Catégorie : Théâtre

« Oh les beaux jours! » : une leçon de théâtre

— Par Roland Sabra —

 La salle Frantz Fanon accueillait le 23 mars deux personnalités d’exception pour un spectacle à la hauteur de cette réputation. Frederick Wiseman mettait en scène « Oh les beaux jours » de Samuel Beckett et donnait la réplique à Catherine Samie dans le rôle titre.

Frederick Wiseman est un documentariste majeur de notre époque. Né en 1930 ce juriste de formation enseigne d’abord à l’Université de Boston et très vite passionné par les enquêtes de terrain il va, caméra à l’épaule, « filmographier », ausculter en sociologue-cinéaste, la société étasunienne, des cours de justice aux quartiers de Harlem, en passant par un camp d’entraînement d’appelés pour le Vietnam, sans oublier,  la vie quotidienne de la police de Kensas City ni Le fonctionnement d’un grand magasin de luxe à Houston ni même Le logement social. Son coup d’éclat initial date de 1967 quand sort en salle Titicut Folies qui jette un regard d’une acuité terrible sur un hôpital pour aliénés criminels. En 1996 il réalise pour le Français « La Comédie-Française ou L’Amour joué ».

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 » Moi, chien créole  » ou vociférer n’est pas jouer

— Par Roland Sabra —

 On ne met pas en scène n’importe comment n’importe quel texte. Il doit exister un rapport de contiguïté, de connivence entre la lecture du texte et la façon de montrer ce que l’on a retenu de la lecture de ce texte. Par exemple il est difficile de faire du baroque avec un texte de Marguerite Duras. On peut le faire mais ce n’est en aucun cas une obligation. Il est des textes dans les Antilles symptomatiques de ce que Jacques André dans « L’inceste focal » repère comme une écriture emphatique liée à un investissement narcissique de la langue dominante, la langue du maître. . L’auteur caresse longtemps les mots avant d’en livrer l’éclat. Plaisir de l’envolée qui fait retour sur aile etc.

 Le texte, Moi, Chien créole, de Bernard Lagier en est un bon exemple (« Il clamait en français mon bon Monsieur Lacolas!! Quelle leçon pour moi qui rêve de pouvoir déclamer en français un jour peut être… ») avec quelques facilités inhérentes au genre. Le mutisme n’est pas simplement le mutisme c’est un mutisme mortel par exemple.

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Le tramway d’antan n’est plus!

— Par Roland Sabra —

En 1931, à l’Université de Columbia un jeune étudiant de tout juste vingt ans découvre dans l’œuvre théâtrale d’ August Strinberg un écho à ses propres obsessions de folie, tentation de l’alcoolisme, rejet des conventions sociales fascination pour un mysticisme visionnaire et ésotérique. Il sera écrivain lui aussi. Il décrira les passions d’un monde oppressant dans lequel les hommes, les femmes se désirent se déchirent, se haïssent parfois à leur insu dans des atmosphères élégantes et vulgaires entre raffinement et sauvagerie. Il dira en utilisant l’écriture comme sa meilleure thérapie la violence des sentiments balancés entre hétérosexualité et homosexualité. Sa fascination à l’égard de Stringberg auquel il empruntera les thèmes de la tyrannie mortifère du passé, le poids des tares familiales cachées, la duplicité de la morale familiale et celui de la nécessité de faire tomber les masques afin que surgisse dans un dévoilement tragique la vérité des êtres, ira jusqu’à l’ attribution, dans un de ses derniers textes du prénom le l’auteur suédois à son alter ego de fiction et dramaturgique. Mais bien avant cela il s’inspirera de Mademoiselle Julie pour camper le personnage de Blanche dans « Un tramway nommé désir ».

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« Moi, chien créole » : une tragédie d’aujourd’hui

— par Corinne Vasson

« N’est- ce pas monstrueux que ce comédien, ici, dans une pure fiction, dans le rêve d’une passion, puisse si bien soumettre son âme à sa propre pensée, que tout son visage s enflamme sous cette influence, qu’il a les larmes aux yeux, l’effarement dans les traits, la voix brisée, et toute sa personne en harmonie de formes avec son idée ? » (Hamlet, Shakespeare)

Sur le cercle de l’agora, il est là, le Chien créole, tout maigre, torturé par la révélation qui se presse pour sortir de son antre, pour déchirer sa carapace et ses entrailles. Depuis son accrochage involontaire à une dame-jeanne sauveresse, alors que tous les siens disparaissaient dans les eaux, il erre dans la vie et observe les hommes se débattre avec leur animalité en devenir d’Humanité. Cassandre des Caraïbes, le héros de Bernard Lagier, donne tour à tour parole à Titurpis, pauvre âme noyée dans le miel d’amour de Famedeline, et Lacolas, qui,, tentait en vain de se mettre à la Ré/ » (dans le droit chemin). Ces deux-là nourrissent sa passion, son chemin de croix sur la route des hommes.

