Catégorie : Littératures

Chronique des Îles du vent – Guadeloupe & Martinique

Nouvelles et poésies sélectionnées par Dominique Ranaivoson, en collaboration avec Jean-Marc Rosier

Douze écrivains originaires de la Guadeloupe et de la Martinique témoignent leur commun attachement à leurs îles natales ou adoptives. Leurs écritures, en français ou en créole, associées à l’image ou à la musique du slam, en prose ou en vers, témoignent de la richesse de la créativité littéraire de la région. Inspirées par leurs aînés, mais libres de toute école, leurs plumes sont tout à la fois des Caraïbes et du Monde.

LES AUTEURS

Jimmy Anjoure-Apourou, Nicole Cage, Miguel Duplan, Frankito (Franck Salin), Michel Herland, Véronique Kanor, Serghe Kéclard, Gaël Octavia, Émeline Pierre, Michael Roch, Jean-Marc Rosier, TiMalo

EXTRAITS

« Ça faisait long d’temps qu’j’y étais pas revenu, fout’ mes pieds sur le sol de ma gwada pour rien, pour de faux, et jouer pour de faux au fils qui s’en revient après un long périple. Et pourquoi tout ce temps Je n’en sais fichtre rien, j’avais traîné, erré, marché sur toute la terre, en cherchant dans l’ailleurs une réponse à moi-même… Question à la peau dure, persistante et teigneuse comme de la mauvaise herbe.

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« L’épopée mexicaine de Romulus Bonnaventure » de Raphaël Confiant

— Par Fernand Tiburce Fortuné —

Raphaël Confiant
L’épopée mexicaine de Romulus Bonnaventure
Mercure de France
Avril 2018

Raphaël Confiant nous livre, en ce début d’année, son dernier roman, «L’épopée mexicaine de Romulus Bonnaventure», dédié au grand combattant de notre langue créole, Jean Bernabé. Le titre lui-même est déjà toute une aventure, l’évocation apparente d’un long voyage vers une terre promise, magique et généreuse. Ce voyage n’est pas ordinaire, puisqu’il se développe en une épopée, c’est-à-dire que l’auteur veut nous plonger à la fois dans un monde merveilleux, picaresque, où tout peut arriver à des héros hors du commun, qui doivent aussi nous enchanter par leurs prouesses ou des exploits exceptionnels, et dans lesquels nous pourrions nous reconnaître.

Ce qui donne encore plus de piquant au titre, qui ne doit rien au hasard, quand on connaît Raphaël Confiant, c’est l’identité dont est affublé celui que nous pensons être le héros primordial.

D’abord le prénom, Romulus, le vainqueur de Remus son jumeau, interpelle, car il nous plonge en pleine latinité et rappelle la formule « ab urba condita », à un moment donc de création, de fondation, d’ensemencement dans une douleur assumée.

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« Ti manmay la ki té rété kous kouri soley-la », de Fernand Tiburce Fortuné

— Quatrième de couverture par Raphaël Confiant —

Kont fantastik, menm manniè kont moral, kont satirik épi kont lanmou, ka benyen limajinè moun péyi kréyol pas sé kont-tala wè jou dan bouden bato négriyé épi dan gran fènwè bitasion. Sé manniè palè lespri lannwit, bondjé chalviré épi falfret sa ki gran pasé’w. Ladjables, Papadjab, Zonbi, Lom san tet, Lantikris épi lézot soukouyan navidjé dan tet sa ki, pami nou, té ni chans pa tro konnet radjo
épi pa konnet télévizion pies. Epi yo péla an sel kou ! Disparet pran yo dan fon brech mémwa pété-nou.

Pou….mondjé mèsi ! ki Legba, papa Jézikri oben Marémen viré wè jou anba plim sé vayan matjè pawol nou an. Sé Césaire ki dékouvè « vié amadou » afritjen-an ka brilé dan fondok nou chak-la ; sé Glissant ka rélé kous kouri neg mawon-an dan bòdaj pies kann ; sé Chamoiseau ka chapé kouri dèyè dowlis-la épi Pépin « l’homme au bâton ».

