Catégorie : Littératures

Elieshi Lema, une amazone des lettres africaines

— Par Tirthankar Chanda —

terre_arrideTerre aride, une histoire d’amour, par Elieshi Lema. Traduit de l’anglais par Fernand Fortuné. Editions Présence Africaine, 264 pages, 20 euros.

Roman féministe, Terre aride de la Tanzanienne Elieshi Lema s’inscrit dans la grande tradition de la critique sociale qui a fait les beaux jours de la littérature africaine en ses débuts. Si le réalisme social de Lema paraît aujourd’hui un peu décalé par rapport à la production littéraire postcoloniale qui a délaissé l’engagement pour la révolution scriptuaire, il ne manque pas de faire sens dans un continent noir encore soumis aux lois du patriarcat. Elieshi Lema est romancière, poète et éditrice.

Le roman Terre aride, une histoire d’amour, traduit en français cette année par les éditions Présence Africaine, est un classique de la littérature tanzanienne de langue anglaise. Paru en 2001, il est considéré comme un monument de l’écriture féministe africaine grâce à son intrigue qui met au premier plan la condition des femmes et leurs rapports de force avec les hommes dans la société tanzanienne contemporaine. Son auteur Elieshi Lema écrit aussi pour la jeunesse et elle fait partie de la petite poignée d’écrivains anglophones de la Tanzanie, dont Abdulrazak Gurnah qui, on se souvient, a failli remporter en 1994 le Booker prize, équivalent du Goncourt en France, pour son magnifique roman Paradis (Denoël).

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Femina Etranger : Rabih Alameddine pour  » Les Vies de papier »

les_vies_de_papierAvec ce roman, Rabih Alameddine nous propose une variation sur la vie du lettré. Un lettré bien particulier et attachant…

Beyrouth. Aaliyah, la narratrice, est une solitaire : sans mari (le sien l’a quittée peu après leur mariage), sans enfants, sa vie est entièrement dédiée à la littérature. Elle ne vit qu’à travers la littérature. Retraitée, elle a longtemps été libraire. Surtout, tous les 1er janvier, après avoir pris un bain rituel et allumé deux bougies pour Walter Benjamin, elle s’attaque à la traduction en arabe d’un nouveau texte — traduction que personne ne lira jamais et qui ira rejoindre les autres, archivées dans des cartons dans la chambre de bonne de son appartement.

Magnifique hommage à la magie de la langue et des mots, au pouvoir libérateur de la littérature, Les vies de papier est aussi l’histoire d’une femme libre et indépendante, qui ne s’est jamais soumise ni aux hommes, ni à sa famille, ni à la religion, dans un Liban où c’était encore plutôt mal vu. Tour à tour drôle (Aaliyah ne manque certes pas d’impertinence), spirituel, grave et mélancolique, le texte est émaillé d’une multitude étourdissante de références, de citations, d’allusions pas toujours explicitées d’ailleurs, à dessein ; l’ombre de Pessoa, en particulier, Pessoa et tous ses hétéronymes, plane.

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Femina : Marcus Malte pour « Le garçon »

marcus_malte_le_garconLe prix Femina est décerné à Marcus Malte, pour son roman Le garçon (Zulma). Il semble que les dames du jury aient voulu distinguer une petite maison d’édition.

Marcus Malte a obtenu 7 voix contre 3 à Nathacha Appanah (« Tropique de la violence » (Gallimard)) pour ce roman qui nous invite à traverser le début du XXe siècle aux côtés d’un garçon sans nom. Le prix Femina du roman étranger a été attribué à Rabih Alameddine pour « Les vies de papier » (Les Escales) et le Femina de l’essai à Ghislaine Dunant pour « Charlotte Delbo, La vie retrouvée » (Grasset). « Ce livre est une grande épopée, une histoire magnifique qui ressuscite le mythe de l’enfant sauvage qui parvient à la civilisation », a déclaré Mona Ozouf, présidente du prix Femina. « C’est un grand roman d’apprentissage, une allégorie de l’ensauvagement des hommes par la guerre », a ajouté la présidente, en soulignant que la discussion entre membres du jury avait été « animée et courtoise ». « Le garçon » dont nous parle Marcus Malte, 49 ans, ne sera jamais nommé.

