Catégorie : Littératures

Anderson Dovilas : un poète aux métaphores infinies

— Par Dana Shishmanian —
anderson_dovilasNé à Port-au-Prince (Haïti), Anderson Dovilas a publié en France, au Canada, et aux Etats-Unis. Il est poète, auteur dramatique et comédien. Il a fait des études de linguistique à la Faculté de Linguistique Appliquée de l’Université d’Etat d’Haïti. Et des études de psychologies inachevées à la Faculté d’Ethnologie de l’Université d’Etat d’Haïti. Passionné du devenir des mots et militant politique ; Il possède la force et la tendresse de son âge. Le courage et la volonté sont ses armes, auxquelles s’ajoute le charme pimenté d’un goût de vivre qui lui attire toutes les sympathies (…) Il est sans doute l’un des plus grands poètes de sa génération avec des métaphores infinies a déclaré Denise Bernhardt poétesse Française.
Maniant un langage poétique fait de ruptures de plans, d’images disparates, de glissades ludiques, de trouvailles provocatrices, le poète jongle en fait au-dessus d’un abime bouillonnant de lave : c’est le sang de son peuple, qui s’élève soudainement au détour des vers, tel une lame de fond, rasante et bouleversante, projetée par un océan en feu. Son programme littéraire est étroitement lié à un projet de société.

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« L’Esclave »[1] ou qu’est-ce que la littérature ?

Note d’intention rétrospective par Michel Herland

couv 1 - CompresséeL’écriture romanesque est un acte spontané. L’auteur se découvre capable d’une imagination dont il ne se croyait pas capable ; il donne naissance à des personnages bientôt dotés d’une autonomie propre, si bien qu’il ne sait plus si c’est lui qui les conduit ou s’il est conduit par eux[2]. Autant dire que l’auteur n’est pas le mieux placé pour expliquer ce qu’il a voulu dire ; c’est pourquoi la lecture des critiques s’avère souvent si déroutante pour lui. Comme l’explique fort bien Jean-Paul Sartre dans Qu’est-ce que la littérature ?[3], le roman n’existe que par la rencontre de la subjectivité du l’auteur avec celle d’un lecteur. Celles-ci étant différentes, parfois très éloignées, voire incompatibles, il n’est pas surprenant que le premier, parfois, ne retrouve rien de ce qu’il croyait avoir voulu exprimer dans les commentaires des critiques littéraires et plus généralement de ses lecteurs.

On connaît peut-être la formule surprenante de Jean-Paul Sartre, toujours dans Qu’est-ce que la littérature ? : « Ecrire c’est à la fois dévoiler le monde et le proposer comme une tâche à la générosité du lecteur ».

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La cuisine créole d’Arthur H et Nicolas Repac

Par Selim Lander

arthur h l'or noirOn apprend par les gazettes (Le Monde des Livres du15 mai) que Maryse Condé vient de publier un livre pas vraiment de mais sur la cuisine (Mets et Merveilles, J.-CL. Lattès, 2015). On se demande ce qu’elle penserait de la drôle de tambouille poético-musicale à base d’ingrédients (principalement) antillais concoctée par deux Français de France. Rien à dire en ce qui nous concerne, sinon des éloges, sur les ingrédients : les textes de Césaire (tirés du Cahier, des Armes miraculeuses, de Corps perdu) sont « étranges et pénétrants » comme il se doit ; et ceux qui l’accompagnent sans être aussi puissants (comment se comparer à Césaire ?) méritent néanmoins d’être entendus. On remarque en particulier, pour leur originalité, l’humour macabre d’Amos Tutuloa (L’Ivrogne dans la brousse traduit Raymond Queneau) ainsi qu’une définition de l’amour vrai comme l’art du voyage à motocyclette par Édouard Glissant (Marie-Galante). Rien à dire non plus, sinon des éloges, sur le chef, le nommé Arthur H (comme Higelin), lequel, incontestablement, sait dire des textes : mieux que ça, sa manière concentrée et inspirée, ménageant là où il faut les silences qu’il faut, est celle d’un maître.

