Catégorie : Arts de la scène

« L’enclos de l’éléphant » : au piège des mots

— Par Roland Sabra —

Le texte d’ Étienne Lepage a été mis en scène plus d’une fois. C’est dire qu’il rencontre un réel intérêt parmi les gens de théâtre. Étrangeté d’un monde si proche et si lointain.

Après la lecture mise en espace par Lucette Salibur dans le cadre du Festival des Petites Formes, une partie du public dans laquelle, figuraient deux écrivains, a encensé, a couvert d’éloge le texte. Ont même été évoqués Dostoïevski, principalement, et Kafka en mode mineur. Qu’un objet renvoie à autre chose que lui-même est certes un hommage, quand on le compare à plus grand que lui, mais peut être entendu comme la mise en évidence de son manque à être par ce qu’il est intrinsèquement. De quoi est-il question dans ce texte ? Un homme Paul vient sonner à la porte d’une maison bourgeoise pour demander à être héberger le temps d’une averse. Il n’a pas de parapluie dit-il. Alexis, le médecin se laisse convaincre et le fait entrer. Paul affecté d’une diarrhée verbale, d’une incontinence langagière va saisir dans le filet tentaculaire de ses mots le pauvre Alexis et le contraindre à s’humilier.

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« Moi, fardeau inhérent » de Guy-Régis Jr, m.e.s. et jeu de Daniely Francisque

— Par Roland Sabra —

Noir. Une voix dans le noir. Une voix enregistrée. Une voix magnétique. La diction est claire, nette, sans emphase, dépourvue d’affect, presque détachée. Elle fait offrande de mots au seul sens mobilisé, l’écoute. Les autres sont en veilleuse. Du texte émerge la force d’une beauté qui envahit l’espace, pénètre les esprits et les corps. En apnée la salle retient son souffle. Moment superbe, moment magique. Et puis…

Et puis la comédienne émerge de l’ombre et va poursuivre en explorant différents registres, avec une palette expressive assez large, dans un engagement plein et entier. Cris déchirés, rires étouffés, pleurs et larmes rentrés, rage expulsée, diront l’indicible de la douleur du viol. Mais jamais elle ne pourra égaler l’intensité émotionnelle produite par seule écoute de sa voix sur la bande-son. On entendra de nouveau la voix seule, à la fin, mais on le sait d’un autre domaine : la compulsion de répétition est un obstacle au principe de plaisir.

Reviennent alors à l’esprit les autres mises en scène de Moi, Inhérent qu’il s’agisse de celle de l’auteur Guy-Régis Jr avec Nanténé Traorélors de la saison 2009-2010, au Tarmac et présentée dans la foulée au Festival Cap Excellence de Guadeloupe, ou de celle de  Toussaint Carilien avec Karina Benziada en 2012, toutes achoppent sur la difficulté de la re-présentation d’un texte qui, dans sa puissance, sa construction et sa beauté poétique se suffit à lui-même.

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« Moi, fardeau inhérent », une ballade sauvage et poétique

— par Janine Bailly —

Peut-être me faudrait-il seulement, au sortir de la représentation de « Moi, fardeau inhérent », donnée dans son premier “seule en scène” par Daniely Francisque, écouter Anatole France et me contenter d’être celle « qui raconte les aventures de son âme au milieu des chefs-d’œuvre ». Tant il est difficile d’analyser ce qui plus qu’à notre raison a su d’abord parler à nos sens et à notre cœur, faisant éclore une émotion poignante, un bouleversement parfois proche des larmes. La comédienne, actrice et responsable de la mise en scène, nous donne non seulement à entendre, mais encore à ressentir le texte du dramaturge haïtien Guy-Régis Junior : en nous il s’insinue, par les oreilles, par les yeux, par la peau qui frissonne, langage de mots, langage de corps, langage de mains qui nous saisit et au long d’une heure ne nous lâche plus, nous traverse et ne nous laissera pas indemnes.

Dans l’obscurité de la salle, la voix de la comédienne dit le texte, qui annonce l’histoire, le statut de la femme, seule dans la nuit sans lumière mais qui se défend d’être abandonnée.