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Femina Essai 2016 : « Charlotte Delbo, La vie retrouvée » de Ghislaine Dunant

ghislaine_dunantCharlotte Delbo
La vie retrouvée
Ghislaine Dunant
« Je rencontrais une écriture qui crevait la surface protectrice de la vie pour toucher l’âme, le corps qui souffre ce qu’un être humain ne doit pas souffrir. Les mots peuvent dire ce qu’il est à peine supportable de voir, et de concevoir. Et ils peuvent ramener l’amour que Charlotte Delbo avait eu pour toutes celles, ceux qu’elle avait vu souffrir. La lucidité, la capacité de dire et d’écrire était là. Une langue pouvait rendre ce qui avait eu lieu. Le trou que faisait dans notre humanité la catastrophe d’Auschwitz, un écrivain me donnait le moyen de le raccommoder avec une œuvre qui en faisait le récit. Elle avait cherché la beauté de la langue dans le terrible des mots ciselés en arrêtes coupantes. Elle les disait avec la douceur qui prend quand l’au-delà de la douleur est atteint.
Elle l’écrivait des années plus tard, ouvrait les images restées, elle interrogeait avec liberté les souvenirs au moment où elle les écrivait, elle découvrait la vie retrouvée ».
G. D.

Lire un extrait :
Le vent est léger, il glisse sur les feuilles, entre les branches.

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Jack London, vagabond des étoiles

— Par Jérôme Skalski —

Cent ans après sa disparition, le romancier américain entre à la « Bibliothèque de la Pléiade ». Une consécration pour l’écrivain prolétaire, le journaliste et l’aventurier devenu l’un des auteurs les plus populaires de l’histoire de la littérature.

L’enfance de Jack London se déroule autour de la baie de San Francisco, sous le soleil d’une Californie, qui, dans ces parages, est tempérée par les avalanches et les vagues de brume de l’océan Pacifique. Sa mère, Flora Wellman, abandonnée par le géniteur du futur écrivain, se marie après sa naissance avec John London, un vétéran de la guerre de Sécession. Jack prendra son nom et son surnom, mais ne connaîtra la vérité sur son ascendance véritable qu’à l’âge de vingt ans. Fermier, ouvrier, petit commerçant ou employé, John London entraîne sa famille de part et d’autre de la baie dans ses pérégrination à la recherche d’un travail souvent précaire, avant de s’installer à Oakland, où Jack découvre la bibliothèque publique de la ville et fait la connaissance d’Ina Coolbrith, bibliothécaire et poétesse, qui le guidera dans sa frénésie de lecture et dans sa vocation naissante.

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« La Cheffe, roman d’une cuisinière » par Marie NDiaye

marie_ndiayeMarie NDiaye, l’histoire d’une obsession
— Par Marie-Laure Delorme —

Marie NDiaye, l’auteure de Rosie Carpe (prix Femina, 2001) et de Trois Femmes puissantes (prix Goncourt, 2009), s’attache à la trajectoire d’une cuisinière.

Sa beauté hiératique reste inchangée. Elle a été repérée à 17 ans par le fondateur des éditions de Minuit, Jérôme Lindon ; elle est tôt apparue comme l’écrivaine la plus douée de sa génération ; elle a reçu le prix Femina (Rosie Carpe, 2001) et le prix Goncourt (Trois Femmes puissantes, 2009) en moins d’une décennie. La romancière Marie NDiaye partage aujourd’hui sa vie entre Berlin et la Gironde. Les premiers mots de La Cheffe sont « oh oui, bien sûr » et « oh oui, bien sûr » on peut préciser que Marie NDiaye est « métisse » ou « noire ». Elle est née, en 1967, à Pithiviers, de mère française et de père sénégalais. Son univers reste sa langue. Un bureau pris dans un matin d’automne. Marie NDiaye se tient devant nous de passage à Paris et sa grâce d’airain fait parfois écran à ses mots.

