Catégorie : Théâtre

Avignon 2022 : « L’Art de perdre », « Ghazal »

— Par Dominique Daeschler —

L’Art de perdre. Alice Zeniter, m.e.s. Sabrina Kouroughli. Le 11.

Ghazal. Collectif, m.e.s. Tiffany Duprés. La Factory.

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L’Art de perdre. Alice Zeniter, m.e.s. Sabrina Kouroughli. Le 11.

Sabrina Kouroughli adapte « l’art de perdre »  d’Alice Zeniter dans une sororité : toutes deux nées en France, passées par « l’école de la république » ont de la terre algérienne de leurs ascendants, une histoire trouée. Ici deux grand’mères analphabètes, là un grand père harki, des déracinements où la culture est piétinée, les souvenirs enfouis. Seul le silence permet de garder le respect de soi-même, ultime armure d’une identité fêlée par la honte sociale.

Nous entrons dans une enquête mémorielle où tout est raconté à partir de la famille et y retourne avec des confidences, des souvenirs, des fantasmes et des rêves. Naïma, jeune galériste navigue dans un milieu intellectuel pseudo mondain sans état d’âme particulier jusqu’aux interrogations violentes que suscitent les attentats de Paris. Un burn out, une invitation à se rendre en Algérie pour préparer une exposition seront des prises de conscience qui l’engageront, sautant la génération de son père, à engager le dialogue avec cette grand-mère ( formidable Fatima Aibout) arrachée à ses champs d’olivier, parquée pendant des années dans un camp pour atterrir dans un HLM de Normandie, sauvée quelque part par les exigences du quotidien.

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Avignon 2022 : « La galerie. Machine de cirque », « Ici la nuit »

— Par Dominique Daeschler —

La galerie. Machine de cirque. La Scala Provence
Ici la nuit. Jon Fosse, m.e.s. Frédéric Garbe. Théâtre Transversal.

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La galerie. Machine de cirque. La Scala Provence.

Nouveau lieu à Avignon, la Scala Provence a repris les salles d’un ancien cinéma : plus de places et de grands plateaux , ce qui est rare en off. Le luxe ! Comme à la Scala Paris, la programmation est axée sur des spectacles mêlant le cirque, la performance, la danse faisant souvent appel à des références plastiques.

Machine de cirque, compagnie québécoise composée de sept acrobates et d’une musicienne y présente un spectacle déboulonnant les codes d’une galerie d’art branchée terriblement monochrome, adepte d’un dépouillement ascétique. Tabernacle ! Ils foutent le souk, le boxon, le bordel en exécutant des numéros de haut vol, réglés à l’américaine, valorisant la performance en toute décontraction. Le décor bouge autant qu’eux : tout se transforme pour que l’imaginaire reprenne possession de l’espace et de la poésie qu’une musicienne intemporelle distille d’un saxo impertinent. La couleur éclate sur d’immenses toiles, avec un sourire de connivence à Pollock, barbouillant salopettes et cheveux.

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Avignon 2022 : « La diversité est-elle une variable d’ajustement? », « Jogging »

— Par Dominique Daeschler —

La diversité est-elle une variable d’ajustement… Collectif : A Adjina, G Akakpo, M Navajo.
Jogging. Hanane Hajj Ali. Théâtre Benoît XII. In.

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La diversité est-elle une variable d’ajustement… Collectif : A Adjina, G Akakpo, M Navajo. Le 11.

Trois écrivains de théâtre, Amine Adjina, Gustave Akakpo, Metie Navajo se plient à un exercice à la mode : la conférence où le public est pris à partie. C’est tout bénef, pas de décor, un minimum de mobilier qui fait qu’on peut jouer n’importe où sans compter qu’on s’économise car on peut très bien lire son texte quand on passe l’autre à la question ! Chiche ! en route pour la diversité car ces auteurs ont en commun soit d’être nés dans un autre pays que la France, soit d’être liés à d’autres pays par leurs ascendants. La diversité est un fait mais quelle est sa reconnaissance sociale, culturelle, politique ? Les auteurs qui jouent leur propre rôle vont, lors de leurs présentations respectives émettre des doutes, glisser quelques peaux de banane .

