Catégorie : Patrick Chamoiseau

L’innovation sans crainte

La différenciation des politiques publiques : Enjeu du XXIème siècle

— Par Patrick Chamoiseau, Serge Domi, Hector Élisabeth , Danielle Laport, Philippe Palany (Atelier des Socios) —

atelierdessocios.martinique@gmail.com

Dans sa relation avec la France, la Martinique s’est construite à la fois sur l’extermination, la colonisation, la départementalisation dont l’une des caractéristiques a été l’exode des Martiniquais vers la France, la régionalisation et la territorialisation.

En 2017, la loi sur l’égalité réelle pour l’outre-mer et « son plan de convergence » illustrent les limites et difficultés de l’application des droits issus de la départementalisation. La régionalisation, pour sa part, tente timidement et à la marge de donner un droit à l’initiative locale à travers les habilitations avec la complexité et les limites constatées. La territorialisation, issue du choix de fusionner les conseils régional et général, n’amène rien de substantiel en termes de droit à l’initiative. Il s’agit tout simplement des mêmes compétences déployées par une seule collectivité.

Ces évolutions statutaires et institutionnelles sont le résultat d’une logique fondée sur l’ordre colonial ; cette logique descendante qui impose un cadre dans lequel doit « se mouvoir » la Martinique sans réelle prise en compte de son identité, de ses enjeux, ou de la possibilité d’un quelconque devenir.

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Considérations sur la Grande Grève de Février 2009 en Martinique

— Par Patrick Chamoiseau —
En février 2009, des milliers de martiniquais ont bloqué la Martinique durant plusieurs semaines de suite. Une telle mobilisation reste encore hors de portée des Partis politiques ou des syndicats de ce pays. Il y a là un phénomène d’apparence politique aussi considérable que celui du 22 mai 1848 dans le nord de la Martinique, lequel avait précipité l’annonce de l’abolition de l’esclavage. Seulement, le mouvement de février 2009 n’a débouché que sur une liste de « produits de première nécessité » qui s’est perdue corps et âme dans le cynisme du Marché capitaliste… Comment considérer ce paradoxe ?

Dans une interview menée par Jean Bourgault, le 15 avril 2010, pour la revue les Temps Modernes, Patrick CHAMOISEAU analyse ce phénomène aussi puissant qu’énigmatique sous l’éclairage d’un imaginaire : celui de la Relation…


JEAN BOURGAULT – Quel regard portez-vous sur le mouvement de février 2009 en Martinique ?

Patrick CHAMOISEAU – Il y a plusieurs choses :d’abord ça a été un mouvement tout à fait énigmatique. Croire qu’on pourrait dès aujourd’hui donner des explications claires et définitives et mettre tout cela à plat, enlever les plis, les ombres, l’inconnaissable, ce serait être victime d’une illusion.

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« La Matière d’une absence » : Saint-Pierre, entre vestiges et mémoire

Samedi 24 février, au relais du Parc Naturel Régional de la Martinique (PNRM), l’ouvrage intitulé « La matière d’une absence » a été dévoilé en présence de ses éminents auteurs, Patrick Chamoiseau et Jean-Luc de Laguarigue. Ce livre, édité par le PNRM, offre une plongée captivante dans l’histoire de Saint-Pierre et de ses ruines, mettant en lumière le riche patrimoine culturel de la ville.

L’exploration minutieuse de l’écrivain et du photographe à travers la ville d’Art et d’Histoire a donné naissance à un ouvrage véritablement patrimonial. Ce projet, fruit de la collaboration entre les deux artistes, propose un récit unique, mêlant habilement l’imaginaire et la réalité, capturé à la fois par les mots évocateurs de Chamoiseau et les images saisissantes de Laguarigue.

Lors de la présentation, Patrick Chamoiseau a partagé son enchantement face aux photographies de Jean-Luc de Laguarigue, soulignant la capacité du photographe à rendre visible l’invisible. « La puissance de la vision du photographe permet de rendre visible ce qui n’est pas visible, or c’est l’invisible qui fait la ville de Saint-Pierre », a déclaré l’écrivain. Il a ajouté que les photos ont transformé les ruines en archives historiques, offrant une perspective nouvelle sur l’histoire de la Martinique.

