Catégorie : Littératures

Le Nègre de Napoléon

Joseph Serrant, seul général noir de l’Empire

negre_de_napoleonRaymond Chabaud
Préface : Lieutenant-colonel Pierre Garnier de Labareyre
Peut-on être martiniquais, noir, abolitionniste, officier de la Légion d’Honneur, général nommé par Napoléon sur le front et membre de l’état-major de Louis XVIII ? L’histoire de Joseph Serrant débute dans l’époque troublée de la Révolution pour s’achever dans le morne conformisme de la Restauration.
Cordonnier à Saint-Pierre, Joseph Serrant s’active dans le Club des jeunes citoyens et se bat pour l’abolition avec Louis Delgrès : tous deux participent, dès 1792, à la première abolition qui ne durera guère. Puis c’est la guerre où il peut enfin exprimer sa bravoure : Napoléon le nomme général après la victoire d’Ostrovno. Joseph Serrant est le seul métis élevé au grade de général par Napoléon, le seul métis général d’Empire.
Chabin, aux Antilles, Joseph est Noir. En Europe, seul officier métis dans une armée qui n’en compte guère, il est vu comme Blanc. Aux Antilles, révolutionnaire, Joseph se prend d’une passion pour la Nation. En France, la Nation jacobine lui fera oublier la singularité antillaise.
L’histoire de Joseph Serrant est une histoire moderne, une histoire d’homme déplacé qui perd ses repères et doit s’en construire de nouveaux.

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« 2084 » de Boualem Sansal : le 21ème siècle sera religieux

— Par Michel Herland —

2084Ce nouveau roman de Boualem Sansal, auteur d’une dizaine d’ouvrages publiés chez Gallimard, se situe dans un avenir postérieur au Choc des civilisations prédit par Samuel Huntigton (1996). Ce dernier auteur, on le sait, a été violemment attaqué au nom d’une conception politiquement correcte des rapports entre les nations qui refuse de juger pertinentes les différences culturelles ou – horresco referens – civilisationnelles. B. Salam n’a pas ces précautions : son livre, sous-titré « La fin du monde », décrit une dictature religieuse qui s’étend a priori sur toute la surface de la terre (la question d’une éventuelle frontière est posée mais non résolue). Comme 1984 d’Orwell (1949), 2084 est une dystopie. L’influence est évidente et d’ailleurs revendiquée. Il est même précisé que l’Etat qui a conquis la planète, « l’Abistan », a remporté une guerre victorieuse contre l’Oceania, la patrie de Big Brother, et qu’il en a repris les trois mottos en forme d’oxymore : « La Guerre c’est la paix / La liberté c’est l’esclavage / L’ignorance c’est la force »⋅ De même, la langue de l’Abistan, « l’abilang », a-t-elle été, comme la novlangue, volontairement appauvrie, réduite à des mots d’une ou deux syllabes au plus, « ce qui ne permettait aucunement de développer des pensées complexes et d’accéder par ce chemin à des univers supérieurs.»

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Sony Labou Tansi, la « douce morsure du langage »

sony_labou_tansiSony Labou Tansi, Encre, sueur, salive et sang, avant-propos de Kossi Efoui, édition établie par Greta Rodriguez-Antoniotti, septembre 2015.

Né en 1947, mort prématurément à Brazzaville le 14 juin 1995, Sony Labou Tansi était une figure de proue de la jeune littérature africaine. Il a laissé derrière lui six romans – tous publiés au Seuil – ainsi que des pièces de théâtre, des poèmes, des essais critiques. Relus aujourd’hui, tous ces textes apparaissent d’une actualité plus que jamais brûlante. Lorsqu’il dénonce la « poudrière incontrôlée » qu’est devenue la planète, ou l’avènement du « grand marché de la misère et du dénuement », et son corollaire, la fabrique d' »un réservoir de terroristes et de désespérés », ses propos s’inscrivent dans l’ici et le maintenant. Debout et libre, Labou Tansi se définissait comme un « proscrit idéologique ». Le vingtième anniversaire de sa disparition sera l’occasion, pour Le Seuil, de mettre en avant deux de ses romans majeurs – La vie et demie (1979) et L’anté-peuple (1983) – et de faire connaître le mouvement de sa pensée à travers un recueil de textes pour la plupart introuvables ou inédits, réunis par Greta Rodriguez, spécialiste de son oeuvre.