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« Quadrille » : « Le bonheur à deux, ça dure le temps de compter jusqu’à trois. » Sacha Guitry

— Par Roland Sabra —

Le théâtre aussi connaît des effets de mode. Ainsi Sacha Guitry, mort en 1957 est resté injouable pendant quelques décennies. Injouable parce que lui collaient à la peau les étiquettes de théâtre de boulevard et d’auteur misogyne. La misogynie est avérée comme en témoignent les abondantes citations et autres aphorismes de l’auteur présentant les femmes sous des jours éclairés de condescendance, de rancoeur, si ce n’est de mépris. Quant à la réputation de théâtre de boulevard il faut se souvenir que celui-ci n’existait que par différenciation d’avec le théâtre « officiel » celui de la Comédie française par exemple, ce théâtre qui se réservait les « grands » textes ou tout au moins ceux dont la facture était d’un classicisme de bon aloi. Théâtre des boutiquiers, des tenanciers d’échoppes, officines et autres bazars, au petit capital économique et démunis du capital culturel permettant d’accéder aux oeuvres de renom ce divertissement abordait les thèmes de leurs conversations préférées, l’argent, les bourgeois, les parvenus, les histoires de maris et de femmes emmêlés de maîtresses et amants. Théâtre privé de peu de ressources face au théâtre public subventionné il lui fallu trouver les moyens de survivre en explorant les berges de la facilité, du conservatisme esthétique, moral et politique, en flattant le public.

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Angelo, un tyran pas doux pour un moment de pur plaisir !

—Par Roland Sabra—

Un ravissement de Michelle Césaire

Le théâtre est aussi un divertissement, qui donne du plaisir et c’est tant mieux! Philippe Person en fait la démonstration avec un texte pas si facile qu’il y paraît. Le talent de Person, à nulle autre pareil, relève le défi avec Angelo, tyran de Padoue, de Victor Hugo.

Angelo Malipieri, aime La Tisbe, comédienne, une -pas-grand-chose, qui aime un déclassé, le proscrit Rodolfo, lui-même amoureux de la Catarina dévote et femme de ce tyran pas doux pour deux sous. Chez Hugo, les choses sont assez simples : les méchants sont méchants et forcément riches, les gentils sont gentils et forcément pauvres et entre les deux, les pervers, forcément pervers puisque se situant entre les deux.

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« Africa solo » : mise-en-scène à vau-l’eau

— Par Roland Sabra

1999, Ernest Pépin, poète et romancier guadeloupéen effectue un « pèlerinage » selon ses propres termes sur la terre d’Afrique. Rencontre envoûtée par les passions africanistes militantes du père de l’auteur, par les rêves de retour au berceau des origines, par les décombres de la négritude assaillis de créolité, espoir giflé d’une unité qui se brise sur le réel d’une altérité irrémédiable et tout aussitôt déniée. Le retour aux Antilles donnera naissance à un recueil de poèmes Africa Solo que Michel Dural a tenté d’adapter pour une mise-en-scène de José Exélis. Sur scène donc il y a Filosof, Ernest Pépin peut-être, qui s’en est allé là-bas en Afrique et qui «… revenu du pays des ancêtres Les mains mouillées par la rosée des retrouvailles Le pas plus riche des récoltes accueillies » déplore gémit, crie à qui veut l’entendre «  Pey la ka foukan, Nou tou ka foukan… » Pour cet autre cahier d’un autre retour au pays génital , il lui fallait partir là-bas. Là-bas, il le fallait. Ne serait-ce que pour se découvrir étranger au pays matriciel : « Pas facile de se parler avec les Africains.

