Catégorie : Avignon

Festival « off » d’Avignon : « Oui, il y a trop de spectacles »

— Propos recueillis par Sandrine Blanchard —
Pierre Beffeyte, président de l’association Avignon Festival & Compagnies (AF & C), explique l’équation compliquée de la manifestation pour les compagnies.
Le Festival « off » d’Avignon n’en finit pas de grossir. Cette manifestation parallèle au Festival officiel (le « in »), qui se déroulera du 5 au 28 juillet, attire un nombre sans cesse plus important de compagnies. Ainsi, l’édition 2019 accueillera 1 592 spectacles (contre 1 538 en 2018) dans 139 lieux (contre 133 en 2018). Président de l’association Avignon Festival & Compagnies (AF & C), qui assure la coordination et l’organisation de ce rendez-vous théâtral hors norme, Pierre Beffeyte se félicite d’avoir, pour la première fois depuis la création du « off », obtenu un soutien du ministère de la culture.
 

Le nombre de spectacles présentés dans le « off » augmente encore cette année. Comment l’expliquez-vous ?
Cela ne s’arrêtera jamais d’augmenter. L’immobilier est tellement intéressant à Avignon ! Y ouvrir un théâtre est une opération financièrement valable. Et on va bientôt assister à davantage d’ouvertures de salles en dehors des remparts.

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Victor Hugo et Marie Tudor en version punk se préparent pour le Off d’Avignon

« Marie Tudor, God save the Queen », un « drame comique historique romantique punk », revisite un classique au son des Sex Pistols.

  • Comme le mouvement punk, Victor Hugo était un homme engagé et rebelle, qui a cassé les codes du théâtre.
  • La Compagnie du Rubis reprend sa pièce « Marie Tudor », avec une mise en scène déjantée et la musique des Sex Pistols.
  • Elle se produira au festival Off d’Avignon en juillet.

Victor Hugo, punk avant l’heure ? S’il ne portait pas de crête sur la tête ni de rat sur l’épaule, c’est bien l’avis d’Ema Zampa, metteure en scène et comédienne. « Il l’écrit dans la préface de Cromwell : « Je n’ai ni règles, ni modèles ». » Car le chef de file du romantisme avait soif de liberté et d’absolu.

« Comme dans le mouvement punk, on trouve chez le poète romantique une volonté d’éclatement des codes et des formes traditionnelles, le mépris de la bienséance et des conventions sociales. C’est cet esprit subversif et contestataire, cette liberté de tons, que je veux garder et mettre en avant dans mon adaptation de la pièce. 

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Avignon 2018 : »Il pourra toujours dire que c’est pour l’amour du prophète », texte et conception Gurshad Shaheman .

— Par Isabelle Monpezat —

Simple spectatrice du festival d’Avignon et curieuse de lire les nombreuses critiques de Madinin’Art, j’ai lu avec intérêt l’article de Selim Lander sur le spectacle « Il pourra toujours dire que c’est pour l’amour du prophète ». Je souhaite partager mes impressions sur ce spectacle qui m’a beaucoup touché.

Dans son spectacle, le comédien et metteur en scène d’origine iranienne Gurshad Shaheman traite de deux thèmes centraux du festival : la migration et le genre. Il nous livre les récits d’artistes et membres de la communauté LGBT qui doivent fuir leur pays à cause de leurs idées ou de leur identité sexuelle (« des histoires de guerre mais aussi d’amour »).

Gurshad Shaheman est allé à Athènes et à Beyrouth recueillir les paroles auprès d’exilés issus du Moyen-Orient ou du Maghreb. A partir de ce matériau, il a réécrit pour obtenir cette pièce de théâtre dans laquelle dix-huit jeunes interprètes s’adressent à nous par la parole et une gestuelle simplifiée au maximum. Quatorze sont des comédiens (de l’Ensemble de l’Ecole Régionale d’Acteurs de Cannes et Marseille – ERACM) et quatre sont des personnes concernées par l’exil.