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«Au bout du pays» d’Alfred Alexandre

Vendredi 25 janvier 2019  à 19H Salle La Terrasse

Mise en lecture avec : Dominik Bernard (Lecture) & Alex Bernard (Contrebasse)

Dans le cadre d’un compagnonnage entre l’auteur Alfred Alexandre et la Cie Les Enfants de la Mer, en résidence à Tropiques Atrium Scène nationale

Alfred Alexandre est né le 14 décembre 1970 à Fort-de-France (Martinique). Il suit des études de philosophie à Paris pour ensuite revenir en Martinique en tant que professeur de philosophie et chargé de cours à l’université des Antilles et de la Guyane.

Bord de canal, son premier roman publié en 2005, est gratifié l’année suivante du Prix des Amériques insulaires et de la Guyane. Sa première pièce de théâtre, La Nuit caribéenne (2007) est saluée par Etc_Caraïbe qui lui octroie en mai 2009 une résidence d’écriture à Québec. Cette même pièce est mise en lecture au théâtre Foyal (Fort-de-France), à la scène nationale de Bourgogne (Creusot) et mise en scène en 2010 par Arielle Bloesch (à Fort-de-France et représenté à Dakar dans le cadre du Festival mondial des arts nègres). Sa résidence d’écriture canadienne au Centre de la francophonie des Amériques (CEAD) lui donne l’occasion de présenter son texte théâtral Le Patron.

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« Cette punition », texte & m.e.s. : Valer’Egouy

Dimanche 27 janvier 2019 -17h- Chapiteau à Schœlcher 

Entrée libre

Pièce de théâtre constituée d’extraits de textes, contes, musiques, mouvements dansés.
Un homme passe une nuit en prison en garde à vue pour une affaire dont il n’est pas réellement responsable. La jalousie des autres lui saute dessus alors il entre en réflexion et défilent devant ses yeux plusieurs moments de sa vie depuis l’enfance. Il voyage aussi hors de sa terre natale et remonte le temps à aujourd’hui pour parler d’autres punitions. La thématique de la punition n’a pas été souvent abordée au théâtre dans les pièces présentées en Martinique ces dernières années. Il est question de réveiller des sentiments par quelques émotions – partir de l’enfance et faire le chemin ensemble en passant de l’adolescence à l’âge adulte, jusqu’aux cheveux blancs.

Présentation
La thématique de la punition n’a pas été souvent abordée au Théâtre. En tout cas, il y a peu de pièce de Théâtre où c’est le thème principal. Nous entendons par là celles qui sont représentées en Martinique ces dernières années.
Il est question de réveiller des sentiments par quelques émotions – partir de l’enfance et faire du chemin ensemble en passant par l’adolescence, garçon fille, femme homme, conteur narrateur, l’envahisseur, l’adulte jusqu’aux cheveux blancs.

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« Joyeux anniversaire Marta » de José Jernidier, m.e.s. Dominik Bernard

Samedi 26 janvier 2019 -20h- Tropiques-Atrium

Cette pièce, entièrement écrite en créole, est surtitrée en français. Elle met en scène une femme Poto-Mitan, mais aussi une femme chateng ; une femme Doubout, mais aussi une femme chouké ; une femme flanm. Mais surtout une femme de la déveine.

Écrite par José Jernidier, mise en scène par Dominik Bernard, interprétée en solo par Tania Gervelas, cette pièce traite de sujets qui gangrènent notre société, notamment les violences faites aux femmes et le manque d’estime de soi. Marta est une femme qui ne souhaite qu’une chose : être aimée et cela à n’importe quel prix. Le soir de son anniversaire, elle espère, sans conviction, la venue de son conjoint pour fêter l’occasion. Face à cette attente qui s’éternise, Marta se raconte, retraçant le parcours de sa vie et les nombreux écueils qu’elle a traversés.
Une interprétation juste et émouvante au service d’une mise en scène efficace et d’un texte puissant font de cette pièce l’une des belles réussites de l’année en matière théâtrale.