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Pour Ie Prix Carbet des Lycéens

— Par Pierrette Leti-Palix —

escalier_de_mes_desillusionFin mars 2015, des élèves de Seconde, Première et Terminale de l’académie, ont rencontré l’écrivain haïtien Gary Victor, l’auteur du roman « L’Escalier de mes désillusions » , auquel ils avaient décerné, la semaine précédente Le Prix Carbet des Lycéens.

Après Audrey Pulvar (Martinique), Gisèle Pineau (Guadeloupe), Edouard Manet (Cuba), Zoé Valdès (Cuba), Frankito (Guadeloupe), André Paradis (Guyane), Yanick Lahens (Flaiti) et d’autres encore, des jeunes entre 15 et 18 ans ont voté pour Gary Victor. Qui s’est dit ému de cette reconnaissance et qui a pris le temps de leur expliquer en quoi l’écriture était un acte difficile, incertain, quand des personnages vous échappent et semblent vouloir s’imposer à leur créateur.
Cette rencontre est l’aboutissement de six mois de confrontation avec des romans contemporains écrits par des auteurs caribéens. En effet, chaque année, depuis 2005, l’association Sansévieria propose à des lycéens de lire six romans, entre septembre et janvier pour décerner ce fameux Prix Carbet des Lycéens à l’un d’entre eux, en février.
Les professeurs accompagnent les élèves dans cet exercice difficile (diable ! 6 romans en 5 mois, en sus des cours obligatoires et des examens…) jusqu’au vote final du Grand Jury des élèves, où seuls dans un amphithéâtre, parrainés par un adulte, ils votent à bulletin secret.

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Ces deux blancs qui célèbrent l’Or noir!

—Par Roland Sabra —

or_noir-2C’est d’une rencontre avec Edouard Glissant qu’est né « L’Or noir ». Arthur H. était venu lui lire du Césaire ! Peu de temps après sur la scène de l’Odéon il lit des vertiges de l’Anthologie poétique du Tout-monde et la nécessité d’un spectacle consacré aux écrivains et poètes créoles s’impose dans toute son évidence. Il y ajoute des extraits de « L’ivrogne dans la brousse » du nigérian Amos Tutuola, roman publié en 1952 et traduit en français par Raymond Queneau l’année suivante. La part du lion du lion de la soirée est consacrée au maître tutélaire Aimé Césaire. L’entame se fait avec Corps perdu, de « Cadastre » mais viennent aussi des extraits du Cahier et d’autres des « Armes miraculeuses ». Édouard Glissant est lu à deux endroits. Une première fois après Césaire avec un passage de  La Cohée du Lamentin  et une seconde fois de nouveau après Césaire avec Marie-Galante mais comme point de clôture du spectacle. Encadrés par ces deux piliers on entend des textes de Dany Laferrière, René Depestre, Gilbert Gratiant, James Noël.

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Arthur, le nègre

« L’Or noir » à Fonds Saint-Jacques le 16/05/2015 à 20h

or_noir— Par Nadine Eghels —

Enfant, j’ai entendu quelqu’un dire que les nègres étaient des gens qui vivaient le long du fleuve Niger, et cela m’avait tant touché que souvent, la nuit, je filais là-bas. Il n’était pas question de race, ni de couleur, mais d’un lieu où l’on pouvait se rendre, en suivant le fil rouge de la nuit. Je dis cela parce qu’après t’avoir entendu, Arthur, je suis retourné là-bas où je t’ai retrouvé.
Le chemin, pour y aller, n’est pas fait de terre mais de chants, un long ruban de chants, rugueux, longtemps macérés dans l’eau de vie et le sang gâté. J’y ai retrouvé des gens venant de partout, et de tous les temps.
Ils y étaient par choix. Édouard Glissant, les pieds dans l’eau, conversant, avec Aimé Césaire. James Noël pêchant des écrevisses, juste à la courbe du fleuve, et ce nègre courant, dans la brousse avec un molosse à ses trousses ne peut être que Chamoiseau, et tant d’autres, même Queneau, et Vian, et cette voix qui nous vient du fond de la bananeraie, langoureuse et élégante, comme un hamac l’aurait fait s’il savait chanter, parfois grave et sèche comme une lampée de rhum, pour s’éteindre doucement afin de faire corps avec la nuit : c’est celle d’un jeune homme du nom d’Arthur H.