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Conversation épistolaire entre Patrick Chamoiseau et William Parker

En février 2022, au festival Sons d’hiver, le contrebassiste new-yorkais William Parker présenta sa fresque musicale Trail of Tears, évoquant et invoquant les esprits d’un moment tragique de l’histoire nord-américaine : la déportation des Cherokees sur des terres dont ils pensaient qu’elles n’appartenaient à personne. Au même moment ou presque, l’écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau revenait de sa recherche de l’épave du Leusden, navire négrier qui coula avec sa « cargaison », au large des côtes de Guyane, en 1738. Pour aborder comme il se doit de tels sujets dans le tout-monde, et esquisser une nouvelle « cartographie du sensible », Patrick Chamoiseau et William Parker ont entretenu une correspondance, entre l’intime et l’universel, ou le pluriversel, durant les quelques semaines entourant la représentation de Trail of Tears. L’intégralité de cet échange est rassemblé pour la première fois dans ce recueil.

In February 2022, at the Sons d’hiver festival, New York bass player William Parker presented his Trail of Tears musical fresco, evoking and invoking the spirits of a tragic moment in North American history: the deportation of the Cherokee to lands they believed belonged to no one.

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Dix considérations sur un sondage

— Par Patrick Chamoiseau —

Les priorités de la population martiniquaise.
Parmi les sujets de société suivants, quels sont selon vous les trois dont il faudrait s’occuper en priorité?
Lutter contre la vie chère : 68%
Améliorer le système de sante : 61%
Favoriser la formation des jeunes : 44%
Lutter contre l’insécurité : 41%
Lutter contre la pollution par le chlordécone : 29%
Améliorer les transports en commun : 18%
Favoriser le création et le dvpt des entreeprises en Martinique : 13%
Améliorer la distribution de l’eau potable : 12%
Faire évoluer le statut de la Martinique : 3%
Faire du créole une langue officielle de la Martinique : 1%
Source : ETOM Leader des études outremer Octobre 2023

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1/10 – Les préoccupations mises en avant par cette construction sondagière ne sauraient être négligées. Elles confèrent une vertu indéniable à l’activité « politicienne ». Seulement, elles ne sauraient circonscrire l’amplitude d’une action Politique.

2/10 – Le Politique détient l’immense souffle qui manque au pragmatisme politicien — lequel, à force de proximité immédiate, même vertueuse, s’encaye le plus souvent dans du populisme avilissant ou du clientélisme.

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La cuisine relationnelle des Antilles et des Amériques : Un matri-patrimoine méconnu

— Par Patrick Chamoiseau —

Permettez-moi quelques brèves considérations concernant la cuisine qui est la nôtre — celle des Antilles et des Amériques. Dans l’un de mes romans, intitulé Solibo Magnifique, publié en 1988, j’avais indiqué la recette du « Toufé-rétyen ». Cette chair de requin cuite à l’étouffée constituait un des plats emblématiques de l’époque. C’était aussi l’une des gourmandises préférées de ma mère. Je n’ai jamais raffolé du poisson et je ne suis pas un grand amateur de ce « Toufé-rétyen ». Seulement, je reste convaincu que cette recette méritait toute sa place dans mon exploration de l’imaginaire populaire de notre pays, mais aussi de notre créativité collective alors sous-estimée. Ce qui est intéressant, c’est que cette simple évocation avait déclenché une petite polémique. J’avais été accusé « d’auto-exotisme », pour ne pas dire de « doudouisme » par un philosophe martiniquais bien en vue à l’époque. Excusez-moi cette anecdote, mais elle est symptomatique de ceci : même si dans ces années-là, nous avions largement avancé dans la réappropriation de nos patrimoines oubliés — patrimoine de l’habitat, patrimoine de la mémoire orale, patrimoine de la danse, du tambour, de la musique des mornes —, la cuisine était encore considérée comme un symptôme du « localisme ».