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Avignon 2022-7 : Richard II, Una imagen interior (IN)

—Par Selim Lander —

Richard II, M.E.S. Christophe Rauck

Si Richard II n’est pas la pièce la plus jouée de Shakespeare, elle mérite d’être découverte dans la mise en scène de Christophe Rauck, directeur des Amandiers à Nanterre, présentée cette année. Deux pièces de Shakespeare dans le IN, toutes deux dans des mises en scène respectueuses du texte : on aura garde de s’en plaindre ! Après le comédie de la Tempesta, place au drame historique avec Richard II. Les historiens discutent toujours de la personnalité de ce roi : avait-il réellement des problèmes mentaux ? On s’accorde à dire qu’il était efféminé et – ce qui n’a aucune espèce de rapport – qu’il ne se comportait pas toujours normalement. Quoi qu’il en soit, le Richard II de Shakespeare manque pour le moins de sérieux. Constamment dans l’outrance, il mêle l’insulte à la dérision, voire à la fin, quand il est contraint d’abdiquer, à l’autodérision.

Le succès d’un passage du texte (ici superbement traduit par Jean-Michel Déprats avec des alexandrins bien frappés) à la scène repose en très grande partie sur le comédien chargé d’interpréter le roi et Micha Lescot est, ici, royal !

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Avignon 2022 : « La mort grandiose des marionnettes », « Double jeu de l’amour et du hasard », « Moi, Kadhafi », « Macbeth »

— Par Dominique Daeschler —

La mort grandiose des marionnettes. Création de Old trout puppet.
Double jeu de l’amour et du hasard. m.e.s. Patrick Ponce.
Moi, Kadhafi. Véronique Kanor, m.e.s. Alain Timar
Macbeth. Shakespeare, m.e.s. Geoffrey Lopez

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La mort grandiose des marionnettes. Création de Old trout puppet. Girasole.

Trois filles en frac manipulent des marionnettes à tige dans et devant un castelet, démystifiant l’histoire de la marionnette et la tentation d’une réception ébahie. La mort, la disparition, la dévoration, le rejet sont au rendez vous dans toutes les scénettes qui développent un humour sarcastique. Le travail est raffiné, inventif . Défilent à toute allure le chanteur d’opéra qui se fait régulièrement casser la gueule, l’animateur exsangue et mortifère, le grand cordon des intestins-tuyaux d’arrosage de l’homme mort devant le castelet. Tout est passage à l’acte, désinhibition, volte-face avec parfois, le temps de reprendre souffle une accalmie poétique (l’homme feuille). C’est avec férocité que les trois marionnettistes canadiennes enterrent leurs créatures nous renvoyant à un parterre de figurants dans le castelet, histoire d’enfoncer férocement le clou. C’est détonant : un seul regret on voit parfois les mains.

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Avignon 2022 : « Mon village d’insomnie », « Surexpositions », « Je te pardonne Harvey Weinstein »

— Par Dominique Daeschler —

Mon village d’insomnie. Samuel Gallet, m.e.s. Vincent Garanger. Le11
Surexpositions. Marion Aubert, m.e.s.  Julien Rocha. La Factory -Théâtre de l’Oulle.
Je te pardonne Harvey Weinstein Conception et écriture Pierre Notte. Théâtre des Halles.

Mon village d’insomnie. Samuel Gallet, m.e.s. Vincent Garanger. Le 11.

Huis clos à trois dans un centre pour mineurs migrants non accompagnés : Harouna angoissé par la disparition de son copain Drissa, Elise jeune éducatrice un rien rigide angoissée par ses responsabilités et André l’homme mûr qui débarque pour la remplacer. Dehors un village qui dort, ressenti comme hostile et la mer qui fait des siennes complètent une atmosphère pesante déjà lourde des mensonges des uns et des autres, d’une hostilité latente, d’une solitude tangible. L’ inquiétude monte, les téléphones coupés ou cassés c’est l’heure des peurs réelles ou fantasmées, de la paranoïa. Qui est qui ? Construite comme un polar, la pièce distille son poison à petites doses. Et si Drissa avait été assassiné ? André est-il l’éducateur qu’il prétend être ? La réalité de l’ici maintenant, c’est le café, le marathon pour obtenir des papiers d’identité, le cancer de la mère d’Elise, l’impression de tourner en rond dans une société qui ne sait que mettre des bâtons dans les roues.