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Avignon 2018 : « Le voyage de D. Cholb ou penser contre soi-même », de Bernard Bloch (Off)


—Par Dominique Daeschler —
En 2013, Bernard Bloch, (Dranreb Cholb est son anagramme), effectue un voyage en autocar organisé par Témoignage Chrétien en Cisjordanie (qu’il prolongera en Israël). Il est le seul juif athée au milieu d’un groupe de catholique. . De cette expérience essentielle il tirera un livre « Dix jours en terre ceinte » qu’il a souhaité adapter au théâtre.
C’est bien l’envie de comprendre la permanence du conflit, de rencontrer des civils de part et d’autre, de confronter ses souvenirs avec ses liens familiaux, d’aller au centre de aveuglements perpétués de part et d’autre qui le motivent.
Bernard Bloch, assis de dos sur scène, confie le récit du voyage à Patrick le Mauff, reprécise, commente, interroge. Ce dialogue en fraternité pourrait être celui d’Israël et de la Palestine ? Il est donné dans une volonté d’ouverture qui n’exclut pas la subjectivité au sens premier du terme. Une vidée fait défiler paysages et visages. Les échanges vécus sont reconstitués avec des comédiens qui jouent le jeu de points de vue différents, constituant un fil rouge. Cette mise à distance est servie par des comédiens exceptionnels dont on sent la proximité avec Bernard Bloch, comme un engagement.

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Avignon 2018 : Sol (0ff) / Ver (Off) / Mémoire de naissance (0ff)

— Par Dominique Daeschler —

Sol (0ff) /

Accompagné par deux musiciens, Paul Wamo, poète kanak prend la scène comme il prend le verbe, le répétant, l’exultant, le portant aux nues ou en enfer. Il chante, slame, danse, s’offrant une respiration quand il atteint la lune ou le soleil. Il ouvre « le ciel des avions jaunes » lui le « noir qui tape à l’œil » et l’on comprend vite qu’il est sans limites quand il parle de sa terre, de la mort qui arrive comme marée haute. Il associe les mots, joue d’une grammaire des sons où il crée ses propres accords. C’est incisif, tourbillonnant, entêtant comme une vérité que l’on assène car il y a dans la personne et dans la voix une générosité qui appelle à le rejoindre dans son univers poétique grave et fêlé.

Ver (Off)
A la maison de la poésie où l’on retrouve de plaisir de caresser et de feuilleter des livres à portée de main, un choix qui eut étonner : un jeune comédien Julien Barret crée un spectacle « verre en mains » : venez prendre un vers, venez boire un mot, vous allez déguster.

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Avignon 2018 : Marianne Piketty – Abdelwaheb Sefsaf – OFF (musiques)

— Par Selim Lander —

Pour finir cette session 2018 du festival, deux spectacles musicaux aux antipodes l’un de l’autre, de la musique classique à celle d’aujourd’hui. Autant dire que l’appréciation que l’on en fera est surdéterminée par les goûts de chaque auditeur/spectateur.

Le Concert idéal

Drôle de nom pour l’ensemble de cordes de Marianne Piketty, car enfin quelle œuvre humaine pourrait raisonnablement se qualifier ainsi, l’idéal n’étant pas par définition inatteignable ? Peu importe, à vrai dire : nous sommes là pour écouter de la musique, ou plutôt écouter-voir puisque le charme des concerts de cet ensemble tient autant à leur mise en scène qu’à la qualité de l’interprétation. C’est en effet une très bonne idée que d’ajouter à l’écoute des morceaux une « lecture visuelle », les déplacements des musiciens sur le plateau mettant en évidence la contribution de chaque instrument à la partition comme aucun concert traditionnel – chaque instrumentiste assis à sa place devant son pupitre – n’est capable de la faire. Point de chaise ici (sauf pour la violoncelliste), les autres instrumentistes jouent debout et peuvent s’éloigner de leur pupitre (sauf la contrebassiste et donc la violoncelliste) lorsque le moment est venu pour elles (ou eux) de se mettre en valeur.