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« Face à la mère » : entretien Jean-René Lemoine

Entretien Jean-René Lemoine

Comédien, auteur, metteur en scène, Jean-René Lemoine est né en 1959 en Haïti. Il se forme au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris et à l’école Mudra de Maurice Béjart à Bruxelles, puis à l’Institut d’Etudes Théâtrales de Censier à Paris. Après un parcours d’acteur, entre autres avec la compagnie de Lindsay Kemp, il a travaillé comme assistant à l’Union des Théâtres de l’Europe, à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, et collaboré régulièrement avec l’Académie Expérimentale des Théâtres. Il a également enseigné l’art dramatique au Cours Florent de 1998 à 2000.

Il commence à écrire en 1985 et met en scène sa première pièce, Les Folies bergères au Théâtre du Porta Romana, à Milan. Il choisit dès lors de se consacrer en priorité à l’écriture et à la mise en scène. C’est ainsi que naîtront un roman, Compte-rendu d’un vertige, et surtout de nombreux textes pour le théâtre

Face à la mère : sublime rendez-vous avec l’absente

Seul sur le plateau, Jean-René Lemoine parle à lui-même et à sa mère, disparue tragiquement en Haïti, le pays de l’enfance.

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« Miracle en Alabama », mais pas à Fort-de-France!

— Par Roland Sabra —

Au théâtre foyalais, une ouverture de saison en demi-teinte en attendant

« La Maison du peuple  » de Louis Guilloux



« Miracle en Alabama » mais pas à Fort-de-France! Michèle Césaire nous a habitués à plus d’audace que la reprise d’un succès qui a fait le tour du monde. Encore qu’il y ait quelque risque à re-mettre en scène « L’histoire d’Helen Keller » parue en 1902 et qui fit l’objet d’une adaptation cinématographique par William Gibson d’après sa pièce de théâtre, dans une mise en scène d’Arthur Penn de nombreuses fois « nominée » aux Oscars et doublement récompensée en 1963. Le titre du film The Miracle Worker est plus proche du thème que le titre français. Anne Sullivan, l’institutrice anciennement aveugle tout juste sortie de l’école de Boston est en effet la travailleuse miraculeuse ou plus exactement l’accoucheuse de miracle, qui luttant contre le double sentiment de culpabilité et de honte dans lequel l’entourage familial enferme la jeune fille va lui permettre d’advenir à elle-même. « Là où c’était le Sujet doit advenir ».

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« Agoulouland » : les limites du théâtre militant

— Par Roland Sabra —

Bérard Bourdon met en scène « Agoulouland »

« La frontière du talent ne recouvre pas  celle qui sépare comédien professionnel et comédien amateur ».

Il a fait ses premières armes en France, puis il est vite rentré au pays , comme assistant de Michel Philippe, chargé de mission du Ministère de la Culture dans le cadre de ce qui allait devenir le CMAC. Il retrouve alors, une bande de copains ayant la même volonté de s’adresser au public martiniquais. L’important étant moins le message que son destinataire, ils vont dans un esprit d’ouverture, monter des textes d’auteurs martiniquais comme Georges Mauvois, Jeff Florentiny, mais aussi européens.
Il présente aujourd’hui une pièce en créole «  Agoulouland » que lui a proposé Daniel Boukman. Le personnage est chaleureux, ouvert, il reçoit facilement, entre deux répétitions.


Roland Sabra : Pourquoi monter « Agoulouland » aujourd’hui en Martinique?
Bérard.Bourdon . : Pour quelles raisons? Et bien ce matin même, fait exceptionnel, j’avais allumé la T.V et on annonçait que l’obésité gagnait en Martinique! « Agoulouland » pose le problème de la surconsommation dans laquelle la majorité des martiniquais est tombée les yeux fermés avec son cortège de maladies somatiques, diabète, maladies cardio-vasculaires etc.

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« Jacques le fataliste » : la rentrée au théâtre foyalais

— Par Roland Sabra —

Rentrée au théâtre foyalais


au théâtre de Fort-de-France

Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut.

Le Maître est innommable, on ne connaîtra jamais son nom, peu importe il s’agit ici d’une figure de maître. Seul le valet porte un nom il s’appelle Jacques. L’un est paresseux, peu curieux, ayant pour rares centres d’intérêt son tabac, sa lunette et sa montre. Le valet est virevoltant, bavard, têtu, ingénieux. Comment ne pas penser par anticipation à la dialectique du maître et de l’esclave? Comment ne pas lire une leçon de matérialisme, comme dénonciation  du spiritualisme et de l’idéalisme de l’époque, justifications métaphysiques et morales des hiérarchies sociales, quand maître et valet rencontrent une aubergiste qui s’adresse indifféremment et sur le même mode à l’un et à l’autre?