Fernand fortune, li, ka di soley « vini isi ! » Menm « Compère général soleil » -la gran matjè pawol ayisien-an yo kriyé Jacques Stephane Alexis a té bien enmen an.

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Misié Mémé Mapipi Mèt Matjè Matnik

— Par Daniel M. Bertin —

Misié

Ki matjé Kadas

Misié Mémé

Ki matjé Fèwman

Misié Mapipi

Ki matjé Kòw pèdi

Misié Mèt Matjè

Ki matjé An tanpèt

Misié Mémé Mapipi

Ki matjé Mwen Laminè

Misié Mapipi Mèt Matjè

Ki matjé Chien té ka pé

Misié Mapipi Mèt Matjè Matnik

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Hommage à la pensée d’aImé Césaire

Mardi 17 avril 2018 à 19h 30 au T.A.C.

http://fortdefrance.fr/wp-content/uploads/2018/04/visuelWEBALPHA.jpgLa Cie Téatlari – Théâtre des Cultures créoles / José ALPHA

La Cie Chouboulman / Jocelyn Régina

présentent

Hommage à la pensée  d’Aimé Césaire

Une pièce théâtrale populaire conçue autour des actes et de la pensée d’Aimé Césaire, qui sera donnée gratuitement au public :

Paroles et Silences d’Aimé Césaire de José Alpha, avec le comédien conteur Jean Claude Duverger accompagné par le comédien musicien Christian Charles, et les danseurs du Caribean AlphaPro de Ruddy Scaron, le mardi 17 avril à 15h (scolaires)  et à 19h30 (tout  public).

Le Nègre pongo, balayeur des quais de la Gare St Lazare, raconte sa rencontre avec Aimé Césaire quand il descendit du train pour la première fois en 1931. Il se rappelle bien du regard porté sur son peuple et sur le Monde, par ce type qui fut le Maire de Fort de France et Député de la Martinique, mais surtout le poète philosophe dont les paroles et les silences marquent encore les peuples opprimés du monde. Une comédie dramatique qui fut donnée sur les quais de la Gare St Lazare pour les cheminots et les usagers de la Sncf en 2013.

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«Cher Aimé Césaire»: un héritage toujours vivace

— par Tirthankar Chanda —

Dix ans après la disparition d’Aimé Césaire, que reste-t-il aujourd’hui de sa pensée poétique et de son action politique ? Une partie de la réponse est à chercher dans le volume collectif composé de lettres adressées au leader défunt, qui paraît à l’occasion de la date anniversaire de sa mort.

1913-2008. Il y a dix ans, le 17 avril 2008, disparaissait Aimé Césaire, poète et homme politique français, originaire de la Martinique. La France fit des funérailles nationales à cet homme de la stature d’un Victor Hugo ou d’un Chateaubriand, avant d’inscrire son nom trois ans plus tard dans la crypte du Panthéon où Césaire a rejoint les grands hommes auxquels la patrie demeure éternellement reconnaissante.

Maire de Fort-de-France pendant 56 ans et député de la Martinique pendant 48 ans, Césaire a été un fin politique, car son action sur le banc des parlementaires a fondamentalement changé le rapport de la France avec ses vieilles colonies d’outre-mer, devenues depuis des départements français.

Plus important encore sans doute, le rayonnement de son œuvre littéraire a profondément marqué l’imaginaire francophone.

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Le créole à la CARICOM : utopie ou mal-vision persistante ?

Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

L’idée de voir le créole haïtien accéder au statut de langue officielle ou d’une langue usuelle de travail à la CARICOM est défendue par plusieurs personnes depuis un certain temps. Ainsi, « Alors qu’Haïti assure, depuis ce mois de janvier 2013, la présidence de la Communauté caribéenne (CARICOM), le rectorat de l’Université d’État d’Haïti et le comité de mise sur pied d’une académie de la langue créole appellent le chef de l’État, Michel Martelly, à demander que le créole, plutôt que le français, soit l’une des langues officielles de l’organisation régionale » (« Le créole haïtien plutôt que le français comme langue officielle, plaident deux institutions », AlterPresse, 29 janvier 2013). Dans la Francocréolophonie haïtienne, cette idée est-elle fondée et productive ? Est-elle compatible avec le plaidoyer pour l’aménagement de nos deux langues officielles ?