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Avignon 2018 : Jean-Michel d’Hoop – Hakim Bah – (Off)

L’Herbe de l’oubli : Tchernobyl

— Par Selim Lander —

Dans ou devant une carcasse de maison des personnages passent et repassent, de drôles de personnages avec des cous trop longs, des têtes trop grosses quand ce n’est pas l’ensemble qui est énorme chez eux. Il y a encore sur le plateau une sorte de chat monstrueux et même un cheval mort. Et j’oubliais le petit garçon à l’allure très étrange qui bouge comme un pantin. Ces êtres-là ne sont pas plus de vrais humains que de vrais animaux mais ils pourraient l’être puisque nous sommes à Tchernobyl (Tchernobyl : l’absinthe en ukrainien, soit l’herbe de l’oubli), pas dans la centrale, bien sûr, mais à côté, dans la zone d’exclusion (la « réserve radiologique naturelle » – sic) ou juste autour. Des membres de la compagnie Point Zéro sont allés enquêter sur place. Ils ont rapporté des images, des témoignages à partir desquels J.-M. d’Hoop (auteur et M.E.S.) a bâti un spectacle remarquable, instructif, émouvant, drôle parfois et éminemment poétique grâce aux marionnettes (de Ségolène Denis) dont la compagnie s’est fait une spécialité. Une seule marionnette à fils, celle du petit garçon, les autres sont des êtres hybrides, une grand-mère par exemple sera faite d’une comédienne dont un bras figurant le cou a la main dans la tête de la marionnette, tandis que l’autre bras est enfilé dans sa robe.

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Festival d’Avignon 2018: les critiques de Madinin’Art

Avignon 2018 : « Convulsions » de Hakim Bah, m.e.s. Frédéric Fisbach (Off) Festival d’Avignon 2018 – « Certaines n’avaient jamais vu la mer » & « Pale blue dot » – IN Festival d’Avignon 2018 – « 36 avenue Georges Mandel » – (IN) Festival d’Avignon- « Saison sèche » – (IN) « Saison sèche » de Phia Ménard Festival d’Avignon – « Tio » – (Off) / « Pur Présent » (In) Avignon 20108 Gaudillère : « Pale Blue Dot » – IN Festival d’Avignon 2018 – Le Misanthrope – Le comte de Monte-Cristo – (Off) Festival d’Avignon 2018 – Ton beau capitaine – (Off) Avignon 2018 Phia Ménard – Julie Otsuka/Richard Brunel – IN Avignon 2018 Gaëtan Peau : « Le Corps en obstacle » – OFF Avignon 2018 El Attar – Lagarce – IN Avignon 2018 Anne Voutey – Vincent Roca – OFF « Les femmes se font baiser » « Cyclone » de Michèle Césaire, m.e.s. de William Mesguich Avignon 2018 Vandalem – Couperus/van Hove – IN Avignon 2018 – Feydeau, Vian – OFF « L’herbe de l’oubli », écriture et m.e.s. Jean-Michel d’Hoop « De Dingen die voorbijgaan », « Les choses qui passent » d’après Louis Couperus, m.e.s. d’Ivo Van Hove Avignon 2018 Guillaume Corbeil – Dorine Hollier – OFF Avignon 2018 (7) Pinter, Kazantzakis – OFF Avignon 2018 Racine, Koohestani, Shaheman – IN Avignon 2018 Molière et Laurent Gaudé – OFF « La Reprise » Histoire(s) du théâtre (I) Conception et m.e.s.

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Avignon 2018 : « Convulsions » de Hakim Bah, m.e.s. Frédéric Fisbach (Off)

« Convulsions » avec Ibrahima Bah, Maxence Bod, Madalina Constantin, Lorry Hardel, Nelson-Rafaell Madel, Marie Payen. Théâtre des Halles Avignon 2018

« Convulsions » est le dernier volet d’une trilogie intitulée «  Face à la mort » de l’auteur, poète et nouvelliste guinéen Hakim Bah. Il revisite un épisode de la Tragédie des Atrides où Atrée et Thyeste torturent et tuent leur frère bâtard pour ne avoir à partager l’héritage avec lui. Chassé-croisé. Atrée bât Erope, sa femme et la trompe avec celle de Thyeste qui en retour finira par séduire Erope ! De ce meli-mélo naîtra un fils légalement attribué à Atrée et Erope. Cette petite famille tuyau de poêle comme aurait pu dire Prévert, va se présenter à l’ambassade étasunienne pour effectuer les démarches nécessaires à leur installation dans le pays. Mais l’obtention d’un visa est soumise à un test ADN. Le résultat n’est pas celui attendu par Atrée qui décide de se venger et de faire manger à Thyeste la chair de sa progéniture.