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Faubert Bolivar : poésies

faubert_poesieOh, daigne, mon amour
Ne pas t’enfuir à toutes jambes
Si je t’avoue que dans mon coeur
Battent les coeurs des ancêtres
Car c’est d’un amour à foutre le feu
que je t’aime
Interpelant l’histoire et la mythologie, un dit d’amour structuré comme le jeu des osselets (dos / creux / i / s) le poème de Faubert Bolivar assume une dimension expérimentale. Il est tendre et sauvage. La porte, comme figure de l’arrêt, de la distance, y tient une place capitale.
Elle est toujours à abattre, à ouvrir. Un dit d’amour qui cogne aux portes avec suffisamment de force pour les ébranler.

Né à Port-au-Prince en 1979, Faubert Bolivar a fait des études de Philosophie à l’École Normale Supérieure de son pays et à l’Université Paris VIII. Poète, dramaturge et essayiste,il a publié dans divers ouvrages collectifs et revues à travers le monde francophone. Il est, dès 1996, l’un des récipiendaires du Prix Jacques Stephen Alexis pour sa nouvelle « Faux-Lit ». Fin 2013, il reçoit, entre autres, le Prix Marius Gottin d’ETC-Caraïbe pour sa troisième pièce en langue créole, « Mon ami Pyero ».

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« Comme si j’étais seul  » de Marco Magini

marco_magini-1Traduction : Traduit de l’italien par Chantal Moiroud.

1995. Le conflit en Yougoslavie s’intensifie. À tout juste vingt ans, Dražen Erdemović s’engage dans l’armée serbe dans l’espoir d’offrir un avenir à sa femme et sa fille qui vient de naître. Né en Bosnie-Herzégovine, de parents croates, Dražen est le symbole même du multiculturalisme yougoslave. L’uniforme serbe est le troisième qu’il endosse, mais rien ne lui importe plus que de voir son pays à nouveau en paix. Il va découvrir l’horreur de la guerre, l’impuissance d’un homme seul face à un groupe de soldats incontrôlés, l’anéantissement des consciences.

La force de ce roman tient dans le choix narratif de l’auteur : trois voix alternent ainsi dans une partition bien rythmée. Celle de Dirk, soldat néerlandais qui assiste à l’impuissance des casques bleus de l’ONU. Celle de Romeo González, juge au Tribunal pénal international de La Haye, qui s’apprête à rendre son verdict un an plus tard. Et celle Dražen, qui devient l’un des acteurs du pire massacre commis en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
14.5 x 22 cm – broché – 192 pages
Paru le 25/08/2016 – ISBN 9782357202580

Marco Magini était un enfant pendant la guerre en Yougoslavie.

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Grand Prix du Roman de l’Académie française 2016 : « Le dernier des nôtres » Adélaïde de Clermont-Tonnerre

le_dernier_des_notresLe dernier des nôtres
roman
Adélaïde Clermont-Tonnerre (de)
« La première chose que je vis d’elle fut sa cheville, délicate, nerveuse, qu’enserrait la bride d’une sandale bleue… » Manhattan, 1969 : un homme rencontre une femme.
Dresde, 1945 : sous un déluge de bombes, une mère agonise en accouchant d’un petit garçon.
Avec puissance et émotion, Adélaïde de Clermont Tonnerre nous fait traverser ces continents et ces époques que tout oppose : des montagnes autrichiennes au désert de Los Alamos, des plaines glacées de Pologne aux fêtes new-yorkaises, de la tragédie d’un monde finissant à l’énergie d’un monde naissant… Deux frères ennemis, deux femmes liées par une amitié indéfectible, deux jeunes gens emportés par un amour impossible sont les héros de ce roman tendu comme une tragédie, haletant comme une saga.
Vous ne dormirez plus avant de découvrir qui est vraiment « le dernier des nôtres ».