 La Communauté des Caraïbes (ou Marché commun des Caraïbes, la CARICOM) « a été créée le 4 juillet 1973 à Chaguaramas (Trinité-et-Tobago), par un traité signé par la Barbade, le Guyana, la Jamaïque, Trinité-et-Tobago. Ce traité institue un marché commun entre les États membres, définit les instruments de l’intégration économique de la région, précise les bases des relations avec les autres États et les organisations internationales.

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« Aimé Césaire (1913-2008) : l’écrivain et l’homme politique »

Colloque le 17 avril 2018 à la C.T.M.

La pierraille sommeilleuse
Ne dépare pas le pur visage de l’avenir
Bâtisseur d’un insolite demain
Que ton fil ne se noue
Que ta voix ne s’éraille
Que ne se confinent tes voies
Avance
Aimé Césaire, Parole due.

Ce colloque a pour objectif de nous permettre d’approfondir nos connaissances sur notre histoire et nos littératures contemporaines, l’écriture, la pensée, les choix et l’action d’Aimé Césaire, écrivain majeur du XXè siècle, député-maire de Fort-de-France, personnalité qui a marqué la vie politique et culturelle en Martinique dans la deuxième moitié du XXè siècle.

Etudier, expliquer, porter des éléments d’analyse et de compréhension, afin de continuer notre cheminement et rendre nos sociétés meilleures.

Programme du colloque

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Wonz ! (An sonjé ba Curtis Louisard)

 

— Par Daniel M. Berté — 

Wonz man Sèbi !!!
Woulé ban mwen Louisard !!!
Dézapiyé, lévé lanmen !!!
Woulé !!!

Wonz lanné ki pasé
dépi jou nou tandé
an nouvel ki pété
tèt tout Matinitjé
Pawòl-mwen jis… Curtis…

Wonz fwa moun kèsioné
pou yo té asiré
ki sé té wou misié
ki Man Moun té Chayé
Sa’w fè nou-an lawtis… Curtis…

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Le Clézio dénonce les mauvais traitements infligés aux migrants en France

Le prix Nobel de Littérature Jean-Marie Gustave Le Clézio se dit, dans Le Journal du dimanche, « scandalisé » par les mauvais traitements infligés en France aux migrants, appelant le président français Emmanuel Macron a tenir « davantage » compte des défavorisés.

» LIRE AUSSI – Bitna, sous le ciel de Séoul, de J. M. G. Le Clézio : l’enchanteur de Corée

« Je reste scandalisé par la manière dont sont appliquées les directives du ministre de l’Intérieur » Gérard Collomb, déclare l’écrivain français au Journal du Dimanche. « Il préconise de la fermeté mais, sur le terrain, on est au-delà de la fermeté », ajoute-t-il. « On continue à infliger de mauvais traitements à des gens sans défense ».

« Fermer ou ouvrir les frontières reste une question, mais une fois que les gens sont en France, il est inacceptable de mal les traiter », ajoute-t-il.

Le prix Nobel de Littérature avait dénoncé, en janvier, dans une tribune publiée par l’hebdomadaire L’Obs « le tri » fait entre les migrants qui fuient leur pays pour des raisons politiques et ceux qui fuient la misère, y voyant « un déni d’humanité insupportable ».