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« N’appartenir », de Karim Miské

n_appartenirRécit d’un parcours atypique, d’une blessure encore vive, de souvenirs d’enfance, N’appartenir raconte une histoire universelle, nourrie des lectures d’Arendt, Sartre, Balzac, Orwell, Manchette, des musiques de Johnny Rotten, Patti Smith, Janis Joplin, Jimi Hendrix. De celles et ceux qui ont dit la réalité écorchée, dissimulée et emmurée dans l’hypocrisie et le mensonge de toutes les sociétés.

« Au commencement, il y a la honte. […] Et puis un jour, boum ! La vérité. »
Un uppercut, voilà ce que nous expédie Karim Miské !
Né d’un père mauritanien, diplomate et musulman, d’une mère française, assistante sociale, professeure, athée et féministe, Karim Miské est une bizarrerie aux yeux des autres. Sans cesse ballotté entre une identité et une autre, il essaiera d’ « appartenir » à toutes pour finalement n’en accepter aucune. Mais son miroir et les autres lui renverront toujours l’image du bâtard, du paria.

Documentaires, scénarii, livres, tous ses travaux tourneront indéfiniment autour de thème de l’ « appartenance ». Perdu entre différents mondes, Arabe, Blanc, Chrétien, Athée, Musulman, Noir, communiste ; entre plusieurs pays, la France, la Mauritanie, et même l’Albanie d’Hoxha pour laquelle s’est passionnée sa mère, Karim Miské s’est trouvé un refuge, un navire qui l’aide à traverser la vie : la littérature.

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Kamel Daoud, prix Goncourt du premier roman : « Une réussite exceptionnelle »

kamel_daoudL’écrivain algérien Kamel Daoud, visé par une fatwa dans son pays d’origine, a reçu mardi le Goncourt du premier roman pour Meursault, contre-enquête. Bernard Pivot évoquait en octobre dernier […] ce roman virtuose, à la fois un complément et une suite à L’étranger d’Albert Camus. Relisez sa chronique.

L’assassin a un nom : Meursault. Mais sa victime n’en a pas. L’écrivain se contente de l’appeler l’Arabe. Sur une plage d’Alger, Meursault a tué l’Arabe de cinq balles de revolver. L’Étranger, paru en 1942, n’a plus cessé d’être lu et relu. C’est le roman le plus célèbre, le plus emblématique, le plus commenté d’Albert Camus. Il commence par une phrase légendaire : « Aujourd’hui, maman est morte. » Meursault ne pleurera pas à l’enterrement de sa mère et c’est principalement à cause de cette froideur, de cette insensibilité qu’il sera condamné à mort. Il a refusé de paraître ce qu’il n’est pas, autrement dit de mentir. Il regrette moins son crime que l’ennui qu’il éprouve à en répondre. Voilà une attitude intolérable qui sera punie, au nom du peuple français, par « la tête tranchée sur une place publique. 

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« L’Esclave » à la Bibliothèque Schoelcher

Mardi 12 mai 2015 à 18 h 30

Affiche bib SchoelcherQue sera la France dans un siècle ? L’Esclave brosse un futur possible, même s’il n’est certainement pas le plus souhaitable. L’auteur tire trois fils à partir du présent : la crise écologique, l’affaiblissement des nations occidentales, la montée de l’intégrisme religieux et du djihadisme. Cependant l’Esclave n’est pas qu’un exercice de futurologie. Les personnages sont des êtres de chair et de passions : il y a des sages et des fous, des sincères et des fourbes, des amoureux, des jaloux, des rancuniers, des orgueilleux, des cruels et des saints. Une lignée de femmes fortes traverse le récit, depuis l’époque actuelle jusqu’au dénouement de cette histoire.

