Catégorie : Littératures

Frantz Fanon : cent ans de combat vivant

Jusqu’au 20 juillet jour anniversaire de la naissance de Fanon,

À l’occasion du centenaire de la naissance de Frantz Fanon, le Cercle Frantz Fanon Martinique organise jusqu’au 20 juillet une Rencontre internationale autour des damnés de la terre, déployée dans plusieurs communes de l’île. À travers cette semaine de réflexions, d’hommages et de créations, la Martinique rend justice à l’un de ses plus grands penseurs, psychiatre, militant et écrivain, dont les analyses sur la colonisation, l’aliénation et la libération résonnent toujours avec force.

Une semaine de mémoire active et de solidarité militante

Sous la présidence d’honneur d’Alice Cherki (psychiatre et biographe de Fanon), de Daniel Boukman (écrivain et dramaturge) et d’Olivier Fanon (fils de Frantz Fanon), cette rencontre est dédiée aux peuples haïtien, kanak et palestinien — trois peuples dont les luttes pour la dignité et l’autodétermination réactivent la pensée fanonienne dans toute sa portée universelle.

Les temps forts sont multiples :

  • Mercredi 16 juillet, à Tropiques Atrium, projection du film-documentaire Frantz Fanon, une vie, un combat, une œuvre, réalisé par Cheïk Djemaï, pour découvrir ou redécouvrir l’homme derrière le mythe.

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Balata

— Par Daniel M. Berté—

Balata

Mi mwen
ti-Balata
ka lévé an bon tè
épi bon bwa vayan
ek sèv an vidjòzté
an voukoum laviya
ay! Balata bel bwa !
Mi mwen
bodzè Balata
ka balansé la kadans
anlè an pyé dansé
adan van lalizé
toumbélé an nowdé
adan soley kouchan
suiv si’w pé
man douvan
Mi mwen
bel Balata
gro-zé-gran anba bwa
bien rasiné an tè
tet-mwen ka touché siel
ka ba bon moun lonbraj
ka pran nich bel zwézo
and vlopans bra-branch-mwen
Mi mwen
gran Balata
kout rach ka dékalé
légorin dékoupé
an pout ek planch pou fè
a kout mato ek mayé
kloché légliz Sentespri
siklòn mové krazé apré
Mi mwen
souch Balata
doubout anba lapli livènaj
ka ladjé gro dlo pou néyé tjè-mwen
Souch miné pa anba
paw an nich poulbwa fen
lè’w wè’y I za tro ta
I za tro ta pou mwen

Daniel M. Berté 270225

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La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Chapitre XV

— Par Robert Lodimus —

Chapitre XV Le Choc

« La beauté de la mort, c’est la présence. Présence inexprimable des âmes aimées, souriant à nos yeux en larmes. L’être pleuré est disparu, non parti. Nous n’apercevons plus son doux visage; nous nous sentons sous ses ailes. Les morts sont les invisibles, mais ils ne sont pas les absents. »

(Victor Hugo, Discours sur la tombe d’Émilie de Putron, 19 janvier 1865)

L’histoire de l’univers n’avait-elle pas toujours foisonné des tragédies phénoménales, des calamités irracontables, des drames indescriptibles, des cataclysmes inimaginables…? Dans l’antiquité, les peuples germaniques, asiatiques et slaves, communément appelés les guerriers barbares ou les barbares sanguinaires qui envahirent au IIIe siècle l’empire Romain, brûlaient des villages, éventraient des populations parfois paisibles et inoffensives. Il ne faudrait pas oublier non plus les Vikings qui – durant trois centenaires environ – tuaient, pillaient, incendiaient et détruisaient tout sur leur passage. Mais la plus terrible catastrophe, de laquelle la mémorabilité humaine avait atteint sa lettre de noblesse, demeurait sans conteste l’effroyable incendie de Rome par l’empereur Caius, plus connu sous le nom de Néron le tyran, dont la cruauté pouvait se mesurer à l’étendue de l’océan.

