Catégorie : Sociologie

La Mutinerie de Balata : dialectique de l’oubli et résurgence mémorielle

« C’est une page d’histoire oubliée, que bien des Martiniquais eux-mêmes ignorent » : cette assertion liminaire pose d’emblée la question de l’amnésie collective qui frappe la mutinerie du camp de Balata, événement cardinal du basculement de la Martinique dans la France Libre de De Gaulle en juin 1943. Car il y a dans cette méconnaissance généralisée, qui touche jusqu’aux descendants directs des protagonistes de l’époque, bien plus qu’un simple effet d’érosion temporelle : une véritable économie politique de la mémoire où s’articulent les mécanismes de l’oubli institutionnel et les stratégies de résurgence mémorielle.

L’épisode de Balata s’inscrit dans cette temporalité complexe où l’histoire immédiate, celle qui se joue dans l’urgence de l’action – la mutinerie du commandant Henri Tourtet et de ses 200 hommes le 29 juin 1943 -, se trouve rattrapée, phagocytée par les grands récits structurants qui organisent la mémoire collective martiniquaise. D’un côté, l’histoire officielle de la départementalisation de 1946, cette intégration dans l’ensemble républicain français qui efface les aspérités de la période vichyste ; de l’autre, la figure romanesque des dissidents, ces jeunes héros partis dès 1939 sur de « frêles esquifs » rejoindre les forces gaullistes, incarnation parfaite de l’épopée résistante telle que la République aime à se la raconter.

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Pour Ina Césaire, celle qui fit parler la mémoire.

— Par Patrick Singaïny —

Écrivain et essayiste.

Auteur avec Ina Césaire de « Aimé Césaire, 10 ans déjà ! », L’Esprit du Temps, 2018.

C’est avec un pincement au cœur tout particulier que j’ai appris le départ d’Ina Césaire pour le paradis des éveilleurs de conscience, au bout de ce petit matin d’une nuit fraîche de l’hiver austral de l’île de la Réunion, mon île natale. Dans « mon ici », en situation d’exil, je dois avouer qu’à travers mes chroniques et autres textes, je fais souvent des allers-retours avec l’univers poétique martiniquais auquel je dois tant. Si l’une des conversations fondatrices avec Aimé C. me revient très souvent en bouche lors d’une conférence ou d’une prise de position, le souvenir émouvant des conversations avec Ina C. – sa voix particulière – dans son appartement foyalais continue encore aujourd’hui de m’accompagner de façon fragmentaire, probablement parce que je n’ai pas eu le temps de lui dire au revoir de vive voix.

« La Femme en Blanc »

10 ans après ces conversations d’une grande richesse, nous avons effectivement repris nos échanges pour faire aboutir un vieux projet : celui de publier le texte qu’elle avait écrit avec l’encre de ses larmes lors des funérailles nationales de son père.

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« Malcolm X, colère noire », écrit par Romain Weber et réalisé par Yvon Croizier

Un podcast à écouter en ligne | France Culture

Malcolm X, colère noire est une série documentaire qui explore la vie, le combat et l’héritage de Malcolm X, une figure emblématique de la lutte pour les droits civiques des Afro-Américains dans les années 1960. À travers cinq épisodes, cette série nous plonge dans la complexité de son parcours, de ses contradictions et de son radicalisme, qui s’inscrit en contraste avec la figure de Martin Luther King.

Le récit commence par l’assassinat de Malcolm X, survenu à Harlem le 21 février 1965, et retrace son évolution de l’homme né dans les bas-fonds jusqu’à sa rupture avec la Nation of Islam. Grâce aux témoignages d’historiens, de chercheurs et de proches, notamment sa fille Ilyasah Shabazz, cette série révèle un Malcolm X à la fois adoré et haï, traversé par une colère profonde mais aussi par des moments de rédemption.

Chaque épisode explore une étape clé de sa vie : de son enfance marquée par la ségrégation, à ses années de prison, puis à sa montée en puissance en tant que leader du mouvement des droits civiques.

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Ina Césaire (1942 – 2025)

Ina Césaire, dramaturge, ethnographe et professeure d’université, est décédée le mardi 24 juin 2025, en Martinique, à l’âge de 83 ans.