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« Tristissimes » : Yoshvani Medina convie le public martiniquais à une étrange cérémonie.

 — Par Alvina Ruprecht —

 

Dans dans un espace circulaire où les murs sont recouverts de tentures noires, les acteurs se livrent aux pulsions archaïques d’un monde d’avant l’histoire, espace/temps des récits fondateurs où convergent des héros mythologiques, des paraboles bibliques et des contes merveilleux.

Le point de départ de cette œuvre est un texte dramatique intitulé Quelques histoires d’amour très très tristes, de l’auteur cubain Uliseo Cala, traduit de l’espagnol par Pierre Pinalie et adapté à la scène par Medina. Il faut dire que ce spectacle, à la fois gênant et troublant, nous a éblouis et bouleversés (même après deux heures sans entracte).

Cette manifestation d’un metteur en scène dont l’esthétique théâtrale révèle une recherche scénique extrêmement raffinée, ramène le spectateur à une époque révolue d’expérimentation corporelle tout en le plongeant dans les courants les plus actuels de la scène contemporaine. Nous y reconnaissons le processus rituel des années 1970 : les expériences de Grotowski et de l’Américain Richard Schechner, ainsi que celles de la scène post-holocaust des artistes polonais qui faisaient émerger les acteurs des tas d’ordures en hurlant leur douleur – signe d’une vie renouvelée après la destruction de la 2e guerre mondiale..

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Théâtre et actualité politique.

  — Par Frantz Succab —

 theat_polIl y a, selon moi, deux approches de la notion d’actualité :

 Le présent : les événements d’ordre privé ou collectifs qui se déroulent au jour le jour, pendant que nous vivons 

 Le « présent » présenté au plus grand nombre. Le produit quotidien des medias, résultat du travail des journalistes ou des chroniqueurs de presse. La vie quotidienne de la société regardée et relatée à travers un prisme où le critère esthétique n’est pas de mise.

 Les faits et leurs problématiques étant hiérarchisés en fonction de critères idéologiques et marchands, qui concourent à déterminer « l’air du temps »

 Idéologiques parce que traduisant une représentation conservatrice de l’ordre de notre société et du monde (qui contrôle la presse ?) Les actualités obéissent à un format, diffusé au moyen d’une grammaire codée : une grève, sera d’abord une prise en otage de la population, le terrorisme ne sera que l’action des forces du mal contre celles du bien ( en général, les pays occidentaux) les déviances sociales ou les catastrophes liées à la pauvreté seront mises en exergue pour convoquer la charité ou le travail social, qui ne sont que dépolitisation l’engagement social et l’humanitarisme qui n’est que dépolitisation de la solidarité des peuples.

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« Tristissimes » : Le Formalisme considéré comme l’un des beaux-arts

 –Par Selim Lander —

A propos de Tristissimes mis en scène par Yoshvani Medina

Imagine. Non une banale salle de théâtre mais un « lieu scénique », une sorte d’entrepôt, de taille fort modeste, ceinturé de voiles noirs, un seul rang de 25 fauteuils de jardin en plastique blanc encerclant un espace couvert de copeaux. Deux femmes vêtues de noir attendent les spectateurs, assises par terre. En dehors des copeaux, il n’y a aucun accessoire sur cette scène qui n’en est d’ailleurs pas une puisqu’elle est de plein-pied. Lorsque l’œil et l’esprit se sont accoutumés à cet environnement, on devine que sous le tas de copeaux, au centre, se trouve dissimulé un autre personnage, trahi par sa respiration.

On t’a distribué une drôle de lampe électrique et l’on t’a prévenu : 1) il n’y aura pas d’autre éclairage que celui que prodigueront les spectateurs ; 2) l’intensité de la lumière faiblira avec le temps et il faudra redonner de l’énergie en utilisant la manivelle sur le côté de la lampe.

Et puis, lorsque toutes les chaises sont remplies, sans prévenir (il n’est évidemment pas question de faire retentir les trois coups traditionnels annonçant la levée d’un rideau de toute façon absent), l’une des deux femmes se lève.