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Martinique des Mornes, dernière œuvre de Philippe Bourgade.

Comme « à la recherche du temps perdu ».

Shaza3— Par Janine Bailly —

« Sans que je puisse m’en défaire / le temps met ses jambes à mon cou / le temps qui part en marche arrière / me fait sauter sur ses genoux / mes parents l’été les vacances / mes frères et sœurs faisant les fous / j’ai dans la bouche l’innocence / des confitures du mois d’août. »

Ainsi chantait Jean Ferrat, et s’il défiait le temps qui passe par la poésie de ses mots, c’est par la poésie de ses images que Philippe nous conte sa Martinique et nous dit l’amour indéfectible qu’il porte à son petit pays. Il est vrai sans conteste que « nul ne guérit de son enfance », et si ses parents lui firent quitter tôt – trop tôt ? – sa terre d’origine, Sainte-Marie, pour l’emmener vivre à Fort de France, il retrouvait à chaque vacance son cher quartier de Bézaudin, d’où il tire aujourd’hui d’émouvants paysages, portraits et scènes de la vie quotidienne. Sur la route qui mène au bourg, on peut lire sur un panneau cette indication de lieu « Derrière Morne », et le photographe, traversant le miroir des apparences, va bien chercher, jusque « derrière les mornes », la réalité inchangée de son peuple et de son territoire.

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Prix Nobel : la fournée 2015

prix_nobel_dynamiteLe Prix Nobel d’économie a été attribué à l’Ecossais Angus Deaton pour ses travaux sur l’origine des inégalités, la consommation, la pauvreté et le bien-être.
Le prix Nobel de la paix a été remis vendredi au « dialogue national tunisien » enclenché en 2013 par quatre organisations de la société civile tunisienne.
Le prix Nobel de littérature a été décerné jeudi à la Biélorusse Svetlana Alexievitch.

Le prix Nobel de chimie a été décerné mercredi au Suédois Tomas Lindahl, à l’Américain Paul Modrich et au Turco-américain Aziz Sancar, dont les travaux sur la réparation d’un ADN dégradé a contribué à des traitements contre le cancer.
Le prix Nobel de physique a été attribué mardi à Takaaki Kajita et Arthur B. McDonald.
Le prix Nobel de médecine à récompensé les travaux deWilliam Campbell, Satoshi Omura et Youyou Tu.

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Alain Mabanckou : « Petit Piment »épice la grande Histoire

— Entretien réalisé par Muriel Steinmetz —

petit_pimentJeune orphelin de Pointe-Noire, Petit Piment effectue sa scolarité dans une institution catholique placée sous l’autorité abusive et corrompue de Dieudonné Ngoulmoumako. Arrive bientôt la révolution socialiste, les cartes sont redistribuées, et Petit Piment en profite pour s’évader avec des jumeaux à la brutalité légendaire, abandonnant ainsi son meilleur ami, qui refuse de le suivre. Il s’adonne alors, avec son clan, à toutes sortes de larcins, jusqu’à ce que les habitants décident de nettoyer leur zone d’action. Petit Piment trouve refuge auprès de Maman Fiat 500 et de ses dix filles, et la vie semble enfin lui sourire dans la gaîté quotidienne de cette maison pas si close que ça, où il rend toutes sortes de services. Mais le maire de Pointe-Noire décide d’une nouvelle intervention énergique contre la prostitution. C’en est trop. Petit Piment perd la tête. De bonnes âmes cherchent à le soigner (médecine, psychanalyse, magie ou sorcellerie), mais l’apparente maladie mentale ne lui fait pas perdre le nord : il a une vengeance à prendre contre celui qui a brisé son destin.

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7ème Festival international des Littératures policières

festival_polar— Par Jean-Paul Vormus —

La 7ème édition du festival Toulouse Polars du Sud se tiendra du 9 au 11 octobre 2015. Plus de soixante auteurs se retrouveront au forum de la Renaissance pour cette grande fête du polar. Craig Johson, le maitre du Nature Writing, en sera le parrain. Il sera accompagné de 60 écrivains venant du monde entier et de France, en particulier de Thomas H. Cook, R.J. Ellory, D. Manotti, J. Leroy, K. Giebel et, comme d’habitude, d’un fort contingent d’auteurs hispanophones comme V. Del Arbol, C. Salem, E. Mallo, JC Somoza, D. Quiros… 9 tables rondes et une dizaine de rencontres vous permettront de dialoguer avec eux.