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Avignon 2022 : « Chasser les fantômes », texte Hakim Bah, sur une idée de Sophie Cattani, m.e.s. Antoine Oppenheim

— Par Janine Bailly —

Dans cette pièce contemporaine à deux personnages – le il et le elle – que présente au Théâtre des Halles la Compagnie ildi ! eldi, on redécouvre Nelson-Rafaell Madell, assumant ici le rôle de l’homme dans ce couple mixte dont on suivra la formation, le trop bref chemin de vie, et la dissolution finale. Ainsi que dans Au plus noir de la nuit – adaptation du roman éponyme d’André Brink, par Nelson-Rafaell Madell justement –  l’homme noir est celui qui transgresse la « règle » sociale, et qui doit mourir. Il est venu d’Afrique en Europe sur les pas de la femme blanche, qui fut touriste en son pays mais mais n’y vit qu’une Afrique enchantée et fantasmée. Elle et Lui sont tombés en amour, dans un bal-poussière. Elle est rentrée chez elle, a fait en sorte qu’il la rejoigne de l’autre côté de l’eau. Il espère se construire là un avenir, et l’impossibilité de réaliser ce rêve, comme celle de rentrer dans son pays – et le retour serait un aveu d’échec –, la mort qui s’ensuivra, sont bien le reflet de ce que vivent aujourd’hui nombre d’exilés s’ils parviennent jusqu’en France.

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Avignon 2022-6 : « Salina », « Chasser les fantômes », (OFF)

– par Selim Lander –

Salina, les trois exils de Bruno Bernardin et Khadija El Mahdi d’après Laurent Gaudé

Laurent Gaudé est l’un des romanciers les plus marquants d’aujourd’hui. Ses récits écrits dans une langue incantatoire sont généralement situés dans un univers exotique. On se souvient du Soleil des Scorta (prix Goncourt 2004) et auparavant de l’extraordinaire Mort du roi Tsongor, sorte d’OVNI littéraire paru en 2001. Salina, les trois exils qui date de 2018 est dans la même veine. Le roman raconte l’histoire de Salina, un bébé abandonné dans le désert et recueilli par une tribu farouche. Elle sera mariée de force à un homme qu’elle n’aime pas et ne cessera de chercher à se venger jusqu’à l’ultime fin, celle de l’improbable réconciliation, quand la nouvelle reine de la tribu lui donnera un de ses fils en réparation. C’est ce dernier, Malaka, qui raconte l’histoire de Salina dans la barque qui conduit sa dépouille vers un mystérieux cimetière.

Adapter un roman aussi purement littéraire est une gageure dont la compagnie Les Apicoles se sort avec les honneurs. Bruno Bernardin avait déjà interprété en solo Sang Négrier de L.

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Avignon 2022 : « Toxique », « Kan lamour èk lo azar i zoué avek », « Spectre », « Une opérette à Ravensbrück »

— Par Dominique Daeschler —

Toxique de Françoise Sagan m.e.s. Cécile Camp- adaptation Michèle Ruivo – Théâtre des lilas.
Kan lamour èk lo azar i zoué avek- Le jeu de l’amour et du hasard. Marivaux. m.e.s. et traduction en créole réunionnais Lolita Tergemina. Toma.
Spectre – chorégraphie, mes : David Milôme. Toma.
Une opérette à Ravensbrück -Germaine Tillion-m.e.s. Claudine Van Beneden- Le Chien qui fume.

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Toxique de Françoise Sagan – m.e.s. Cécile Camp- adaptation Michèle Ruivo – Théâtre des lilas.

— Par Dominique Daeschler —

La comédienne Christine Culerier, familière de l’œuvre de Sagan, s’empare de son journal écrit lorsque l’autrice est en cure de désintoxication pour une dépendance à un dérivé de la morphine administré après un grave accident de voiture.

La sobriété recherchée dans le décor ( un petit lit, une table de nuit qui croule sous les livres, une chaise) est également développée dans le jeu qui met en valeur la mise à nu d’un journal : point d’effet de voix et des déplacements de chat. La jeune Sagan se livre, avec déjà la distance de l’écrivain, avec une pointe de malice quand elle évoque la nature et sa légendaire mondanité quand elle évoque sa vie tumultueuse.