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La ka espéré Godot : entre méprise et trahison. Une mise en scène de Lucette Salibur

 — Par Roland Sabra —

  «Rien à faire» Tout est dit dès les premiers mots de la pièce. A cette remarque de Gogo confronté à la difficulté, très matérielle, d’ôter sa chaussure Didi répond sur le plan philosophique «Je commence à le croire.». L’absurde n’est pas tant l’absence de sens que le trop plein de contre-sens. Ici règne le domaine du double et du dédoublement. Estragon et Vladimir, Pozzo et Lucky. Le garçon et son frère. Et même si l’inconscient d’un texte ne se love pas dans la biographie du scripteur, comment ne pas évoquer en Vladimir, Frank Beckett le frère aîné, persécuteur et en Estragon, le Sam Beckett, en voie de clochardisation, souffre douleur de la fratrie sous l’oeil accusateur du tyran maternel? Le double est signe de mort. Longtemps on a tué les jumeaux à la naissance : la nature se trompait à produire deux fois le même. Rémus est tué pour que Romulus fonde une ville qui défie la mort, une ville éternelle. A l’annonce d’un décès, les miroirs sont voilés pour éviter que le reflet du cadavre ne re-convoque la mort.

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« Tristissimes » : Chorégraphie tonique de corps et de mots

 —Par Marius Gottin —

Je vais au théâtre. Cela implique que j‘accepte de réintégrer provisoirement le tumulte et le tracas, fussent ils atténués en ce début de soirée, de la Ville. Mais là je ne suis pas vraiment en ville mais dans sa périphérie proche, à Bellevue. Une scène m’attend que je découvre au bout de tentures noires qu’éclaire la lampe bizarre que l’on m’a remise à l’entrée, avec conditions d’utilisation et tout…
De la sciure de bois, deux femmes immobiles vêtues de noir assise, agenouillée, une manière de tombolo au milieu de tout cela et « Quelques histoires d’amour très très tristes » du cubain Ulises Cala, la dernière création du Théâtre Si, s’anime…
Deux heures plus tard, on en sort baffé, pris à la gorge et aux yeux et au coeur par cette débauche de mots et de gestuelle où tournent devant nous, dans une sommation sans équivoque, Dieu omniprésent,(bizarrerie à mes yeux de ce Cuba de la fin du siècle dernier mais n’est ce pas une des étrangetés, et de l’auteur et du metteur en scène, deux rebelles ?)

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« Tristissimes » Quelques histoires d’Amour très très tristes

 — Par Jean-Philippe Bianchi —

Un lecteur, Jean-Philippe Branchi nous fait parvenir ce texte à propos deTristissimes. Médina aura au moins suscité un débat autour de son travail. Madinin’Art se félicite d’en avoir restituer quelques échos.

TRISTISSIMES… « Quelques histoires d’Amour très très tristes ».
Illustre le génie du geste théâtral de Yoshvani MEDINA dans un pays à la geste gênée…
Yoshvani MEDINA, sa troupe d’acteurs et ses amis sont des êtres innommables…
Leur travail et leur action sont intemporels…
Leur théâtre est sans prétention sinon que celle de la situation en laquelle il vous plonge jusqu’à l’exorcisme…
Le théâtre de Yoshvani MEDINA n’est pas un théâtre de la théâtralité surréaliste ou encore impressionniste…
Le Théâtre de Yoshvani MEDINA est un théâtre situationniste….
Pas de messages. Des situations…
Et c’est là, le centre du génie gênant de ce metteur en scène hors norme, qui recrée l’ouverture par la clôture, la lumière par la mise en abymes des ténèbres, l’espoir par le violent éveil au désespoir de la condition humaine…
La Vie naît de la boue excrétrice d’une bonne bourre…
La Vie vit dans la boue notionnelle et confusionnelle de la communication…
Et, la Vie meurt dans la boue féconde des chaires…
Et pourtant… Et pourtant… Face à l’absurde !!!

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« Tristissimes » de Ulises CALA : « Irritissimes »

—Par Roland Sabra —

Mise en scène de Yoshvani Médina

Ulises Cala est un dramaturge des mélanges. Dans sa dernière pièce, mise en scène par Yoshvani Medina, traduite par Pierre Pinalie sous l’intitulé « Quelques histoires d’amour très très tristes » ou « Tristissimes », c’est comme on veut, il fait montre d’un talent pour re-visiter de façon iconoclaste quelques uns des mythes fondateurs de l’Occident, qu’il s’agisse de l’épopée troyenne, des fables bibliques ou des contes de belles endormies au fond des bois, et il le fait en choisissant comme méthode d’exposition la structure du théâtre Nô dans laquelle les pièces sont classées en cinq groupes. Le premier , Waki Nô, est celui consacré aux dieux et aux rapports compliqués qu’ils entretiennent avec les hommes, ici une femme implore le retour à la vie de son amant. Le second, Shura Mono, évoque les fantômes de grands guerriers morts durant la bataille et qui sont en enfer. Presque toujours ils appartiennent au camp des vaincus. Andromaque peut-elle tomber en amour devant celui qu’elle a vu assassiner Hector? Le troisième, Katsura Mono, est le plus prisé il y est question de très belles femmes.