Comme chaque année, la semaine du 6 au 9 octobre sera également l’occasion de rencontrer les auteurs dans de nombreux établissements scolaires, médiathèques, comités d’entreprise et librairies indépendantes de la région Midi-Pyrénées.

Un grand rallye à énigme policière sera organisé dans les rues de Toulouse le samedi 10 octobre et de nombreuses animations vous attendent durant tout le week end.

Nous espérons partager avec vous ces beaux moments de convivialité.

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« Les Antilles et la Guyane en 365 dates »

antilles_guyane_365_datesPour une petite découverte chaque jour. Du 1er janvier au 31 décembre, cet ouvrage présente un évènement ayant trait à la Guadeloupe, à la Martinique ou à la Guyane, des origines jusqu’à nos jours. En donnant, à petite dose, un concentré d’informations, il est conçu comme un antidote à l’ennui parce qu’il n’est pas évident d’aborder le passé sans se dérober face aux montagnes d’archives ou à l’épaisseur des œuvres réalisées par des historiens soucieux de tout rapporter dans le moindre détail.
En 365 dates, le champ des possibles semble plus vaste pour glisser un œil dans l’échancrure de la longue robe de l’Histoire, s’émouvoir face aux drames, se réjouir des avancées économiques et sociales considérables,  apprécier les richesses culturelles,  jubiler devant les exploits sportifs, s’inspirer des grands Hommes, se laisser gagner par l’intrigue du temps filant comme le vent qui revient de sa course pour raviver nos mémoires…
Les bons comme les mauvais souvenirs jalonnent le temps jour après jour. Certains laissent des traces plus ou moins indélébiles et font date. En voilà 365 qui ont marqué nos territoires.

Vous pourrez découvrir, ci-dessous, la couverture, quelques pages intérieures de l’ouvrage ainsi qu’une photo de l’auteure Laura Manne.

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« Solitaire et solidaire » Entretien avec Edouard Glissant

Par Philippe Artières —

edouard_glissant_rien_est_vDans cet entretien, le poète et écrivain martiniquais Edouard Glissant revient sur sa pratique poétique qu’il lie de manière fondamentale avec ses engagements politiques et principalement l’anticolonialisme. Dire le paysage, conter l’histoire, et écrire en présence de toutes les langues du monde sont quelques-unes des fonctions qu’assigne Glissant à la poésie. Le poète du « chaos-monde », dit-il, fait œuvre de libération et doit contribuer à changer les imaginaires.

Notes de la rédaction ( Terrain)

Cet entretien a été réalisé à Paris le 2 juin 2003.

Edouard Glissant est né en Martinique en 1928. En 1945, il entre en même temps en poésie et en politique. Il rédige ses premiers poèmes et soutient la campagne de son aîné Aimé Césaire, poète de la négritude. Il vient vivre à Paris en 1946 et suit à la Sorbonne les enseignements des philosophes Bachelard et Hypolite ainsi que des études d’ethnologie au musée de l’Homme. Il fait alors la connaissance de son compatriote Franz Fanon qu’il retrouvera lors de son engagement aux côtés du peuple algérien. Glissant signera le manifeste des 121.

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L’auteur suédois Henning Mankell est décédé

henning_mankellHenning Mankell, né le 3 février 1948 à Stockholm et mort le 5 octobre 2015 à Göteborg1, est un romancier et dramaturge suédois, tout particulièrement connu comme auteur d’une série policière ayant pour héros l’inspecteur Kurt Wallander du commissariat d’Ystad, une ville de Scanie, près de Malmö, dans le sud de la Suède. Mankell a également publié des ouvrages de littérature d’enfance et de jeunesse.
Biographie
Jeunesse et débuts

Henning Mankell grandit à Härjedalen, au centre de la Suède. Ses parents ont divorcé alors qu’il avait un an2. Sa mère partie, il est élevé par son père, juge d’instance3. À seize ans, il part en stop pour Paris3. Il intègre ensuite la marine marchande, vit à Paris puis en Norvège2. En 1972, il découvre l’Afrique, d’abord en Guinée-Bissau puis en Zambie2.