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Déconstruire les violences urbaines haïtiennes

— Par Hugues Saint-Fort —

Yanick Lahens

Douces déroutes, roman

Sabine Wespieser, Paris, 2018

La fiction romanesque est devenue une source importante de connaissance et d’imagination pour les sciences sociales, spécialement la sociologie. Il est possible que les personnages romanesques soient plus « vivants » que les vies individuelles décrites dans les enquêtes sociologiques, mais l’apport de la sociologie a été justement de produire des représentations plus exactes de la réalité grâce à l’utilisation de données empiriques, de travail de terrain, d’instruments de mesure pour observer et scruter les interactions humaines. Cependant, la sociologie ne pourra pas se passer de ce reflet brut de la réalité sociale que lui renvoient les personnages, les situations décrites, les intrigues romanesques tels qu’ils sont mis en scène dans les textes littéraires.

Si l’on adopte une telle grille de lecture, les deux derniers romans de Yanick Lahens, Bain de lune, (Prix Femina 2014) et celui-ci recensé actuellement, Douces déroutes, nous offrent le plus bel exemple de mariage entre les sciences sociales et la littérature. Dans Douces déroutes, Yanick Lahens a réussi un véritable tour de force : condenser en forme de fiction romanesque un immense ensemble de malheurs urbains qui assaillent Port-au-Prince.

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Lé krabè

— Par Daneil M. Berté —

Yo adan amak-yo, ka fè sièst an pliyan
Ka menyen bouden-yo, ka révé bien kontan
San an sel ti sonjé ba lé boug ka pran krab
Pou yo sa dijéré an bon matoutou-krab

Tewtilien Lanmanten ki di i chef krabis
I ni ganm an zafèy, Misié sé an awtis
Bòt, sak épi koutla, épi osi limiè
San bliyé lé zapa ek siwtou bon ratjè

Adriyen Omaren ka chasé tout lanné
I ka di kòy krabiè, ka nouri say tchenbé,
Ek ka vann o moman ki tout kliyantel-i
Ka vini pou achté pa bò lapòt kay-li

Yo kanmarad Jilien ka di kòy krabiològ
Menmsi say za matjé sé koumansman prològ
An tèz anlè lé krab, men dépi si lontan
Ki djendjennè admèt ki misié dro savan

Tou lé twa yo rayi Lisien di Bonmbima’n
Lé rigolè pou ri simié di Zonbima’n
Sé yen ki bonm flaytox i sèvi kòm zouti
I sanm chouval-Bondié, pa méchan, ka fèw ri

Ba sé kat boug tala ek lé zòt chasè tou
Zòt man kriyé krabè, amatè matoutou
Fòk ni rikonésans ba yo pou dé lendi
Nichè ek manjè krab, di-yo an gran mèsi
Daniel M.

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Migrations

Ma poésie est comme une porte qui claque

— Par Michel Lercoulois —

Sais-tu pourquoi la borne sur laquelle tu es assise est racinée sept fois
Le sais-tu
Devant toi tes enfants
Et les enfants de tes enfants
Ton troupeau
Orgueilleux déterminés
Affamés assoiffés
Viandes grasses libations enivrantes
Sauront-ils se tenir
Sauras-tu les retenir
Ou te précipiteras-tu avec eux dans le gouffre

Entends-tu au loin l’aboiement des chacals
Au loin, pas si loin
Qui ont eu vent de tes festins

Tes gardiens sont fatigués
Certains même ont pitié

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«  Nous sommes de ceux qui disent non à l’ombre » : essentiel et primordial

— Par Janine Bailly —

Le spectacle conçu par la Compagnie Nova et Fab-Théâtre de Belleville est une mosaïque colorée de tableaux qui pour notre plus grand bonheur se succèdent sans nous laisser reprendre souffle, un patchwork de textes judicieusement choisis et assemblés pour que nous entendions la voix de quelques-uns de nos plus grands penseurs. Fait aussi de poèmes, discours et interviews, illustré de scènes imaginaires qui avec humour ou gravité viennent croiser la réalité historique et littéraire, l’ensemble, dont la cohérence est assurée par le récit de la vie d’Aimé Césaire, a su éviter l’écueil du didactisme comme celui de l’hagiographie ou du discours sentencieux. Parce qu’elles nous parlent de nous-mêmes et des autres, ces littératures poétiques, engagées et salvatrices sont « des armes miraculeuses » offertes pour que nous progressions vers plus de tolérance, d’intelligence et de vivre ensemble. La force de ce montage réside dans le fait que, partant de ce que l’on a appelé le “problème noir”, il ouvre l’éventail au reste du monde et propose un questionnement sur le “multiculturalisme” de nos sociétés qui aujourd’hui, refusant l’arrivée de trop de migrants, tendent à se replier égoïstement sur elles-mêmes.