Née en 1942, elle était la fille d’Aimé Césaire, poète et homme politique, et de Suzanne Roussi Césaire, essayiste. Elle grandit dans un environnement intellectuel marqué par l’engagement littéraire et politique, où les questions de mémoire, de culture et d’identité sont centrales.

Formée en ethnologie, Ina Césaire entame une carrière universitaire en France. Spécialiste des cultures créole et peule, elle enseigne à Paris, à la Sorbonne, mais aussi à Moscou et aux États-Unis. Elle est directrice de recherches au CNRS, où elle mène des travaux sur les cultures caribéennes, avant d’être nommée chargée de mission à la conservation du patrimoine de Martinique. Elle réalise également des films ethnographiques, notamment sur les rites du Mercredi des Cendres et de la Toussaint.

Son œuvre littéraire, composée de contes, de pièces de théâtre, de romans, de poésie et d’essais, s’ancre dans une volonté constante de transmission culturelle. Elle recueille et publie des contes traditionnels martiniquais et guadeloupéens, souvent en version bilingue créole-français. Ses ouvrages comme Contes de mort et de vie aux Antilles (1976), Contes de nuits et de jours aux Antilles (1989) ou Zonzon Tête Carrée (1994) rendent compte, à la fois avec humour et acuité, des dynamiques sociales, linguistiques et genrées des sociétés antillaises.

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Et si les humains cessaient de naître ?

— Par Michael A. Little. —

Très peu de personnes vivent au-delà d’un siècle. Ainsi, si plus personne n’avait d’enfants, il ne resterait probablement plus d’humains sur Terre dans 100 ans. Mais avant cela, la population commencerait à diminuer, à mesure que les personnes âgées mourraient sans qu’aucune nouvelle naissance ne vienne les remplacer. Même si toutes les naissances cessaient soudainement, ce déclin serait au départ progressif.

Mais peu à peu, il n’y aurait plus assez de jeunes pour assurer les tâches essentielles, ce qui provoquerait un effondrement rapide des sociétés à travers le monde. Certains de ces bouleversements mettraient à mal notre capacité à produire de la nourriture, à fournir des soins de santé et à accomplir tout ce dont dépend notre quotidien. La nourriture se ferait rare, même s’il y avait moins de bouches à nourrir.

Un effondrement subit des sociétés

En tant que professeur d’anthropologie ayant consacré ma carrière à l’étude des comportements humains, de la biologie et des cultures, je reconnais volontiers que ce scénario n’aurait rien de réjouissant. À terme, la civilisation s’effondrerait. Il est probable qu’il ne resterait plus grand monde d’ici 70 ou 80 ans, plutôt que 100, en raison de la pénurie de nourriture, d’eau potable, de médicaments et de tout ce qui est aujourd’hui facilement accessible et indispensable à la survie.

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Texte de la CGTM sur la question de la vie chère

• Il n’y aurait pas eu d’Assises Populaires sur la Vie Chère s’il n’y avait pas eu le mouvement de masse initié par le RPPRAC et soutenu notamment par la CGTM, la CDMT et certains partis politiques.

• Il n’y aurait pas eu d’Assises Populaires sur la Vie Chère sans les puissantes manifestations aussi bien en Martinique que dans l’Hexagone par le mouvement initié en Martinique.

• Il n’y aurait pas eu d’Assises Populaires sur la Vie Chère sans l’explosion de colère dans les quartiers de Fort-de-France à la fin de l’année 2024.

• Il n’y aurait pas eu d’Assises Populaires sur la Vie Chère si la presse française et internationale n’avait pas relayé le mouvement de masse et de rue contre la vie chère.

Ce mouvement de masse venu des quartiers pauvres a fait peur au pouvoir et à une partie de la classe politique.

C’est finalement lui qui a obligé le groupe Bernard Hayot (GBH) à dévoiler des bénéfices de plus de 220 millions en 2023 et en même temps des subventions de 55 millions de l’État. Tout un chacun a pu se rendre compte que l’argent public servait bien à renflouer les grosses sociétés.