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L’Asosyasyon pwofesè kreyòl ayisyen (APKA) face aux défis contemporains…

 … de l’aménagement du créole en Haïti

— Par Robert Berrouët-Oriol (*) —

« L’État garantit le droit à l’éducation » (…) « L’éducation est une charge de l’État et des collectivités territoriales » (…) « La première charge de l’État et des collectivités territoriales est la scolarisation massive, seule capable de permettre le développement du pays. L’État encourage et facilite l’initiative privée en ce domaine. » (Constitution de la République d’Haïti, 1987. Chapitre II – Des droits fondamentaux. Articles 32, 32.1, 32.2).  

Dans le remarquable livre de référence provenant de sa thèse de doctorat en éducation et intitulé « Le pouvoir de l’éducation – L’éducation en Haïti de la colonie esclavagiste aux sociétés du savoir » (Éditions Zémès, 2015), Charles Tardieu met en lumière, au chapitre IV, la « Genèse de l’éducation en Haïti : de 1492 à1796 ». Il situe cette genèse dans un contexte de rivalités et d’opposition entre divers secteurs et factions de la société saint-dominguoise et il expose le rôle primordial qu’occupaient déjà les institutions religieuses. Au chapitre VI.1.2. du livre, l’auteur expose que « Le gouvernement de Dessalines (1804-1806) légifère (…) pour contrôler l’instruction privée puisque l’État n’a pas les moyens de la prendre à sa charge ».

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« L’important, c’est la dose ! », & « Puzzle »

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

L’important, c’est la dose !
(à Gilbert Bécaud)

Ami, dans tout ce que l’on prend,
drogue, alcool ou médicaments,
j’affirme que n’est nullement
mauvaise en soi aucune chose
mais qu’il faut savoir seulement

garder raison en toute chose…
Du bonheur c’est la condition.
C’est l’abus qui fait le poison
puisque l’important c’est la dose…
Oui, c’est la dose l’important !

Qu’il s’agisse de sport, d’écrans,
là c’est encor la même chose :
il faut rester intelligent
et pour éviter l’addiction,
user avec modération….
Et ce conseil est le seul bon !

La démesure est ce qui cause
à la fin du désagrément
puisque l’important c’est la dose.
Même si la vie n’est pas rose,
oui, c’est la dose l’important !

Puzzle

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Jovenel Moïse, « fléau de Dieu » 

« Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit?
Ces doux êtres passifs que la fièvre maigrit?
Ces filles de huit ans qu’on voit cheminer seules?
Ils s’en vont travailler quinze heures sous des meules :
Ils vont, de l’aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison, le même mouvement. »

(Victor Hugo, Mélancholia)

— Par Robert Lodimus —

Le crépuscule tombait déjà sur le paysage voilé et enneigé. Un immense tapis blanc recouvrait les rues crevassées, dégoudronnées à certains endroits. Au Canada, le mois de février n’est-il pas réputé pour son humeur impassiblement rigoureuse? À cette période de l’hiver, la température oscille souvent entre moins 40o et moins 50o Celsius. De quoi faire geler le sang d’un chameau en quelques secondes. Quand il vente et grêle, les gens peuvent ressentir jusqu’à moins 600 sur la peau fragile et sensible. La plupart des personnalités fortunées et des retraités privilégiés qui habitent dans les régions nordiques s’envolent à destination du Sud dès la fin de novembre. Notamment en Floride où ils disposent d’une confortable résidence secondaire.

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Fanon, 100 ans : Une rencontre internationale pour penser le monde autrement

Du 17 au 20 juillet 2025 | Martinique – Troîques-Atrium, Université, Morne-Rouge, Schœlcher, Saint-Pierre

À l’occasion du centenaire de la naissance de Frantz Fanon, figure majeure de la pensée anticoloniale, la Martinique devient le théâtre d’un événement d’envergure internationale. Du 17 au 20 juillet, chercheurs, artistes, militants et citoyens venus de 15 pays se réuniront autour de l’œuvre et de l’héritage de cet intellectuel révolutionnaire, pour une rencontre vivante, participative et ouverte sur le monde.