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Avignon 2022 : « Le Septième jour », texte Yu Hua adaptation et m.e.s. de Meng Jinghui

— Par Michèle Bigot —

Le spectacle mis en scène par Meng Jinghui est adapté du roman Le septième jour de Yu Hua, publié en France chez Actes Sud en 2014. En France, Yu Hua s’est fait connaître du grand public par l’adaptation au cinéma de son deuxième roman Vivre! par Zhang Yimou.

Le roman est inspiré du mythe de la création du monde, à ceci près que les sept jours en question ne sont pas ceux de la création mais au contraire, les sept premiers jours de Yang Fei dans les enfers, (ou ce qui leur ressemble) après sa mort brutale dans une explosion. L’adaptation qu’en fait Meng Jinghui est fidèle au sujet du roman et à son esprit. On y retrouve une sorte de relecture des mythes essentiels de la culture occidentale, une paraphrase de la Divine comédie mais aussi les visions du monde infernal qui viennent à Ulysse, lors de la Nekuia au chant XI de l’Odyssée et encore plus la catabase d’Enée à la recherche de l’âme de son père, aidé dans cette quête par la Sybylle de Cumes.

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Avignon 2022-5 : Là où je croyais être il n’y avait personne, Flesh (IN)

— Par Selim Lander —

Là où je croyais être il n’y avait personne de et avec Anaïs Muller et Bertrand Poncet

Une pièce drôle dans le IN, on n’y est pas vraiment habitué mais des comme celle-là, on en redemande. Les deux jeunes comédiens ont concocté un mélange loufoque à propos d’une histoire d’amour entre un frère et une sœur. Il y est question de Musil et de Duras puisque la seconde a trouvé chez le premier l’idée de sa pièce Agatha, laquelle traite justement de ce sujet.

Là où je croyais être il n’y avait personne est le deuxième volet, après Un jour j’ai rêvé d’être toi, d’une œuvre toujours en construction intitulée Les Traités de la perdition. Les titres indiquent déjà le registre, celui d’un comique tout en finesse, souvent allusif. S’il y a bien quelques traits appuyés, ceux-ci sont loin d’être les plus nombreux. Au début, nos duettistes sont vêtus d’un costume bricolé qui pourrait évoquer celui de mousquetaires en campagne. Après ce prologue placé sous l’égide de Musil, place à Duras et aux choses sérieuses, les comédiens désormais habillés pour l’une d’une robe classique et pour l’autre d’un smoking avec chemise et nœud papillon blancs.

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Avignon 2022 danse : Futur proche, de Jan Martens 

Quand la danse investit avec bonheur la Cour d’Honneur du Palais des Papes

––Par Janine Bailly ––

Sous la direction du chorégraphe belge Jan Martens, le corps de ballet OBV (Opéra Ballet Vlaanderen), dynamique et convaincant, et qui accueille en son sein des danseurs de tous âges, s’empare du plateau, occupe pendant une heure trente son vaste espace pour dire à sa façon « le monde futur » . 

Un long banc dessine sa frontière horizontale – limite entre le devant et le fond de scène – de côté jardin à côté cour. S’y accrochent un clavecin et Goska Isphording, sa musicienne, qui soutiendront de leurs notes métalliques et contemporaines les évolutions de la troupe. Musique comme lien indéfectible entre les danseurs et les tableaux enchaînés. Le banc en fin de spectacle se défera, partagé en ses diverses parties, posées ou retournées à maints endroits du plateau – se défera comme pourrait se défaire notre monde en péril ?

Mais d’abord, ce banc sera la colonne vertébrale de la danse, hommes femmes et jusqu’à deux enfants répartis sur et devant et derrière lui, assis ou debout voire accroupis.