Lire un extrait :
Manhattan, 1969

La première chose que je vis d’elle fut sa cheville, délicate, nerveuse, qu’enserrait la bride d’une sandale bleue. Je n’avais jamais été fétichiste avant ce jour de mai et si j’avais dû me concentrer sur une partie de l’anatomie féminine, j’aurais spontanément choisi les fesses, l’entrejambe, la gorge ou peut-être le visage, certainement pas les pieds.

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Appel à écriture théâtrale

texte_en_parolesPour la saison théâtrale 2016/2017, l’association Textes en paroles lance un appel à écriture théâtrale.

Date limite d’envoi des textes : le 31 décembre 2016

Où que Vous soyez et qui que Vous soyez… Vous écrivez pour le théâtre en Français ou en créole, en lien avec la Caraïbe ou les Amériques…

Avec vos histoires, vos personnages… Textes en paroles veut faire vivre le spectacle-vivant en Guadeloupe et au-delà, au sein de notre large réseau (NB: Les textes pour le jeune public sont bienvenus!!)

Les textes sélectionnés seront soumis sous anonymat au Comité de Lecture de TEXTES EN PAROLES (composé de dramaturges, d’universitaires et de professionnels du théâtre), qui aura la charge d’identifier un maximum de six lauréats, parmi lesquels il distinguera le PRIX TEXTES EN PAROLES DU MEILLEUR TEXTE DRAMATIQUE 2017.

Tous les textes-lauréats seront promus à l’occasion de lectures publiques et de rencontres avec leur auteur, dans le but de favoriser leur création, et se verront ultérieurement publiés en format numérique aux Éditions Textes en Paroles sur le site internet.

NB : Tous les auteurs, dont les œuvres auront été admises à la sélection (lauréats ou non), recevront les notices critiques du Comité de Lecture.

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La mort de Dario Fo, prix Nobel de littérature en 1997

dario_foDisparu mercredi à l’âge de 90 ans, Dario Fo, écrivain et dramaturge italien, prix Nobel de littérature en 1997, était l’un des auteurs italiens les plus novateurs et un homme de théâtre anticonformiste que l’obtention des plus prestigieuses distinctions n’avait pas assagi.
Anticonformiste, à l’écoute de son époque, Dario Fo, né le 24 mars 1926 à Sangiano, près de Varèse, en Lombardie, était l’un des dramaturges italiens les plus joués dans le monde avec Carlo Goldoni (1707-1793).

Il avait gagné une notoriété internationale en 1969 avec « Le mystère Bouffe » (« Mistero buffo »), une épopée des opprimés inspirée de la culture médiévale dont le héros, un jongleur, enseigne la révolte par le rire.

En rebellion contre les puissants, les hypocrites, la morale cléricale

En France, outre « Le Mystère Bouffe », Dario Fo était connu pour les pièces « Faut pas payer » ou « Histoire du tigre et autres histoires ». Également auteur de « Mort accidentelle d’un anarchiste », « La marijuana de maman est la meilleure », « Couple libre » ou « Faut pas payer ! 

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Bob Dylan, Nobel du rock et de la littérature

—Par Olivier Nuc —

Si le Kenyan Ngugi wa Thiong’o avait les faveurs des parieurs, c’est finalement l’auteur de Blowin’in the Wind qui a été récompensé. Retour sur le mythe né autour de Robert Allen Zimmerman.

C’était donc l’année de l’Amérique! Mais toujours pas celle de Philip Roth. Le nom de Bob Dylan est donc sorti du chapeau. Le chanteur a été récompensé du Nobel de littérature, comme l’a annoncé la secrétaire générale de l’Académie, Sara Danius, pour «avoir créé dans le cadre de la grande tradition de la musique américaine de nouveaux modes d’expression poétique».

S’il est de la même génération que les Rolling Stones, Dylan, qui vient d’assurer leur première partie au Desert Festival, approche son métier d’une manière diamétralement opposée. Pas de grand show pyrotechnique pour lui, mais des spectacles qui évoquent l’ambiance des clubs traditionnels de l’Amérique profonde. S’il passe sa vie à donner des concerts, il n’a rien d’une bête de scène rock. Et continue, surtout, à n’en faire qu’à sa tête, derrière sa moustache fine et son chapeau à larges bords.