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Patrick Chamoiseau et la complexe question des « langues régionales » et des « langues officielles » : une invitation au débat

 — Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue, Montréal —

Le romancier martiniquais Patrick Chamoiseau a publié un article qui doit être lu avec la meilleure attention, « Si nous restons à patauger dans l’imaginaire colonial, la guerre des langues restera en vigueur » (Madinin’Art, 3 septembre 2023). Il s’agit d’un texte intéressant à plusieurs égards et il est tout à fait indiqué que l’un des plus talentueux écrivains de la Caraïbe offre en partage sa réflexion sur des questions linguistiques. Pour mémoire, il y a lieu de rappeler que des écrivains et intellectuels martiniquais de premier plan ont auparavant réfléchi, avec compétence et de manière fort pertinente, sur les langues en contact dans l’aire caribéenne, sur la langue créole, la créolité, la « décréolisation », etc. Du romancier et essayiste Édouard Glissant au linguiste Jean Bernabé, du romancier et lexicographe Raphaël Confiant au philosophe et romancier Alfred Alexandre, l’apport des écrivains et intellectuels martiniquais tant à la littérature qu’à la créolistique mérite d’être revisité et il contribue à enrichir notre réflexion.

Parue dans la revue « Carnets » (Deuxième série, 13/2018) de l’Association portugaise d’études françaises, l’étude trop peu connue d’Adelaide Gregório Fins, « Créolité et voix de résistance chez Édouard Glissant » explore une thématique-clé de l’œuvre d’Édouard Glissant en ces termes : « Édouard Glissant évoque dans Le discours antillais (1997) la nécessité de revenir à la langue créole, ou plus exactement, à une voix française créolisée.

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Si nous restons à patauger dans l’imaginaire colonial, la guerre des langues restera en vigueur

Par Patrick Chamoiseau

Face au risque de voir annuler la décision faisant du créole la langue officielle de la Martinique au côté du français, l’écrivain antillais offre une réflexion sur la notion de « langue officielle » et souligne la nécessité d’accepter que les imaginaires sont multilingues

La résolution du 25 mai de l’Assemblée de Martinique est réjouissante : elle déclare le kreyol [« créole »] langue officielle de la Martinique au côté du français. Cette décision vient s’ajouter à l’adoption d’un hymne, d’un drapeau, aux adhésions à des instances caribéennes, et à d’autres dispositifs certainement à l’étude. Elle vise à conforter notre niveau de conscience collective comme peuple et comme nation. Les élus martiniquais ont enfin quitté les étroitesses économiques, pour s’avancer dans le domaine du politique. Il s’agit pour eux de densifier une présence collective innovante, riche de ses sources, de ses racines, de ses alliances géographiques et historiques multiples. Il s’agit aussi de la projeter (sans assistanat, sans dépendance, loin des morbidités du grand sac « outre-mer ») dans les défis d’un monde qui change. Il s’agit, enfin, de lui faire accéder àune démocratie économique nouvelle, résolument sociale, culturelle, écologique et solidaire… – uneintention globale, susceptible de stimuler notre créativité collective, que j’ai proposé d’appeler dans untexte récent « Faire-pays ».

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Faire-Pays : réimaginer l’interdépendance à l’ère post-capitaliste

Inspiré par les pensées de Patrick Chamoiseau

— Par René Lake —

Les notions d’identité, de nation et d’appartenance ont longtemps été façonnées par le prisme du nationalisme, des revendications d’autonomie et des aspirations à l’indépendance. Toutefois, le monde d’aujourd’hui, un monde d’interdépendance et de connexions globales, exige de nous une reconfiguration radicale de ces conceptions.

Dans la série « Faire-Pays », Patrick Chamoiseau évoque une vision qui, selon lui, dépasse les « nationalismes des années 50 » et les « revendications d’autonomie-indépendance restées inefficientes ». Il envisage un remaniement de notre rapport à la notion de pays non pas dans des « exclusives nationalistes ou des indivisibilités républicaines », mais dans une « intensification tous azimuts de nos systèmes relationnels ». Il plaide pour une ouverture totale : une mobilité accrue, un multilinguisme babélique, un abandon des normes centrées, et la création de partenariats trans-mondiaux.

Pour Chamoiseau, la clé réside dans l’intensification des relations – la création de ponts plutôt que de murs, l’ouverture vers l’extérieur plutôt que l’enfermement. Tout cela, dit-il, suppose une « entrée en responsabilisation post-capitaliste » pour tous.