Une célébration engagée, pas une commémoration figée

Organisée par le Cercle Frantz-Fanon, cette manifestation s’inscrit sous le signe du partage, de la réflexion et de la transmission. « Il ne s’agit pas d’ériger Fanon en icône figée, mais de faire vivre sa pensée à travers des échanges collectifs », affirme Raphaël Constant, président du Cercle. Pour Victor Permal, vice-président, il s’agit surtout de « refuser toute récupération de sa pensée » et de « replacer Fanon dans la continuité des luttes actuelles ».

À l’honneur : « Les Damnés de la terre », son ouvrage phare, dont les résonances avec les crises contemporaines – sociales, politiques, identitaires – sont plus vives que jamais.

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L’aménagement du créole aux côtés du français…

 … à égalité statutaire, est une obligation inscrite dans la Constitution haïtienne de 1987

— Par Robert Berrouët-Oriol(*) —

« L’aménagement linguistique, ou politique linguistique, est intrinsèquement lié au politique. Il s’agit d’actions délibérées visant à influencer le comportement linguistique d’un groupe, souvent dans un contexte étatique ou territorial, et impliquant des choix et des enjeux de pouvoir. Cet aménagement peut concerner la protection de langues minoritaires, la standardisation d’une langue majoritaire, ou encore la gestion du bilinguisme dans un contexte de mondialisation. » (Jacques Leclerc, « Les enjeux politiques de l’aménagement linguistique », CEFAN, Université Laval, n.d.)

Existe-t-il aujourd’hui en Haïti une instance de la société civile regroupant les professeurs de créole ? La réponse est « OUI » : il s’agit de l’Asosyasyon pwofesè kreyòl Ayiti (APKA) mais sa mission, ses interventions et ses projets sont encore insuffisamment connus au pays. Forte de 327 membres, cette institution à vocation nationale a été créée en 2017. L’APKA rassemble des enseignants détenteurs du baccalauréat de fin d’études secondaires et pourvus d’au moins deux ans d’expérience dans l’enseignement des sciences humaines et/ou des sciences sociales.

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“Les vivants sont tous morts mais ils ne le savent pas”, d’Edgard Gousse

Par Fortenel Thélusma (*)

Voilà le titre choc, provocateur du dernier recueil de poèmes d’Edgard Gousse. Celui-ci est publié aux Éditions Trois Amériques, au troisième trimestre 2025. Paré d’une magnifique et impressionnante couverture au fond rose teinté de blanc, ce livre, d’une centaine de pages, est illustré par l’auteur lui-même. Edgard Gousse a plusieurs cordes dans son arc. Il propose une contribution remarquable et remarquée dans des domaines variés. Romancier, essayiste, critique littéraire, poète, conférencier, artiste peintre et traducteur, ancien professeur des universités, il a déjà publié une cinquantaine d’ouvrages.

Souvent, nous gardons présent dans nos esprits le souvenir de personnes décédées, parce que, avant leur mort, durant leur passage sur cette terre, elles nous étaient chères. Nous continuons ainsi de les nommer, de rappeler leurs œuvres, leurs qualités. Pour nous, quoique invisibles et très éloignées de nous physiquement, elles sont bien vivantes. À l’opposé de cette idée, le poète Edgard Gousse nous prend de court par le titre de son nouveau recueil de poèmes : Les vivants sont tous morts mais ils ne le savent pas. Faut-il le prendre au mot ou se contenter de se délecter de l’effet de surprise cher aux créateurs qui nous enivrent de beauté et de nouveauté au travers d’images peu connues ?