Une coproduction Artchiel/Textes en Paroles

Joyeux anniversaire Marta

Pièce en créole
Mise en scène : Dominik Bernard
Mise en espace : Esther Myrtil
Interprétation : Esther Myrtil

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« A Parté » de Françoise Dô : une découverte

— Par Selim Lander —

Quoi de plus gratifiant pour un amateur de théâtre que de découvrir un nouvel auteur, entendons-nous bien, un « vrai », avec une voix, des personnages complexes, une construction subtile qui les révèle progressivement jusqu’à nous faire changer complètement d’opinion à leur égard, la victime devenant bourreau ou vice versa. Exactement ce que François Dô nous a offert lors d’une soirée mémorable à l’Atrium qui aura vu se succéder deux conceptions antipodiques du théâtre. De quoi dérouter les amateurs du premier, celui de Françoise Dô en l’occurrence, confrontés à la deuxième pièce (Résurgence de Jocelyn Régina), comme le furent sans doute les spectateurs enthousiastes de Résurgence contraints « d’avaler » A Parté en prologue.

Tenons-nous en à la première pièce de la soirée, qui est en fait la seconde écrite entièrement par Françoise Dô (sans compter son adaptation de Reine Pokou). Alors qu’Aliénation(s) (2017) sentait encore l’auteur débutant, tellement rempli de lui-même qu’il ne peut guère parler d’autre chose, son second essai est un coup de maître. Rien de tel, en effet, avec A Parté écrite l’année suivante.

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Le couple mère-fils dans un « Aparté » incestueux

— Par Roland Sabra —
« A travers l’écriture et le récit théâtral, je cherche à explorer les tabous et les non-dits au sein des familles et de la société. » Le public de Françoise Dô était d’autant plus prévenu qu’il avait pu voir, dans cette même salle Frantz Fanon, il deux ans de cela « Aliénation noire« . Pour autant l’effet de sidération a joué à des degrés divers mais bien réels lors de la première d’ «  A Parté » à entendre comme aparté, que le Larousse définit de la sorte : « Ce qu’un acteur dit à part soi sur la scène, et qui est censé n’être entendu que des spectateurs. Conversation discrète tenue à l’écart, dans une réunion, dans un petit groupe. » Il est donc question d’un dire à part, diffusé à voix basse, pas tout à fait caché, mais que tout un chacun connaît. Un non-dit entendu par tous. Le synopsis de la pièce de Françoise Dô, tel qu’il est annoncé dans la présentation participe au semi-secret en dissimulant l’objet dont il va être question.

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« Résurgence » : qui trop étreint mal embrasse

— Par Roland Sabra —*

Le projet de Jocelyn Régina est de faire entendre la parole de Césaire. Il invente pour ce faire une situation dans laquelle un vieillard habitant le quartier de Volga attend depuis dix ans la visite habituelle que lui rendait Aimé Césaire, sans savoir que celui-ci est décédé. Il est livré aux mains d’un couple de tortionnaires, une « assistante de vie » et son amant militaire qui n’ont que faire des écrits du poète, de l’écrivain, de l’homme politique. Césaire pour eux est au mieux un nom vide de contenu, au pire le nom d’un politicien aux positions ambiguës. Situation pas aussi irréaliste que cela quand on interroge les jeunes générations. La scène figure l’intérieur de la maison, pauvre en équipement, il y a là un lit coté jardin, un semblant de cuisine coté cour, quelques affiches sur les murs de la masure. Le vieux est handicapé, la goutte le cloue au lit, une corde sur le seul pied valide limite ses déplacements. Le couple n’a qu’un seul projet, celui de dilapider sans vergogne le pécule du vieux qui clame du Césaire nuit et jour.

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A Parté, de Françoise Dô : être femme

— par Janine Bailly —

Françoise Dô, l’une des artistes cette année en résidence de création à Tropiques-Atrium, a de toute évidence plus d’une corde à son arc. Les bonnes fées se seraient-elles penchées sur son berceau ? Pour l’avoir vue les années dernières dans Aliénation Noire, devenu plus tard Aliénation(s), puis dans la « maquette » de Reine Pokou, je la sais merveilleuse interprète, qui conjugue sur un plateau intelligence et sensibilité, au service de ses propres textes autant que de ceux des autres.

