— Par Selim Lander —
Les initiés auront tout de suite compris qu’il sera question du chlordécone, Képone est l’une des marques sous lesquelles cet insecticide fut commercialisé et utilisé dans les conditions (contestables) et avec les résultats (catastrophiques) que l’on sait. Les autres spectateurs ne tarderont pas à se mettre dans le bain grâce aux paroles de la bande son.
Mais auparavant il faudra en passer par le prologue que l’on retrouve dans maintes pièces contemporaines, pendant lequel il ne se passe rien et surtout pas de la danse. En l’occurrence les deux interprètes assises sur des chaises de plage dégustent très lentement une banane sur une musique répétitive qui ne doit pas dépasser cinq ou six mesures. Cette manière d’introduire ces pièces contemporaines est-elle juste une conséquence de la mode du moment ou est-elle destinée à mettre les spectateurs dans un état d’agacement suffisant pour que la suite, quelle qu’elle soit, leur apparaisse comme un soulagement et qu’ils la regardent, de ce fait, sous un œil favorable ? On ne saurait dire.
Toujours est-il qu’on a, pendant ce prologue immobile, tout le loisir de contempler les deux (futures) danseuses et le tableau ne manque pas de sel car elles sont coiffées d’un casque de bananes et vêtues d’une combinaison aux dessins compliqués et chaussées de bottes, le tout dans des teintes de bleu (1), tenue qui pourrait évoquer celle d’un cosmonaute du futur, ce qui justifie la présentation de la pièce comme étant « de manière afrofuturiste », sachant que l’afrofuturisme est défini comme l’appropriation de la technologie et de l’imagerie de la science-fiction par les Africains, les Africains-Américains ou les Afro-caribéens (2).