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Avignon 2022 (4) : Le Nez, Frantz (OFF)

– Par Selim Lander –

Le Nez adapté de Gogol et mis en scène par Ronan Rivière

Un beau matin, Kovalev, assesseur de collège mais homme de quelque importance dans la société pétersbourgeoise découvre qu’il a perdu son nez. Ce serait déjà bien ennuyeux mais voilà-t-y pas que le nez s’est sorti tout seul des eaux de la Neva où les pauvres gens qui l’avaient découvert dans une miche de pain ont cru bon de le jeter et qu’il se met à faire des frasques, comme séduire la fiancée de Kovalev ou semer du désordre dans la ville en promettant monts et merveilles à qui veut l’entendre. Sous la farce, en un temps (la publication date de 1836) où la censure ne laissait pas passer grand-chose, ce récit dissimule une critique acerbe de la Russie impériale, des inégalités sociales exacerbées et de la crainte engendrée par une police attelée à défendre l’ordre social.

L’adaptation de Roman Rivière joue délibérément sur le côté farce du texte, tout en gonflant le rôle d’Alexandrine, la fiancée de Kovalev, laquelle bien qu’appartenant au beau monde se montre ici particulièrement délurée.

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Avignon 2022 : « Le Sel », texte de Karima El Kharraze & Christelle Harbonn, m.e.s. de Christelle Harbonn

Par Michèle Bigot

Ce spectacle en français, hébreu et arabe surtitré est intitulé Le sel, « le Mellah » en arabe et en hébreu, parce que ce nom représente le symbole de l’amitié, le sel étant l’aliment essentiel que partagent les vrais amis. C’est donc l’histoire d’une amitié recherchée, au-delà des diaspora qui dispersent les voisins d’autrefois. C’est ainsi que nous est contée l’histoire de la diaspora des Juifs du Maroc sur plus d’un siècle, de 1890 à 2020. Une histoire qui commence dans le quartier juif de Marrakech, justement nommé le Mellah, pour aboutir en France en 2020. Et c’est à un va-et-vient entre les deux lieux et les deux temporalités que nous invite l’histoire.

En 1980 à Marrakech, Ephraïm et Efrat vont se voir séparés par le désir d’Efrat d’aller étudier en terre sainte pour devenir rabbin. Et en 2022, Jésus (ironie du prénom!) l’arrière petit fils d’Efrat, rêvant d’adopter un enfant pour fonder une famille avec son compagnon, part pour enquêter sur une légende aux termes de laquelle son aïeul Ephrat aurait voyagé de Marrakech à Jerusalemn sur un âne pour mener à bien ses études bibliques.

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Avignon 2022 : « Iphigénie » de Tiago Rodrigues, m.e.s. d’Anne Théron

— Par Michèle Bigot —

Iphigénie est le premier volet d’un trilogie écrite par Tiago Rodrigues, Iphigénie, Agamemnon, Electre, mise en scène avec la troupe du Théâtre National Dona Maria II, dont Tiago Rodrigues fut nommé directeur en 2014. Ce texte a été découvert par Anne Théron en 2010, intéressée qu’elle fut pas sa dimension féministe , non moins que par ses qualités littéraires. Dans la droite ligne de son travail de romancière et de metteuse en scène, elle trouva dans cette réécriture de la tragédie d’Euripide et de Racine l’héroïne qui lui correspondait, celle qui à l’heure de sa mort s’adresse à son père en ces termes:  » Non. C’est terminé. Il faut arrêter cette mémoire. Je vais mourir, mais je vais mourir en femme libre. Je vais mourir parce que je refuse le mensonge. Je refuse ce monde. »

La réécriture de la tragédie par Tiago Rodrigues offre une réflexion sur le libre arbitre, la question du choix d’Agamemnon y demeure centrale mais elle est envisagée sous l’angle de sa liberté et sous l’angle du refus que lui oppose sa fille Iphigénie, autant que son épouse Clytemnestre.

