« La Collection » par le collectif BPM (Büchi-Pohlhammer-Mifsud)

La Sélection Suisse en Avignon nous a habitués à assister aux meilleurs spectacles, champions du spectacle vivant. Cette année encore, ils reviennent pour nous proposer le meilleur!

C’est ainsi que le collectif BPM s’est promis de sauver de l’oubli « les objets du quotidien devenus obsolètes ». On s’attend donc à un théâtre d’objets. Il est question de vélomoteur et de téléphone en backélite. Pourtant c’est leur absence qui est mise en scène, à la fois par la parole des acteurs et par leurs mimiques. Il s’agit moins de l’objet lui-même que de sa trace mnésique qui se présentifie par les mots, le bruitage et la mimique. Ainsi que des souvenirs associés à ces objets. C’est toute l’adolescence qui revient dans le récit, avec ses plaisirs et ses angoisses. Exercice de nostalgie, direz-vous? pas vraiment, c’est trop drôle pour être inquiétant. Les personnages se moquent d’eux-mêmes, de l’enfant qu’ils étaient, avec tendresse mais sans complaisance. Avec ce grain de folie propre à l’imaginaire suisse et tout son humour! C’est souvent déjanté. Le trio formé par deux actrices et un acteurs est uni par une formidable complicité. Rien que leur visage est désopilant. Leur expression, leur attitudes, leur déplacement, tout est évocateur. C’est hilarant parce que ça ne prétend pas l’être. Le comique est en quelque sorte involontaire, et d’autant plus jubilatoire. Evidemment, ça fonctionne encore mieux si on a les références qui sont convoquées: cet humour suisse un peu braque, un peu fêlé, cet air de ne pas y toucher, cette fantiaisie modeste et involontaire qui enchante le quotidien, cet accent vaudois dont eux même se gaussent volontiers! Ils sont quelque peu lunaires, ces personnages, mais ils sont attachants et nous renvoient à une époque révolue, qui a un parfum d’authenticité et de naïveté, comparée à l’ère contemporaine.

Pour réussir tout cela, les moyens sont très modestes, le dispositif technique est simple, plein feu et diffusion sonore sur un plateau nu. C’est sobre, c’est redoutablement efficace! La scénographie se borne à trois chaises, les spectateurs installés en face, comme pris à témoin. Quelques références cinématographiques sont convoquées pour notre plus grand plaisir: le téléphone à cadran rotatif appelle L’impossible Monsieur Bébé, avec Katherine Hepburn et Terreur sur la ligne de Fred Walton. Les récits s’entremêlent, les personnages confondant souvenirs vécus et souvenirs de films. Ils sont eux-mêmes un peu largués dans le réel.

En somme un spectacle rafraîchissant, sans excessive prétention et d’autant plus réjouissant.

Michèle Bigot

Festival d’Avignon Off, 2021

11. Avignon, 7>25 juillet