Il partage ensuite sa vie entre la Suède et le Mozambique où il a monté une troupe de théâtre, le « Teatro Avenida ». Après quelques romans, il développe sa carrière d’écrivain pour « se consacrer au théâtre en signant de nombreuses pièces »4 pour la scène et pour la radio.

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La guerre de Sécession à travers les yeux d’une femme

— Par Karen Lajon —
neverhomeLA VIE EN NOIR – Laird Hunt, du nom de jeune fille de sa mère, aime à raconter les histoires du point de vue des femmes. Neverhome est le troisième du genre. De passage à Paris, l’auteur américain qui a vécu et étudié dans la capitale française, raconte dans un excellent français pourquoi les femmes lui sont une source d’inspiration infinie. Neverhome ou l’histoire d’une métamorphose, celle d’une héroïne qui ose tout. Qui ose vivre libre.

« J’ai entendu une voix un jour, comme ça. Puis la première phrase m’est venue. » Détrompez-vous Laird Hunt n’est pas fou. L’envie d’écrire lui vient parfois d’une façon bizarre. D’une démarche peu banale, il nous livre un petit livre aussi insolite que magique. Neverhome est une histoire de femme déguisée en homme pour aller se battre. Une histoire de femme qui part à la guerre. « J’étais forte, lui pas, ce fut donc moi qui partis au combat pour défendre la Republique. » Tout simplement. Les femmes ont cette capacité déconcertante de prendre des décisions dramatiques en un laps de temps très court, en un battement de cils.

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« Mais de mon frère le poète on a eu des nouvelles » : les connivences poétiques d’Aimé Césaire et d’Édouard Glissant

—Par Loïc Céry —

cesaire_glissantMadame Kora Véron a publié mercredi 30 septembre dans l’édition électronique de France-Antilles (et dans Madinin’Art, en version intégrale ) une tribune intitulée « Aimé Césaire et le trésor national ».
En guise de commentaire à cette prise de position, je voudrais attirer l’attention sur plusieurs points qui me paraissent importants. Tout d’abord, je ne crois pas que les tournures employées dans l’arrêté ministériel du 28 novembre 2014 classant les archives d’Édouard Glissant « Trésor national » puissent légitimement donner lieu à l’accusation outrancière de « falsification grossière ». Cet arrêté donne un cadre, sur les fondements de l’avis préalable d’une commission consultative, à une décision qui permet la valorisation d’un fonds d’archives exceptionnel en soi. Il n’a pas été rédigé par des spécialistes à qui serait apparu en effet le caractère discutable, par exemple, de l’expression « concept universalisant du Tout-monde ». En revanche, crier à la falsification devant l’évocation d’une proximité avec Césaire revient à nourrir un malentendu, à des fins douteuses.
Ainsi, les arguments contestant la proximité humaine ou idéologique ne sauraient être contestés, sauf là encore dans le tour outrancier qu’on veut leur donner.

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Aimé Césaire et le trésor national

— Par Kora Véron —
cesaire_glissantLe titre de l’article de Libération publié le 19 septembre : « Édouard Glissant, un Trésor national aux Journées du patrimoine : Les archives de l’essayiste et poète martiniquais sont exposées en avant-première à la chancellerie, à Paris », tout d’abord, étonne : pourquoi diable le ministère de la Justice expose-t-il les archives d’un écrivain, fût-ce pendant les journées du patrimoine, fussent-elles devenues « trésor national » ? Je vérifie donc la procédure du Code du patrimoine relative aux trésors nationaux sur Légifrance, et bien entendu, la Chancellerie n’est — en droit — aucunement associée à la gestion de ces dossiers. En fait si.
J’aurais voulu connaître également les raisons précises qui ont conduit le ministère de la Culture à classer les archives d’Édouard Glissant comme « trésor national », au-delà de l’annonce publiée sur le site du ministère de la Justice, seule source de cet article. Le Code du patrimoine indique qu’il faut que, préalablement, « un certificat d’exportation » ait été refusé par l’administration française. C’est donc que ces archives auraient été acquises à l’étranger, mais où et par qui ?