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« Sommes-nous tous racistes ? »

En replay sur France 2 

Soirée-événement contre le racisme et les discriminations

Diffusée sur France 2, l’émission « Sommes-nous tous racistes ? » propose une plongée inédite et dérangeante dans les méandres de nos biais inconscients. Ce programme, présenté par Marie Drucker et Jamy Gourmaud, accompagné de l’acteur et réalisateur Lucien Jean-Baptiste et du psychosociologue Sylvain Delouvée, s’appuie sur une série d’expériences scientifiques rigoureusement validées pour interroger une question aussi simple qu’essentielle : sommes-nous tous, malgré nous, porteurs de préjugés racistes ?

Pour le découvrir, 50 volontaires – représentatifs de la société française – ont accepté de participer à ce qu’ils pensaient être une émission sur les mystères du cerveau. En réalité, ils sont soumis à des mises en situation conçues pour révéler, à leur insu, leurs réflexes discriminatoires.

Parmi ces tests : dans une salle d’attente, à côté de qui vont-ils s’asseoir, entre un homme blanc et un homme noir, tous deux vêtus de la même manière ? Jugent-ils de la même façon un accusé blanc et un autre d’origine maghrébine ? Reconnaissent-ils aussi facilement un visage asiatique qu’un visage européen ?

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Haïti : un record de 1,3 million de déplacés en raison de la violence des gangs

Un nombre record de près de 1,3 million de personnes ont été forcées de fuir les violences des gangs en Haïti pour trouver refuge ailleurs dans ce pays des Caraïbes, a indiqué mercredi une agence des Nations Unies.

 Cela représente « une augmentation de 24 % depuis décembre 2024 », a souligné l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), relevant que « cette hausse représente le plus grand nombre de personnes déplacées par la violence jamais enregistré dans le pays ». ( Illustration : Un membre du personnel de l’OIM évalue les besoins des personnes déplacées par la violence en Haïti.© IOM/Antoine Lemonnier)

« Derrière ces chiffres se cachent tant de personnes dont la souffrance est incommensurable : des enfants, des mères, des personnes âgées, dont beaucoup ont été forcés de fuir leur maison à plusieurs reprises, souvent sans rien, et qui vivent maintenant dans des conditions qui ne sont ni sûres ni durables », a déclaré Amy Pope, Directrice générale de l’OIM.

Réunion au siège de l’ONU

Ces chiffres ont été publiés alors qu’une réunion est organisée ce mercredi au siège de l’ONU à New York par le Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) et la Commission de consolidation de la paix (CCP) avec pour thème « Construire et pérenniser la paix en Haïti ».

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En solidarité avec les Sept d’Océanis

Honneur et respect pour nos combattants attaqués, une fois de plus, par l’appareil judiciaire du Pouvoir Colonial !

— Communiqué du CNCP —

Soyons-en bien conscients : plus notre lutte pour la souveraineté et l’émancipation progressera, plus le Pouvoir colonial intensifiera la répression judiciaire et Policière. C’est d’ailleurs, de sa part, une stratégie pensée pour nous emprisonner de façon permanente dans un cycle de manifestations de protestation qui nous empêche de développer notre propre stratégie de libération. De fait, il peut se réjouir en constatant, qu’après chaque rassemblement devant ses tribunaux, nos forces s’éparpillent jusqu’à la prochaine manifestation.

Ce qui ferait vraiment peur au Pouvoir Colonial et qui répondrait à son arrogance c’est qu’à la fin de chaque manifestation chacun et chacune de nous reparte travailler à saper les bases de sa domination. Ce qui l’ébranlerait vraiment, c’est que nous imposions notre tempo et que nous mettions en œuvre une stratégie globale et offensive.

Aujourd’hui, de plus en plus nombreux sont ceux qui reconnaissent que la domination coloniale nous maintient dans une nasse. La majorité de notre Peuple est consciente que les autorités françaises mènent une offensive pour s’attaquer à l’existence même de notre Peuple : génocide par substitution, spoliation des terres, destruction des petites et moyennes entreprises martiniquaises, etc.