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Avignon 2022 – 3 : Fin de partie (OFF), Futur proche (IN)

– Par Selim Lander –

Fin de partie (aux Halles)

Le théâtre des Halles accueille régulièrement une pièce de Beckett mise en scène par Jacques Osinski avec Denis Lavant dans la distribution : Cap au pire en 2017, La Dernière Bande en 2019, Fin de partie pour cette édition. Succès assuré à chaque fois, ne serait-ce qu’en raison de la présence de Denis Lavant, acteur beckettien par excellence. Il se meut dans l’absurde comme un gardon dans la Garonne. Ce qui ne veut pas dire qu’il ressemble à un vif poisson. Au contraire, courbé, emprunté, « la démarche raide et vacillante », écrit l’auteur, il ferait peine à voir si le texte, faisant fi de tout réalisme, n’était pas là pour nous rappeler constamment que nous sommes au théâtre. Miracle de la prose de Beckett : nous tenir en haleine avec des histoires qui n’ont ni queue ni tête délivrées sur un ton sentencieux par des comédiens fatigués ! Encore faut-il que les comédiens tiennent la route et personne ne prétendra que ce n’est pas le cas ici.

Clov est le fils adoptif, serviteur, souffre-douleur de Hamm, lequel endosse donc les rôles inverses.

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Avignon 2022 – 2 : Le Septième jour, La Tempesta (IN)

– par Selim Lander –

Le Septième jour : Meng Jinghui (again)

Les fidèles du IN connaissent le metteur en scène chinois Meng Jinhui déjà invité en 2019 avec la Maison de thé, une production qui bénéficiait de très gros moyens tant pour la distribution que les décors gigantesques, avec, faut-il le répéter, un résultat bien décevant : beaucoup de bruit (et d’argent dépensé) pour rien ! Le voici à nouveau avec une adaptation à nouveau très personnelle, celle d’un roman de Yu Hua (l’auteur de Vivre adapté au cinéma par Zhang Yimou), au titre directement évocateur de l’Apocalypse de Jean.

Yang Fei, le protagoniste, est mort. Expédié au paradis, ou plutôt en l’occurrence dans l’enfer, il y rencontre des proches arrivés avant lui, en particulier son père adoptif et son ex-femme. La relation entre le père et le fils est le point fort de l’histoire. Le premier, employé des chemins de fer, a trouvé le bébé au cordon ombilical non encore coupé. Il l’a récupéré, élevé avec beaucoup d’amour, compromettant ainsi ses chances de se marier, aucune femme ne voulant épouser un homme ainsi encombré.

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« Le Déparleur » démarre en Avignon !

Mardi 19 juillet à 12h30, coup d’envoi du Déparleur au théâtre de l’Observance.

Tous les jours sauf le lundi jusqu’au 30 juillet.

Sur la photo, le comédien s’apprête à franchir l’entrée du théâtre le 18 juillet pour l’installation de la pièce.

Pour mémoire, deux articles écrits lors de la création de la pièce en Martinique :

« Le Déparleur » de et avec Michel Herland

— Par Roland Sabra —

Un petit banc de bois blanc sur le sol parsemé de journaux parmi lesquels on reconnaît, le Monde, le Diplo, France-Antilles, les pages saumon du Figaro. Le décor est planté en décalage avec l’univers supposé d’un clochard, tout comme son apparence. La soixantaine bien tassée, barbe naissante, sous un smoking défraîchi, foulard noué autour du cou, il porte une chemise bien blanche. Son mode d’énonciation est marqué de l’hésitation de celle ou celui dont la parole est restée trop longtemps sans adresse. Ses mots font référence aux poètes, aux plus grands, et empruntent à l’argot d’un temps qui n’est plus mais qui fût le sien. Proche et lointain, il est d’un monde où l’humain déclinant est en fuite.

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Avignon 2022 : One Song. Histoire(s) du théâtre IV

— Par Michèle Bigot —

Miet Warlop est la quatrième artiste de la série « Histoire(s) du théâtre, inaugurée en 2019 par Milo Rau avec La Reprise , suivi par Faustin Linyekula et Angelica Liddell, à l’initiative du NTGent de Gand. Sous forme de concert rituel, la performeuse nous propose une sorte de requiem, une ode à l’épuisement, dans une parodie satirique de concours de chant doublé de manifestation sportive. Un groupe de performeu(euse)s s’épuise à jouer sur divers instrument la même et unique chanson, chacun d’entre eux se livrant à un exercice sportive tout en jouant. L’ensemble crée un spectacle répétitif jusqu’à l’achèvement des acteurs, voire à celui des spectateurs. Dans cette arène, les performeur(euse)s sont accompagné(e)s par un groupe de fans, une pom-pom girl (un homme en fait) et un commentateur sportif (une femme en fait). Il s’agit d’aller au bout de ses limites physiques, de se faire une concurrence acharnée, de mener une surenchère acoustique jusqu’à l’effondrement.