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La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Chapitre XIV (Partie II)

— Par Robert Lodimus —

Chapitre quatorze, deuxième partie

Chapitre XIV

Le houngan Oracius, d’une certaine façon, faisait partie des victimes de la violente « campagne antisuperstitieuse » de 1939 à 1942 que le clergé catholique, appuyé par le gouvernement d’Élie Lescot, déclencha contre la pratique du vaudou. Des péristyles furent pillés, saccagés et incendiés. Déjà, en 1896 et en 1913, des Lettres pastorales dénonçaient le culte des dieux africains comme une courroie de propagation, d’uniformisation, d’universalisation de la superstition et de la magie noire. D’éminents intellectuels, parmi lesquels Jacques Roumain, s’insurgèrent contre ces mesures scandaleuses qu’ils avaient qualifiées d’entrave à l’émancipation de la culture nationale. Le père Raphaël Moreau, aux côtés de Monseigneur Robert, était à la tête de ce mouvement de destruction des temples vaudou des paysans et parlait de la nécessité « d’évangéliser la culture ». Cependant à la grande surprise des prêtres colonialistes, ces persécutions brutales ne firent que raviver, fortifier les croyances des masses populaires dans le vaudouisme. Les serviteurs des « lwa », dispersés dans les mornes, les plaines et les vallées, n’abdiquèrent point leurs droits légitimes et inaliénables devant les exigences dictatoriales imposées par la Cité du Vatican.

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Man ka kouri lannuit

— Par Daniel M. Berté —

Man ka kouri lannuit
Pou bonmaten lévé
Adan an lawouzé lespwa
Ba tiyanmay gazawi
Ki latranblad ka pran

Latranblad kakarel
Anba bonm ka tonbé
Akondi siel krévé
Ek ki ka déblozé
Anlè tet-yo touni

Adan an rev krévé
Kon izotewm krévé
Kondi filé krévé
Ki pran pwason krévé

Man ka kouri lannuit
Man ka kouri lannuit
Dan lapli bètafé
Ka mété an klewté
Dan lisidité-mwen
Dan lenpidité-mwen

Tout kakolè ka fè kakol
Tout konbatan ka konbat
Epi an lespri powézi
Pou di sa yo pé pa di
Men ki alantou-nou

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« Explorateur » & « Un voyageur »

Explorateur

Un air de déjà entendu,
une impression de déjà vu
et de moments déjà vécus :
faut se libérer du connu !

Prisonnier du temps et du lieu :
besoin d’ailleurs, de changer d’heure,
d’aller voir si, sous d’autres cieux,
la vie n’y serait pas meilleure…

Une envie de changer d’histoire :
besoin de perdre la mémoire,
laisser derrière le passé
afin de pouvoir avancer…

Un voyageur…

N’ayant pas écouté ma mère,
j’ai poursuivi tant de chimères…
Parfois la vie se fait amère
quand son chemin trop vite on perd,
qu’en perpétuel exil on erre !

Voyageur, ton âme est en peine
car tu sais que ta quête est vaine
mais sans fin, sur toutes les mers,
la beauté du chant des sirènes
toujours un peu plus loin t’entraîne…

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Si « Satan » existe, il ressemble à Franck Romain!

— Par Robert Lodimus —

« Si la mort était la fin de tout, ce serait un grand avantage pour les méchants
(Socrate)

Les nouvelles du soir ont annoncé dans l’indifférence générale le décès de l’excolonel Franck Romain.  Le militaire tortionnaire a été domestiqué par François et  Jean-Claude Duvalier pour commettre les pires atrocités reprochées aux deux gouvernements. Si Satan existe, c’est à ce « crocodile des marais » qu’il ressemble. L’enfer s’impatientait probablement de l’arrivée tardive de l’ « écorcheur » de Jean-Jacques Dessalines Ambroise. Le « boucher » de Louis Drouin et de Marcel Numa – l’engraisseur des chiens vagabonds de Titanyen – n’a pas volé  sa place au royaume d’Hadès et de Perséphone. La cruauté de cet Henri Fonda dans le rôle du tueur « Franck », le personnage froid, monstrueux et terrifiant du long métrage « Il était une fois dans l’Ouest (C’era una volta il West)», du réalisateur italien Sergio Leone, n’est comparable qu’à celle de Roger Lafontant, le ministre de l’intérieur de Jean-Claude Duvalier qui a achevé avec une baïonnette le docteur Lionel Lainé à l’hôpital militaire de Port-au-Prince.