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Victor Treffre, maître du bèlè et militant culturel, est décédé

Victor Treffre, né le 16 septembre 1941 à Fort-de-France dans le quartier Bô Kannal, est décédé à l’âge de 83 ans. Figure reconnue du bèlè martiniquais, il a consacré une grande partie de sa vie à la pratique, au développement et à la transmission de cette tradition musicale et culturelle.

Adolescent, il découvre le danmyé, forme martiniquaise de lutte traditionnelle, ainsi que le bèlè, musique et danse traditionnelles. Après son service militaire, il s’engage dans la vie associative de Fort-de-France. Il rejoint la Fédération des Œuvres Laïques où il exerce comme animateur-chant.

Dans les années 1960, il participe au comité directeur du Club des jeunes de Bô Kannal, puis au groupe « Rénovation », qui deviendra en 1973 l’association Tanbou Bô Kannal. Il est l’un des membres fondateurs de cette association culturelle, qui joue un rôle important dans la valorisation du bèlè au cœur de Fort-de-France.

Au cours de sa carrière, Victor Treffre collabore avec de nombreux artistes de la musique martiniquaise et caribéenne, comme Ti-Émile, Ti-Raoul, Alain Marlin, Dédé Saint-Prix, mais aussi des groupes tels que Kassav et des musiciens comme Mario Canonge.

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La face cachée du soutien aux associations

— Par Les Vélos Marin Martinique 
Souvent présentées comme un levier essentiel, les subventions sont censées financer des projets, encourager la participation citoyenne et renforcer les dynamiques territoriales. Mais notre expérience avec Les Vélos Marin Martinique nous a confrontés à une réalité bien plus complexe. Loin d’être un simple appui, ces financements conditionnent en profondeur l’orientation des associations. De manière implicite, parfois insidieuse, ils les poussent à se conformer à des logiques souvent éloignées des besoins réels du terrain. Cette dynamique transforme des objectifs qui devraient être , endogènes et ancrés dans les réalités sociales, en projets standardisés . Les critères de sélection de dossiers sont rigides, et le suivi ainsi que la communication des institutions offrant ces financements sont eux-mêmes impersonnels et déconnectés. Ces éléments limitent, voire empêchent, des approches ou des initiatives pourtant porteuses d’un fort potentiel de transformation sociale. Plutôt que de soutenir ces dynamiques organiques, les subventions tendent à les orienter, à les influencer, et de plus en plus souvent, même dès la genèse d’un projet, à les dénaturer.

Un constat de terrain, notre propre expérience

Le contexte local nous a conduits à adopter un modèle basé sur la gratuité, non par idéologie, mais à la suite d’une observation des réalités du terrain.

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« Schwarz-Bart, de la littérature à la musique. Itinéraire du jazzman Jacques Schwarz-Bart » par Esther Eloidin

Éditions : Caraïbéditions

Dans Schwarz-Bart, de la littérature à la musique, l’autrice et chercheuse Esther Eloidin nous invite à plonger dans l’univers foisonnant et singulier de Jacques Schwarz-Bart, saxophoniste de renommée internationale, porteur d’un héritage culturel d’une richesse rare. Ce livre dresse le portrait sensible et vibrant d’un musicien aux multiples influences, à la croisée des cultures caribéennes, juives et afro-américaines.

Fils du romancier André Schwarz-Bart, Prix Goncourt 1959 pour Le Dernier des Justes, et de Simone Schwarz-Bart, figure majeure de la littérature antillaise (Pluie et vent sur Télumée Miracle, L’Ancêtre en Solitude), Jacques Schwarz-Bart est né au sein d’un foyer où la création artistique était au cœur du quotidien. L’ouvrage met en lumière l’influence de ce double héritage littéraire sur la trajectoire musicale de Jacques, qui a su traduire en notes ce que ses parents exprimaient par les mots.

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Nicole Croisille (1936 – 2025)

La chanteuse, comédienne et danseuse Nicole Croisille est décédée le 4 juin 2025 à Paris, à l’âge de 88 ans, des suites d’une longue maladie. Artiste aux multiples talents, elle laisse derrière elle une carrière de plus de six décennies, marquée par une grande diversité de styles et de registres.