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Powézi (Pou 21 Maws, jounen mondjal lapowézi)

— Par Daniel M. Berté —

Lè’w ka li, lè’w ka tann, tèks ki ni powézi,
I pou soukwé nanm-ou, i pou matjé lespri’w,
Touché tou lé senk sans, kwenyen tout santiman’w
Oblijé’w réfléchi ek kité’w tou sézi

Fo’y brennen tout fil tjè’w, fè’y tonbé jik an pié’w
Ek an menm balan-an fè’y rimonté an plas
Fo’y mennen dlo nan zié’w ka mantjé néyé tjè’w
Lè’y palé di lapenn doulè ek mové pas

Fo’y sanslé’w jik an mwel épi mennen’w an trans
Kon lè misié-madanm ka mayé an jwisans
Fo’y mennen’w dan lajwa é dan la kontantman
Akondi sé lanmou ant zanfan ek manman

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Ode à la flatulence

— Par Philippe Pilotin —
Mon corps est un virtuose en musique
Mais celle qu’elle pratique
Ne concurrencera jamais la classique
Et n’égalera pas non plus la symphonique.

C’est dans les toilettes qu’il compose,
Avec ou sans volonté, toujours il ose
Et le fait toujours en prose
Même si ce n’est jamais à l’eau de rose.

Il ne lit pourtant pas le solfège
Mais quand je m’assieds sur un siège,
Il sort toujours des notes en cortège
Qui donnent chaque fois un florilège.

Ses concerts sont de vrais récitals
Surtout après certains plats en régal.
Même si ses prestations ne sont pas conviviales,
Elles ne sont pas pour autant immorales.

Quand il déroule ses gammes,
Entre chromatiques et diatoniques, pas d’amalgame.
Il s’affiche sans aucun état d’âme
Car pour lui ce n’est pas un mélodrame.

Personne ne lui donnera jamais raison
D’autant plus que son la n’est point au diapason
Et surtout, avec ses parfums hors combinaison,
Aucune chance qu’elle soit une musique de salon.

On la reconnaît partout et à tout vent
Car elle n’est point l’œuvre d‘instruments à vent,
Si bien que ses rythmes tambours battants,
Au sein du public, font de vrais mécontents.

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Au club-lecture de la bibliothèque Schœlcher : «  Marx et la poupée »

— par Janine Bailly —

D’Iran, il nous arrive films et livres, pour parler d’un pays en mutations et souffrances. Maryam Madjidi, jeune femme iranienne exilée, obtint avec Marx et la poupée le prix Goncourt du premier roman, en 2017. Le récit est très proche de la vie de son auteur, qui conduit de l’enfance vécue à Téhéran à l’exil parisien, puis aux séjours adultes dans différents pays, Chine, Turquie, Inde. Un court texte en prologue raconte comment son oncle emprisonné a gravé pour elle, sur une pierre, à l’aide d’une aiguille, le prénom Maryam. La narratrice dit qu’elle aimerait avoir un sac d’histoires à offrir, car « de l’enfance, il reste aussi le goût des histoires, des contes qu’on vous raconte, ou que vous racontez pour tromper la solitude », et c’est précisément ce que fait l’auteur Maryam Madjidi : entrecouper son récit de contes traditionnels. Et l’Iran natal est bien là, qu’on ne peut oublier, dans la révolution islamique, dans l’investissement politique de parents communistes — un engagement responsable de l’exil en France. Seront évoqués un oncle emprisonné, un jeune voisin mystérieusement disparu, et les exactions, les humiliations et les tortures.