Nous l’avons retrouvée avec bonheur, pour le Festival des Petites Formes, mais à la mise en scène cette fois de sa propre pièce A Parté, dont elle confie les rôles à Astrid Bayiha et Abdon Fortuné Khoumba. Une histoire censée être vécue par cinq personnes, mais deux personnages seulement à faire exister sur scène, Nicole et Stéphane, couple en rupture de ban. Nicole et Stéphane, tous deux chargés de dire l’histoire, de se dire, de dire les autres, dont ils rapportent aussi les dialogues. Dire le présent et le passé. Nous faire découvrir, et pas à pas reconstituer, par leurs monologues alternés, en différents lieux de la ville, une vie en lambeaux.

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L’enclos de l’éléphant,  d’Étienne Lepage

Mercredi 23 janvier 2019 à 19 h Tropiques-Atrium

Mise en lecture de Lucette Salibur du texte d’ Étienne Lepage

L’enclos de l’éléphant d’Étienne Lepage constitue une œuvre dramatique mature qui va jusqu’au bout de sa logique perverse.

Sa seule lecture publique, organisée par le Centre des auteurs dramatiques l’automne dernier [2010], avait déjà représenté un moment de théâtre rare, porté par ces deux acteurs d’exception que sont Paul Ahmarani et Denis Gravereaux. Après une première version scénique présentée au dernier Festival TransAmériques, nous voici à nouveau invités à pénétrer dans cet enclos, sorte d’arène épurée où deux hommes se livrent un duel inégal et presque métaphysique.

Les fauteuils, disposés en cercle autour d’une aire de jeu où seule une chaise dispute la place aux acteurs, sont isolés les uns des autres par des cloisons. Chaque spectateur disparaît pour ses voisins, mais demeure bien visible, ainsi encadré comme en une boîte, pour le public assis face à lui. Si ce choix scénographique s’appuie sur des thématiques présentes dans le texte, comme la dissolution de la sphère privée et l’effet du regard de l’autre sur soi, il ne détourne pas fondamentalement notre regard de l’intense affrontement verbal et physique auquel se livrent les protagonistes.

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Leave no trace

Vendredi 25 janvier 2019 à 19h 30 Madiana V.O.

De Debra Granik
Avec Thomasin McKenzie, Ben Foster, Jeff Kober
Genre Drame
Nationalité Américain

Synopsis :
Tom a 15 ans. Elle habite clandestinement avec son père dans la forêt qui borde Portland, Oregon. Limitant au maximum leurs contacts avec le monde moderne, ils forment une famille atypique et fusionnelle.
Expulsés soudainement de leur refuge, les deux solitaires se voient offrir un toit, une scolarité et un travail. Alors que son père éprouve des difficultés à s’adapter, Tom découvre avec curiosité cette nouvelle vie.
Le temps est-il venu pour elle de choisir entre l’amour filial et ce monde qui l’appelle ?

La presse en parle :

Positif par Emmanuel Raspiengeas
La discrétion et la retenue de la mise en scène et de l’écriture y sont un gage d’exigence et le moyen d’une étude subtile de l’essence de l’homo americanus.

Voici par Daniel Blois
Un duo d’acteurs remarquables.

20 Minutes par Caroline Vié
La cinéaste offre un rôle superbe à Ben Foster et révèle la jeune actrice Thomasin McKenzie.

aVoir-aLire.com par Gérard Crespo
Cet attachant portrait de relation père/fille dans un cadre original de « survival documentaire » confirme le talent d’une réalisatrice indépendante inspirée.