Née le 9 octobre 1936 à Neuilly-sur-Seine, Nicole Croisille était la fille unique de Jean Croisille, accompagnateur de voyages, et de Germaine Decorde, pianiste amatrice. Elle grandit dans un environnement sensible à la musique classique, bercée par les œuvres de Chopin et Liszt que sa mère jouait à la maison. Formée dès son plus jeune âge à la danse classique, elle manifeste très tôt un fort désir de scène, malgré les réticences de son père. Adolescente, elle découvre le jazz dans les caves de Saint-Germain-des-Prés, une révélation qui influencera durablement son parcours.

À la fin des années 1950, elle se forme au mime auprès de Marcel Marceau et intègre sa troupe pour une tournée en Amérique du Sud en 1957, puis aux États-Unis en 1960. Passionnée par les comédies musicales américaines, elle enchaîne les engagements outre-Atlantique : meneuse de revue à Reno, chanteuse au Playboy Club de Chicago, participation à la tournée des Folies-Bergère à New York.

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Ngũgĩ wa Thiong’o (1938–2025)

Auteur kényan, géant des lettres africaines, qui a affronté l’héritage  culturel colonial

L’écrivain kényan Ngũgĩ wa Thiong’o est décédé le 28 mai 2025 à l’âge de 87 ans, à Buford, dans l’État de Géorgie (États-Unis). Figure majeure des littératures africaines, il laisse derrière lui une œuvre abondante, traduite dans près de quarante langues, et marquée par une réflexion continue sur les rapports entre culture, langue et pouvoir.

Né le 5 janvier 1938 à Kamiriithu, dans la région de Limuru au Kenya, alors colonie britannique, Ngũgĩ – de son nom de naissance James Ngugi – grandit dans un contexte politique tendu, marqué par l’insurrection des Mau Mau. Après une scolarité brillante qui le conduit de l’Alliance High School à l’université de Makerere (Ouganda), puis à celle de Leeds (Royaume-Uni), il publie son premier roman Weep Not, Child en 1964. L’ouvrage aborde les tensions coloniales à travers le regard d’un enfant, déjà révélateur des préoccupations politiques et culturelles qui nourriront toute son œuvre.

Tout au long des années 1960 et 1970, Ngũgĩ s’impose comme l’un des intellectuels les plus influents du continent africain.

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Mohamed Lakhdar-Hamina, (1934- 2025)

Mohamed Lakhdar-Hamina, cinéaste algérien de renom, s’est éteint à l’âge de 91 ans, le 23 mai 2025, à Alger, jour même où le Festival de Cannes célébrant les 50 ans de sa Palme d’or pour Chronique des années de braise, projeté dans sa version restaurée. Ce film, fresque monumentale sur la guerre d’Algérie, reste à ce jour l’unique œuvre africaine à avoir remporté la prestigieuse distinction. Lakhdar-Hamina, un homme du combat et de la création, laisse derrière lui une œuvre marquante, fidèle à son engagement pour la dignité de son peuple et la mémoire de son pays.

Né le 26 février 1934 à M’Sila, dans les montagnes de l’Aurès, il grandit dans une famille modeste, marquée par la dureté des conditions de vie et l’oppression coloniale. La guerre d’Algérie fut un tournant dans sa vie. Son père fut enlevé, torturé et assassiné par l’armée française, un drame qui forgea en lui une volonté de résistance. Mohamed Lakhdar-Hamina, en désertant l’armée française en 1958, rejoint la lutte pour l’indépendance aux côtés du FLN, tout en poursuivant sa passion naissante pour le cinéma.

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Marcel Ophüls (1927-2025)

L’Histoire en question

Le cinéma perd une figure marquante. Marcel Ophüls, réalisateur oscarisé et pionnier du documentaire historique, est décédé le 24 mai 2025, à l’âge de 97 ans, dans sa maison du sud-ouest de la France, où il vivait depuis plusieurs années. Fils du cinéaste Max Ophüls, il s’était fait un nom au-delà des frontières grâce à sa capacité unique à interroger l’Histoire, à déconstruire les mythes et à nous confronter à la mémoire du XXe siècle.