Il en est ainsi depuis cinquante ans, lorsque le chantre du folk contestataire décida d’empoigner une guitare électrique et de jouer avec un groupe complet.

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Chamoiseau, l’œuvre au monde

Compte rendu critique de : Patrick Chamoiseau, La matière de l’absence (Seuil, 2016)

chamoiseau_micro—Par Loïc Céry (ÉdouardGlissant.fr) —

La légende dit que Jean Paulhan, le « pape de l’édition française » des années vingt aux années soixante, avait coutume en recevant ses invités à son hôtel particulier non loin des Arènes de Lutèce, d’expliquer à qui voulait l’entendre, la signification des deux imposantes piles de livres qui trônaient à l’entrée de l’intimidante demeure, comme des Himalayas inaccessibles à l’entendement. Les ouvrages provenant des envois de presse, tous neufs et souvent dédicacés par leurs auteurs, étaient rangés en rangs serrés, dans un équilibre instable et pourtant viable, mais dont la précarité elle-même intriguait les visiteurs, compte tenu de la hauteur impressionnante des deux colonnes. Les livres attendaient l’attention si salvatrice du démiurge, qui pouvait d’un coup vous propulser au firmament des gloires littéraires de Paris ou de sa seule indifférence vous laisser dans la moiteur de la confidentialité. Dans cet hôtel particulier qui a vu passer tout ce que la littérature française comptait de talents confirmés et d’espoirs en germe, les ouvrages reçus, innombrables et envahissants, n’échappaient jamais à cette sélection première, ce tri soigneusement pensé par le maître.

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Jan Lavi Ka Bat Kat A-y

m_bitakoRENCONTRES LITTÉRAIRES
Autour du Recueil de Nouvelles de M’BITAKO Jan Lavi Ka Bat Kat A-y
Le Vendredi 14 Octobre 2016 à 18h00
à la Médiathèque de St-François
Le Mercredi 19 Octobre 2016 à 18h00
à la Médiathèque de Ste-Anne
Le Vendredi 21 Octobre 2016 à 18h30
à la Salle d’Honneur de la Mairie de Petit-Bourg
Le Mercredi 26 Octobre 2016 à 18h00
à la Médiathèque Paul Mado de Baie-Mahault
Kontak :M’BITAKO :  : 0690-38-16-25 –  : mbitako@hotmail.com

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Une culture en héritage

— Par Lise Gauvin —

Comment survivre à cette « absence fondamentale » que constitue la mort de la mère ? se demande le narrateur du dernier roman de Patrick Chamoiseau. En risquant « une parole, […] sans mander de répondeurs, juste soucieux de respirer et de sourire aux souffles de ce qui n’est nulle part et qui pourtant subsiste ».

Dans La matière de l’absence, l’écrivain amorce une longue méditation, en compagnie de sa soeur aînée surnommée La Baronne, sur l’héritage laissé par Man Ninotte et sur la culture antillaise, qu’il présente comme une combinaison de traces, ces « mélanges en précipitations », ces « marques jamais monumentales » qui font les paysages.

Cette culture, Chamoiseau la retrouve dans la présence du conteur créole, dont le récit se situe tout autant dans ce qu’il dit que dans ce qu’il ne dit pas, mais aussi dans les allées et venues des pacotilleuses, ces femmes qui voyagent sans cesse dans la Caraïbe pour tenir un « commerce mobile ». La cale négrière est également là, tout comme l’impact de ceux que le poète martiniquais Édouard Glissant a désignés comme des « migrants nus », dont la première nécessité était de survivre à la traversée, « dans l’ardeur de renaître, sans espoir de retrouver la communauté perdue, ni même de reconstituer une nouvelle communauté ».

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Patrick Chamoiseau : « Aux grands vents de la relation »

— Entretien réalisé par Muriel Steinmetz —

patrick_chamoiseau-400Il publie la Matière de l’absence, un livre puissant qui part d’un deuil personnel pour se hisser à l’universel humain en passant par la Martinique, qui brasse tant de cultures payées au prix fort, depuis la traite négrière jusqu’à la colonisation.