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L’écriture de la nature ou le texte vivant

Hannes De Vriese s’entretient avec Patrick Chamoiseau

Docteur en littérature française (Université de Toulouse et Ghent University), Hannes De Vriese a enseigné la langue et la littérature dans le second degré et dans l’enseignement supérieur (Universités de Toulouse et de Montpellier). Dans le cadre de ses travaux de recherche, il s’intéresse à la représentation de la nature et du paysage dans la littérature contemporaine, selon une perspective écopoétique et écocritique, et a publié des articles sur plusieurs auteurs, parmi lesquels Claude Simon, Patrick Chamoiseau, Jean-Philippe Toussaint, Sylvain Tesson ou Jean-Loup Trassard. Il s’intéresse également à la pédagogie et au système éducatif et assure actuellement les fonctions d’inspecteur de l’Éducation nationale dans le département du Gers. Il s’entreteient ici avec Patrick Chamoiseau.

Hannes De Vriese

La quatrième de couverture des Neuf consciences du Malfini présente ce texte comme une fable “qui s’empare de la conscience écologique”. Une telle remarque ne pourrait-elle pas s’appliquer à la plupart de vos textes, à Texaco, à Biblique des derniers gestes, au Papillon et la lumière ou encore à L’empreinte à Crusoé, pour n’en nommer que quelques-uns ?

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FAIRE-PAYS, Éloge de la responsabilisation », Patrick Chamoiseau

Nous, de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion ; gens d’ailleurs et de tous les côtés ; acteurs d’associations ou d’organismes non étatiques ; membres de la société civile ; professionnels de l’éducation, de la santé, de la recherche, de l’information, de la prospective, de la coopération internationale ; pratiquants du travail social, des arts, des lettres, du numérique, de la culture…, considérons que le monde d’aujourd’hui est une alchimie de civilisations, de cultures et d’individus ; qu’il résulte de la traite des Africains, des esclavages du Nouveau Monde et du système des plantations, des grandes guerres européennes et de leurs conséquences, du colonialisme en ses méfaits et de son extension capitaliste planétaire ;
que de cette alchimie ont surgi des peuples-nations demeurés indéchiffrables aux clairvoyances des décolonisations ; que ces peuples nouveaux se sont vus embarqués dans des fictions territoriales, identitaires, historiques et culturelles qui n’étaient pas les leurs ; que ces peuples sont demeurés hors d’atteinte, souvent de leur propre conscience, toujours de la conscience de ceux qui les régentent encore ;
que les insuffisances des décolonisations ont favorisé des Etats-nations souverains, antagonistes, compétitifs, dans un dogme de libéralisme économique où la liberté ne concerne que les marchandises, les capitaux et les lois du profit, cela au détriment de l’humain, du vivant, de la planète en son entier ;

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Pour Milan Kundera

— Par Patrick Chamoiseau —

Kundera
La survie des petites nations gît tout entière, c’est vrai, dans l‘éclat de leur art, le lucide de leur rire, l’aérien des vérités qui dansent ; seulement, leurs géographies sont inconnues des cartographes.

Elles sont faites de rencontres.
D’expériences infinies, d’exils qui enracinent, de langues restées vivantes dans le jeu même des autres langues. Elles vont aux formes ouvertes, aux matières sans candeur, aux forces qui lèvent les insolites du vivre et la beauté d’une autre vision du monde. La nôtre, Martinique, que tu as vue avec grand soin, te fait ici, le signe de l’amitié : c’est geste ancien, tigé de l’algèbre d’un pouvoir.

Bien des choses ont changé au Diamant, mais tout ce qui s’y trouve de fidèle, d’immobile, de belle poussière inaltérable, de vagues et d’écume tiède, se souvient.

Milan
Ici, celui qui tient le verbe au jaillissement des sources, ne sait rien du roman ; juste le fleuve de la parole qui habille les nuits et désarme les jours ; juste la lumière sans flambeau qui questionne et qui n’impose rien ; juste la danse la musique et le rire qui réinventent l’antique complexité du vol des papillons.

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« Nous, Caribéens, ne sommes pas prêts, mais nous avons la ressource pour nous accorder aux mutations impérieuses »

Dans une tribune au « Monde », Patrick Chamoiseau, écrivain antillais, estime que, pour s’adapter aux changements climatiques, il faut se tourner vers les temps antécapitalistes et s’inspirer de l’esprit des premiers Antillais, les Kalinagos.