Il s’agit là, on l’aura bien compris d’une ré-écriture de la tragédie de Sénèque, dans laquelle le jeune auteur Hakim Bah glisse ses obsessions : les violences conjugales et familiales telles que le meurtre du frère, la femme battue, l’inceste, l’anthropophagie.

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Avignon 2018 – « Certaines n’avaient jamais vu la mer » & « Pale blue dot » – IN


— Par Dominique Daeschler —

Certaines n’avaient jamais vu la mer
C’est à un sujet tabou, l’histoire des américano-japonais de la seconde moitié du 19esiècle à Pearl Harbor, que sont attaqués Julie Otsuka dans son roman puis Richard Brunel dans l’adaptation.
A une première émigration de travailleurs japonais aux USA succède une période d’établissement avec la mise en lace de ghettos urbains et l’arrivée en masse de femmes venues du Japon épouser des compatriotes inconnus (c’est le point de départ du roman et de la pièce). Sont évoqués la nouvelle génération (enfants nés avec la nationalité américaine) puis à partir de 1942 l’expulsion, l’incarcération, la déportation des américano-japonais.
Le récit qui débute avec l’arrivée des femmes en bateau, donné sur le plateau dans un mode incantatoire par hui femmes et quatre hommes, fait appel au chœur et à la confession individuelle. C’est leur prise de parole qui charpente le point de vue scénique. Des cloisons et des chariots mobiles traversent l’espace à l’unisson d’une mise en scène qui joue du travelling et du gros plan, de la projection du plein écran et du champ contre champ, avec un sol qui se délite comme une terre brûlée.

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Avignon 2018 – « 36 avenue Georges Mandel » – (IN)

— Par Dominique Daeschler —

En hommage à Callas, dans l’espace sacré du cloître des Célestins où les platanes font voûte, Raimund Hoghe prend tous les risques, confrontant son corps menu à l’inamovible des pierres et à la vibrante démesure de la cantatrice. Avec humilité et une extrême concentration, il trace ses chemins, construit son labyrinthe, évoque l’errance et la solitude. Apportant une signification symbolique à tous ces petits tas de vêtements repères et tombes à secrets, il s’arrête, prend le public en pleine face avant d’oser « une fente » de profil. Que reste t ‘il du mouvement dans des postures figées ? Que dit un geste non terminé, arrêté dans son envol ? Les éléments du corps (tête, bras, épaules, jambes), à l’affût du chant, semblent se déplacer en autonomie formant un cosmos qui a ses propres règles. Dans l’épuration, la radicalité de la lenteur voire de l’immobilisme, la communion entre voix et mouvement se fait presque oppressante, rappelant une Callas morte dans l’oubli. De l’icône de la cantatrice, de « l’image » du danseur, il ne reste rien : le travail se fait dans les failles, pour dire que l’Art se construit avec des fragilités, des souffles et des formes éphémères.

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Avignon 2018 : « De Dingen die voorbijgaan: les choses qui passent », d’après Louis Couperus, m.e.s. Ivo Van Hove (In)


Ivo Van Hove, metteur en scène des Damnés (en cour d’honneur il y a deux ans) nous plonge dans une saga familiale, digne de « Dallas » quant à ses turpitudes. A partir d’une adaptation de trois romans de Louis Couperus auteur néerlandais de la fin du 19esiècle.
Quinze comédiens et un musicien vont opérer dans un univers clos qui ressemble à une salle d’attente d’aéroport avec, taguées sur ses murs de verre, des figures grimaçantes. Tout de noir vêtus, en deuil d’eux-mêmes, ils vont jouer diverses partitions en duo, trio, quatuor… avec un minimum d’accessoires et sans autre mobilier scénique qu’une étrange table horloge. Au centre de l’histoire, un meurtre perpétué par un vieux couple d’amants sert de socle au non-dit qui ronge toute une famille qui sait : celui qui a vu, celui qui a répété…Le ver est dans le fruit. Les couples sont disparates, les jeunes jouent les vieux et vice versa. On aborde la pédophilie de l’un, l’hystérie de l’autre, l’homosexualité latente, la gourmandise sexuelle ou son refus, le marchandage. Je vous le dis « un univers impitoyable » où jusqu’ à la mort des très vieux, il y aura révélation de filiation, afin de bien ébranler ces liens familiaux et d’en montrer l’iniquité.