Un roman, trois époques. 2009 – Une idylle se noue entre Michel, professeur de philosophie à l’université d’Aix-en-Provence et Colette, une de ses étudiantes. 2081 – Michel vient de mourir, Colette se remémore leur brève aventure, tout en observant la montée des périls qui menacent une Europe en pleine décadence.

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Hommage de Fernand Tiburce Fortuné à Henri Corbin

henri_corbin-400Henri CORBIN nous  a quittés, le mois dernier. Je me souviens de lui dans ce texte, de 1997,  retrouvé et que je vous demande aimablement d’accueillir. Qu’il repose en paix.

Le 06/05/2015

Fernand Tiburce Fortuné

SEMAINE DE LA POESIE

DES GRIOTS DE LA MARTINIQUE

INVITÉ D’HONNEUR :

HENRI CORBIN – poète
LAMENTIN – MARTINIQUE (Mer Caraïbe) – 8/4/19

Contribution de Fernand Tiburce FORTUNÉ
Président du GROUPE FWOMAJÉ

 

Lamentin – 13/3/1997

***

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« Il n’y a pas de France sans impertinence »

— Par Alain Mabanckou —

En récompensant Charlie Hebdo pour son « courage dans la liberté d’expression », le Pen America a provoqué la colère de six de ses membres, qui s’en sont publiquement émus. Le romancier Alain Mabanckou dit son incompréhension devant cette forme d' »ignorance ».

Je serai présent au « Pen World Voices Festival » organisé par le Pen American Center du 4 au 10 mai pour célébrer les littératures du monde. Et c’est le 5 mai 2015 que cet organisme, fondé en 1922 pour la promotion de la littérature et la défense de la liberté d’expression décernera un prix à l’hebdomadaire Charlie Hebdo.

J’ai appris avec stupéfaction que six de mes confrères, Peter Carey, Michael Ondaatje, Francine Prose, Teju Cole, Rachel Kushner et Taiye Selasi ont décidé de boycotter la cérémonie de la remise de ce prix à l’hebdomadaire français dont le drame du massacre de la rédaction par des terroristes est encore dans nos mémoires. Ces écrivains sont, comme qui dirait, des « poids lourds » dans la littérature d’expression anglaise. Leur attitude et leurs déclarations ne sont donc pas passées inaperçues et, paradoxalement, ce sont elles qui mettent en danger la liberté d’expression!

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Un écrivain sans dieu

— Par Alain Freixe —

mickael_gluckPoésie. Michaël Glück revisite en poète le premier livre de la Torah, la Genèse. Aux sept jours attendus, il ajoute la nuit qui les a précédés.

Dans la suite 
des jours, de Michaël Glück. L’Amourier éditions, collection « Poésie », 490 pages, 26 euros. Sur la table des libraires, voir Dans la suite des jours, de Michaël Glück, édité par l’Amourier, impressionne. Pour un pavé, c’en est un ! Et sous celui-ci, les pages ! 490 au total ! Michaël Glück et ses éditeurs ont choisi de regrouper les sept volumes parus entre 1996 et 2008 : Jour un, le Lit, la Table, le Couteau, le Berceau et la Tombe, l’Échelle, le Repos, soit sept méditations écrites dans les marges de la Bible, sur les bords du livre. Michaël Glück, « ce lecteur et écrivain sans dieu », comme il aime à se définir lui-même, et son éditeur ont choisi d’ajouter un huitième livre.

Et c’est le chaos qui resurgit. Non pas le désordre mais la fente première : l’inarticulé, l’irrévélé, l’irrésigné. La séparation fondatrice. « Au commencement est la nuit / toujours la nuit », « la nuit sans nom », Albe la blanche, si c’est là un des noms de ce qui serait espace lisse et blanc d’avant tout signe.