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« La sérénade à Poinsettia » de Gerty Dambury

serenade_a_poinsettiaPoinsettia Fridland, femme d’une quarantaine d’années, vit en recluse à Goyave, petite commune de la Guadeloupe. Ses parents s’y sont ­réfugiés à la suite d’un drame dont Poinsettia ignore tout.
Joseph Guiriaboye, homme d’une cinquantaine d’années, fait le pari de séduire cette femme étrange et se prend à vouloir lui chanter la ­sérénade sous ses fenêtres.
Il passe commande à son frère Paul, musicien génial et solitaire, vivant à Pointe-à-Pitre.
Voici Joseph et Poinsettia engagés dans une histoire amoureuse quelque peu surannée. Il semble bien que chacun des deux soit en quête d’autre chose. Elle rêve d’ailleurs et cherche à retisser les fils de son histoire familiale, lui rêve de changements et court après une complicité avec Paul.
Poinsettia quitte Goyave pour Pointe-à-Pitre, où elle découvrira la ­véritable histoire de ses parents et y rencontrera Paul, dont elle bousculera également la vie.
La sérénade à Poinsettia verra-t-elle le jour et à quel prix ?  Lire un extrait
ISBN 978-2-918565-19-2 – Prix 18€
Pensées secrètes de Paul
Et puis merde ! Ce que tu me racontes là ne m’intéresse pas. C’est couillon de ta part d’être venu jusqu’ici pour me
parler de ta Poinsettia, de tes sérénades.

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Corto Maltese. « Et nous reparlerons des gentilshommes de fortune »

— Par Michaël Mélinard —

cortomaltesse20 ans après la mort de son créateur Hugo Pratt, Corto Maltese revient pour une nouvelle aventure concoctée par Juan Diaz Canales et Ruben Pellejero. Retour sur la vie du plus célèbre marin de bande dessinée que ses voyages ont confronté aux soubresauts du siècle.
Les héros sont éternels. Ainsi, Corto Maltese dont on ignore s’il est bel et bien mort, ressuscite, 20 ans après la disparition de son créateur Hugo Pratt, sous la houlette de deux auteurs espagnols, le scénariste Juan Diaz Canales et le dessinateur Ruben Pellejero dans « Sous le soleil de minuit ».
Ce personnage de marin solitaire, instantanément identifiable, dépasse largement le cadre de la bande dessinée. Il est devenu un mythe littéraire qui lui vaut nombre d’ouvrages, d’adaptations cinématographiques et même quelques chansons. Visage anguleux, créole à l’oreille gauche, redingote bleu nuit, casquette de marin, Corto Maltese cultive certes sa liberté et son indépendance. Mais il ne s’interdit pas, au gré de ses nombreuses rencontres, de s’engager pour des causes.
Pratt lui a fait vivre 29 aventures (dont une partie fut publiée dans « Pif » entre 1970 et 1973), réunies en 12 albums depuis sa création en 1967.

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Edouard Glissant, une luciole dans la nuit primordiale

— Par Max Pierre-Fanfan, Journaliste/Réalisateur, Ecrivain —
Face à un monde qui se défait devant nous, la pensée du poète, essayiste, romancier martiniquais, Edouard Glissant n’a jamais été aussi vive et fondée.
« On nous dit et voilà vérité, que c’est partout déréglé, déboussolé, décati, tout en folie, le sang, le vent. Nous le voyons et le vivons. Mais c’est le monde entier qui vous parle par tant de voix bâillonnées »…(Traité du Tout-Monde), observait déjà Edouard Glissant. L’humanité s’enfonce-t-elle dans de sombres temps?…Sont-ils mûrs ces fruits d’un ombrageux destin?…Dans son éloge de Lessing, Hannah Arendt évoquait la situation de celui qui . se trouve confronté à un temps de ce genre. Un temps où le domaine public a perdu le pouvoir d’illuminer…Un temps où nous ne nous sentons plus éclairés selon l’ordre des raisons, ni radieux selon l’ordre des affects.
Des clôtures s’érigent tous azimuts. Le problème des migrations se découvre épineux; il n’est qu’à ses débuts. Le repli sur soi empêche d’anticiper cette tendance inéluctable. La guerre en Syrie nous sert d’avertissement. Nous connaîtrons d’autres afflux massifs de populations dus à des évènements soudains: guerres, catastrophes naturelles, changements climatiques…Rien de vraiment surprenant, lorsqu’on sait, par exemple, que les politiques d’aide au développement ont été laissées de côté.