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Une figure emblématique : Amadou Hampâté Bâ

— par Janine Bailly —

Plus qu’une représentation théâtrale traditionnelle, le spectacle Le fabuleux destin d’ Amadou Hampâté Bâ, qui se donne les 13 et 14 mars à Tropiques Atrium, m’est apparu comme une leçon de littérature vivante et pleine d’intelligence, comme aussi le portrait animé d’un homme grand et sage, et de belle humanité. Une impression qui s’est confirmée lors du bord de scène final, où Hassan Kassi Kouyaté nous dit la genèse de la pièce, écrite par le conseiller littéraire Bernard Magnier, et qui s’inscrit dans un projet mené en collaboration avec le Tarmac, théâtre parisien dédié à la création francophone contemporaine. Un projet qui a pour finalité de faire découvrir, ou mieux connaître, des hommes et des femmes disparus, admirables non seulement par leur écriture, mais encore par leur engagement auprès de leurs semblables, par ce qu’ils ont été et par ce qu’ils ont fait. Après Sony Labou Tansi, dont « la chouette petite vie bien osée » nous fut montrée ici-même dans Sony Congo, après Hampâté Bâ, il est déjà prévu un opus sur Kateb Yacine, un autre sur Fanon… en espérant que place soit bientôt faite à une femme ?

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Crise majeure à l’Académie du créole haïtien : la « Note publique » de l’AKA sème la confusion

 — Par Robert Berrouët-Oriol —

À la suite de la publication le 17 février 2018, sur le site Potomitan, de la lettre ouverte du linguiste Michel Degraff (« Lèt tou louvri pou akademisyen nan Akademi kreyòl ayisyen »), l’Akademi kreyòl ayisyen (AKA) a fait paraître à Port-au-Prince, le 8 mars 2018, une « Note publique » rédigée en créole et portant la signature du pasteur Pauris Jean Baptiste président du Conseil d’administration de l’AKA. Cette « Note publique » d’une seule page, loin de répondre au long réquisitoire de 17 pages de Michel Degraff, n’apporte aucun éclairage sur la crise majeure que traverse l’AKA ; elle sème la confusion et écarte la possibilité d’un débat serein et rigoureux au sein de cette instance para-étatique en lourd déficit de crédibilité. Quels sont donc les principaux points contenus dans le réquisitoire de Michel Degraff ? Et que cible en réponse la « Note publique » de l’AKA ?

Plagiat, conflits d’intérêt, népotisme, corruption, etc.

Dans le texte « Crise majeure à l’Académie du créole haïtien » que nous avons publié le 2 mars 2018, à Port-au-Prince, dans le quotidien Le National, nous avons présenté les principaux sujets du réquisitoire de 17 pages de Michel Degraff :

–des publications sans consultation de la « Commission scientifique » de l’AKA ;

— un article dans Le Nouvelliste au nom de l’AKA et qui comprend un plagiat ;

— une demande de l’AKA, sur Facebook, de voter pour un concours de beauté…;

— des contrats accordés à des firmes où travaillent des académiciens : conflits d’intérêt, népotisme et corruption ;

— des « djòbs » au secrétariat de l’AKA pour la parenté des académiciens ;

— d’inquiétantes menaces qu’aurait reçu Michel Degraff relatives à sa sécurité et à celle de sa famille en raison de la publication de sa lettre ouverte à l’AKA.

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Fanm-nou

— Par Daniel M. Berté —

Fanm miel, fanm sièl, fanm fièl
Fanm masibòl, fanm fòl, fanm djòl
Fanm déwò, fanm majò, fanm matadò
Fanm dous, fanm avous, fanm agoulous
Sé fanm-nou!

Fanm isenbòt, fanm pòpòt, fanm makòkòt
Fanm konparézon, fanm baton, fanm kouyon
Fanm potomitan, fanm manman, fanm kankan
Fanm fouyaya, fanm palayi-palaya, fanm manawa
Sé fanm-nou!

