur présence en scène, leur agileté, leur expressivité, la maîtrise du geste, leur génie du théâtre. La musique y joue un rôle important, le chant, le mime, la parodie du tragique. Ancré dans une tradition qui mêle les registres pour notre plus grand palisir: le dramatique y voisine avec la farce, la satire, la parodie, dans une jonglerie générique astucieuse et convaincante. Il ny a pas besoin de beaucoup d’argent mais il y faut du génie. C’est pourquoi ce style de spectacle se fait rare.

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Avignon 2019. « Le dernier ogre », texte, jeu et m.e.s. Marien Tillet

— Par Roland Sabra —
Le dernier ogre croise deux récits, celui d’un ogre, inspiré du Petit Poucet de Perrault et celui d’une vie somme toute banale, celle d’une famille venue s’installer à la campagne pour changer de mode de vie. Au travers de ces deux récits mêlés et entremêles plusieurs thèmes sont abordés et ils le sont dans une esthétique qui est celle de l’étrange par la mise en exergue de perceptions singulières au travers de destinées, de point de vue d’une inquiétante étrangeté. Le conte du Petit Poucet est plutôt le récit de la mort des sept filles qu’un ogre certes mais père avant tout aimait beaucoup, beaucoup. L’l’abandon de sept petits garçons par une famille misérable est presque anecdotique . Peut-on sympathiser avec un père cannibale mangeur d’enfant surtout quand on se veut végétarien ? Et puis que transmet-on à nos enfants ? Que leur fourre-ton dans la tête ? L’indéfini du pronom est une reprise du texte en ce qu’il implique quiconque se met en position de l’écouter et de l’entendre. C’est de cette adresse impersonnelle que le propos interpelle l’éternel enfant monstrueux, celui qui arrache les ailes aux insectes, aux oiseaux, ce tortionnaire en ouissance qui sommeille dans le spectateur.Et

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