À l’occasion de la sortie de la Matière de l’absence, Patrick Chamoiseau (né en 1953 à Fort-de-France en Martinique), qui obtenait en 1992 le prix Goncourt pour son roman Texaco, nous a accordé un entretien. Il y est question, entre autres, de la mère, de la terre mère, de la créolité et du « tout-monde », prôné par son maître et ami Édouard Glissant.

Tout roman n’est-il pas autobiographique ?

Patrick Chamoiseau La création romanesque mobilise toutes les ressources, y compris celles de la propre vie de l’auteur. C’est toujours une expérience subjective singulière, qui se transmet dans le langage et le thème donnés. La Matière de l’absence peut donc être considérée comme autobiographique au sens d’un exercice d’exploration et de connaissance poétique sur le cheminement d’une conscience. La disparition de ma mère, il y a une dizaine d’années, m’a obligé à mobiliser tout ce que j’étais et à définir ce que j’allais devenir.

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Un deuil différé qui finit par embrasser le monde

matiere_de_l_absence_fdfPatrick Chamoiseau part de lui-même pour nous livrer, à l’échelle de toute l’espèce, un vaste poème en prose aux bouffées épiques.

Après la catastrophe qu’a été la mort de sa mère – dont il a longtemps différé le deuil –, Patrick Chamoiseau compose un objet d’écriture proprement inédit (ni roman, ni récit, ni essai) d’une rare ambition, ponctué de dialogues entre un narrateur qui dit « je » et une sœur aînée, dite la Baronne, décrite comme élancée, dotée d’un solide bon sens qui tempère volontiers le penchant de son cadet à la philosophie. Une prose dense à l’extrême rend magnifiquement compte de l’état d’esprit d’un homme brutalement saisi par l’annonce de la disparition de celle qui le mit au monde. C’est ensuite la lente remontée des souvenirs, des sensations, des couleurs, des odeurs… Structurée en trois parties (intitulées « Impact », « Éjectats », « Cratère »), la Matière de l’absence, littéralement possédée par un dessein autobiographique de grande ampleur, convoque au passage maintes disciplines de la pensée, au premier rang desquelles l’anthropologie et l’histoire. Chemin faisant dans la lecture, on découvre, comme en creux, le journal de bord d’un orphelin qui se prend enfin pour objet d’étude, des années après le bouleversement de la perte, qui est un jour ou l’autre le lot de tout un chacun.

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« Le bar des Amériques » par Alfred Alexandre

le_bar_des_ameriques« Le bar des Amériques » par Alfred Alexandre édité chez « Mémoire d’encrier »
L’écrivain martiniquais Alfred Alexandre présentait son dernier roman au festival « Etonnants Voyageurs » de Saint-Malo (du 14 au 16 mai 2016). « Le bar des Amériques » conte l’amour perdu entre deux protagonistes dont l’existence dérive. L’auteur écrit sur les désirs, les manques et les douleurs. Projecteur sur la plume d’un écrivain qui fait des vagues…
Les îles sont propices à la littérature, qu’elles soient bretonnes ou caribéennes… A Saint-Malo, le festival « Etonnants Voyageurs » qui vient de s’achever, a réuni des écrivains aux univers variés. Parmi eux Alfred Alexandre, l’un des chefs de file de la nouvelle génération d’écrivains antillais, au parcours auréolé de plusieurs prix littéraires.

Après des études de philosophie à Paris, Alfred Alexandre retourne en Martinique, où il vit et exerce actuellement la profession d’enseignant-formateur en français. « Bord de canal », son premier roman publé en 2005 a obtenu le « Prix des Amériques insulaires et de la Guyane 2006 ». Son premier texte théâtral, « La nuit caribéenne », avait été choisi parmi les dix meilleurs textes francophones au concours général d’ETC Caraïbe en 2007.