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Avignon 2018 : « Zone » (Off) / « Mama » (In)

« Zone » (Off) d’après Mathias Enard, adaptation & m.e.s. de Marilyn Leray, Marc Tsypkine de Kerblay
Des livres de Mathias Enard Marilyn Leray dit avoir gardé une unique grande phrase qui tout le long du spectacle sera hachée, syncopée, arrêtée dans un crissement de ces vieux trains fatigués qui traversent l’Europe.
Le parcours d’un ancien agent secret qui souhaite livrer contre monnaie sonnante et trébuchante moult secrets d’état, est examiné à la loue, ravivé, éclaté (marche arrière et marche avant !). Quatre comédiens dans un no man land scénique impossible à décrire sinon comme un terrain vague aux astuces de survie que sont la vidéo, le son, l’installation, le verbe. Le théâtre pousse comme une mauvaise herbe au milieu des seaux, des couchages de fortune, des ordinateurs, se fait investigateur pour parler, en rebond, des guerres d’aujourd’hui. Roule le train. Les comédiens manipulent, changent à vue et nous plongent, témoins et acteurs dans notre monde et ses violences. En toute simplicité cet échange en « terrain miné » nous renvoie sans coup férir à nos propres zones d’obscurité et d’incertitude.
Dominique Daeschler

« Mama » texte & m.e.s.

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Avignon 2018 – « Saison sèche » – (IN)

— Par Dominique Daeschler —

Petit coup de massue en introduction : sur scène Phia Ménard, metteuse en scène, assène « je te claque la chatte »et s’en va. Ce n’est as la peine de la traquer sur les questions du genre de de l’indiscipline. Son discours et son œuvre sont telluriques.
Emprisonnés dans une boîte aux hauts murs, au plafond qui remonte ou descend, sept femmes vêtues d’une robe sac informe errent, cherchant la faille qui détruira la maison patriarcale. Le jeu n’est pas égal : d’un côté la force d’un pouvoir ancestral reconnu par la société, de l’autre une volonté de libération qui conduit à la construction politique de revendication de la liberté. De l’individu à la bande, de la bande au groupe, une maturation se fait en place. Le corps, objet politique, est nu, peint, déguisé en homme avec férocité et humour, pastichant sa place et son rôle dans une société aux désirs ajustés à la norme.
A chaque pensée une image forte et une recherche plastique, se jouant des clichés pour filer la métaphore avec les moyens de la danse, de l’acrobatie, de la performance.

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Avignon 2018 : « Saison sèche » de Phia Ménard

Spectacle créé le 17/7/2018 au Festival d’Avignon. L’autre scène du grand Avignon, Vedène

— Par Michèle Bigot —

Êtes-vous prêts pour le grand chambardement? Résisterez-vous à un nouveau séisme? Voilà la question à laquelle vous allez devoir vous confronter, psychiquement et physiquement, si vous voulez participer à cette grande cérémonie des corps et des esprits qu’est un spectacle de Phia Ménard. Vous me direz que vous êtes maintenant habitués aux spectacles extrêmes, depuis que vous avez assisté aux représentations d’Angelica Lidell et à celles d’Emma Dante. Et vous êtes avertis que désormais, ce n’est plus au cinéma mais au théâtre que vous allez vivre des émotions inédites, trouver des formes nouvelles et des audaces inouïes. Si c’est là ce que vous recherchez et que vous êtes fatigués des spectacles-divertissement qui nourrissent les idées reçues et ne dérangent personne, bienvenue chez Phia Ménard. Ça va dé-ménager! Ne ménager personne et surtout pas ceux qui se sont installés à l’aise dans le patriarcat!
Car c’est bien d’une révolte généralisée contre le patriarcat qu’il s’agit. C’est fort, c’est dramatique et c’est drôle. Ce n’est pas un hasard si cette subversion des valeurs machistes nous vient de Phia Ménard.