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En Saint-John Perse, il y avait : le poète

andre_lucrece-400« Préserver l’enfant… »
« S’il refusa de venir en Guadeloupe, ce ne fut vraisemblablement pas seulement par peur de détruire un rêve ou par mépris de ce qu’elle avait pu devenir, ce fut plutôt pour préserver l’enfant qu’il avait été d’une confrontation incongrue avec une réalité que son regard n’avait pu percevoir, ce fut parce que, littéralement, ce retour n’avait pas de sens, parce que le problème n’était pas la Guadeloupe, mais le « vert paradis des amours enfantines »». Jack Corzani

Quarante ans après sa mort, Saint-John Perse, né Alexis Leger en 1887 à Pointe-à-Pitre, continue à susciter de l’intérêt. Il suffit de penser aux deux nouvelles biographies qui tentent de cerner à la fois le poète, prix Nobel de littérature en 1960, et le diplomate, présent à la Conférence de Munich de 1938. Tous deux ont-ils besoin d’être « démasqués » ? Entretien avec André Lucrèce.
En 1971, Emile Yoyo (1), dans une approche linguistique et en cherchant à «évacuer toute idéologie», se lançait dans un plaidoyer afin que Saint-John Perse soit reconnu comme un auteur antillais.

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Dinaw Mengestu, d’un lieu à l’autre

tous_nos_nomsLe jeune romancier retrace dans ses livres le parcours des déracinés pour lesquels l’exil est une nécessité.

Classé parmi les dix meilleurs romans de l’année par le New York Times
Élu « livre de l’année » par le quotidien britannique The Independent
Isaac, jeune étudiant Africain, fuit la guerre civile de son pays et s’exile aux États-Unis dans le cadre d’un programme d’échange. Dans l’Amérique post-raciale des années 1970, il est accueilli par Helen, une assistante sociale qui le prend rapidement sous son aile. Très vite, une idylle s’installe, troublée par les secrets du passé d’Isaac – les actes qu’il a commis dans son pays, ce qu’il a laissé derrière lui et qui reste inachevé.
Ni Helen, Américaine du Midwest qui, en tombant amoureuse de lui, voit ses préjugés voler en éclats et tente de s’élever contre les inégalités raciales qui persistent dans sa propre communauté, ni le lecteur ne connaissent le vrai nom d’Isaac : il l’a laissé derrière lui, en Ouganda, avec les promesses d’une révolution réprimée dans le sang par la future dictature, abandonnant aussi son ami le plus cher, qui n’a pas hésité à tout sacrifier pour assurer sa liberté.

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C’est la rentrée des classes littéraires

— Par Muriel Steinmetz —

rentree_litteraireUne nouvelle maquette, surgissement de l’exofiction, et malgré tout, pas mal d’ouvertures sur le monde tel qu’il va mal.

En cette rentrée, le rendez-vous des livres change de visage avec une nouvelle maquette. Désormais, la fiction et l’essai cohabitent dans un même espace. Ces changements coïncident avec une rentrée littéraire foisonnante même s’il y a moins de titres que l’année passée (589 titres, contre 607 en 2014). La baisse est particulièrement notable pour les premiers romans, 68 contre 75 l’an dernier et 90 dans les années fastes. Prudence ? Frilosité ? Pour la fiction francophone, se côtoient valeurs sûres et découvertes.

On peut discerner quelques tendances. La première, qu’on appelle aujourd’hui l’exofiction, définit le roman en brouillant (ou du moins en remaniant) la frontière entre fiction et biographie, voire en utilisant des personnages plus ou moins célèbres ou en s’inspirant de récits historiques d’époques diverses. Laurent Binet, par exemple, s’empare de la figure de Barthes, Yasmina Khadra de celle de Kadhafi, Bernard Chambaz de Poutine, Simon Liberati d’Eva Ionesco… D’autres vont même jusqu’au roman « sans fiction ».