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« Moi, Fardeau inhérent », texte de Guy-Régis Junior, m.e.s. & jeu Daniely Francisque

Jeudi 24 janvier 2019 -19h – Chapiteau à Schœlcher 

Une femme seule, drapée dans la nuit. Elle attend. Flamme téméraire sous la pluie sauvage. Ses mots grondent, sa révolte déborde. Elle crie sa blessure à jamais ouverte, dénonce son destin avorté. Convoquant le passé, elle exhume le secret enfoui dans son corps flétri, son fardeau. Comment transcender les blessures de la vie ? Ici une femme attend l’heure de la vengeance. Elle attend l’homme, cette charogne. Elle l’attend avec dans sa main, l’orage et le glaive. Pépite du répertoire théâtral caribéen, le texte puissant et poétique de l’auteur haïtien Guy-Régis Junior résonne avec le mouvement mondial de libération de la parole des femmes, dénonçant harcèlement et violences sexuelles. Il vient clore le triptyque théâtral #Duels2Femmes de la compagnie TRACK, initié en 2016.

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« Corps marron ! » : conférence de Sylvie Chalaye

Lundi 21 janvier à 19h Tropiques-Atrium. Entrée libre

Les poétiques de marronnage des dramaturgies afro-contemporaines

En marge des dramaturgies contemporaines, sont nées des écritures dramatiques dont les auteurs afro-descendants, sans territorialité d’appartenance reconnue par la Nation, autre que la francophonie, l’Afrique, les Outre-mer ou leur couleur de peau, ont entrepris de faire du corps le théâtre du drame et de déconstruire cette territorialité fantasmée et ses frontières en produisant un « autre » théâtre.

Le corps où se joue le drame est un corps sorti de l’enfermement de la cale des idées reçues et des couleurs plaquées au front, un corps qui entreprend sa mue dans le regard de l’autre, un corps qui est sorti de l’enclos des prêts-à-porter identitaires. Le corps-champ-de-bataille de ces dramaturgies inédites est un corps marron, celui qui n’appartient pas au maître, le corps du rêve, corps sacrificiel et eucharistique, celui qui nous ramène à l’essence même de la cérémonie théâtrale.

Ce livre propose de découvrir cet « autre » théâtre et ouvre quelques entrées théoriques pour en appréhender les enjeux esthétiques, politiques et philosophiques.

Anthropologue des représentations coloniales et spécialiste des dramaturgies contemporaines d’Afrique et des diasporas, Sylvie Chalaye est professeur et directrice de recherche à la Sorbonne Nouvelle.

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« Anatole dans la tourmente du Morne Siphon » : un théâtre populaire

— Par Roland Sabra —

Sabine Andrivon-Miltonn née à Fort-de-France est une spécialiste de l’histoire militaire de la Martinique, qui a beaucoup fait pour la mémoire des soldats martiniquais tués pendant la Grande Guerre dont les noms ne figuraient pas sur les monuments aux morts des communes de l’île « des revenants ». Soucieuse de pédagogie elle anime une rubrique intitulée « Une île une histoire » sur Martinique 1ère radio, en 2017 elle réalise un jeu des 9 familles « Je découvre la Martinique », puis en 2018 deux autres jeux de société « La Martinique au bout des doigts » et « La Martinique en jeux de société », que l’on peut trouver dans les librairies dignes de ce nom. C’est ce même besoin de faire connaître au plus grand nombre ses découvertes, cette mission de réhabilitation des oubliés de l’histoire, qui lui fait écrire, parallèlement à sa thèse de doctorat intitulée « La Martinique et la Grande Guerre », un roman destiné à son jeune fils rebuté par les œuvres universitaires de la maman,  « Anatole dans la tourmente du Morne Siphon », adapté et mis en scène pour le théâtre par Arielle Bloesch dans le cadre du Festival des Petites Formes.

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« A Parté » & « Résurgence » m.e.s. Françoise Dô, Jocelyn Régina

Mardi 22 janvier 2019 -20h – Tropiques-Atrium

2 spectacles dans la soirée !

