Disparition de l’écrivain Luis Sepúlveda

« Son œuvre, fortement marquée par l’engagement politique et écologiste ainsi que par la répression des dictatures des années 1970, mêle le goût du voyage et son intérêt pour les peuples premiers » (Wikipédia)

Le Chili perd l’une de ses plus célèbres plumes. L’écrivain chilien engagé Luis Sepúlveda forcé à l’exil sous la dictature d’Augusto Pinochet, est mort à 70 ans en Espagne du Covid-19. « L’équipe de Tusquets Editores regrette profondément sa perte », a écrit sa maison d’édition dans un communiqué. Le romancier était hospitalisé depuis fin février à Oviedo, dans la région des Asturies, où il résidait. Il avait développé les symptômes de la maladie au retour d’un festival littéraire au Portugal. « Le personnel soignant a tout fait pour lui sauver la vie, mais il n’a pas surmonté la maladie. Mes plus sincères condoléances à sa femme et à sa famille », a assuré sur Twitter le président de la région des Asturies, Adrian Barbon.

Luis Sepúlveda est l’auteur d’une vingtaine de romans (dont des thrillers), chroniques, récits, nouvelles et fables pour enfants traduits dans une cinquantaine de pays. Né en octobre 1949 à Ovalle, ville située au nord de la capitale chilienne Santiago, l’auteur a milité très jeune dans les jeunesses communistes puis dans une branche du Parti socialiste. Ce qui lui vaut d’être arrêté en 1973 par le régime du général Augusto Pinochet. Il évoquera cette sombre période dans La Folie de Pinochet (La locura de Pinochet, 2003).

La force militante des mots 

« J’écris parce que je crois à la force militante des mots », disait l’auteur qui a attendu 2017 pour retrouver sa nationalité chilienne, dont il avait été privé par Pinochet. Emprisonné pendant deux ans et demi, il est assigné à résidence grâce à l’intercession d’Amnesty International et parvient à s’échapper, restant près d’un an dans la clandestinité. Repris, il est condamné à 28 ans de prison, une peine commuée en exil encore grâce à Amnesty. Il quitte en 1977 le Chili où il ne reviendra jamais s’installer. Censé s’exiler en Suède, le jeune homme s’échappe lors d’une escale en Argentine pour commencer un périple de plusieurs années en Amérique du Sud où il fonde des troupes de théâtre en Équateur, au Pérou, en Colombie, et s’engage dans la lutte armée aux côtés des Sandinistas au Nicaragua.

Un programme d’études pour l’Unesco l’amène à partager en 1978 la vie, pendant un an, des Indiens Shuars qu’il mettra en scène dans Le vieux qui lisait des romans d’amour, publié en 1992. Traduit en 35 langues, ce premier roman (Un viejo que leía novelas de amor) de Sepúlveda est une invitation à repenser notre rapport à la nature. Empruntant la forme du conte, l’auteur chilien y raconte l’histoire d’Antonio José Bolivar, qui connaît le peuple amazonien des Shuars (également appelés Jivaros par les envahisseurs espagnols). Lorsque des villageois les accusent à tort du meurtre d’un chasseur blanc, le vieil homme quitte ses romans d’amour, seule échappatoire à la barbarie des hommes, pour chasser le vrai coupable, une panthère majestueuse. Succès planétaire, ce roman a été adapté au cinéma en 2001 par Rolf de Heer (The Old Man Who Read Love Stories), avec Richard Dreyfuss dans le rôle principal.

Une collaboration avec Greenpeace

Parti d’Amérique latine, Sepúlveda s’installe à partir de 1982 en Europe, d’abord à Hambourg en Allemagne où il fait du journalisme et travaille plusieurs années pour Greenpeace avec qui il sillonne les mers. Retrouvant sa première femme, la poétesse Carmen Yañez, torturée sous la dictature chilienne, l’écrivain s’établit en 1996 à Gijón, dans les Asturies.

Luis Sepulveda, qui a également eu une activité, toutefois marginale, de scénariste et de réalisateur, a aussi écrit, entre autres parutions, Le Neveu d’Amérique (Patagoniaexpress, 1996), Les Roses d’Atacama (Historias marginales, 2001) ou La Fin de l’histoire (El fin de la historia, 2016). Un autre de ses grands succès fut Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler (Historia de una gaviota y del gato que le enseño a volar, 1996), à destination « des jeunes de 8 à 88 ans » qui a donné lieu à un film d’animation.

Source : https://www.lepoint.fr/culture/l-ecrivain-chilien-luis-sepulveda-emporte-par-le-covid-19–16-04-2020-2371726_3.php