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Toni Morrison, le retour de la Prix Nobel de littérature

— Par Laëtitia Favro —toni_morrison_delivrances
La Prix Nobel de littérature 1993 revient, à 84 ans, avec Délivrances qui raconte l’histoire d’une fille rejetée par sa mère à cause de la noirceur de sa peau.
S’ils dépeignent la communauté noire américaine des prémices du XXe siècle à nos jours, les romans de Toni Morrison ne se répètent jamais. Auréolée d’un Pulitzer, du prix Nobel de littérature en 1993 et, plus récemment, de la médaille présidentielle de la Liberté décernée par Barack Obama, la papesse de la littérature afro-américaine traite pour la première fois dans Délivrances de l’Amérique d’aujourd’hui et surprend encore, à 84 ans, par le mordant de sa prose et la vigueur de ses idées.
Cette peau noire, si sombre qu’elle en paraît bleutée, Lula Ann Bridewell l’a d’abord vécue comme une malédiction, abandonnée à la naissance par son père, rejetée par sa mère, Sweetness, de carnation plus claire. Devenue adulte, celle qui se fait désormais appeler « Bride » est une femme d’affaires courtisée : à la tête d’une entreprise de cosmétiques florissante, elle collectionne les conquêtes, roule en Jaguar et ne s’habille plus que de blanc pour accroître le magnétisme de sa beauté hors du commun.

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Denis Lachaud, la révolution en 2037

— Par Sophie Joubert —

denis_lachaud_ca_iraCe roman d’anticipation explore les nouvelles formes de contestation, 
entre intime et collectif.

Ah ! ça ira… de Denis Lachaud. Actes Sud. 432 pages, 21,80 euros. Ah ! ça ira… commence comme un épisode de la série américaine 24 Heures chrono. Rapide et efficace. Un groupuscule dont les membres se nomment Robespierre, Marat et Saint-Just enlève le président (fictif) de la République française. Leur objectif : « rendre sa dignité au peuple ». Déshabillé, séquestré, l’homme est jugé devant un tribunal révolutionnaire et reconnu coupable. Il est retrouvé mort dans un coffre de voiture. L’assassinat a eu lieu hors champ. Comme les hommes de 1793, les membres de ­Ventôse veulent, en coupant la tête 
de l’État, fonder « la possibilité d’une autre histoire ». Mais l’opération est un échec. Le groupe est mis en sommeil et Antoine, alias Saint-Just, arrêté par la DGSI et emprisonné. Fin du suspense et de l’acte I. Avant le basculement dans l’anticipation.

Le livre fait écho à un environnement multipolaire et aux communications rapides

À travers le destin de quelques personnages, Denis ­Lachaud a voulu embrasser tous les mouvements d’émancipation, de la Révolution française aux printemps arabes en passant par la Résistance et les mobilisations citoyennes de par le monde.

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« Les Désenfantées » de Nathalie M’Dela-Mounier

les_desenfanteesThéâtre

En collaboration avec Aminata Dramane Traoré

Alors que de jeunes migrants tentent en vain de gagner l’Europe depuis une plage africaine, deux femmes guettent les appels téléphoniques de leurs enfants respectifs séduits par un ailleurs qu’elles n’imaginaient pas. Amadou a en tête de rejoindre les djihadistes au nord du Mali ; Alice a pris la route de la Syrie où ils recrutent également.

Du déni à la colère, au-delà des efforts que font ces mères – qui n’ont apparemment rien en commun – pour que leurs enfants reviennent et pour comprendre les causes de leur départ, elles mesurent ce qui les rapproche toutes les deux. Non dénuées d’humour, repoussant déterminisme et fatalisme, elles nous font aussi percevoir comment ce qui se passe à un endroit de la terre peut affecter l’autre partie.

En donnant la parole aux mères et en interrogeant le système sous un angle inhabituel, cette pièce nous invite à réaliser notre communauté de destin. Elle souligne la nécessité de remonter à la source des événements qui tissent puis déchirent les vies de femmes et d’hommes refusant de n’être que les jouets cassés d’un monde chaotique.