« A Parté »

texte & m.e.s.: Françoise Dô
Nicole est de retour dans la région. Elle refait sa vie avec son nouvel amant, Chat. Mais Stéphane, son mari dont elle est séparée depuis quelques mois, voit en ce retour l’occasion de la reconquérir. Qu’est-on prêt à faire pour conserver sa famille ? « Le titre A Parté ouvre de manière assumée sur plusieurs niveaux de lecture. Les histoires de Stéphane et Nicole se jouxtent jusqu’à l’interférence.
A travers l’écriture et le récit théâtral, je cherche à explorer les tabous et les non-dits au sein des familles et de la société. » – Françoise Dô
Texte publié à Théâtre Ouvert éditions / Collection Tapuscrit
Cie Bleus et Ardoise
Création
Production : Bleus et Ardoise
Coproduction : Tropiques Atrium Scène nationale
Avec le soutien de : Direction des Affaires Culturelles de Martinique, Cité Internationale des Arts de Paris, Théâtre de Vanves & le Théâtre Ouvert

« Résurgence »

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« Stéphanie Saint-Clair, reine de Harlem » : et la théâtralité bordel?

— Par Roland Sabra —

Théâtre récit de vie ? Non pas. Théâtre biographique ? Non plus. Adaptation théâtrale d’une biographie romancée ? On ne sait pas. « Stéphanie Saint-Clair, reine de Harlem » d’après le roman de Raphaël Confiant, dans la mise en scène de Nicole Dogué tente de respecter une des trois règles fondamentales du théâtre, l’unité d’action, à l’aide d’une fiction, celle de l’écriture par le personnage d’une lettre à un neveu. Je dis tente de respecter parce que son oubli conduit à un découpage en tableaux, représentant chacun un épisode de la vie de Stéphanie Saint-Clair, sans que soit mis en avant la complexité de son existence et le lien de réciprocité que celle-ci entretient avec la représentation théâtrale. L’histoire du théâtre regorge d’œuvres dramatiques ayant tenté de saisir la vie d’un personnage illustre. Elles ont pour point commun de saisir le personnage comme lieu de croisement entre le singulier et le collectif, comme un individu aux prises à un moment de l’Histoire de sorte que le climat contextuel, l’environnement dramaturgique, emporte la fascination du public et que puisse se constituer une figure, celle du héros, du martyr, de l’artiste, pourvoyeuse de théâtralité.

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Stéphanie St-Clair, reine (de la pègre) de Harlem

— Par Selim Lander —

Adaptée du roman de Raphaël Confiant par Isabelle Kancel et mise en scène par Nicole Dogué cette histoire inspirée d’un personnage réel est la première pièce du festival des Petites Formes représentée dans la salle Fanon de l’Atrium, lieu plus adapté au théâtre que les tréteaux du Chapiteau (même si l’existence de ce dernier, par les diffusions qu’il permet loin de la « ville-capitale », est évidemment un plus pour le théâtre en Martinique).

C’est une vieille femme qui se raconte. D’origine martiniquaise et de très humble extraction, elle s’échappe des Antilles tout comme de son emploi de bonne à tout faire d’abord vers Marseille puis vers New York. Noire et sans argent, elle échoue dans le coin le plus misérable de Harlem. D’où il lui faudra s’extraire et franchir de nombreuses étapes, déjouer nombre d’embuches avant de devenir la « reine » d’un réseau de loterie clandestine qui lui apportera, sinon la fortune, une honnête aisance. Au début de la pièce elle est donc cette vielle femme assise près d’une table basse sur laquelle est posée une tasse et une théière, avec un tiroir qui contient une boite pleine de photos.

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Le « Déparleur », de et avec Michel Herland

h

Le 1er février à 19 h à l’OMCL du Robert, le 2 février à 19 h au CDST, Saint-Pierre

« Tu sais quelquefois on se demande à quoi que ça sert, tout ça, tout ce mal qu’on se donne. Et les matins qui se répètent. Putain de Dieu. Y a des jours où je voudrais être déjà dans le trou. D’ailleurs j’ai jamais été bien que dans des trous… ». Ainsi débute Le Déparleur. Un personnage se raconte, il est au bout du rouleau, il se remémore les principales étapes d’une vie de misères plus que de bonheurs qui l’ont conduit là où il est enfin parvenu, sur un bout de trottoir d’où il harangue les passants.