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La sensibilité effervescente d’Henri Corbin

—Par Georges Desportes* —

henri_corbin-400Le poète Henri Corbin est comme un arbre qui nous donne à goûter chaque année les fruits savoureux de ses poèmes. Sa générosité productive, ce me semble, est due, à une sensibilité effervescente qui activement, appréhende et mord de son écume, légère et poétique, tout ce qui le touche au cœur, le fait rêver ou réfléchir à même l’impact du quotidien. Il sait aussi réactualiser le passé et, dans sa clairvoyance, dessiner le profil d’un avenir ouvert à l’espérance de tous.
En son ouvrage intitulé Lieux d’ombre, Corbin nous démontre à profusion qu’il n’est pas un témoin figé de notre temps et qui, plongé dans l’indifférence de l’homme blasé, se débarrasse du monde, de ses maux, de ses peines et de ses malheurs.
Dans ce livre, d’affirmation et de courage, le poète Corbin se permet, sans fausse honte, d’étaler sa profession de foi, afin que nul n’en ignore. Et il manifeste, par cette déclaration publique, ses opinions, ses engagements, ses liens avec toutes les valeurs auxquelles il croit et pour lesquelles il se dévoue et se bat.

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La Caraïbe danse ses mots

La littérature caribéenne puise sa vitalité dans le brassage inouï qu’a connu l’archipel, souligne l’écrivain et poète Daniel Maximin

— Propos recueillis par Raphaëlle Rérolle —

daniel_maximin-bDes pays distincts, des langues différentes, des populations aux origines diverses, la Caraïbe forme une guirlande à plusieurs facettes, chacune dotée de son histoire particulière. Cet -ensemble possède pourtant une identité commune, qui se manifeste à travers la -culture et notamment la littérature. C’est l’un des postulats de l’Association des écrivains de la Caraïbe, qui a tenu son quatrième congrès en Guadeloupe, avec le soutien du conseil régional. Pendant quatre jours, du 15 au 18 avril, des auteurs venus de Guadeloupe ou de Martinique, de Cuba, d’Haïti, de Trinidad et Tobago, de Panama ou d’Anguilla ont débattu ensemble du thème de la diaspora dans la littérature caribéenne. Parmi eux, l’écrivain et poète guadeloupéen Daniel Maximin, né en 1947. Invité d’honneur de la manifestation, il définit les contours de cette identité marquée par le métissage et la lutte pour la liberté.

Au commencement était la géographie La nature joue un rôle essentiel dans cette identité commune : l’arc -caraïbe a la particularité d’être un archipel.

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La vie de Raphaël Elizé est désormais un roman

« Rendez-vous avec l’heure qui blesse » aux Editions Continents noirs, Gallimard. 195 pages. 17.90 euros.

Gaston-Paul Effa, écrivain et professeur de philosophie, a écrit un roman dans lequel il se glisse dans la peau de Raphaël Elizé.

Il manque toujours au premier maire noir de métropole et maire de Sablé, une réelle reconnaissance nationale. Peut-être l’ouvrage de Gaston-Paul Effa y contribuera-t-il.

«Mon grand-père disait que pour les Noirs la peau est un mystère insondable, et il le disait sans chercher à savoir si nous comprenions, ou si, à Lamentin, on se souciait de la peau des esclaves, la mer, seule, évoquait quelque chose pour nous puisqu’elle n’était jamais bien loin, qu’elle nous nourrissait, qu’elle n’aurait jamais fini de charrier nos expériences originelles. Ce que voulait dire mon grand-père, c’était peut-être que la peau d’autrui et sans doute la sienne, et aussi la mienne aujourd’hui, sont un détroit où l’on ne peut que se perdre.»
Martiniquais d’origine modeste, vétérinaire rejeté puis admiré, Raphaël Élizé, le narrateur, a été le premier maire noir d’une ville de France métropolitaine. L’occupation allemande, au cours de la Seconde Guerre mondiale, mit malheureusement fin à son mandat pour des préjugés de couleur.

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« Les grands écrivains sont souvent de grands théoriciens »

Théories de la littérature, Système du genre 
et verdicts sexuels.

