Un écrivain sans dieu

— Par Alain Freixe —

mickael_gluckPoésie. Michaël Glück revisite en poète le premier livre de la Torah, la Genèse. Aux sept jours attendus, il ajoute la nuit qui les a précédés.

Dans la suite 
des jours, de Michaël Glück. L’Amourier éditions, collection « Poésie », 490 pages, 26 euros. Sur la table des libraires, voir Dans la suite des jours, de Michaël Glück, édité par l’Amourier, impressionne. Pour un pavé, c’en est un ! Et sous celui-ci, les pages ! 490 au total ! Michaël Glück et ses éditeurs ont choisi de regrouper les sept volumes parus entre 1996 et 2008 : Jour un, le Lit, la Table, le Couteau, le Berceau et la Tombe, l’Échelle, le Repos, soit sept méditations écrites dans les marges de la Bible, sur les bords du livre. Michaël Glück, « ce lecteur et écrivain sans dieu », comme il aime à se définir lui-même, et son éditeur ont choisi d’ajouter un huitième livre.

Et c’est le chaos qui resurgit. Non pas le désordre mais la fente première : l’inarticulé, l’irrévélé, l’irrésigné. La séparation fondatrice. « Au commencement est la nuit / toujours la nuit », « la nuit sans nom », Albe la blanche, si c’est là un des noms de ce qui serait espace lisse et blanc d’avant tout signe.

« J’ai vu le jour dans la nuit », écrit Michaël Glück. Et ce serait là le début de sa genèse ! N’est-ce pas toujours là que ça se passe ? Dans cette nuit d’avant toute nuit, nuit de l’intimité, son fonds, comme un non-lieu que tente de rejoindre l’écriture poétique, là où la conscience essaie d’entrer par effraction en risquant ses pauvres mots, là où elle tente de faire passer dans le jour la nuit demeurée nuit. Oui, « il nous faut la trouer (la nuit) / de petits jours / les mots ». Mais comment les lancer dans le noir pour qu’ils trouvent écho et abri, qu’ils rencontrent l’autre, cet inconnu de tout lecteur ? Comment dire la possibilité de l’humain dans l’homme, sinon en l’arrachant à lui-même, à ses aliénations, au fusionnel menaçant ? Comment valoriser la séparation, le non qui redresse, l’insoumission à ce trop de lumière qui nous aveugle ? À ce faux jour aussi qui nous courbe, vantant toujours quelque soumission nouvelle ?

Il faut plonger dans ce livre, dans les questions qu’il pose et qui nous posent / nous exposent, ouverts à la verticalité d’un face-à-face qui nous tient debout, « sans racines ni au-delà », dit encore Michaël Gluck.

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