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Les sales gosses de Gros regardent notre société

— Par Caroline Constant —

gros_l_enferÉditions du Chêne

Le dessinateur sort un album intitulé L’enfer, c’est les enfants des autres. Une charge réjouissante sur l’état de notre société, dont les premières victimes sont justement les enfants.

Ils sont affreux et méchants. Capricieux et moralisateurs. Et puis, de toute façon, les enfants des autres, c’est forcément l’enfer, se moque le dessinateur Gros dans un album qui paraît aux Éditions du Chêne. Pascal Gros a compilé dans ce livre 150 dessins sur la thématique de l’enfance. Mais si Gros force le trait, ce ne sont pas tant les enfants qu’il moque que notre société, ses injonctions contradictoires et nos modes d’éducation. Il raille l’arrivée de l’enfant, entre émerveillement et « début des emmerdes ». Il croque avec cruauté les biberons imbibés de saletés, de tranquillisants, d’alcool, et une alimentation qui finit par conduire au surpoids (« Je suis Charlie et la chocolaterie », porte fièrement sur son tee-shirt un enfant très enveloppé). Il raille les opposants à l’adoption par les homosexuels : « Tu préférerais être adopté par Jodie Foster ou Christine Boutin ?

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« La matière de l’absence » : rencontres avec Chamoiseau

30 septembre 2016 à 19h au restaurant foyalais « Chez Claudia »

1er octobre 2016 à La Librairie Antillaise La Galéria

rencontre_chamoiseau-09-2016La Matière de l’absence
Patrick Chamoiseau

A partir de la mort de sa mère, l’écrivain visite l’histoire encore méconnue des Antilles, leurs genèses, leurs rituels, leurs modes de vie, remontant aux origines de l’humanité, retraçant l’étonnante créativité d’un peuple qui a inauguré ses mythes et ses combats dans le ventre du bateau négrier. Dialoguant avec sa sœur, dite « la Baronne », il évoque, avec tendresse, humour et profondeur, la poétique de tout un monde qui dépasse le cercle familial et nous initie à un bel art de vivre.
Lire aussi :« La matière de l’absence » : Le grandiose de l’intime

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« Printemps créole » , un ouvrage de Kalimat

kalimatCeci n’est pas une préface,

Au commencement de tout était la parole.

Kalimat – le bien nommé – incarne la sienne, comme il incarne sa vision poétique d’Homme-archipel, naviguant entre tous les vents du nde, voguant îles en îles, à la rencontre de l’être, humain en lui. La poésie est un engagement, un chemin solitaire solidaire. Et Mathieu Marie-Eugénie est poète, dans le regard d’enfant et le geste artistique, la relation aux mots et le sens de l’Autre.

Dans ses silences aussi.

Printemps créole est une traversée identitaire et poétique, l’odyssée intérieure d’un garçon de lettres, moderne, ancré dans son époque.

Kalimat sème des poèmes sur son passage.

Peut-être pour ne pas s’oublier, dans le tourbillon du temps qui passe et nous efface. Peut-être pour ne pas perdre de vue les rêves, qui le fondent et font de lui aussi, un marcheur et un chercheur.

D’art.

Printemps créole est un texte fruité, aux saveurs de châtaignes, d’abricots et de mangues térébinthes, un livre aux battements d’ailes et fulgurances de lumière, sagesse et bonté.

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Atelier d’étude du créole martiniquais

creole_martiniquais

2016-2017

Sous l’égide du CIRECCA (Centre International Recherches Echanges Coopération Caraïbes Amériques), l’atelier d’étude du créole martiniquais ouvre de nouveau ses portes.
Cet atelier a comme objectif d’apprendre à lire et à écrire le créole martiniquais et d’en étudier le fonctionnement sur le plan lexical, grammatical et syntaxique.
Cet atelier s’adresse aux créolophones qu’ils soient natif-natal ou bien d’adoption ou d’option.
Ses séances, bi hebdomadaires, se déroulent, le soir, sur le Campus de Schoelcher et ce, réparties en deux niveaux : un niveau 1 destiné aux débutants, un niveau 2 aux personnes ayant déjà une pratique de la langue.
Ces séances sont animées par Daniel Boukman, écrivain, militant culturel martiniquais.