«Comment une chanson pourrait donner une unité à toute une société?» se demande Miet Warlop.

On se le demande aussi. Le spectacle hésite en effet entre satire du heavy metal, satire des manifestations sportives et des concours de chant.

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Avignon 2022 : sur la grande affiche du Festival Off

— Par Gérald Rossi —

Jusqu’à fin juillet, près de 1 700 spectacles différents sont proposés dans la cité des papes, en parallèle avec le Festival « IN ». Tous les styles sont présents, et souvent plusieurs disciplines se rejoignent comme danse, arts du cirque, création contemporaine, classique, spectacles musicaux… De belles découvertes sont ainsi proposées. Une sélection de notre envoyé spécial.

DANSE Une tarentelle contre les morsures de tarentule

Avec « Salti » les chorégraphes et metteures en scène Roser Montlló Guberna et Brigitte Seth ont entraîné les danseurs Jim Couturier, Louise Hakim et Lisa Martinez dans une sarabande contagieuse. Dans ce spectacle d’une demi-heure, qui peut captiver un jeune public mais pas seulement, les trois danseurs sont confrontés une horrible araignée velue, une tarentule. Dans cette petite histoire fantastique, ils découvrent comment combattre les morsures de la vilaine bête.

Il suffit de danser la Tarentelle, cette danse populaire du sud de l’Italie qui soigne les « tarentola », autrement dit les personnes infectées par la méchante bestiole. Cette danse magique redonne vie puis toute son énergie à la victime, et comme une farandole à l’ombre d’un grand soleil, les trois amis célèbrent dans la joie leur victoire sur le petit monstre poilu.

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Avignon 2022-1 : « Glob », « Hidden Paradise », « Arletty » (OFF)

— Par Selim Lander —

Ouverture bien tardive de cette chronique alors que le festival est déjà en son mitan. Pour débuter, deux pièces québécoises et, pour finir, Arletty, la nouvelle pièce du dramaturge Koffi Kwahulé consacrée à la star qui a traversé presque tout le XXe siècle.

Glob par les Foutoukours

Jean-Félix Bélanger et Rémi Jacques sont deux clowns à nez rouge mais qui ne font pas dans la pantalonnade. Chez eux tout est douceur, grâce, élégance. Ils nous font rire mais à peine. Ils nous enchantent, ils nous ravissent dans leur monde où rien ne semble avoir d’importance, où tout s’arrange avec un (tout) petit peu d’astuce et beaucoup de bonne volonté. S’ils font mine, parfois, de se fâcher, leur complicité ne faillit jamais. Pas besoin de mots pour se comprendre, quelques onomatopées suffisent. Les outils pour nous séduire se résument à peu de choses : une « échelle d’acrobate » inventée pour la circonstance, des balles de jonglage, des boules lumineuses qui ont tendance à changer de couleur,… ce qui n’est pas sans poser à nos deux comparses les problèmes qu’on imagine facilement.

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Avignon 2022 : quand la scène exorcise les démons du Bataclan

Avignon – « Les morts vivent un peu en toi »: au Festival d’Avignon, deux pièces fondées sur des histoires de rescapés de l’attaque terroriste contre le Bataclan sont une véritable ode au pouvoir guérisseur de l’écriture et de l’amour.

La comédienne Fanny Chasseloup et son mari étaient dans la salle de concert le soir du 13 novembre 2015. Un an plus tard, cette rescapée noircissait des pages pour soulager son cœur, mais hésite à les rendre publiques. 

« J’avais trop de blocages et trop peur que les familles pensent que j’instrumentalisais mon récit« , affirme à l’AFP la comédienne aujourd’hui âgée de 38 ans et dont le mari a survécu à ses blessures. 

« J’ai ensuite rencontré (la metteuse en scène et réalisatrice, NDLR) Ariane Mnouchkine. Je lui ai dit que je n’avais pas le droit d’écrire tout ça. Elle m’a répondu: +Tu n’as pas le droit, tu as le devoir+. Ça m’a complètement débloquée« , se rappelle-t-elle. 