— Par Patrick Chamoiseau —
La modification climatique changera nos vies, mais n’affectera sûrement pas le capitalisme. La perspective est désormais claire : sous son règne, dans une soixantaine d’années, la planète accusera l’impact d’une élévation de température de l’ordre de 3 °C. Pour le monde tel que nous le connaissons, cela signifie un coup d’arrêt aussi brutal que longuement annoncé.

Le dogme mercantile qui nous domine et saccage la planète connaîtra, hélas, d’intensives jouvences dans l’immanence du numérique, les nano-technosciences et l’insondable potentiel de l’intelligence artificielle. A ces sources de regain, ajoutons les découvertes (encore imprévisibles, mais à coup sûr inouïes) qu’apportera l’astrophysique dans ses explorations innovantes du cosmos.

Ma génération connaîtra un réchauffement d’environ 1,5 °C. Celle qui a 20 ans aujourd’hui devra subir 2,5 °C dans le meilleur des cas. Ceux qui naissent maintenant seraient condamnés aux 3 °C montant. Dans tous les cas, les peuples de l’eau, gens des côtes, de l’Océanie ou de la Caraïbe seront confrontés à des transformations radicales, avec comme sinistres architectes : pics de chaleur dantesques, gonflement de l’océan, cyclones exacerbés, tsunamis, sécheresse profonde et inondations folles, acidification marine, blanchiment des coraux, effondrement de leur biodiversité… Un concentré de catastrophes interactives que l’écrivain Gabriel Garcia Marquez [1928-2014] lui-même n’aurait pas pu imaginer.

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Pour Fred Désir

— Par Patrick Chamoiseau —

Voulez vous danser grand-mère…Ti-makak… manman doudou.. Yo…

Un grand musicien a fait silence.

Attentif à toutes les musiques, maître en mélodies subtiles, soucieux du texte qu’il habitait d’une manière inimitable, beaucoup de ses chansons sont maintenant des classiques…

Fred,
ce que la main blessée à ordonné à l’orgue,
je l’ai gardé comme un poème :
la leçon est de sublimation,
le don fut de fraternité,
et l’exemple, toujours,
merci,
de claire humanité.

Frère,
Dans ce que dit le vent
Dans ce que charge la nuit
Tu fais musique fout’, et chante encore.

Patrick CHAMOISEAU
27 05 23.

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Patrick Chamoiseau, Prix Marguerite Yourcenar 2023

« On connaît très mal un écrivain par un seul de ses livres : les harmoniques de l’œuvre nous échappent. »

Marguerite Yourcenar, ``En pèlerin et en étranger« 

C’est donc pour mieux approcher un écrivain, appréhender son univers, (re)découvrir son talent que le Prix Marguerite Yourcenar de la Scam met en lumière un auteur ou une autrice pour l’ensemble de son œuvre.

Beaucoup se souviennent de « l’oiseau de Cham », alias le « rapporteur de paroles » qui orchestrait la spirale polyphonique constituant Texaco. Ce grand roman de la créolité en marche a valu à Patrick Chamoiseau un prix Goncourt retentissant en 1992, six ans à peine après la parution de son premier livre, Chronique des sept misères.

En inventant son chemin sur les traces magiques des conteurs créoles surgis de la catastrophe esclavagiste, son dernier roman, Le vent du nord dans les fougères glacées (Le Seuil, 2022), forme un lumineux diptyque avec l’essai publié, La nuit, le conteur et le panier pour explorer les sources de la création artistique d’une manière inédite, et témoigner ainsi d’une forme d’accomplissement.

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Pour Patrick Chamoiseau, la montagne Pelée est « un sanctuaire de la dignité humaine » qui mérite d’entrer au Patrimoine mondial de l’Unesco

Début 2021, les autorités françaises ont soumis au Patrimoine mondial de l’Unesco la candidature des biens naturels martiniquais que sont la montagne Pelée et les pitons du Carbet. Le comité de classement rendra sa décision courant septembre 2023. L’écrivain martiniquais nous envoie ce texte intitulé « le Volcan liberté ».

La montagne Pelée est l’ultime volcan vivant de la Martinique. Sa morphogenèse (avec ses strates, ses pentes douces ou abruptes, ses bosses veloutées, ses cassures reliées à ces élévations inouïes que sont les grands pitons) constitue à ce jour une singularité géognostique impériale.