Né Hans Marcel Oppenheimer le 1er novembre 1927 à Francfort-sur-le-Main, dans la République de Weimar, Marcel Ophüls a connu dès son enfance les tumultes du siècle. Fuyant l’Allemagne nazie avec sa famille en 1933, il se réfugie d’abord en France avant de traverser l’Atlantique vers les États-Unis en 1941. Après une expérience en tant que G.I. au Japon, il s’installe à Paris en 1950, où il travaille comme assistant-réalisateur, notamment sur le dernier film de son père, Lola Montès.

L’empreinte de son père, mais aussi son propre parcours et ses origines multiples, nourriront toute son œuvre. Tout au long de sa carrière, Ophüls a su naviguer entre fiction et documentaire, mais c’est bien dans ce dernier genre qu’il marquera son époque.

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22 mai 2025 à Fonds Saint Jacques : Des gestes pour ouvrir et apaiser le lieu

— Par Jean-Marc Terrine –

J’ai vu des images, photos et vidéos, d’une célébration du 22 mai en Martinique, sur le site dit du « cimetière des esclaves » de Fonds Saint Jacques. Le mot cimetière me dérangeait encore, parce qu’un cimetière est un lieu où l’on enterre ses morts, ses défunts après un rituel-veillée, une cérémonie et un enterrement. Un lieu où l’on met le corps, ko-a, dans un caveau ou dans la terre après l’avoir retournée, préparée. Et non un trou, une excavation où on lâche des morts sans être préparés pour un voyage aux pays des sans chapeaux.

C’est cette histoire, notre histoire post-esclavagiste qui me permet, avec le temps de comprendre
pourquoi nos grands-parents et même nos parents avaient ce regard sur la mort. Partir, oui, c’est la vie mais dignement : veillée, cérémonie religieuse, enterrement dans un cimetière et surtout ne pas être inhumés dans la terre mais dans un caveau.

Quand on ne connaît pas bien tous les pendant de notre histoire, cela peu amuser la galerie. Mais cette phobie de la terre, cette blesse commence à trouver son explication avec le temps.

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Le 23 mai : Journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage colonial

Le 23 mai est l’une des deux dates nationales françaises consacrées à la mémoire de la traite négrière et de l’esclavage colonial. Cette journée rend hommage aux millions de femmes, d’hommes et d’enfants arrachés à l’Afrique, déportés et réduits en esclavage pendant plus de deux siècles dans les colonies françaises. Reconnu comme crime contre l’humanité par la loi du 21 mai 2001, cet esclavage fait l’objet d’un devoir de mémoire essentiel.

Née de la marche historique du 23 mai 1998, qui rassembla 40 000 personnes à Paris pour honorer leurs ancêtres esclaves, cette journée est le fruit d’un long combat mené par les descendants d’esclaves, notamment le CM98. Elle a conduit à la reconnaissance officielle des victimes de l’esclavage colonial et à la création de mémoriaux à travers la France, en particulier en Île-de-France.

Le 23 mai est aujourd’hui un temps fort du souvenir et de la transmission. En 2025, cette journée s’annonce comme un moment d’intense recueillement, de partage et de fraternité. Elle sera marquée par des cérémonies commémoratives – républicaines et religieuses – et par un grand rassemblement culturel sur le parvis de la Basilique de Saint-Denis.

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Paul Rastocle (1932–2025)

Tanbouyé martiniquais et figure du bèlè

Paul Rastocle, musicien martiniquais et tanbouyé reconnu, est décédé le mardi 20 mai 2025 à l’âge de 93 ans. Né en janvier 1932 dans le quartier de Lassalle à Sainte-Marie, il a marqué de son empreinte la tradition du bèlè, à laquelle il a consacré la majeure partie de sa vie.

Issu d’une fratrie dans laquelle plusieurs membres se sont investis dans la culture martiniquaise — notamment son frère Benoît Rastocle — Paul découvre le tambour bèlè dès l’adolescence, aux alentours de 13 ans. Ce n’est pas dans le cadre familial qu’il apprend cet art, mais auprès d’un modèle extérieur : Anasthase « Féfé » Marolany, tanbouyé reconnu, dont il observe minutieusement la technique et adapte le jeu à sa propre main dominante.