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Avignon 2018 – « Tio » – (Off) / « Pur Présent » (In)

« TIO, itinéraire d’une enfant de Brassens » de Christina Rosmin

— Par Dominique Daeschler —

Tio (Off)

C’est peu de dire que Christina Rosmini a de l’abattage. Il fallait un certain culot pour s’approprier l’héritage de Brassens à travers sa propre histoire familiale. Petite fille d’ouvriers venus d’Espagne, d’Italie, de Corse, Christina Rosmini fait entrer Brassens dans la tribu : que dieu reconnaisse les siens ! Brassens c’est « un tio », l’oncle qui donne par ses chansons accès à une poétique que chacun peut ressentir. Entre flamenco et chanson à texte, Christina Rosmini danse, conte, saisit sa guitare, passant d’une langue à l’autre (admirable version franco espagnole de Saturne) tout en déroulant une histoire qui prend en compte une documentation sérieuse sur le chanteur. C’est enlevé et inventif. La voix est sûre, colorée comme un arc en ciel qui connaît les tumultes de l’orage. L’accompagnement de musiciens chevronnés (percussions et guitare) ponctuent, relancent, ajoutant à la perfection de ce spectacle peaufiné. Un double regret : un espace confiné qui ne permet pas de parler de mise en scène et un décor trop banal et convenu pour la densité de la parole et du jeu.

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Avignon 2018 Gaudillère : « Pale Blue Dot » – IN

— Par Selim Lander —

Wikileaks

Dernier spectacle du IN en ce qui nous concerne, Pale Blue Dot est consacré à « l’affaire Wikileaks ». Du théâtre documentaire solide, concocté (texte et m.e.s.) par Etienne Gaudillère, jeune comédien qui a créé sa compagnie « Y » en 2015 avant de monter Pale Blue Dot l’année suivante. Le titre serait tiré de la description de la terre vue par la sonde Voyager à quelques milliers de kilomètres : un point bleu pâle. Disons alors que la pièce est un zoom sur quelques individus qui voulaient « changer le monde » (au sens de notre petite terre perdue dans l’univers), à commencer par Julien Assange, fondateur de Wikileaks à la personnalité très affirmée, toujours confiné dans l’ambassade d’Equateur à Londres et le soldat Bradley (devenu Chelsea) Manning qui a approvisionné Wikileaks avec des « tonnes » de documents très compromettants pour l’armée et l’administration américaines.

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Avignon 2018 – « Le Misanthrope » – « Le comte de Monte-Cristo » – (Off)

Le Misanthrope, Molière,  m.e.s. Claire Guyot (Off)

— Par Dominique Daeschler —

Quelle belle idée que ce Misanthrope à la sauce politique ! traité tambour battant dans le texte de Molière, justement revigoré par ce coup de jeune ! Nous voilà dans les cabinets de ministre avec Alceste en « spin doctor ». Ça gesticule, ça communique, ça conspire ça flatte ! le pouvoir vous dis-je ! Pour qui connaît un peu le monde des éléments langage » du TTS (très très signalé), c’est un régal § Claire Guyot metteur en scène a su diviser son espace scénique de façon à rendre lisibles ses fonctions : q g, salon, bar de luxe. Les éclairages entrent astucieusement dans la construction du décor, apportant une dimension cinématographique à l’espace et en donnant un côté « people » aux acteurs. Pour Alceste, qui veut quitter le monde sans empathie de la politique reste un espoir ; entraîner la belle Célimène loin de cet « entre soi » grêlé de coups tordus. Fi donc ! Molière étant respecté jusqu’au bout Alceste se prend un râteau.
Tonique, insolent, faisant passer la primauté du politique ? le Misanthrope de Claire Guyot gagne nos voix haut la main, bien servi par une équipe de comédiens solides et solidaires dans le jeu.