Ce « seul en scène » est un monologue adressé au public, divisé en dix brèves parties, chacune traitant d’un thème particulier, récit d’un épisode vécu ou considérations plus générales (l’alcool, les trafics de drogue, la démocratie, la révolution, la médecine, etc.), tous sujets à propos desquels le personnage « déparle », nourri par son expérience et ses lectures. Une chanson enregistrée ouvre la pièce et quelques poèmes en voix off sont insérés au fil du spectacle.

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Race(s) de François Bourcier : salutaire !

— Par Selim Lander —

Paradoxe. Alors que les savants nous expliquent par A + B que les races – blanc, noir, jaune, rouge – n’existent pas, qu’il n’y a qu’une espèce humaine, voici que, dans notre France, pays des Lumières, s’éveille un communautarisme plutôt nauséabond. Au nom de la défense des minorités qui seraient insuffisamment reconnues – et sans doute ne le sont-elles pas autant qu’il conviendrait : qui a dit que nous sommes dans un monde idéal ? – un mouvement prend de l’ampleur qui veut faire entendre la voix des individus « racisés » (sic) ou « racialisés » (re-sic). Ainsi apprend-on qu’une guerre s’est déclenchée au sein des départements de sciences humaines de nos universités entre les universalistes qui s’en tiennent aux déclarations universelles des droits de l’homme et ne veulent reconnaître aucune différence « raciale » et les décoloniaux (re-re-sic) qui tirent argument du passé colonial de notre pays pour sommer les institutions de « réparer », c’est-à-dire de céder à toutes leurs revendications. Foin de la laïcité qui ne serait, selon certains, qu’une figure de l’islamophobie.

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Race[s] : mieux qu’un réquisitoire, une déconstruction!

— Par Roland Sabra —

« Nos paroles nous engagent…
nous devons leur être fidèles.
Mal nommer un objet,
c’est ajouter au malheur de ce monde. »
Albert Camus

« Sacco & Vanzetti » en 2014, « Résister c’est exister » en 2015, François Bourcier est un habitué du Théâtre Aimé Césaire (T.A.C). Il revient cette année avec un « travail en cours » permanent puisque créé en 2012 et sans cesse mis à jour. Race|s] avec la lettre S mise en parenthèses est déjà dans la graphie du titre un questionnement si ce n’est un engagement politique. Accepter le pluriel du mot c’est croire à l’existence d’une pluralité que la réalité scientifique dément. L’espèce humaine est homogène 99,9 %. Et la tendance se confirme, s’accélère comme le remarque Bertrand Jordan, célèbre biologiste moléculaire : « La mondialisation des migrations et des unions va estomper les contours biologiques entre groupes humains.»

Comédien, metteur en scène, François Bourcier est avant tout un humaniste engagé avec fougue et sincérité dans un combat antiraciste sans fin, hélas, et d’une actualité suffisamment exacerbée pour qu’elle renvoie, inévitablement, même si comparaison n’est pas raison, au climat des années trente du siècle dernier.

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« Anatole dans la tourmente du Morne Siphon » d’après le roman de Sabine Andrivon-Milton, m.e.s. Arielle Bloesch

Samedi 19 janvier 2019 19h – Chapiteau à Schœlcher

Scolaire _ le 18 à 9h30 au Chapiteau Lynda Voltat
Anatole est à présent un homme âgé. Il se balance sur sa berceuse, en observant du haut de son Morne Siphon son pays qui se transforme et ces outils qui relient à présent son île à tous les continents. Ces outils qui lui ont permis de recevoir cette lettre qui fait jaillir les larmes sur son visage marqué par le temps et les souvenirs.
Il parle pour que sa mère, du lointain du passé, soit enfin soulagée par cette nouvelle. Il parle tant qu’elle lui revient, Anastasie et avec elle, l’enfant de 12 ans qu’il était, celui qui traversa cette première guerre mondiale en observant ses voisins et en recueillant leurs pensées dans les lettres qu’il écrivait pour eux.
Mère et fils vont faire revivre cette époque, les personnages, leurs histoires, du Morne Siphon, ce morne imaginaire tellement réel. Celle d’Anatole s’est formée avec la lacune d’un deuil jamais apaisé, la disparition de son frère Raymond, son héros parti fièrement au front et jamais revenu.