Mais c’est aussi un ensemble d’écosystèmes forestiers, végétaux, faunistiques, bien conservés et, dès lors, bondés de trésors endémiques. Il témoigne, d’une sorte exemplaire, de ce chaos-opéra tellurique qui a donné naissance à l’archipel caribéen, tant dans son alphabet géologique, que dans ses œuvres magmatiques où d’innombrables présences vivantes ont trouvé un berceau.

De plus, il est en soi un emblème majeur du volcanisme. Lors de l’éruption de 1902, en révélant au monde l’existence des volcans explosifs, il a offert à la science un ban de connaissances et une classification opérationnelle qui allaient sauver bien des vies.

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À propos du dernier roman de Patrick Chamoiseau : « Le vent du nord dans les fougères glacées »

— Par Michel Pennetier —

Si l’ouvrage est sous-titré « roman » en page de couverture, il est défini comme un  « organisme narratif » en première page du livre, soulignant ainsi une intention narrative particulière de l’auteur. En effet, le narrateur de l’histoire n’est pas censé être l’auteur lui-même, celui-ci donne la parole à un témoin des événements qui aurait rapporté les faits à l’auteur. C’est seulement à la fin du récit que Chamoiseau prend la parole évoquant sa visite chez ce narrateur, un homme très âgé qui lui a raconté des événements fort anciens. Distanciation donc par rapport à un récit qui ne laisse pas de surprendre par son aspect partiellement ésotérique. Le personnage central est un vieux conteur martiniquais que le narrateur a connu mais qui un jour a disparu et dont on ne sait s’il vit encore. Quelques personnes du village se mettent à sa recherche escaladant une montagne, traversant une jungle où le vieux conteur aurait pu se retirer. Le héros du récit est donc caractérisé par son absence et les traces que sa Parole ( on verra pourquoi il faut mettre une majuscule) a laissées dans l’esprit de ses auditeurs.

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« Le Vent du nord dans les fougères glacées » de Patrick Chamoiseau 

— par Michel Herland —

Après plusieurs ouvrages relevant de près ou de loin du genre de l’essai, Patrick Chamoiseau renoue ici avec le roman qu’il semblait avoir abandonné depuis une dizaine d’années. Roman, certes, et roman créole comme les précédents mais tout autant récit fantastique, voire ésotérique en raison des nombreuses références à la physique la plus moderne et la moins accessible au commun des mortels. Le personnage central nommé Boulianno, au centre de tous les propos puis d’une quête à travers la nature martiniquaise mais qui n’apparaîtra jamais, est un maître conteur qui a disparu de la contrée où il exerçait ses talents et laissé désemparés ses nombreux admirateurs.

« Kisé ou pé koupé mé ke ou pé pa fann ? » (qu’est-ce que tu peux couper mais pas fendre ?), c’est avec de semblables devinettes que Boulianno apostrophait son auditoire. Tout cela, après avoir entendu de sa part et réfuté maintes réponses pour le surprendre davantage par une fausse bonne réponse, un chemin de traverse qui le conduira ailleurs : « La rosée du matin, fout !, qui fait vapeur avant le chauffé du soleil, ne peut ni se couper ni se fendre, mes zammi ! 

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Mémoires en translation autour de l’ouvrage de Patrick Chamoiseau « Le Vent du Nord dans les fougères glacées »

Jeudi 08 décembre 2022 / 16h-19h Campus de Schœlcher

Lieu : Amphithéâtre Hélène Sellaye, Université des Antilles, Pôle Martinique

Partenaires : Université des Antilles, CRILLASH EA 4095, Université de Perth (Australie), Librairie Présence Kréol, Trésors de mes Tiroirs, K. Éditions, AKM, Kiron Key, Mairie de Schoelcher, Mélanges Caraïbes, Kapok, Nakan.

Maître de cérémonie : Gérald DÉSERT

Propos fédérateur :

À l’heure où il semble possible de tout enregistrer, la mémoire reste pourtant ce qu’il y a de plus volatile et intangible, et, partant, de difficile à partager. Elle est l’écran de projection vers lequel convergent tous les fantasmes du monde moderne. Celui-ci entend la figer, la diffuser, parfois la confisquer, mais surtout la remettre en scène grâce aux nouvelles technologies de l’image et de communication. Mais, pour tant d’efforts, qu’en reste-t-il, de cette mémoire ?