Fanm Sentespri, fanm chuichuichui, fanm radi
Fanm bitasion, fanm lémosion, fanm lésision
Fanm lanmou, fanm gran-gou, fanm doudou
Fanm dézodèz, fanm nyèz, fanm wouspétèz
Sé fanm-nou!

Fanm flanm, fanm lanm, fanm ganm
Fanm kolè, fanm malè, fanm doulè
Fanm kamo, fanm cho, fanm siwo
Fanm fò, fanm bòbò, fanm vidjò
Sé fanm-nou!

Fanm fiè, fanm tèbè, fanm flè
Zòt, épi lézòt, sé manman-fanm
Man di Lonè èk Respé ba zòt fanm
An boul lanmou pou zòt, pas zòt tout
Sé fanm-nou!
Daniel M. Berté 300115

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Crise majeure à l’Académie du créole haïtien

— Par Robert Berrouët-Oriol —

« Pwoblèm yo grav anpil wi. » Le linguiste du MIT Michel Degraff a publié le 17 février 2018, sur le site Potomitan, une lettre ouverte dans laquelle il dresse un virulent réquisitoire contre les « dérives qui affaiblissent le fonctionnement de l’Académie créole ». Membre fondateur de l’Akademi kreyòl ayisyen (AKA) et ancien responsable de la « Commission scientifique » de l’AKA, Michel Degraff estime avoir été obligé d’écrire sa lettre ouverte dans le but d’alerter le grand public sur les dérives ayant cours depuis un certain temps au sein de cette microstructure (« m oblije ekri lèt tou louvri sa a pou m alète gran piblik la sou malè pandye ki sou tèt AKA ») ». Il précise que la décision de publier sa lettre ouverte intervient après que plusieurs académiciens et lui ont en vain essayé de « corriger certains problèmes » identifiés au sein de l’AKA. Étalée sur 17 pages, la lettre ouverte de Michel Degraff expose également d’inquiétantes menaces qu’il aurait reçues relatives à sa sécurité et à celle de sa famille (« Epi selon avètisman ke m resevwa nan men kèk kolèg, ata sekirite m oswa sekirite fanmi m ka vin an danje apre m pibliye lèt sa a »).

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Aménagement simultané du créole et du français en Haïti : enjeux et perspectives institutionnelles

— Par Robert Berrouët-Oriol —

S’il est un paradoxe dont il faudrait mesurer l’impact dans la durée c’est bien celui de la quasi inexistence de mobilisation citoyenne quant à l’aménagement du créole et du français en Haïti. Un tel constat, par-delà la prégnance du nationalisme identitaire haïtien, est à lier au déficit de leadership de l’État dans le domaine linguistique, singulièrement dans le champ éducatif où le ministère de l’Éducation ne dispose toujours pas, depuis la réforme Bernard de 1979, d’une politique linguistique éducative (voir notre article « Politique linguistique nationale et politique linguistique éducative en Haïti : une nécessaire convergence historique », Le National, 30 novembre 2017).

Il y a paradoxe au sens où pour un certain nombre de personnes, paré d’attributs essentialistes, le créole « est » l’identité haïtienne et que seul le créole doit être aménagé par l’État. Or même cette vue réductionniste ne débouche pas sur la mobilisation citoyenne. Il y a par contre rejet du paradoxe lorsque des données empiriques attestent, chez nombre d’unilingues créolophones, que ces derniers revendiquent le droit d’acquérir le français à travers l’École haïtienne.