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Le linguiste Renauld Govain

Un créoliste érudit et arpenteur avisé de la Francophonie haïtienne

— Par Robert Berrouët-Oriol (*) —

NOTE DE L’AUTEUR Par la reproduction de cet article paru en 2022*, nous inaugurons une série intitulée « Profil d’enseignants haïtiens modèles ». Il s’agit pour nous de contribuer, par la publication d’articles de vulgarisation, à mieux faire connaître des enseignants haïtiens sur plusieurs registres liés : formation universitaire, domaines d’enseignement, champs de recherche et publications. La série « Profil d’enseignants haïtiens modèles » contribuera ainsi à mettre en lumière leur apport à la transmission des savoirs et des connaissances dans nos écoles et dans l’enseignement supérieur haïtien.

Entrevue exclusive avec Renauld Govain
Doyen de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti

Mise en contexte, par Robert Berrouët-Oriol – Connu dans les milieux universitaires haïtiens et internationaux pour son affabilité, sa grande rigueur intellectuelle, ses travaux de recherche et son souci de dispenser un enseignement de qualité, Renauld Govain est docteur en sciences du langage de l’Université Paris VIII (2009). Il a procédé, le 1er juin 2022, à l’Université Paris VIII, à la soutenance en vue de l’« Habilitation à diriger des recherches » (HDR) en sciences du langage.

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De Césaire à Senghor, 27-28 juin 2025

— par Selim Lander —

Deux soirées consécutives à Tropiques-Atrium placées sous l’égide de Césaire pour l’une, Césaire et Senghor pour l’autre (1).

Un homme debout avec David Valère

David Valère est un comédien installé en Suisse, « martiniquais non par terre natale mais maternelle » comme il le dit lui-même, ajoutant que depuis qu’il renoue avec la Martinique, il se sent « martiniquais à 50 % comme un bon rhum agricole ». Il a quoi qu’il en soit une forte personnalité, un besoin de brûler les planches que les spectateurs, vendredi 27 juin, n’ont pu que constater. À ce propos, il avoue : « Je porte le jeu et le besoin de transformation comme une maladie incurable […] Cette fantaisie débordante m’a longtemps desservi, je ne l’ai pas toujours canalisée. Cela m’a valu de rater plusieurs auditions et castings » (in comedien.ch).

De fait, David Valère en fait des tonnes. On peut s’étonner de le voir, dans « une adaptation du Cahier d’un retour au pays natal », imiter (de manière fort convaincante de surcroît) torse nu un gorille, de le voir lécher ses doigts préalablement passés dans les poils de ses aisselles ou cracher sur la scène (et je passe un geste carrément obscène).

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Défense du Thriller et du Roman Policier

—Par Gary Klang —-

Quiconque a lu les grands auteurs de thrillers et de romans policiers anglais ou américains (James Hadley Chase, Dashiell Hammett, William Irish, Raymond Chandler, Chester Himes, Frederic Forsyth, Robert Ludlum…) admettra sans peine qu’il s’agit là d’un genre extrêmement difficile. Il faut savoir tenir le lecteur en haleine, créer une atmosphère, camper des personnages, décrire des bagarres et des poursuites, faire des dialogues qui portent. Alors, pourquoi le discrédit jeté en France et en Francophonie sur ce genre romanesque ? Pourquoi fait-on une différence entre les œuvres «littéraires» et policières ?

