
Encore les seventies. J’étais adolescente. Je voudrais dire mon amitié à Roman Polanski,
j’espère qu’il va vite se tirer de là. Les mères n’osaient profiter de la liberté qui nous était naturelle, elles s’y hasardaient, alternant hardiesse et revirements vertueux. Je sais des histoires où la fille fut importunée par le désir de sa mère, sur elle projeté ; la mère la mène vers un homme mûr ; favorise un rapprochement ; son fantasme accompli par procuration, elle crie, soit chasse sa fille, soit s’indigne contre le monstre qui en aura abusé, et qui est en fait tombé dans le panneau. C’est pas la faute à Voltaire, toujours la faute à la fille ou à l’homme : pourvu qu’on n’attaque pas la moralité de la mère.
Protégeons les filles de leur mère plutôt que de Polanski. J’espère qu’aujourd’hui, les filles rencontrent des cinéastes pour une leçon de scénario ou de mise en scène, non pour des photos. Mesdames, n’en avez-vous pas assez de jouer les niaises depuis des millénaires ? Depuis quand un peintre ne couche-t-il pas avec son modèle ?



Ce livre, où se mêlent histoire et mythologie, est écrit du coeur de notre présent – présent des Antilles, de la France, de ce monde ouvert à de multiples transversalités qui est le nôtre. Marlène Parize y défend une proposition radicale contre tous les nationalismes et communautarismes, contre tous les mépris de soi: il est temps, il est grand temps de reconnaître, au sein même de notre modernité, de notre république, de nos valeurs, la trace de ces « lieux creusets » où est née, et naît encore, l’énergie qui nous porte à présent.
Sur l’origine de l’humanité, faute de la moindre science, on ne doit s’appuyer que sur la phylogenèse de nos mythes fondateurs. Ainsi, au lieu d’en rester à l’histoire médusante de la pomme et du serpent, qui fait que l’on soupçonne Dieu de malveillance imméritée en nous interdisant les fruits de l’arbre de la science, on devrait plutôt écouter sa conscience, et reconnaître que c’est le crime de cannibalisme contre nos semblables qui nous rassemble tous dans l’humanité pécheresse et à juste titre chassée du paradis. Comme les rats, comme les cochons, mais de façon bien plus systématique qu’eux, ce qui nous a rendus plus forts que d’autres espèces animales c’est que nous ne reculons pas devant le crime contre nos frères, et que c’est même notre nourriture hallucinogène, notre drogue vitale.
Pour éclaircir le propos, on pourrait établir une comparaison avec la nourriture. Dans toutes les sociétés humaines, il y a bien sûr des pratiques alimentaires, et elles sont indispensables à la survie des individus. Pour autant, toutes les sociétés ne construisent pas nécessairement une culture gastronomique, comme c’est le cas en France. L’art de la table, du vin et des fromages, les rituels, le service, la convivialité, les livres de recettes, les guides, les classements et les étoiles pour les bons restaurants, les émissions culinaires à la télé, sont autant d’éléments qui définissent la gastronomie à la française. D’autres sociétés développent des pratiques alimentaires moins diverses et moins ritualisées, elles se fondent sur les ressources matérielles nécessaires pour vivre. Certes, ces pratiques s’organisent selon des principes et des codes, et elles s’inscrivent parfois dans des célébrations où l’alimentation occupe une place particulière. Pour autant, elles ne produisent pas ce que l’on pourrait appeler véritablement une culture de la gastronomie. Dans ces contextes nombreux, et pas seulement dans les sociétés anciennes ou éloignées, en Amazonie ou en Nouvelle Guinée, l’alimentation est à la fois nécessaire et secondaire, et on ne se croit pas obligé d’en faire un objet d’euphorie, un rite permanent, une exaltation collective.


— Par Roland Sabra —
— par Roland Sabra —



Des événement mondiaux, nous en avions eu, de la mort de Diana au Mondial de football – ou des événements violents et réels, de guerres en génocides. Mais d’événement symbolique d’envergure mondiale, c’est-à-dire non seulement de diffusion mondiale, mais qui mette en échec la mondialisation elle-même, aucun. Tout au long de cette stagnation des années 1990, c’était la » grève des événements « (selon le mot de l’écrivain argentin Macedonio Fernandez). Eh bien, la grève est terminée. Les événements ont cessé de faire grève. Nous avons même affaire, avec les attentats de New York et du World Trade Center, à l’événement absolu, la » mère « des événements, à l’événement pur qui concentre en lui tous les événements qui n’ont jamais eu lieu.
À l’occasion de la sortie en librairie de Tête haute (Jean-Claude Lattès, 280 pages, 17 euros) qui retrace son parcours professionnel et personnel, nous avons rencontré Memona Hintermann. Journaliste singulière, femme spontanée, elle a accepté de s’exprimer sur des sujets de société comme l’école, l’intégration, la discrimination positive et de revenir sur son métier de journaliste.
La réédition récente en Poche « Biblio essais » de deux ouvrages de Michel Onfray qui traitent directement de morale – en schématisant, d’abord le rapport à soi (La sculpture de soi – la morale esthétique, Grasset 1993 et Le Livre de Poche 2005, ci-après SS), puis le rapport aux autres (Politique du rebelle – traité de résistance et d’insoumission, Grasset 1997 et Le Livre de Poche 2006, PR) – est l’occasion de s’interroger sur la portée d’une œuvre plébiscitée par ce qu’il est convenu d’appeler le grand public cultivé mais souvent décriée par les philosophes patentés (1). De livres en livres, Michel Onfray se consacre à détruire les préjugés de toute sorte qui nous empêchent, selon lui, de vivre bien, et à proposer à la place une éthique hédoniste. Nul ne contestera l’intérêt de l’entreprise, d’autant qu’elle passe par la mise en évidence d’auteurs souvent injustement méconnus de l’histoire de la philosophie, tous ces marginaux en lesquels M.O. se retrouve davantage que dans les grands auteurs du programme. Il récuse en effet tout autant l’idéalisme de Platon ou de Hegel que le matérialisme de Marx et l’existentialisme sartrien.
Albert Jacquard – Pour moi c’était évident, au moment où nous préparions le premier numéro du Genre humain, il fallait le consacrer à La science face au racisme. On y admettait, a priori, que le racisme est une tare. A l’époque, il me semblait clair que, pour lutter contre le racisme, comme contre n’importe quoi, contre le diable en général, la meilleure arme, c’est la science. Pourquoi? Parce que la science est ce merveilleux effort de l’homme pour se mettre en accord avec l’univers, pour voir clair en lui, pour être cohérent, rigoureux, lucide… Et puis, grâce à la biologie, on apportait avec le constat de l’impossibilité d’une définition de races humaines, un argument décisif. C’était sans doute prétentieux. En fait, grâce à la biologie, moi le généticien, je croyais permettre aux gens de voir plus clair en leur disant: «Une race, vous en parlez, mais de quoi s’agit-il?» Et je leur montrais qu’on ne peut pas la définir sans arbitraire ni sans ambiguïté. Cette démarche s’apparente aux théorèmes les plus fondamentaux, ceux qui démontrent qu’une question est mal posée, que telle affirmation est indécidable.