Charpentier de formation, il travaille plusieurs années comme ouvrier, d’abord dans les champs de canne de l’habitation Union, puis dans une entreprise samaritaine, avant de terminer sa carrière professionnelle comme employé municipal à la mairie de Sainte-Marie. En parallèle, il continue à pratiquer le tambour bèlè dans divers contextes, notamment dans les Kay Bèlè de sa jeunesse.

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Pierre Lafarge (1963–2025)

Pierre Lafarge est décédé le 17 mai 2025 à l’âge de 61 ans, des suites d’une longue maladie.

Animateur et producteur, il a marqué durant près de quarante ans le paysage audiovisuel martiniquais, d’abord à la radio RV7, puis au sein de RFO Martinique, devenue Martinique La 1ère. Il y a animé de nombreuses émissions culturelles, à la radio comme à la télévision, parmi lesquelles Mélod’hits, Tempo sur RFO, Notes d’hier et d’aujourd’hui ou encore Le grand bain.

Originaire de Vitry-sur-Seine, Pierre Lafarge s’était installé en Martinique à la fin des années 1980. Il y avait trouvé une terre d’adoption qu’il n’a plus quittée. Passionné de musique et de culture caribéenne, il a consacré sa carrière à mettre en valeur les artistes, les œuvres et les trajectoires, avec rigueur, écoute et simplicité.

Travailleur exigeant et discret, apprécié de ses collègues et du public, il s’était imposé comme une figure respectée du monde des médias.

À sa famille, ses proches et ses collaborateurs, Madinin’Art adresse ses sincères condoléances.

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Tropique Atrium, salue la mémoire de Pierre Lafarge

C’est avec une grande émotion que nous avons appris le décès de Pierre Lafarge, qui en plus de 35 ans de carrière était devenu une signature du paysage audiovisuel martiniquais.

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Werenoi (1994-2025)

Jérémy Bana Owona, plus connu sous son nom de scène Werenoi, est mort le 17 mai 2025 à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, à l’âge de 31 ans. La cause de son décès, confirmée par ses proches, est une défaillance cardiaque. Il devait se produire en concert le soir même à Lyon.

Originaire de Montreuil, en Seine-Saint-Denis, Werenoi était né le 30 janvier 1994 à Melun, de parents camerounais. Il avait toujours choisi de préserver sa vie personnelle, refusant de se conformer aux codes de l’exposition permanente sur les réseaux sociaux. Une pudeur assumée : « Je préfère le mystère. J’en dis assez sur moi dans mes textes », disait-il au Parisien en 2024.

Révélé en 2021 avec le titre Guadalajara, il avait très rapidement marqué les esprits par un style singulier mêlant voix autotunée, récits rugueux et mélodies sombres. Après avoir brièvement collaboré avec le label AWA, il avait fondé sa propre structure, PLR Music, distribuant ses œuvres de manière indépendante.

Son ascension a été rapide. Son premier EP Telegram paraît en 2022, suivi de trois albums — Carré (2023), Pyramide (2024) et Diamant noir (2025) — tous classés numéro un à leur sortie.

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TRANSAGLO : Accord de fin de conflit

— Communiqué de la CGTM —
Après 33 jours de lutte, les grévistes de la société TRANSAGLO ont signé le 13 mai 2025 un protocole d’accord de fin de conflit et de reprise du travail au bout de 5 heures de négociation.
Ils ont obtenu entièrement satisfaction sur leurs deux principales revendications :
• Une revalorisation du salaire de 100 euros nets par mois et par salarié à compter
du 1er janvier 2025,
• L’attribution d’une prime de 13ème mois.
En présence du président de Martinique Transport et de représentants de la DEETS, ils
ont conclu un « accord d’entreprise », ce qui avait été proposé très tôt et que le gérant
refusait jusque-là. De ce fait, ils ont refusé de supporter des pertes de salaires à cause de l’obstination du gérant qui a fini par accepter leur proposition.
Cet accord est le résultat de la détermination de travailleurs qui sont restés unis du début à la fin, en dépit des critiques entendus ça et là, mais également des soutiens très surprenants apportés au gérant.
C’est aussi le résultat du soutien fraternel et sans faille, tout au long du mouvement, de travailleurs exerçant dans le secteur du transport urbain et interurbain (RTM, RDC, Transurbain, Transnav, etc.),

