Par Selim Lander –
En Avignon le festival bat son plein. Les rues de la ville sont envahies par les amateurs de théâtre et par les comédiens qui s’efforcent de les convaincre de venir assister à « leur » spectacle qui promet tant de merveilles. Les affiches s’étagent sur les murs, accrochées partout où c’est possible, aux grilles, aux fenêtres et aux moindres poteaux. Les chiffres donnent le vertige : 1258 spectacles différents aux OFF et 66 au IN, lequel a depuis longtemps débordé de son lieu historique, la cour d’honneur du palais des Papes et envahi cloîtres, lycées, etc. Un nouveau lieu, une construction nouvelle, a ouvert cette année, la FabricA, dédié aux résidences et aux répétitions. En dehors des représentations proprement dites, le festival est marqué par divers événements et de nombreux débats à destination des professionnels comme d’un public plus large. Ainsi, le lundi 15 juillet, le IN s’interrogeait sur « Comment sortir de la crise de l’avenir ? », tandis qu’au OFF on débattait sur « Culture et numérique – le prix de la gratuité ».
Mais l’on se rend en Avignon d’abord pour le théâtre.



C’est un spectacle choral, un récit choral dans lequel 9 jeunes nous invitent à voir le monde à partir du quartier le Val Fourré à Mantes-la-Jolie où on été construits plus de 8000 logements entre 1959 et 1977, pour loger entre autres les travailleurs des usines automobiles de la vallée de la Seine, Renault à Flins, Simca devenu PSA, à Poissy. Le quartier est bâti sans lien véritable avec le centre-ville au bout de la rue des Garennes, sur l’ancien aérodrome de l’ex-village de Gassicourt annexé par ville de Mantes après la guerre. Construit en refusant l’aide de l’État le quartier va manquer d’équipements collectifs et tomber dans une dérive de ségrégation sociale marquée par l’exode des classes moyennes et l’arrivée massive de populations émigrées.
La troupe nationale dramatique du Théâtre Daniel Sorano du Sénégal où ont évolué l’exceptionnel Douta Seck, ainsi que Aliou Cissé et Ousmane Seck bien connus des comédiens martiniquais, a donné à voir spécialement pour le 42eme Festival de Fort de France, La Tragédie du roi Christophe d’Aimé Césaire dans la salle éponyme du Théâtre municipal de Fort de France.
Avec « Cour d’honneur » Jérôme Bel tend un miroir au public de l’espace théâtral éponyme. Assis sur des chaises en arc de cercle ils sont quatorze face au public, comme s’il s’agissait de spectateurs égarés dans le dédale de tubes métalliques qui compose la structure des gradins. Ils nous ressemblent avec leurs sacs qu’ils ont posés à leurs piede, le livret, le pull ou le châle pour se protéger du vent. Au milieu sur le proscenium le micro. Ils vont y venir l’un après l’autre raconter ce qu’ a été pour eux la rencontre avec ce lieu et en quelles circonstances. On s’aperçoit rapidement que le monde de l’éducation nationale est sur-représenté, que l’échantillon est plutôt mono-colore. Il y a les bons souvenirs et les moins bons. Ceux qui renvoient à des rencontres qui vont structurer toute une vie, comme pour Jacqueline qui trouvera là une compagne de vie dans la figure d’Antigone. Mais aussi ceux des mauvais moments comme l’interruption de » Casimir et Caroline », mis en scène par Johan Simons, par un spectateur excédé, exprimant sa colère.
Il est souvent répété à l’envi qu’ au théâtre le comédien doit servir le texte. Mais qu’en est-il alors pour le théâtre sans parole, le théâtre mut, ou mieux le théâtre gestuel ? Deux spectacles parmi d’autres de ce registre connaissent un engouement populaire au Festival d’Avignon 2013.
Crée au studio-théâtre de de Vitry en 2010, repris au Théâtre de l’Échangeur à Bagnolet en 2011« Au pied du mur sans porte est enfin présenté au Festival d’Avignon à la Chartreuse.
C’est en 1848 que Thoreau produit ce texte inclassable, brisant les catégories du récit, de l’essai philosophique et du journal intime. Il y relate sa vie quotidienne dans les bois,(2 ans, 2 mois et 2 jours) près de l’étang de Walden où il a construit lui-même sa cabane.
Sur le vaste plateau de la cour d’honneur, l’espace scénique est dessiné par une ceinture ouverte constituée d’une rangée de baraques de chantier : le tout forme une muraille bleue. Devant, seul en scène, l’écrivain. Sa voix s’élève parmi les cris des martinets déclarant l’arrivée de la nuit sur le palais. Ainsi commence le drame des perdants.
Expérimenté sous forme réduite en 2012 à Avignon, Projet Luciole revient cette année en grand format.
Michel Dural anime le mercredi après-midi dans la salle Aimé Césaire du Lycée Schoelcher l’atelier théâtre de l’ Association pour le Développement des Activités et des Pratiques Artistiques et Culturelles Scolaires (ADAPACS). Ils sont une dizaine de tous âges, enseignants, lycéens mais aussi venus d’autres horizons à s’initier aux joies et aux plaisirs des planches. Selon la coutume de presque tous les ateliers il y a en fin d’année une présentation du travail réalisé. Les 29 et 30 juin 2013 le spectacle proposé s’intitulait « Miscellanées ». Le Larousse nous apprend qu’il s’agit d’un « recueil sur des sujets divers de science et de littérature, d’études, n’ayant aucun lien entre eux. On dit quelques fois miscellanea et plus souvent, mélanges ». Reconnaissons que miscellanées en jette un peu plus que mélanges. Il s’agit donc d’un genre littéraire composé de divers textes dont on cherche parfois le fil conducteur, sorte de mosaïque, assemblage hybride et morcelé qu’il s’agit de faire tenir ensemble. » Quel est le fil rouge » de ce travail comme le questionneront à plusieurs reprises les comédiens?
Greg Germain, président d’Avignon Festival et Compagnies, l’association qui organise le festival Off, a présenté lundi 27 mai l’édition 2013: 1066 compagnies et 1258 spectacles à l’affiche. Affolant !





ichel Marc Bouchard est un auteur reconnu au Québec. Sa pièce Des yeux de verre a été primée au Québec. Fallait-il pour autant vouloir la monter à Fort-de-France ? Peut-être son thème a-t-il été déterminant puisqu’on nous dit que l’inceste serait un fléau qui accable notre île plus qu’ailleurs. Ce thème, cependant, n’est-il pas un peu trop rebattu, et pas seulement en Martinique, les auteurs semblant l’affectionner particulièrement ? Quoi qu’il en soit, au théâtre, ce n’est pas seulement le sujet qui compte, la manière de le traiter importe tout autant. On ignore comment la pièce a été montée à Montréal mais la prestation des comédiens de Virgul’ ne nous a pas paru porter une intensité suffisante pour la rendre convaincante.