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Avignon 2018 – « Ton beau capitaine » – (Off)

Texte de Simone Schwartz-Bart / m.e.s. Maud Galet Lalande

— Par Dominique Daeschler —

Wilnor dans sa « cage » en tiges de bois nous longe en voyeur dans la réalité de sa pauvreté, réalité loin de son rêve d’une maison à colonnades. Loin de chez lui, il fait partie de ces immigrés séparés de leur famille qui envoient de quoi vivre chaque mois. Il correspond par cassettes avec marie Ange la bien nommée dont le traitement en mapping vidéo accentue encore la distance la part rêvée.

Le beau texte de Simone Schwarz Bart est célébré avec simplicité, magnifiant les trouvailles de la langue créole qui crie l’absence, la séparation, la reconstitution et nous interroge tous, exilés ou non, sur la construction de l’amour. Une mise en scène épurée joue de ce donné et de ce fabriqué, du dedans, dehors comme d’un espace symbolique. Wilnor est à la fois naïf et petit joueur dans le mensonge. Marie Ange triche aussi jusqu’à la preuve (l’enfant) de l’adultère. Le dialogue se perd, se renoue dans l’impossibilité d’accepter les réalités auxquelles l’un et l’autre sont confrontés. Il y a de l’orgueil, de la colère, de l’humilité, du désarroi, du déni chez ces deux personnages qui d’une certaine façon sont traités en miroir par la mise en scène.

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Avignon 2018 Phia Ménard – Julie Otsuka/Richard Brunel – IN

— Par Selim Lander —

Saison sèche

Incontestablement l’un des événements du festival, très longuement applaudi, Saison sèche passe en force et ne peut pas laisser indifférent. Phia Ménard est une femme qui fut jadis un homme. Militante, elle n’a de cesse dans ses pièces chorégraphiées de dénoncer l’oppression de la femme par l’homme. Il s’agit donc de danse, une danse très contemporaine destinée à produire sur le spectateur des chocs à répétition. Le premier tableau montre des femmes vêtues d’une courte combinaison blanche dans un espace lui-même tout blanc pourvu d’un plafond qui monte et descend jusqu’à presque écraser les sept danseuses, comme pour mieux illustrer la domination de la société patriarcale. Vient ensuite le tableau de la danse rituelle inspirée de la secte des Haukas, au Ghana, filmée par Jean Rouch (Maîtres fous) : entièrement nues, peinturlurées de couleurs vives, les danseuses semblent effectivement se livrer à un rituel magique.

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Avignon 2018 Gaëtan Peau : « Le Corps en obstacle » – OFF

— Par Selim Lander —

C’est paradoxal mais c’est ainsi : Il n’est pas si facile de voir sur « la plus grande scène de théâtre du monde » une « vraie » pièce écrite pour le théâtre dans les règles de l’art, pas un seul en scène, pas un texte adapté d’un roman ou d’un journal intime, pas un spectacle poétique ou musical ou de cirque. Les festivaliers ont dû s’habituer à ces nouvelles formes qui comportent, bien sûr, leur part de réussite mais enfin les amateurs du « vrai théâtre » ont de quoi se sentir frustrés. Aussi se réjouissait-on à l’avance de découvrir, au Verbe incarné, la pièce de G. Peau qui se situe dans le monde des agences de sécurité dont les employés mettent leurs « corps en obstacle ».

Dès l’entrée dans la salle, on pressent qu’il va se passer quelque chose d’intéressant. A jardin, un bureau, une table plutôt, chargée de quelques dossiers ; à cour, des instruments de salle de sport, un banc pour le développé-couché, un sac de frappe pour boxeurs, quelques haltères. Le patron de la boite, comme on l’apprendra bientôt, est un ancien boxeur amateur qui tient à l’entraînement sportif de son personnel.

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Avignon 2018 : El Attar – Lagarce – IN

— Par Selim Lander —

Mama

De Ahmed El Attar, on avait vu, en 2015, The Last Supper, une immersion plutôt fascinante dans une famille de la grande bourgeoisie égyptienne, qui valait autant par son caractère ethnographique que pour les quelques éléments d’intrigue qui s’y nouaient. Avec Mama que l’on nous annonce comme le dernier volet d’une trilogie après La Vie est belle ou en attendant mon oncle d’Amérique et The Last Supper, El Attar a voulu, selon ses déclarations et contrairement aux deux pièces précédentes, mettre les femmes au centre de l’action, pour faire ressortir plus clairement une problématique centrale de la famille égyptienne suivant laquelle les femmes opprimées par leurs pères et maris se rattrapent, en quelque sorte, sur leurs fils qu’elles enferment dans un amour possessif, si bien que le fils se rattrapera à son tour sur son épouse et ses propres filles et ainsi de suite…

