Les rêves réalisés de Maryse Condé

— Par Gladys Marivat(Collaboratrice du « Monde des livres ») —

L’écrivaine antillaise poursuit son œuvre par une réécriture de la Bible transplantée en Guadeloupe, « L’Evangile du nouveau monde ». Où celle qui a passé sa vie aux quatre coins du monde apparaît plus libre et plus confiante dans l’avenir que jamais

Ce livre sera son dernier… mais ce n’est pas la première fois qu’elle le dit. Déjà en 2015, Maryse Condé annonçait dans un entretien au « Monde des livres » que Mets et merveilles (JC Lattès) devait clôturer son œuvre. En cause : la maladie qui altère sa voix et sa vue, et l’empêche de taper à l’ordinateur (elle est née en 1937). Deux ans plus tard paraissait Le Fabuleux et Triste Destin d’Ivan et Ivana (JC Lattès), inspiré des attentats de janvier 2015. Et aujourd’hui, L’Évangile du nouveau monde, sa réécriture du Nouveau Testament, transplanté en Guadeloupe.

« Il y a longtemps, j’ai lu Caïn [Seuil, 2011], la relecture de la Bible de José SaramagoJ’ai eu envie de faire comme lui, mais je n’ai pas osé. Après lui, J. M. Coetzee et Amélie Nothomb ont écrit des fictions qui sont des réécritures de la vie de Jésus. Donc, je me suis sentie libérée. Moi aussi j’avais le droit, j’étais libre d’exprimer mes pensées », confie au « Monde des livres » l’autrice, qui a dicté son roman à une amie. Son héros, Pascal, est un nouveau-né métis, trouvé par un couple pieux, couché sur un lit de paille dans la cabane de leur jardin, un dimanche de Pâques. L’enfant se découvre des pouvoirs et, blessé par les injustices du monde, se met en tête de le changer. Maryse Condé apparaît affranchie et optimiste dans ce roman qui constitue une belle porte d’entrée dans son univers.

Avenir

En attendant le bonheur, La Colonie du nouveau mondeEn attendant la montée des eaux (Seghers, 1988 ; Robert Laffont, 1993 ; JC Lattès, 2010) et aujourd’hui L’Evangile du nouveau monde : les titres des livres de Maryse Condé témoignent de ce que le futur l’obsède bien plus que le passé. « Quand j’étais petite, mes parents avaient une foi dans l’avenir qu’ils m’ont communiquée. Ils étaient convaincus que le monde deviendrait plus tolérant et que le racisme disparaîtrait entièrement. Les problèmes que je croyais voir résolus dans ma jeunesse existent encore aujourd’hui. Mais cette foi m’a nourrie pendant toute mon enfance », explique, quand on la rencontre chez elle, dans le Luberon, celle qui s’est engagée dans le combat politique en faveur de l’indépendance des Antilles. Aujourd’hui, sa révolte demeure intacte : « Déjà des milliardaires visent d’autres planètes, estimant que la Terre est condamnée. Moi je reste fidèle à ce désir de changer le monde. C’est peut-être naïf, mais c’est sincère. » Il en va de même de Pascal, son messie altermondialiste et féministe, qui doute mais s’élève contre l’exploitation des ouvriers, les inégalités dans l’Afrique du Sud post-apartheid ou le sort des intouchables en Inde.

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Liberté

Se moquer des règles, des hiérarchies et des rôles attendus…

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