– S’éloigner du simple témoignage – 

Le résultat est « Les Vivants« , pièce qu’elle a créée dans le « off » d’Avignon en 2021 et reprise cette année dans le même festival. 

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À Almada, « ödipus » sur la grande scène du TMJB 

Quand Ostermeier s’approprie le mythe d’Œdipe 

–– par Janine Bailly ––

Pour avoir vu, en 2016, au Théâtre parisien de l’Odéon, la version de La Mouette, proposée par Thomas Ostermeier, membre de la direction artistique et metteur en scène à la Schaubühne de Berlin, je partage cette idée que, tout en respectant l’esprit des textes, contemporains ou classiques, le metteur en scène sait leur insuffler une modernité bien à lui, se les approprier et les marquer de son sceau. Mais si dans La Mouette, il donnait le texte original, le faisant précéder d’un prologue où les comédiens, rappelant l’attention que Tchekhov portait au monde, évoquaient la Syrie, ou se livraient à la critique des modes et outrances d’un certain théâtre contemporain, pour ödipus – sans majuscule  il ne prétend pas travailler les œuvres ni de Sophocle ni d’Euripide. Il demande à Maja Zade, dramaturge à la Schaubühne, de lui écrire un texte qui placera le mythe au cœur de notre siècle, en le connectant aux problèmes qui sont les nôtres.

Nous voici donc en Grèce, pour des vacances sur cette terre éminemment mythologique, évoquée par une projection d’images qui peignent davantage une terre brûlée qu’un lieu paradisiaque : pressentiment d’un drame et mise en éveil du spectateur ?

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Avignon 2022: « L’Occupation », texte d’Annie Ernaux m.e.s. Pierre Pradinas avec Romane Bohringer et Christophe « Disco » Mink

— Par Michèle Bigot —

Occupée, une femme est ici occupée, au deux sens du terme. Cette femme c’est le double de l’autrice, elle vient de se séparer de W. avec qui elle a vécu pendant cinq ans. Elle a pris l’initiative de cette rupture mais elle espère néanmoins le retrouver un jour. Sauf que de son côté, lui se remet en couple avec une femme, dont il tait le nom. La narratrice est désormais habitée par un obsession, tout connaître de sa rivale, mais surtout son nom, comme si le nom disait l’essentiel de la personne, qu’il suffisait à l’appréhender, voire à la cerner. « La jalousie! C’est le monstre aux yeux verts qui produit l’aliment dont il se nourrit » dit Macbeth.

Romane Bohringer incarne à la perfection cette femme dévorée par la jalousie et elle nous entraîne irrépressiblement dans les méandres de son ressassement, accompagnée qu’elle est par la musique de Christophe ‘Disco » Mink. Successivement la harpe, synthétiseur, la guitare, le piano vont souligner les accents variés de cette passion dévorante. « Cette femme emplissait ma tête, ma poitrine et mon ventre.

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Avignon 2022 : l’artiste afghane Kubra Khademi met en scène des corps libres

Exposition. À Avignon, l’artiste afghane, autrice de l’affiche du Festival, présente à la collection Lambert une sélection de ses œuvres dans « First but not last time in America ».

Correspondance particulière.

L’artiste afghane Kubra Khademi entre dans la pièce, déroule une bobine de fil doré et commence à tisser une toile sur un tas de vestes éparpillées au sol. Elle ignore le public qui l’observe, concentrée sur sa création. La performance De l’armure aux gilets accompagne l’exposition « First but not last time in America » à la collection Lambert, sur toute la durée du Festival d’Avignon. Kubra Khademi est aussi l’autrice de l’affiche de la 76e édition du Festival, une colonne de jeunes femmes nues qui regardent à l’horizon.

S’affranchir de toute sexualisation

Bien loin de la polémique qui accuse l’artiste de promouvoir la pédophilie, Kubra Khademi défend un art engagé, inspiré de la culture afghane et mettant en scène des corps libres. Les fresques exposées à Avignon s’affranchissent de toute sexualisation du corps des femmes. Les lignes sont nettes, l’artiste a choisi des gouaches ocre et bleu uni, et les silhouettes rappellent des miniatures mongoles.

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