L’autorité parentale : de la notion juridique à la fonction éducative

 

Par Gracienne LAURENCE

–La loi a pour vocation de protéger le citoyen et de garantir les droits de chacun (du plus petit au plus grand) dans une société qui a comme fondement le vivre ensemble. Pour ce faire elle doit s’adapter aux évolutions des mœurs. Et la famille considérée comme la cellule de base de la société connaît dès la deuxième moitié du XXe siècle toute une série de mutations. Le modèle nucléaire jusque là, considéré comme la norme cesse de l’être pour laisser la place à de nouvelles structures comme les familles monoparentales, les familles recomposées, les familles homoparentales… Parallèlement à ces transformations familiales, l’enfant acquiert un statut particulier.  Il n’est plus considéré comme cette « petite chose » à modeler selon le bon vouloir de ses géniteurs.  Il devient une personne avec des droits et qui mérite tout le respect dû à tout être humain. C’est dans ce contexte de bouleversement sociétal ou des repères séculaires sont fortement ébranlés  que le législateur juge utile de redéfinir l’autorité parentale comme étant «  un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant ; Elle appartient au père et à la mère jusqu’à la majorité où à l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé, et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement dans le respect dû à sa personne. Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent selon son âge et son degré de maturité. »  Art. 371-1. Du Code Civil.

Loin de vouloir faire l’exégèse de ce texte législatif, quelques remarques sont permises. Il s’agit d’abord de constater que l’autorité parentale ne se délègue ni ne se partage, à moins d’une décision fortement motivée par le juge des affaires familiales.  Fini le temps où certains parents donnaient aux aînés autorité sur les plus jeunes des enfants.  L’égalité de droits entre les hommes et les femmes est légalement reconnue pour l’éducation de l’enfant. C’est la coparentalité dans ce domaine. Les décisions se prennent à deux. Il n’est plus question de dire «  va voir ta mère », ou « va voir ton père »  La parole de la mère a la même valeur que celle du père. La puissance paternelle vestige du droit romain et du système patriarcal  qui faisait de la femme une mineure disparaît définitivement au profit de l’autorité parentale.  Ensuite, il est à noter que l’enfant est au cœur de la famille. Il devient un citoyen de droit avec la particularité suivante : il doit être éduqué.

Malgré ce cadre légal au demeurant fort moderne et très explicite, beaucoup de parents avouent des difficultés à user de leur autorité pour élever leur enfant. Soit qu’ils n’ont pas opéré la mutation psychique nécessaire pour devenir parent, soit qu’ils  répugnent à reproduire le modèle éducatif fait de brutalités, d’humiliations, et d’autoritarisme  qui fut le leur, soit tout simplement qu’ ils veulent éduquer leur enfant dans le respect de sa personne et de sa personnalité tout en restant maître de la situation à tout moment. Et c’est un choix honorable, certes exigeant mais réalisable. Car l’enfant qui jusque là a évolué dans un monde(le milieu utérin) de plaisir et de satisfaction immédiate de ses besoins va résister. Il passera par une phase d’opposition, disant «  non » à tout.  Que les parents se rassurent.

Cette étape de son développement est normale .Par contre,  il leur appartient de le faire sortir de son vert paradis, de son fonctionnement pulsionnel pour le faire entrer dans le monde réel par une parole fermement prononcée avec cette assurance qui confirme la légitimité du rôle de parent et bien entendu sans violences  ni vaines menaces. Car l’autorité n’est ni dans les châtiments corporels, ni dans le rapport de force. Elle s’exerce comme l’a dit Aldo NAOURI (pédiatre) : « par une parole dont on est tout entier l’auteur, une parole destinée à s’imposer à un interlocuteur et qui s’impose généralement à lui (ici, l’enfant). Ce qui instaure automatiquement entre les deux personnes une hiérarchie que l’un (le parent) assume suffisamment  pour que l’autre (l’enfant) n’ait même pas la velléité de la discuter ».Le parent copain ne peut pas faire preuve d’autorité envers son enfant. Celui qui est évanescent, fluctuant voire même dépressif crée autour de l’enfant un climat d’insécurité facteur d’angoisse.qui pourrait nuire à son adaptation à l’école et plus tard à la société.

L’autorité est le moyen qui permet d’éduquer l’enfant. C’est-à-dire l’amener à comprendre et à respecter les règles qui fondent la société humaine et sans lesquelles le monde civilisé n’existerait pas. Monde dans lequel il est appelé à vivre. C’est par l’autorité des parents que l’enfant accède à l’autorité de la LOI, celle votée par les élus du peuple et qui s’impose à tous. Toute transgression d’une règle clairement énoncée doit être immédiatement et fermement sanctionnée, évidemment sans humiliation. Ne pas le faire c’est banaliser un comportement dangereux pour l’auteur du fait et pour les autres.

La sanction a pour but d’amener l’enfant à réfléchir sur un acte répréhensible et par la frustration qu’elle lui crée, le faire changer.

Pour aider les parents dans leur travail d’éducation, voilà quelques principes de base qu’ils pourront garder à l’esprit et qui ne sont ni négociables ni discutables. Il est interdit d’agresser (mordre, frapper blesser), on ne doit porter atteinte ni à la vie ni aux biens d’autrui. C’est un principe fondamental. Ne pas le respecter c’est s’exposer à la LOI .Il n’est pas permis de convoiter les affaires des autres et encore moins de se les approprier. Les enfants doivent du respect aux adultes qui doivent leur porter assistance en cas de besoins. Faut-il rappeler que le respect n’est pas à sens unique !.  Et puis il y a un sujet que les parents n’osent pas aborder, c’est celui de la sexualité. Très tôt il faut dire à l’enfant que personne ne doit toucher à ses organes génitaux. Selon son âge il doit savoir que les jeux sexuels entre enfants et adultes sont interdits, comme ils sont également interdits entre frères et sœurs et les membres d’une même famille. Il faudra également informer l’enfant sur l’interdit de l’inceste sur lequel tous les peuples civilisés sont d’accord.(*)

Ces quelques éléments ne sauraient être ni un bréviaire, ni un catéchisme, ni un carcan. Il appartient aux parents de les adapter, de les enrichir, de les traduire selon leur langage et leurs mots avec le souci d’éduquer leurs enfants.

L’éducation est un travail de tous les instants. Contrairement à une tendance actuelle,  elle ne se fait pas uniquement avec des câlins, des bonnes paroles et des bons sentiments. Certains parents aujourd’hui sont fascinés par leur enfant. Pour lui faire la plus petite remontrance, ils se livrent à toute une rhétorique précautionneuse, à laquelle l’enfant n’est pas accessible, mais qui renforce son sentiment de toute-puissance infantile. Car il perçoit la faiblesse du parent. Plus tard il sera cet enfant mal-élevé, refusant l’autorité de l’école puisse qu’il ne l’aura pas expérimentée à la maison.  Il n’est pas inutile de rappeler que l’enfant a besoin de fermeté, de règles et de limites clairement énoncées qui lui balisent le monde et le rassurent.

L’absence d’éducation, considérée comme une forme de maltraitance hypothèque toute la vie de l’enfant (c’est dire la responsabilité des parents), fait de lui un être asocial, livré à ses pulsions.  Donc dangereux pour la société et pour lui-même.

      Gracienne LAURENCE

      Sage-femme retraitée

      D.E.S.S science de l’éducation familiale

      Université Paris X-Nanterre/Amdor Mqe

(*) NDLR de  Madinin’Art : La prohibition de l’inceste est universelle ce en quoi tous les peuples sont civilisés.