Retour à la case départ, et à l’Egypte, espace primordial des translations ancestrales, qui fait de Geb le dieu de la terre et de la mémoire, le guide des scribes qui consignent les hauts-faits royaux. Dans le sein du Père-Terre, la Mère-Ciel nourricière, dispensatrice des eaux baptismales, puise aux sources du temps, pour revivifier l’éternel Étant, et se répand en oracles tutélaires.

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Patrick Chamoiseau : « Le système des plantations est la frappe inaugurale du capitalisme-monde d’aujourd’hui »

— Par Stéphane Duchêne —

Littérature / Écrivain, conteur, théoricien de la Créolité, disciple d’Edouard Glissant, et même prix Goncourt 1992 pour son roman « Texaco », l’auteur martiniquais Patrick Chamoiseau vient de publier « Le Vent du nord dans les fougères glacées ». Où il continue d’étudier le conteur, cette figure fondamentale de la culture antillaise depuis l’âge des plantations, et explore la question de la transmission. De passage en ville, il revient avec nous sur cette œuvre et quelques grands concepts de la Créolité. 

Qu’est-ce qui a présidé à ce livre qui semble être un peu une suite de Le Conteur, la nuit et le panier ?
Patrick Chamoiseau :
Le Conteur la nuit et le panier, c’était un peu la mise en forme de mon cours de créativité à Sciences-Po. Dans ce cours, j’explorais l’esthétique du conteur, sa boîte à outils, de manière assez approfondie. Ça fait des années que je réfléchis à cet artiste extrêmement puissant, ce père de la littérature antillaise, puisqu’aux Antilles, nous n’avons pas de bibliothèque à l’origine. Nous avons ce personnage qui, la nuit, pendant les veillées mortuaires, parlait pendant des heures : un fleuve narratif extrêmement complet – le corps parlé, la théâtralité, la danse, le chant.

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Patrick Chamoiseau : « Le système outre-mer est dans un état de pourrissement extrême »

Littérature / Écrivain, conteur, théoricien de la créolité, disciple d’Edouard Glissant, et même prix Goncourt 1992 pour son roman « Texaco », l’auteur martiniquais Patrick Chamoiseau vient de publier « Le Vent du nord dans les fougères glacées« . Où il continue d’étudier le conteur, cette figure fondamentale de la culture antillaise depuis l’âge des plantations, et explore la question de la transmission. […]

Qu’est-ce qui a présidé à ce livre qui semble être un peu une suite de Le Conteur, la nuit et le panier ?

Patrick Chamoiseau : Le Conteur la nuit et le panier, c’était un peu la mise en forme de mon cours de créativité à Sciences-Po. Dans ce cours, j’explorais l’esthétique du conteur, sa boîte à outils, de manière assez approfondie. Ça fait des années que je réfléchis à cet artiste extrêmement puissant, ce père de la littérature antillaise, puisqu’aux Antilles, nous n’avons pas de bibliothèque à l’origine. Nous avons ce personnage qui, la nuit, pendant les veillées mortuaires, parlait pendant des heures : un fleuve narratif extrêmement complet – le corps parlé, la théâtralité, la danse, le chant.

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Dans l’atelier du « Vent du Nord »

Patrick Chamoiseau présente son dernier ouvrage : « Le vent du nord dans les fougères glacées »

ASSOCIATION TOUT-MONDE : J’aimerais approcher du cœur de votre processus créatif en considérant votre dernier ouvrage qui me semble très important. On dit que vous n’aimez pas trop parler de vos livres ?

Patrick CHAMOISEAU : Un peu. Je suis toujours un peu embarrassé quand il faut parler d’un livre. Pour moi, un texte est le résultat d’une cérémonie émotionnelle qui produit quelque chose que je ne comprends pas totalement. Je préfère idéalement laisser le contact, la perception, s’effectuer librement entre le lecteur et le texte. J’ai donc tendance à considérer que ce que je peux dire n’a pas grande importance. Donc, vous avez raison, le plus utile pour tout le monde est que je puisse en donner quelques éléments d’échafaudage.