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Avignon 2018 Anne Voutey – Vincent Roca – OFF

— Par Selim Lander —

Sur la route (la mort de Sandra Bland)

Une jeune afro-américaine est morte victime des violences policières. De ce fait divers réel Anne Voutey – dont la m.e.s. du Gardien (de Pinter), avait obtenu le prix du meilleur comédien aux Ptits Molières en 2015 – a tiré une pièce émouvante interprétée par trois comédiennes (en alternance, ce qui explique qu’elles soient cinq sur l’affiche). La comparaison avec La Reprise de Milo Rau présentée dans le IN cette année s’impose en raison de la proximité des thèmes. Dans La Reprise Ihsane Jarfi est battu à mort par de « pauvres types » parce qu’il est homosexuel et « arabe », dans Sur la route la victime d’un policier (on la retrouvera pendue dans sa cellule trois jours après son arrestation) est jeune et noire. A cela près, on a affaire à la même bêtise raciste chez les assassins. Or on ne peut imaginer des traitements plus différents de ces faits divers similaires que ceux imaginés par les deux auteurs-metteurs en scène. Là où Rau tourne autour du personnage d’Ihsane, en s’intéressant aux parents, aux meurtriers, etc.,

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Avignon 2018 : « Les femmes se font baiser »

— Par Carole Thibaut —

Carole Thibaut, directrice du centre national dramatique de Montluçon (Théâtre des Îlets – CDN de Montluçon), vient de refuser un #Molière au #FestivalAvignon2018, dans un discours contre le sexisme, et la domination masculine !
Voici le texte écrit et lu par Carole Thibault à Avignon :
« Je vous remercie pour ce Molière.
Probablement le seul Molière que je recevrai jamais.
Ce n’est pas une question de talent, il n’est pas question ici de talent.
Je suis désolée. J’avais commencé à écrire un truc rigolo.
Un de ces trucs pour lesquels on fait appel à moi de temps en temps.
Oh tiens si on invitait Thibaut. Elle est rigolote Thibaut. C’est une excitée rigolote. Elle nous casse bien un peu les coucougnettes avec ses histoires d’égalité femmes-hommes, mais elle est rigolote. Elle pique des gueulantes rigolotes, bien brossées. Et puis elle met des jolies robes. Elle porte bien. Elle fait désordre policé.
On devient vite le clown de service. Le bouffon du roi.
Et ici le roi, comme ailleurs, c’est la domination masculine.
Il a beau faire GENRE, le roi, il est et reste la domination masculine.

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Avignon 2018 : « Cyclone » de Michèle Césaire, m.e.s. de William Mesguich (Off)

Un couple domino. Elle antillaise. Lui métro. Ils vivent à Paris.Ils se sont aimés il y a vingt ans de cela. Lui était photographe, elle comédienne. Artistes sur le retour ils sont aujourd’hui dans une indifférence parfois polie, parfois pleine d’aigreurs, dans une quotidienneté qui tue toute velléité de différenciation. Il ne la désire plus vraiment. Il végète dans un petit journal avec un boulot qu’il exècre et qui lui renvoie l’image dévalorisée de ce qu’il st devenu. Il peut rester des heures et des jours à ne rien faire. Il picole un peu. Elle, elle a encore des rêves d’accomplissement théâtral, sans trop y croire. Le lien qui les tient est celui d’une complicité passée. Ils cherchent leur bien dans l’ombre de leurs souvenirs. Morts à leurs désirs ils semblent survivre. Relation en miroirs dans sa dimension mortifère que viendra sauvée l’irruption d’un tiers. Michèle Césaire ne recompose pas pour autant un «Théorème» pasolinien, ni même la sempiternelle triangulation amoureuse. Elle fait de l’irruption d’un troisième artiste, peintre celui-là, le vecteur d’une recomposition, d’une renaissance dans le domaine des arts.

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