N’ayant trouvé de réponse nulle part, j’ai essayé d’y voir un peu plus clair. Serait-ce le genre lui-même qui ne serait pas littéraire, qui n’aurait pas sa place dans une œuvre digne de ce nom ?  Cet argument n’a aucun sens si l’on se rappelle que Crime et Châtiment est une sorte de roman policier avant la lettre et qu’Edgar Allan Poe n’a pas eu honte d’écrire Double assassinat dans la rue Morgue.

Le crime fait donc partie de la littérature.

Serait-ce le manque de vie des personnages qui expliquerait cette défaveur ?

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Pour Ina Césaire, celle qui fit parler la mémoire.

— Par Patrick Singaïny —

Écrivain et essayiste.

Auteur avec Ina Césaire de « Aimé Césaire, 10 ans déjà ! », L’Esprit du Temps, 2018.

C’est avec un pincement au cœur tout particulier que j’ai appris le départ d’Ina Césaire pour le paradis des éveilleurs de conscience, au bout de ce petit matin d’une nuit fraîche de l’hiver austral de l’île de la Réunion, mon île natale. Dans « mon ici », en situation d’exil, je dois avouer qu’à travers mes chroniques et autres textes, je fais souvent des allers-retours avec l’univers poétique martiniquais auquel je dois tant. Si l’une des conversations fondatrices avec Aimé C. me revient très souvent en bouche lors d’une conférence ou d’une prise de position, le souvenir émouvant des conversations avec Ina C. – sa voix particulière – dans son appartement foyalais continue encore aujourd’hui de m’accompagner de façon fragmentaire, probablement parce que je n’ai pas eu le temps de lui dire au revoir de vive voix.

« La Femme en Blanc »

10 ans après ces conversations d’une grande richesse, nous avons effectivement repris nos échanges pour faire aboutir un vieux projet : celui de publier le texte qu’elle avait écrit avec l’encre de ses larmes lors des funérailles nationales de son père.

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« Jusqu’à mon dernier mot », récit de P.S. Hoggar

À vingt ans, confrontée à l’imminence de la mort à cause d’une maladie incurable, Héloïse se décide à écrire ce qu’elle appelle son “Commentaire” : le récit cruel et lucide des derniers mois de son existence. Elle dédie à sa sœur jumelle ce texte destiné à maintenir sa présence auprès de ses
proches, lorsqu’elle aura été arrachée à eux.

À la fois testament spirituel et quête poétique du sens de la vie, ce journal intime nous fait partager le cheminement intérieur d’une jeune fille qui explora, avec un courage désespéré, en se lançant dans l’aventure de l’écriture, la possibilité d’une ago-nie heureuse.

Certains verront dans cette œuvre une fable philosophique, métaphore de la crise morale de notre époque contemporaine ; d’autres interpréteront ce récit polyphonique comme une réécriture des amours légendaires d’Héloïse et Abélard.

Cette confession littéraire aborde surtout, avec exigence et pudeur, la question cruciale de la fin de vie et de l’euthanasie

L’AUTEUR — Originaire du Béarn, ayant passé ses années de formation à Orthez et à Bordeaux, P.S. Hoggar a vécu la majeure partie de son existence en Guadeloupe et Martinique, où il réside.