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Entretien avec Didier Eribon, réalisé par Nicolas Dutent

Dans A la recherche du temps perdu, Proust développe une théorie de l’homosexualité, largement inspirée de la psychiatrie de l’époque. Or, non seulement elle ne s’applique pas à certains personnages dont on apprend qu’ils sont «homosexuels», mais Charlus lui-même ne cesse de tenir des propos qui la contredisent. La théorie est ainsi déconstruite au fur et à mesure qu’elle est construite. Il en va de même chez Genet, où l’on voit toutes les théorisations démenties par les pratiques réelles.
Pourtant, cette instabilité générale de la théorie reste prise dans les cadres fixés par les normes et les notions obsessionnellement rappelées du «masculin» et du «féminin». Il s’agit dès lors de comprendre comment les pratiques «subversives» et les discours «hérétiques» peuvent à la fois constituer d’importants «contre-discours» et «contre-conduites», tout en laissant intact le système du genre et de la sexualité, et donc en participant à sa perpétuation.
Comment penser dès lors la transformation sociale et politique, si ce n’est en portant le regard sur la reproduction de la structure qui s’opère à travers l’opposition toujours rejouée entre normes et contre-normes ?

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La Paix d’Henri Corbin

Par Kenjah

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Vieux Frère

Les mots se sont tus

Au pas de la porte

Leurs ombres vont

Et viennent dans l’étourdie

Des franchissements qui saisissent

 

Ne vacille pas la flamme du serbi

Ne cillent point les grands yeux rouges

De la nuit

Mais un secret trébuche

Trébuche

En secret.

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Michael Connelly «Suivre l’inspecteur Bosch depuis 20 ans me permet de mener une étude politique»

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« La jubilation du lecteur tient dans les errances et les impasses de l’enquête. Bosch est celui qui remet tout en question, tout le temps. Nul axiome ne lui résiste.»
Le Point

1992. Los Angeles est en proie aux émeutes et les pillages font rage quand Harry Bosch découvre, au détour d’une rue sombre, le cadavre d’Anneke Jespersen, une journaliste danoise. À l’époque, impossible pour l’inspecteur de s’attarder sur cette victime qui, finalement, n’en est qu’une parmi tant d’autres pour la police déployée dans la ville en feu. Vingt ans plus tard, au Bureau des Affaires non résolues, Bosch, qui n’a jamais oublié la jeune femme, a enfin l’occasion de lui rendre justice et de rouvrir le dossier du meurtre. Grâce à une douille recueillie sur la scène de crime et une boîte noire remplie d’archives, il remonte la trace d’un Beretta qui le met sur la piste d’individus prêts à tout pour cacher leur crime. Anneke faisait peut-être partie de ces journalistes qui dérangent quand ils fouillent d’un peu trop près ce que d’autres ont tout intérêt à laisser enfoui…

L’ouvrage a fait partie de la sélection Publishers Weekly des meilleurs livres de l’année 2012.

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« L’histoire de Poncia », de Conceição Evaristo

histoire_de_ponciaConceição Evaristo peut, à juste titre, être considérée comme l’une des plus importantes voix de la littérature afro-brésilienne, et plus particulièrement des femmes afro-descendantes au Brésil. Elle récupère une mémoire collective effacée par le discours colonial, et y mêle l’histoire non officielle et la mémoire individuelle. conceicao_evaristo
Née en 1946, deuxième enfant d’une famille de neuf, elle passe les premières années de sa vie dans une favela de Belo Horizonte (Minais Gerais). Avec le temps, bicoques en bois et habitants furent déplacés, l’avenue fut prolongée, de nouveaux immeubles virent le jour et les impasses et ruelles de l’enfance trouvèrent pour unique refuge la mémoire affective de la future écrivaine…
Malgré les difficultés, Conceição termine sa scolarité dans les écoles publiques et passe le concours d’institutrice en 1971.
Elle déménage quelques années plus tard à Rio de Janeiro, où elle fera toute sa carrière dans les écoles élémentaires publiques. Elle reprend ses études à 40 ans passés, et obtient un Doctorat en littérature comparée en 2011⋅
Elle commence à publier ses nouvelles et poèmes dans les années 1990, dans une anthologie annuelle de référence, Cadernos Negros, qui rassemble des textes d’écrivains afro-brésiliens⋅
L’histoire de Poncia, son premier roman, a été publié au Brésil en 2003 et a été traduit en anglais (américain) et espagnol.

