La vie de Raphaël Elizé est désormais un roman

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Gaston-Paul Effa consacre son 15ème roman à Raphaël Elizé

« Rendez-vous avec l’heure qui blesse » aux Editions Continents noirs, Gallimard. 195 pages. 17.90 euros.

Gaston-Paul Effa, écrivain et professeur de philosophie, a écrit un roman dans lequel il se glisse dans la peau de Raphaël Elizé.

Il manque toujours au premier maire noir de métropole et maire de Sablé, une réelle reconnaissance nationale. Peut-être l’ouvrage de Gaston-Paul Effa y contribuera-t-il.

«Mon grand-père disait que pour les Noirs la peau est un mystère insondable, et il le disait sans chercher à savoir si nous comprenions, ou si, à Lamentin, on se souciait de la peau des esclaves, la mer, seule, évoquait quelque chose pour nous puisqu’elle n’était jamais bien loin, qu’elle nous nourrissait, qu’elle n’aurait jamais fini de charrier nos expériences originelles. Ce que voulait dire mon grand-père, c’était peut-être que la peau d’autrui et sans doute la sienne, et aussi la mienne aujourd’hui, sont un détroit où l’on ne peut que se perdre.»
Martiniquais d’origine modeste, vétérinaire rejeté puis admiré, Raphaël Élizé, le narrateur, a été le premier maire noir d’une ville de France métropolitaine. L’occupation allemande, au cours de la Seconde Guerre mondiale, mit malheureusement fin à son mandat pour des préjugés de couleur. Il entra dans la Résistance avant d’être arrêté puis déporté à Buchenwald en 1944.
Rendez-vous avec l’heure qui blesse, c’est le destin historique d’un homme simple, plein de tendresse et de compassion, d’un homme devenu un héros national ; c’est le destin d’un homme emblématique de la condition humaine qui a inspiré ce roman où l’Histoire le dispute à l’émotion.

Rencontre avec l’écrivain lorrain. ( Extraits)

• Comment avec vous découvert l’existence de Raphaël Elizé, dont la vie reste méconnue ?
Nos vies sont faites de rencontres. Je réfléchissais à un sujet sur les camps de concentration. Je revisitais les visages inconnus ou oubliés qui y avaient été enfermés.
J’en parlais avec Daniel Picouly, un ami, qui m’a parlé de Raphaël Elizé. J’ai commencé à chercher et je n’ai pas trouvé grand-chose. J’ai appelé la ville. J’ai eu Emmanuel Lecomte et j’ai vu le court métrage qui a été fait.
Le peu que j’ai vu dépassait déjà la fiction et j’ai fait une plongée vertigineuse dans les limbes de l’animalité souffrante. Tous les siècles ont eu cette part d’horreur envers des gens différents. Grâce à Raphaël Elizé, cette horreur a été transfigurée.

Ne pas donner le dernier mot à l’horreur”

• Qu’avez-vous découvert sur Raphaël Elizé ?
Petit-fils d’esclaves échoués en Martinique, il a réussi à fuir avec sa famille la veille de l’éruption de la montagne Pelé, qui a rasé Saint-Pierre. A Paris, il n’a pas eu la vie facile mais l’enfant comprend que la seule chose qui lui donnera un visage, c’est la littérature. Il va choisir un parcours difficile : vétérinaire dans la France profonde. A force d’audace et de discernement, il est parvenu à ce que les Saboliens l’acceptent et lui ouvrent leurs portes jusqu’à le porter à la tête de la ville qu’il a gérée en visionnaire. Il s’oublie dans le travail qu’il mène. L’horreur le poursuit et le gouvernement de Vichy le révoque de ses fonctions. Il entre en résistance et le sera jusque dans le camp de concentration de Bückenwald où il va écrire son journal au nez et à la barbe des Allemands.
Le jour du bombardement du camp, il dit « bon dieu, qu’ils nous tuent tous et que l’humanité soit débarrassée de ces barbares ». C’est à nous tous qu’il donne un rendez-vous particulier. Il ne veut pas donner le dernier mot à l’horreur.
• Comment avez-vous travaillé ?
J’ai travaillé aux archives. On m’a envoyé des documents. Je suis venu à Sablé. J’ai vécu son histoire comme si c’était la mienne. Je me suis refusé à prendre contact avec la famille, par contre, je le ferai après la parution.

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