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« Kokliko »  : célébration de deux terres consanguines

Une lecture du roman de Rudy Rabathaly

—Par Jean-Durosier Desrivières, écrivain, comparatiste et créoliste — 

En 2013, Rudy Rabathaly, ancien rédacteur en chef du quotidien France-Antilles de Martinique, avait publié Pawol anba fey1 (Paroles en sourdine) qui correspond au titre similaire de sa rubrique hebdomadaire qui a duré presque quinze ans. Oliwon d’imaginaire créole2, recueil de « nouvelles et poésies » en français et en créole, paraît au courant de l’année 2024 et le roman Kokliko3 au début de l’année 2025. Les textes minimalistes du premier ouvrage semblaient préparer le chemin pour les deux autres, représentant ainsi un bilinguisme composé franco-créole. Toutefois, le roman traverse les frontières linguistiques en s’imposant comme une œuvre de langue française-créole et d’expression créole, arborant parfaitement une esthétique intercréole. Car l’histoire, que dis-je, les histoires des personnages, se déroulent en plusieurs lieux, principalement sur deux territoires linguistiques de la Caraïbe franco-créolophone – Martinique et Haïti.

Dès lors, il paraît nécessaire de démêler la complexité des lieux et du temps de cette fiction ; de cerner les différents aspects de l’une des principales caractéristiques de cette narration : oralité et oraliture4 ; de souligner cette célébration des cultures caribéennes dans ce roman qui fait la part belle à la musique et à la littérature haïtiennes.

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La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Chapitre XIV

— Par Robert Lodimus —

Chapitre XIV

LE MASSACRE

« Il suffit d’un grand homme pour mener une nation ou une époque… Le peuple haïtien est le fils ainé de la race noire, Il doit lui servir de modèle et d’initiateur. Il est exemple, il doit être espoir. »

(Louis Joseph Janvier)

C’était le lendemain de la journée commémorative de la Fête-Dieu, appelée aussi « corpus Christi » par l’Église catholique, en reconnaissance de la compassion sacrificielle de Jésus-Christ pour affranchir l’humanité de l’emprise des divinités infernales. Cette solennité religieuse, célébrée par le Saint Siège, émergeait une seule fois au cours de l’année, précisément au mois de juin, 60 jours après Pâques, pour s’évaporer le soir dans une confusion d’aliénation, conforme à la religiosité labyrinthique. Instituée en 1246 dans la cité de Liège, elle fut aussi appelée la « Fête du Corps et du Sang du Christ ». La tradition commandait aux croyants – sous peine de s’attirer les foudres du ciel – de prendre part massivement au défilé processionnel, qui, à la période concernée, était conduit par Monseigneur Bernard Dubois assisté des autres membres du clergé.

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Ina Césaire (1942 – 2025)

Ina Césaire, dramaturge, ethnographe et professeure d’université, est décédée le mardi 24 juin 2025, en Martinique, à l’âge de 83 ans.

Née en 1942, elle était la fille d’Aimé Césaire, poète et homme politique, et de Suzanne Roussi Césaire, essayiste. Elle grandit dans un environnement intellectuel marqué par l’engagement littéraire et politique, où les questions de mémoire, de culture et d’identité sont centrales.

Formée en ethnologie, Ina Césaire entame une carrière universitaire en France. Spécialiste des cultures créole et peule, elle enseigne à Paris, à la Sorbonne, mais aussi à Moscou et aux États-Unis. Elle est directrice de recherches au CNRS, où elle mène des travaux sur les cultures caribéennes, avant d’être nommée chargée de mission à la conservation du patrimoine de Martinique. Elle réalise également des films ethnographiques, notamment sur les rites du Mercredi des Cendres et de la Toussaint.

Son œuvre littéraire, composée de contes, de pièces de théâtre, de romans, de poésie et d’essais, s’ancre dans une volonté constante de transmission culturelle. Elle recueille et publie des contes traditionnels martiniquais et guadeloupéens, souvent en version bilingue créole-français. Ses ouvrages comme Contes de mort et de vie aux Antilles (1976), Contes de nuits et de jours aux Antilles (1989) ou Zonzon Tête Carrée (1994) rendent compte, à la fois avec humour et acuité, des dynamiques sociales, linguistiques et genrées des sociétés antillaises.