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Oraison pour Henri Corbin

— Par André Lucrèce —

henri_corbin-400Le monde ne garde souvent à l’esprit dans une société humaine que l’état du pire, la graveleuse condition dans laquelle on s’épie.

Et puis, se penche vers vous, sans que cela ne soit dû au hasard, la possibilité d’une rencontre dans l’estime. C’est là que j’ai rencontré Henri Corbin, cela fait bien longtemps. Comme il me l’écrivait lui-même : cette longue et affectueuse amitié sous l’investiture des clartés nouvelles. Nous nous sommes, en effet, rencontrés au lieu de la poésie pour laquelle il avait le souci de la minutie portée à la pointe de la parole, là où se joue, dans la chose écrite, l’horizon du poème.

Cette rencontre avec Henri Corbin relève de cette joie rythmée par les mille eaux des intrigues de la langue. Ne point répudier son utopie consubstantielle – au lieu même où on risque de se brûler les ailes – pour dire l’essentiel : le murmure enchanté des retrouvailles avec sa terre, sa passion pour le monde des humbles, la beauté de l’amitié. Et puis il y a la femme et la danse violente du désir.

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Convoi pour Henri Corbin

— Par Patrick Chamoiseau —

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Ce sont maintenant les routes qui s’ouvrent

Plénières

Elles disent les énergies de l’archipel
les chairs aimantes du continent
(ce sont les langues qui chantent

créole des Bitations et langue de France gâchée
dans ce que l’Amérique a fait de l’espagnol)

C’est cette force tremblante
Cette solitude en liberté qui empoignait d’emblée tous les rivages connus
Toutes les saisons
Tous les possibles
Du soleil de Marseille aux sentiments de Saint-Domingue

Des profonds de l’ici jusqu’aux passions vénézuéliennes
Le lieu mis sans bornages sous l’étendard des Amériques

Le lieu mis solidaire

René char disait que pour un poète
ce sont les traces et non les preuves qui font rêver

Ami

J’ai connu ta tendresse pour notre soleil commun

J’ai su entendre dans le recoin des confidences le chant des femmes captives
et l’incroyable des aventures

(chevelure gominée et couteaux de voyou)
Rien de fixe ou de banal dans cette vie soumise à poésie très pure
Tu plongeais dans les ombres et vivait de lumière !

Pas de tombeau !

Les tombeaux de l’exil sont tristes, disais-tu

Pas de tombeau quand l’exil est vaincu et que l’errance nous verse à Relation !

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Uruguay: décès de l’écrivain Eduardo Galeano

eduardo_galeanoL’écrivain et journaliste uruguayen Eduardo Galeano, auteur notamment de « Les veines ouvertes de l’Amérique latine« , est mort aujourd’hui à 74 ans des suites d’un cancer à Montevideo.

Paru en 1971 en espagnol puis traduit dans une vingtaine de langues, « Les veines ouvertes de l’Amérique latine », réquisitoire sans appel contre l’exploitation du sous-continent depuis l’arrivée des premiers colons espagnols, était devenu un des ouvrages de référence de la pensée de gauche des années 70 et 80 puis de l’altermondialisme.

Eduardo Galeano est issu d’une famille catholique et paienne. À quatorze ans, il entre comme débutant au journal socialiste El Sol (es), où il brosse des caricatures d’hommes politiques tout en assurant la chronique des arts et du théâtre. Il est censuré par le président Jorge Pacheco Areco. À vingt ans, il devient chef de rédaction au grand hebdomadaire Marcha et, en 1964, directeur du journal Epoca à Montevideo.

À la suite du coup d’État militaire de 1973, il est emprisonné avec des milliers d’autres opposants, puis s’exile en Argentine.

