Pour Édouard Glissant 

À Paris, Anne Hidalgo maire de la ville mais également candidate à la prochaine élection présidentielle, a inauguré la Promenade Édouard Glissant. Le célèbre philosophe et poète martiniquais possède désormais un lieu à son nom dans cette ville qu’il aimait tant, entre Seine et musée d’Orsay, au centre de la capitale. Un hommage en forme d’anniversaire, puisqu’Édouard Glissant aurait eu quatre-vingt-treize ans, ce mardi 21 septembre 2021, jour à l’aube duquel une plaque à son nom a été dévoilée, entre autres par Christiane Taubira, sur les berges du fleuve, en face du quai Aimé Césaire et à quelques pas du musée d’Orsay.

Une centaine de personnes étaient présentes à la cérémonie. Des anonymes comme des personnalités du monde de la politique et du monde des arts. On peut citer Rachida Dati, maire du 7ème arrondissement de Paris, Victorin Lurel, sénateur de la Guadeloupe, Jacques Martial Président du Mémorial ACTe à Pointe-à-Pitre, l’acteur Greg Germain qui a participé avec Viktor Lazlo, chanteuse actrice et romancière, à la lecture de poèmes sur laquelle s’est ouverte la cérémonie.

Les prises de paroles se sont succédé, célébrant l’homme, le grand écrivain, le grand penseur. « Je suis extrêmement émue », a déclaré sa veuve Sylvie Séma-Glissant, pour qui cette promenade est représentative de la pensée et de l’imaginaire du poète martiniquais : « Çà correspond tellement à Édouard, je crois qu’il aurait été très heureux d’une promenade. Une promenade c’est poétique, on s’accompagne, on partage les paysages, on partage les lieux, ce que l’on est. Lorsqu’Édouard est arrivé de la Martinique à Paris, il aimait se promener sur les berges de la Seine, qu’il reliait à ses fleuves, à ses rivières. C’était ce voyage qu’il continuait poétiquement au fil de l’eau ». Elle a aussi émis l’idée que ce nouveau lieu qui s’ouvrait serait « celui des mémoires partagées ». Ce que n’a pas démenti Christiane Taubira, l’ancienne Garde des Sceaux, parlant d’un lieu à la hauteur d’Édouard Glissant, un lieu qui révèle  une intention, une sensibilité, un respect pour Édouard Glissant : « J’espère que ce lieu va éveiller la curiosité des passants, des personnes qui déambulent, qui s’interrogent. C’est cela, les noms dans l’espace public. Ce sont des figures tutélaires, nous avons des personnes qui nous envoient du rayonnement, de la protection, des points d’interrogation pour que nous allions chercher à nous grandir nous-mêmes. » 

Selon les mots d’Anne Hidalgo, une promenade Édouard Glissant, c’est une évidence, c’est « plus qu’un symbole, un message que nous voulons porter, promouvoir et inscrire dans la trame et l’Histoire de Paris ». La maire a rappelé aussi la nécessité de notre ouverture au monde : « Ce message est un message qui nous touche toutes et tous, et qui s’adresse à chacune et à chacun d’entre nous : qu’il vaut mieux ne pas vivre dans la peur de l’autre, mais au contraire dans la volonté de cette rencontre pour se construire et construire quelque chose qui peut nous être commun ». Affirmant voir en Édouard Glissant « un éclaireur , pour ses contemporains, et pour nous », elle a précisé en ces termes sa pensée : « Ce que nous a appris Glissant, c’est que le français – la langue – ne peut pas exister en écrasant les autres, mais en se nourrissant des autres. »

Jacques Martial a quant à lui  déclaré : « C’est la signification du temps de la pensée, du temps de réfléchir, du temps du Tout-monde, de la relation, des grandes leçons que nous a données Édouard Glissant, et la promenade, c’est ce qu’offre Paris aux Parisiennes et Parisiens, et au reste du monde ». Quand à la question des noms de personnages ultramarins dans l’espace public de la capitale, il a répondu qu’il y en avait « plus qu’on le sait et plus qu’on ne le croit », évoquant le récent Jardin Solitude ainsi que le Jardin Toussaint Louverture.

Édouard Glissant  : « J’appelle Chaos-Monde, écrivait-il, le choc actuel de tant de cultures qui s’embrasent. » C’était en 1997…

Le penseur vu  par Eline Ulysse, sur la page Outremers360.com

Écrivain engagé, anticolonialiste affirmé, Édouard Glissant est l’auteur d’une œuvre littéraire plurielle et foisonnante. Il s’illustre dans tous les genres : romans, essais, poésie, théâtre. Il fonde, en 1965, l’Institut Martiniquais d’Études, crée en 1971 la revue Acoma comme une tribune de la réflexion menée par les Antillais sur leur société. Les années 1980 consacrent son rayonnement à l’international : il prend la direction du Courrier de l’Unesco, enseigne à la Louisiana State University, occupe la chaire de littérature française à la City University of New York.

En parallèle, il produit des écrits majeurs : des romans, Mahogany (1987) et Tout-Monde (1993), mais surtout des essais à travers des écrits majeurs tels que Poétique de la Relation (1990), Traité du Tout-Monde (1997), La Cohée du Lamentin (2005), Une Nouvelle Région du Monde (2006) ou Philosophie de la Relation (2009). L’essai Mémoires des esclavages (2007) vient en outre marquer son attachement à l’entreprise mémorielle autour de la traite négrière.

En 2006, Édouard Glissant livre son ultime création institutionnelle, l’Institut du Tout-Monde, fondé avec le soutien du Conseil régional d’Île-de-France et du Ministère de l’Outre-Mer. Vaste réseau culturel, l’Institut est à l’origine de multiples initiatives dont l’organisation d’ateliers, de séminaires et de rencontres poétiques. Édouard Glissant décède à l’hôpital Georges Pompidou à Paris (15e) le 3 février 2011.

PS: Cette année marque donc aussi le dixième anniversaire de sa disparition.

D ‘après RCI et Outre-mer la première du 21 septembre 2021

J.B à Fort-de-France, le 21 septembre 2021