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De l’argile au copier-coller : l’écriture en quête d’infini

— Par Pierre Jamet (*) —

L’écriture naît sous le signe de l’économie et de la mémoire (comptabilité pastorale, enregistrement de dettes). Vers 3200 avant J.-C., à Sumer, les symboles écrits prirent une apparence proche de la convention abstraite (c’est l’écriture dite cunéiforme) mais l’étape capitale dans l’évolution des systèmes d’écriture apparut chez les Grecs à la fin du deuxième millénaire avant J.-C. C’est le système alphabétique. Les symboles consonantiques d’un alphabet sémitique furent mélangés à la langue grecque pour créer des voyelles. Cette innovation eut une immense influence puisque les Romains empruntèrent ensuite l’alphabet grec pour créer celui que nous utilisons ici.

Les écrits rendaient superflue la présence du détenteur du souvenir puis se déportèrent vers l’abstraction pour représenter également des idées. Au Moyen-Âge, l’invention de la ponctuation contribua au découpage plus précis de la pensée mais il faut également dire un mot de l’importance du support.

À l’origine de l’écriture, des plaques de glaise

En observant les tablettes mésopotamiennes, on remarque qu’il s’agissait de plaques de glaise qui tenaient dans la main. Or, l’intérêt de la tablette moderne, numérique, est similaire : on favorise la portabilité de l’objet.

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Koyo Kouoh (1967 – 2025)

Commissaire d’exposition, conservatrice, productrice culturelle

Koyo Kouoh, figure influente de l’art contemporain africain et diasporique, est décédée le 10 mai 2025 à Bâle (Suisse), à l’âge de 57 ans. Directrice exécutive et conservatrice en chef du Zeitz Museum of Contemporary Art Africa (Zeitz MOCAA) au Cap depuis 2019, elle avait été désignée en 2024 commissaire de la 61e Biennale d’art de Venise, prévue en 2026 — devenant ainsi la première femme africaine à occuper ce poste.

Née à Douala (Cameroun) le 24 décembre 1967, Koyo Kouoh a grandi entre le Cameroun et la Suisse, où sa famille s’est installée dans son adolescence. Encouragée à suivre une formation en économie, elle a débuté sa carrière dans le secteur bancaire avant de se tourner progressivement vers la culture, d’abord par le biais de la littérature et du cinéma. C’est à Dakar, où elle s’installe en 1996 après un premier voyage pour interviewer le cinéaste sénégalais Ousmane Sembène, qu’elle engage pleinement sa trajectoire dans le champ artistique.

Entre 1998 et 2002, elle coordonne le programme culturel de l’Institut de Gorée, tout en participant dès le début des années 2000 à plusieurs initiatives structurantes pour la scène artistique africaine, notamment les Rencontres africaines de la photographie de Bamako et la Biennale de Dakar.

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Terramation : et si vous serviez de compost après votre mort ?!

— Par Jordy Bony (*) & Damien Charabidze (*) —

Pourra-t-on bientôt choisir d’être transformé en compost après notre mort ? Alors que la pratique du compostage funéraire, appelée terramation, se répand aux États-Unis et qu’elle est actuellement expérimentée en Allemagne, l’idée est à l’étude en France. Pour le moment, notre cadre juridique restreint les modes de sépulture aux deux seules pratiques citées dans la loi : l’inhumation et la crémation.

Mais cette apparente exclusivité cache en réalité une grande diversité de procédés et laisse ouverte la possibilité d’une évolution des pratiques funéraires. La terramation, fusion de terra et transformatio qui renvoient respectivement aux idées de “surface au sol” et de “métamorphose”, est un mode de sépulture inspiré du cycle de la nature.

Qu’est-ce que la terramation ?

La terramation repose sur l’emploi de copeaux de bois afin de créer des conditions propices à l’activité des bactéries dites aérobies, c’est-à-dire utilisant l’oxygène. Elle diffère ainsi de l’enterrement classique, qui place le corps dans des conditions anaérobies en le recouvrant de terre où en le plaçant dans un caveau hermétique.

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