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Mort de Günter Grass, prix Nobel de littérature

—Par Pierre Deshusses —
gunther_grassC’était un écrivain de  cœur et de gueule, sans conteste le plus célèbre des auteurs allemands de l’après-guerre. Günter Grass est mort lundi 13 avril, dans une clinique de Lübeck, a annoncé la maison d’édition Steidl. Il avait 87 ans. Prix Nobel de littérature en 1999, il était aussi un homme politiquement engagé à gauche, qui avait activement soutenu le chancelier Willy Brandt dans les années 1970 et farouchement critiqué la réunification dans les années 1990, sans compter ses multiples prises de positions en faveur des opprimés de tous les pays.

C’est en 1959 que Günter Grass fait son entrée en littérature. Une entrée fracassante sur la scène internationale avec son premier roman, Le Tambour (Die Blechtrommel), imposant par son volume, dérangeant par son propos, époustouflant par son style. Ce roman de plus de six cents pages rompt avec les deux singularités de la littérature allemande d’après-guerre : d’un côté la littérature des ruines (« trümmerliteratur ») représentée par Heinrich Böll, d’un autre la littérature expérimentale, dont le représentant le plus singulier est Arno Schmidt. Dans Le Tambour, Oskar Matzerath a trois ans lorsqu’il décide de ne plus grandir.

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Henri Corbin, mort d’un poète de la Caraïbe

— Par Sylvie Glissant —

couronne_mortuaire« La mort est superbe

 elle met fin à la faiblesse de notre argile » ,

 l’oiseau des ruines ( page 69) , extrait des poèmes inédits envoyés par Henri Corbin il y a quelques semaines…

Le grand poète Henri Corbin vient de mourir en Martinique. Édouard Glissant, son frère en poésie, le saluait dés 1962 dans la Revue Esprit comme étant « sans aucun doute l’un des plus doués parmi les jeunes poètes antillais » lors de la publication de son recueil Le lys et l’ébène. Il ajoutait :  » le titre de ces poèmes résume bien leur propos qui est de cerner la ligne de partage entre les deux univers du poète. Il témoigne ainsi pour la douloureuse ambiguïté qui fut longtemps le lot des antillais. Il faut augurer que bientôt, une fois « les prisons vides » , il nous dessinera, comme il y convie lui-même, « d’autres lunes » .

Premier prix Frantz Fanon en 1987 pour Le Sud rebelle (relatif aux révoltes qui ont amené le  22 Mai 1848 l’abolition de l’esclavage en Martinique), l’édition de 1996 : Le Sud rebelle (Édition La Ceiba, Caracas 1990) est Mise en scène par  Yvan Labejof.

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Trois mois après « Charlie »

— Par Patrice Trapier —

f_c_p-13LE LIVRE DE LA SEMAINE – Dans sa livraison de printemps, le trimestriel France Culture Papiers propose des pistes de réflexion sur l’attentat à Charlie Hebdo, qui a fait 12 morts il y a trois mois.
À défaut d’écouter France Culture, on peut lire son mook trimestriel France Culture Papiers (FCP). Dans sa livraison de printemps, au milieu de quelques pépites (entretiens avec Richard Ford et Étienne Klein; archives de Le Corbusier et Geneviève de Gaulle-Anthonioz…), on y retrouve les échos d’une actualité tragique. Il y a trois mois (on peine à choisir d’écrire « seulement » ou « déjà » trois mois, les drames ont le pouvoir de brouiller la chronologie), les frères Kouachi faisaient irruption dans la rédaction de Charlie Hebdo. FCP propose des pistes de réflexion sur l’événement.

D’abord par un hommage à l’écrivain franco-tunisien ­Abdelwahab Meddeb, décédé en novembre 2014. Il avait créé en 1997 l’émission Cultures d’Islam avec un « s » qui était tout sauf une coquetterie. Son dialogue avec son ami Benjamin Stora commence par une évocation de leurs enfances respectives : « En vérité, Tunis n’est ni une ville française ni une ville arabe, c’est une ville juive », analyse Meddeb.

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