L’échafaudage est tout ce qui il y a autour d’une construction, en l’occurrence ici, autour de l’acte de création. C’est l’intention, c’est tous les dispositifs qui aident au geste créateur, à l’écriture, ça je peux vous en parler. Cela vous donnera une idée de ce que j’avais dans la tête quand je me suis lancé dans cette alchimie particulière que représente chaque livre.

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Pour en finir avec l’Outre-mer

« Le système outre-mer a généré un syndrome du poulailler, où aucune poule ni aucun coq vaillant n’a le cœur à voler »

— Par Patrick Chamoiseau —

Le président de la République française devrait profiter de sa rencontre, mercredi 7 septembre, avec les présidents des collectivités, régions et départements non hexagonaux, pour embraser d’une flambée de lucioles cette ténèbre d’archaïsmes et d’aberrations qu’est le « système outre-mer ».

Depuis l’appel de Fort-de-France [le 17 mai, les présidents de plusieurs collectivités, régions et départements d’outre-mer avaient solennellement appelé l’Etat à un changement profond de politique ultramarine], ces élus de terrain, confrontés à des difficultés insurmontables, ont en substance réclamé au gouvernement plus de « responsabilité » domiciliée. Le phénomène est assez inhabituel pour que le plus haut responsable politique de la France se saisisse de l’appel. D’habitude, les interpellations unanimes à ce niveau politique relèvent plutôt du secours, de l’exonération fiscale, de la subvention ou du rattrapage d’un retard millénaire. C’est donc l’occasion pour la France d’assainir son rapport à ces terres lointaines, de refonder l’économie-conteneurs régnante, mais surtout, à mon sens, de réoxygéner les fondements de sa présence au monde en tant que grande nation.

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Éthique et publicité

Patrick Chamoiseau éveilleur de consciences !

— Par Marcel Luccin —

Spectacle audiovisuel; exploit sportif, incroyable succès populaire.
Ce qui gâche l’affaire : ces voiles réduites à des panneaux publicitaires :
 » William Saurin attaque Mac Donald… »
Les sponsors en guise d’éthique,
devrait mettre fin à cette indécence…
Aider sans dénaturer…

Patrick Chamoiseau

Nos intellectuels peuvent-ils penser à tout ou alors, y a-t-il des sujets plus pertinents que d’autres ? De manière impromptue Patrick Chamoiseau place les courses de yoles rondes au cœur d’une réflexion fondamentale. Il nous invite à faire le lien entre éthique et publicité, dans un contexte de délabrement des mœurs et d’exigences sociales.

A l’évidence, tout un pan de la culture et du patrimoine martiniquais est douloureusement mis à l’épreuve par des publicités omniprésentes. Ce phénomène, révèle à la fois une forme de violence sournoise et une vigilance collective qui se dégrade. Autant que le mécénat est présent partout, la pensée de Patrick Chamoiseau est limpide et pédagogique. Elle met en évidence la fragilité d’une pratique sportive « divertissement » partie de rien, devenue soluble dans de la publicité.

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« Le vent du nord dans les fougères glacées », de Patrick Chamoiseau

Parution le 08 octobre 2022

« Boulianno Nérélé Isiklaire était espécial. Il savait des choses sur le profond du conte, sur la Parole qui demande majuscule, sur la lutte contre la mortalité… Il avait développé une connaissance de tout cela dans le secret de son esprit. »

Le dernier maître de la Parole a gagné les hauteurs de Sainte-Marie, dans le nord de la Martinique. Depuis, il demeure inaccessible et silencieux. Malgré son grand âge, Boulianno n’a initié aucun successeur à son savoir exceptionnel, lequel risque de se perdre à jamais.

Avant que son retrait ne soit définitif, des gardiens de la tradition orale se lancent en convoi sur ses traces improbables dans les mornes pour qu’il désigne un héritier et lui offre en legs le secret de sa poésie.

Entre tradition et modernité, entre rire et mémoire, entre passé et futur, entre la vie et la mort, ils se retrouvent plongés sans le vouloir dans les complexités insondables du monde de la Parole que symbolise le vent du nord.

Patrick Chamoiseau, prix Goncourt 1992, grande voix de la littérature contemporaine, renoue ici avec sa veine narrative riche en personnages inoubliables.

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