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Race[s], ou pourquoi l’homme blanc se prend-il toujours pour le maître du monde?

— Par Christian Antourel & Ysa de Saint-Auret —

Pour cette création originale François Bourcier projette un spectacle superbe sensible qui se veut être un témoignage poignant. Race(s)n’et pas un réquisitoire, mais juste une démonstration aussi dérangeante que salutaire.

D’où vient que l’on parle de race(s) quand la science d’aujourd’hui démontre qu’il n’en existe concrètement qu’une seule : la race humaine ? Sur quoi se fonde le racisme quand on sait qu’il a traversé les âges pour aboutir à l’esclavage, au monstrueux nazisme et à  l’holocauste ? Race(s) forme avec « Lettres de délation » et « Résister c’est exister » une trilogie bien ficelée sur le thème toujours renouvelé des rapports humains viciés plus précisément lors de la guerre 1939- 1945. Des hommes célèbres ont traversé les siècles et fait émerger l’idée d’une prétendue supériorité de la race blanche allant jusqu’à justifier l’impensable théorie de l’esclavagisme et l’effrayant antisémitisme jusqu’à la monstruosité la plus abjecte au nom de cette idéologie. C’est précisément cette doctrine que François Bourcier entend explorer  à travers la mise en scène, la scénographie et l’interprétation de ce spectacle, qui approfondit bien plus qu’une simple compilation de textes, de vidéos et d’images, la genèse et les postulats du nazisme.

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« Dernier Rivage » de l’enfant soldat

— Par Selim Lander —

Ouverture du festival des Petites Formes avec cette pièce d’un auteur renommé, Daniel Keene, interprétée par une comédienne aguerrie, la guadeloupo-sénégalaise Nathalie Vairac et mise en scène par Hassane Kassi Kouyaté. On ne regrettera pas sa soirée malgré les réticences qu’on pouvait avoir au départ et qui ne se sont pas totalement dissipées au cours du spectacle. Car l’auteur, australien, relève a priori d’un univers bien éloigné de celui des enfants soldats africains. Nous avons essayé de savoir quels étaient ses rapports éventuels avec l’Afrique, sans obtenir de réponse. Si ces pièces ont été jouées un peu partout dans le monde, il n’est pas clair qu’il ait eu un contact direct avec le « Continent », a fortiori avec des enfants soldats. Or ce thème a déjà été traité, avec quel brio !, par la franco-camerounaise Léonora Miano (Les Aubes écarlates) et avec quelle sincérité par Serge Amisi, né en 1986, qui a publié un extraordinaire témoignage[i] de sa vie d’enfant soldat entre 1997 et 2001, d’abord dans les troupes rwandaises du rebelle Kabila, puis, après la victoire de ce dernier contre Mobutu, dans l’armée régulière de la RDC, soit pendant les deux guerres dites du Congo (1996-1997 et 1998-2002).

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Dernier rivage : du singulier au pluriel

— Par Roland Sabra —

Nathalie Vairac portait sur elle ce texte depuis plus de trois ans. Daniel Keene, l’auteur, lui en avait fait cadeau. Il lui fallait le faire passer en elle. Hassane Kassi Kouyaté a été ce passeur.

Sur scène, une double limitation de l’espace comme un enfermement souligné. Un premier carré, le parc, avec quatre parpaings recouvert de paille, à l’intérieur duquel un tapis définit l’espace d’un logement sommaire fait de cageots et palettes de récupération. Il y a là pour tout mobilier un lit, une chaise, une table de nuit, quelques livres. Elle arrive, tourne dans le parc figuré en courant autour de la boite-maison, se pose, reprend son souffle, s’avance vers le public et pose la question : « Que vous raconter ? Un matin je me suis réveillé(e) et mon père n’était plus là. Un matin je me suis réveillé(e) et tout ce que je connaissais avait disparu. Je me suis réveillé(e) et je n’avais plus de nom. Je me suis réveillé(e) et j’étais dans un autre pays. » En quelques mots est posée une situation d’exil dont Camus dit qu’il « ne déchire pas, il use. 

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