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— Patrick Mathelié-Guinlet —

Entre deux…

Entre la mort et la naissance…
Entre l’existence et l’essence…
Entre l’instinct et l’expérience…
Entre la croyance et la science…
Entre l’espace et puis le temps…
Perdu entre deux infinis
entre virus et galaxies :
entre l’infiniment petit
et puis cet infiniment grand…
Entre le quantique et cosmique,
entre le tragique et comique
se retrouve l’homme et sa vie
entre deux portes donnant sur l’inconnu
comme un point d’interrogation irrésolu !

Existentialisme

Encore un pas sur le chemin,
encore un mot sur le papier…
Dans la poussière ou par écrit,
laisser une trace de vie…

Mais à quoi ça sert à la fin
quand on sait qu’avec les années
tout finira par s’effacer :
les visages dans les miroirs,

les histoires dans les mémoires
par l’abrasif temps érodés…
Des pages du livre de vie,
l’encre peu à peu a pâli

et les paroles prononcées,
le vent les aura emportées…
Même avec un secret espoir
d’acquérir l’immortalité,

pour l’homme il est vain de vouloir
contre l’éphémère lutter…
La seule règle est d’exister
sans trop de questions se poser !

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1 jour – 1 mot

— Par Patrick Chamoiseau —

21/06/25
Rencontre échanges-réflexions avec les conseillers pédagogiques du Rectorat de Martinique.

Comment passer du monde ancien (communautés) au monde de la Relation (individuations imprévisibles) ?

De manière individuelle, nous sommes désormais plongés dans un vortex relationnel. Dès lors, la culture dont dispose chaque individu est constituée de trois dynamiques :

1 – de sa proto-culture
(savoirs, savoirs-être et savoirs-faire de son lieu, traditions, patrimoines..)

2 – de sa culture vivante (stimulations de son exposition individuelle à la matière relationnelle du Tout-Monde)

3 – de ses devenirs culturels évolutifs
(impacts des accélérations techno-numériques, des amplifications de l’IA, des forces dominantes de l’en-commun planétaire, et impacts de ses engagements citoyens).

C’est cette configuration imprévisible que devrait considérer toute politique culturelle véritable ou toute pédagogie saine.

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Fété an mizik

Fété an miziké
(Pou lafet lanmizik)

— Par Daniel M. Berté —

Fété an miziké
Chanté an jwayezté
Dansé an wélélé

Tanbou an woulman
Tibwa an batman
Bèlèé an mouvman

Viyolon an charangas
Trompet an descargas
Salsaé an bel pas

Flit an boléro
Klarinet an tango
Bidjiné an blogodo

Tronbòn an tjatjatja
Sakso an mazouka
Zouké an lafouka

Kloch an konpa
Bonngo an soka
Sloé an rimen-bonda

Batri an wòkannwol
Bas an dannsol
Valsé an fanm fol

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Le séchoir de mes parents

— Par Philippe Charvein —
Assis sur le canapé, je regardais ce séchoir pourtant familier de notre maison depuis longtemps alors qu’il était livré à la force du vent qui soufflait alors.
Une fréquence, une intensité plus marquée et c’en était fini, il était déraciné.
Emois ! Moi me précipitant tentant de parer au plus pressé.
Pourtant le séchoir de mes parents, avec ses bras ouverts comme en attente demeurait tout en tremblotant un peu il est vrai, vacillant un peu sur ses pieds ne perdant pas pied, nouveau roseau à l’ossature si fragile.
Ce séchoir, le séchoir de mes parents, notre séchoir tenait bon et décidément bon remplissant pour de bon sa mission portant haut à bout de bras les vêtements dont il avait la garde et la responsabilité portant un peu la mémoire de notre maisonnée.
Ce séchoir, le séchoir de mes parents, notre séchoir qui tremblait sous le vent malgré ses pieds en « x », nous rappelant notre fragilité face aux jeux aléatoires du cosmos, redistribuant les vêtements d’une maisonnée la nôtre au gré de ses rayonnages : unité mêlée des signes ou insignes de nos corps et personnes.

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