En conformité avec l’article 5 de la constitution de 1987, nous avons institué dès 2011 –dans nos livres et articles traitant de la question linguistique haïtienne–, un éclairant plaidoyer pour l’aménagement simultané du créole et du français en Haïti. Plaider

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« J’essaie de vous parler de ma patrie » – Jacques Viau Renaud, poète haïtiano-dominicain

— Entrevue réalisée par Robert Berrouët-Oriol—

Le 21 février 2018 est paru à Montréal, aux Éditions Mémoire d’encrier, le livre « J’essaie de vous parler de ma patrie » – Jacques Viau Renaud », sous la direction de Sophie Maríñez et Daniel Huttinot, avec la collaboration de Raj Chetty et Amaury Rodríguez. Un lancement du livre est prévu à New York le 20 avril 2018 au Graduate Center, City University of New York.  Pour éclairer cet événement littéraire de premier plan, notre collaborateur Robert Berrouët-Oriol propose aux lecteurs du National une entrevue exclusive avec les responsables éditoriaux du livre, Sophie Maríñez et Daniel Huttinot, qui vivent et travaillent à New York.

Le National (LN) : Sophie Maríñez et Daniel Huttinot, voulez-vous, pour les lecteurs du National, présenter le poète Jacques Viaud Renaud qui ne semble pas connu en Haïti ?

Sophie Maríñez et Daniel Huttinot (SM/DH) : D’abord, merci, Robert, pour cette entrevue. Nous sommes heureux de faire connaître Jacques Viau Renaud parmi le public de son pays natal. Jacques est né à Port-au-Prince en 1941 et sa famille a dû partir en exil en 1948, peu après l’assassinat du frère de Jacques, Gérard, sous le gouvernement de Dumarsais Estimé.

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Édouard Glissant, au-delà des fantasmes

À propos de : François Noudelmann, Édouard Glissant. L’identité généreuse, Flammarion (« Grandes biographies »), 2018

— Par Loïc Céry —

C’était en avril 2005, et c’était dans l’avion qui m’emmenait vers Tunis, pour le colloque international que Samia Kassab-Charfi, Sonia Zlitni-Fitouri et moi organisions alors à Carthage autour d’Édouard Glissant. À quelques travées de mon siège, je reconnais François Noudelmann, qui ne me connaît que de nom. Quelques mois auparavant, en préparant avec Samia Kassab-Charfi, chez Édouard Glissant rue Saint-Guillaume, la liste des universitaires à solliciter pour cet événement majeur, nous nous répartissions la tâche de contacter les uns et les autres, glissantiens incontournables et déjà « historiques », ou d’une ferveur plus récente. Quelques jours plus tard, je le sollicitais en effet, par mail : « Monsieur, nous espérons vous compter parmi nous autour de cet événement académique consacré à l’œuvre d’Édouard Glissant, etc. » Me levant de mon siège, je profite de l’occasion pour saluer celui dont j’écoute assez soigneusement depuis quelques années les émissions de philosophie sur France Culture. Étonné d’être reconnu, il semble flatté.

Jeudi 24 février 2018 – Aujourd’hui, treize ans plus tard, je redépose devant moi le livre qui m’est arrivé hier matin : François Noudelmann, Édouard Glissant.

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Roman. Le prêtre noir qui s’est dressé contre l’esclavage

Un océan, deux mers, trois continents Wilfried N’Sondé Actes Sud, 267 pages, 20 euros
Le roman de Wilfried N’Sondé tire de l’oubli la figure de Nsaku Ne Vunda, qui au XVIIe siècle rencontra le pape pour plaider la cause de ses frères.
Il s’appelle Nsaku Ne Vunda, il est né vers 1583 sur les rives du fleuve Kongo. Orphelin élevé dans le respect des ancêtres et des traditions, éduqué par les missionnaires, baptisé Dom Antonio Manuel le jour de son ordination, le voici, au tout début du XVIIe siècle, chargé par le roi des Bakongos de devenir son ambassadeur auprès du pape. En faisant ses adieux à son Kongo natal, le jeune prêtre ignore que le long voyage censé le mener à Rome va passer par le Nouveau Monde, et que le bateau sur lequel il s’apprête à embarquer est chargé d’esclaves…
Roman d’aventures et récit de formation, Un océan, deux mers, trois continents plonge ce personnage méconnu de l’Histoire, véritable Candide africain armé d’une inépuisable compassion, dans une série de péripéties qui vont mettre à mal sa foi en Dieu et en l’homme.

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