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L’homme rapaillé des Caraïbes

Recension de Métaspora. Essai sur les patries intimes de Joël Des Rosiers

metaspora-2

— Par Pascal Chevrette —

À première vue, Métaspora est un titre qui fait sourciller. Néologisme forgé par le poète québécois d’origine haïtienne Joël Des Rosiers, il recèle de nombreuses significations et s’apparente à « diaspora » ; disons qu’il approfondit l’idée de la dispersion en l’amenant du côté de l’art et de l’imaginaire.

Les essais, notes de lecture, conférences et entretiens qui composent cet essai original explorent les aspects d’une esthétique se voulant « transnationale » et « postcoloniale ». Après un texte d’introduction où il présente sa notion (« Fabriques de la métaspora »), Des Rosiers l’applique aux œuvres de plusieurs écrivains, poètes et artistes, principalement originaires des Caraïbes, qui ont tâché, par l’art – par la sublimation – de se guérir des blessures et drames issus d’un passé colonial.

Des Rosiers est un poète prolifique, médecin, psychiatre et aussi psychanalyste. Sa prose, précieuse et élégante, florissante, se nourrit à ces trois racines et allégeances. Ayant étudié en Europe, il réside actuellement au Québec où il exerce la médecine.

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11 août 2015 : le centenaire de Suzanne Roussi

Le centenaire d’une pionnière

— Par Culture & Égalité* —

suzanne_roussi

« …Ma mère, assise, à la nuit tombée, auprès de nos lits,
Villa Week-End, Petit Clamart,
pour nous conter l’histoire éternelle, celle de Koulivikou, qui n’avait pas de fin
et dont elle inventait la suite chaque soir…
Ma mère militante avide de liberté,
sensible à toutes les douleurs des opprimés,
rebelle à toutes les injustices,
éprise de littérature et férue d’histoire,
nous imposant le silence lorsque notre père travaillait,
écrivant inlassablement, de sa mystérieuse écriture,
sur des feuilles blanches à l’en-tête de l’Assemblée nationale.
Ma mère, enseignante appréciée, bien que longtemps surnommée
la « Panthère Noire » par certains de ses élèves,
occupant toutes ses soirées à corriger des copies,
souvent agrémentées de dessins par les plus jeunes d’entre-nous,
Ce dont, loin de nous gronder, elle s’amusait.
Ma mère active féministe avant la lettre,
attentive à chaque progrès de la libération des femmes.
« Ta génération sera celle des femmes qui choisissent » m’a-t-elle dit un jour… »

Ina Césaire. Suzanne Césaire, ma mère

L’ENFANCE
Jeanne Anna Marie Suzanne Roussi naît le 11 août 1915 à La Poterie, aux Trois Ilets, où résident alors ses parents : Benoît Roussi, géreur à la fois de l’habitation sucrière et des ateliers de fabrication de pots, briques et carrelage de La Poterie et Flore, son épouse, née William, institutrice sur le même site, au plus près de la rue cases-nègres.

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Ninet’InfernO : un chant d’amour et de désespoir

sonnets_shakespeare

— Par Marina Da Silva —

Roland Auzet adapte les Sonnets de Shakespeare pour Pascal Greggory et Mathurin Bolze. 
Un poème sur mesure d’une beauté à couper le souffle.

Le rideau se lève sur une forêt de chaises où sont assises des silhouettes humaines. Elles vont s’éclipser à cour et à jardin, rejoindre la tapisserie d’instruments composée par l’Orchestre symphonique de Barcelone et national de Catalogne (OBC). Ils restent à deux. Lui est un homme d’âge mûr, à la beauté solaire, Pascal Greggory, acteur révélé d’abord au cinéma par Rohmer puis par Chéreau. Il a commencé à jeter les chaises et jette aussi les mots de sa rage et de son amour blessé, trahi. Face à lui, Mathurin Bolze déploie sa jeunesse étincelante et insolente. Le premier est aimanté par le second, qui ne le regarde plus, suit sa trajectoire d’astre fasciné par son destin. L’un est à bout de souffle, laisse couler son chant d’amour comme une lave de volcan. L’autre est muet, mais tout son corps vibre d’un prodigieux langage qui éblouit. Ninet’InfernO s’inspire des Sonnets de Shakespeare (154 poèmes publiés en 1599), que Roland Auzet, compositeur et dramaturge, a sélectionnés.

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