Pour tous renseignements complémentaires
0696 94 32 20
galta972@gmail.com.
cireccamartinique@gmail.com.fr
0696 73 68 28

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« La matière de l’absence » : Le grandiose de l’intime

la_matiere_de_l_absenceA l’occasion de la parution de dernier livre de Patrick Chamoiseau, « La matière de l’absence », l’Association Tout-monde a organisé une soirée poétique. Gérard Delver, président de l’association, s’est entretenu avec l’écrivain. Quelques extraits…

Gérard DELVER : Ton dernier ouvrage « La matière de l’absence » me semble ouvrir une nouvelle dimension dans la littérature de nos pays, je veux parler de « l’intime ». Nos littératures étaient souvent identitaires, à visée collective, essayant le plus souvent d’élucider un être-au-monde créole et pour le moins énigmatique, tant et si bien que l’intime que l’on trouvait dans les littératures européennes était très peu présent chez nous. Qu’est-ce qui justifie ta plongée soudaine dans l’intime de la mort d’une mère, de l’émoi d’un deuil ?

Patrick CHAMOISEAU : C’est vrai que le fondement de nos littératures, leur énergie profonde était l’élucidation identitaire. Nous avons de tout temps été confrontés à la nécessité d’explorer cette complexité créole inédite qui nous chahute au plus profond. Ce qui fait que notre manière d’écrire, mais aussi de lire, était souvent marquée du sceau de l’épique, c’est à dire de la construction communautaire : trouver les ressorts de nos peuples composites, les dynamiques de nos nations faites de diversités.

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« Liberté, parité, sororité », la République oubliée

sorcieres_de_la_republiqueDes choses, pas belles, se sont passées, en France, entre 2017 et 2020. Les femmes, par la main de déesses grecques surgies de l’Olympe, ont pris le pouvoir détenu par les hommes depuis des millénaires. L’Apocalypse, prédite pour décembre 2012, n’a pas eu lieu. Les déesses sont venues se mélanger à la société française. Le Parti du Cercle a imposé ses règles. L’expérience a très mal tourné. Mais comment faire la lumière sur ce règne éphémère et probablement sanglant, alors qu’une amnésie collective a été décidée par référendum au terme de cette page d’histoire, en 2020 ? Une amnésie appelée le Grand Blanc, approuvée à l’unanimité par la population. C’est pour juger cette douloureuse parenthèse que s’ouvre un maxi-procès dans ce qui fut longtemps le Stade de France et qui abrite désormais le Tribunal du Grand Paris. Nous sommes en 2062. À la barre, la Sibylle, prophétesse de la révolution des femmes. Pièces à conviction à l’appui, elle déroule le fil de sa mémoire, et la généalogie des événements. Petit à petit, on découvre la réalité de ces années très spéciales.

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L’Îlet aux sorcières, des contes pour petits et grands

– par Janine Bailly –

luneQu’elle fut belle, cette dernière après-midi de vacances, quand avant de reprendre, un peu nostalgique, le chemin de l’école, on a pu rêver encore et voguer dans l’imaginaire sous la houlette de Jean l’Océan ! Comme un sursis accordé, comme un dernier voyage immobile au pays des arbres et des sorcières, qui hantent les nuits noires et les forêts profondes.

C’est à la mairie de Sainte-Luce qu’en ce mercredi nous étions conviés au spectacle de la Compagnie Car’Avan, dans le cadre des animations rendues possibles par les subventions de la Direction des Affaires Culturelles (représentée ce jour par Madame Anny Désiré). Les plus petits, assis par terre au devant de la salle, les plus grands sagement disposés sur les chaises, ont fait un public attentif aux contes originaux fleurant bon l’enfance, dans ses joies, ses bonheurs et ses peines, dans ses peurs ancestrales aussi. Et si quelques bambins, trop jeunes peut-être pour une écoute tranquille, ont quelque peu déstabilisé le début de la représentation, la douce autorité, le savoir-dire et le charisme du conteur ont su faire jouer la magie de l’instant.

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