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« L’Amant » Mise en scène de Yoshvani Médina. Au jeu de la vérité, les dés sont pipés

— Par Roland Sabra —

 Harold Pinter: «Il n’y a pas de distinctions tranchées entre ce qui est réel et ce qui est irréel, entre ce qui est vrai et ce qui est faux. Une chose n’est pas nécessairement vraie ou fausse ; elle peut être tout à la fois vraie et fausse.». C’est du théâtre dont il s’agit, seulement du théâtre et celui-ci peut s’ingénier à détourner les conventions théâtrales en l’occurrence dans « L’Amant »: un trio mari-femme-amant, une anglaise oisive et lascive qui s’encanaille avec l’amant de longs après-midi, puis prend le thé, tandis que le mari s’attarde au bureau. On part d’une situation vaudevillesque traditionnelle, et on aboutit par déstructuration au fin fond de l’enferment du couple dans les demi-vérités, les mensonges à mi-mots, les faux-semblants, la suspicion et les affres de l’implicite noyé dans les brumes de la dérision. Un couple et son infidélité en partage, comme ciment d’une fissure à creuser au détour des regards fuyants et de la vie qui s’en va ne n’avoir jamais été là. Elle a donc un amant et il le sait.

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« L’Amant », un schizo-drame de Harold Pinter, le maître du théâtre de la fragmentation

— Par Roland Sabra —

 

 

Pour Michel Louis.

« Le prix Nobel de littérature pour l’année 2005 est attribué à l’écrivain anglais Harold Pinter « qui dans ses drames découvre l’abîme sous les bavardages et se force un passage dans la pièce close de l’oppression ». C’est ainsi qu’a été annoncée très officiellement la chose. Deux caractéristiques donc dans l’oeuvre de l’écrivain, une exploration des abîmes de l’être humain et un combat permanent contre l’oppression. Qui est donc Harold Pinter? Qu’est-ce qu’un schizo-drame? Pourquoi la pièce « L’amant » que monte Médina relève-t-elle d’un théâtre de la fragmentation?

Le combattant de la liberté contre toutes les oppressions et les injustices.

Né en 1930, de parents juifs d’origine russe Pinter, est né dans l’East End de Londres, il y passe son enfance avant d’être éloigné en 1939 pour cause de bombardements. Il y reviendra en 1942 et gardera pour le reste de ses jours le souvenir de ces nuits pendant lesquelles les murs tremblaient sous les effets des bombes. A quinze ans il fait le coup de poings contre les sympathisants fascistes qui s’en prennent aux enfants juifs de l’Eastside.

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« Fin de partie » de Samuel Beckett . Mise en scène de Alain Timar.

Fin de partie*... l'auto-analyse continue

— Par Roland Sabra —

1934, Samuel Beckett entame à la Tavistok Clinic de Londres, une analyse avec Wilfed Ruprecht Bion qui deviendra célèbre un peu plus tard pour son travail sur les petits groupes. L’année suivante Beckett déserte le divan et décide de poursuivre son analyse à travers ses œuvres dont l’adresse sera dés lors la place vide du fauteuil, éludant par là-même le travail d’interprétation réducteur, forcément réducteur.  « Je n’ai rien à dire, mais je veux simplement dire jusqu’à quel point je n’ai rien à dire » déclare Beckett à Roger Blin. Telle est la thèse alléchante et brillamment soutenue par Didier Anzieu dans son « Beckett ». Et en effet, dans les textes de Beckett, «  ça » parle, le « ça » cause. Bien avant Lacan, Beckett avait posé que l’homme est « être de langage » et qu’il naît dans un monde ou préexiste « lalangue » (en un seul mot).

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« Petit boulot pour vieux clown » de Matéï Visniec : struggle for life and business show

 — Par Roland Sabra —

C’est une histoire d’homme, une histoire de haine et d’amitié, une histoire de rivalité et de complicité, une histoire de mots et de gestes, une histoire d’illusions perdues et de vieillesse, une histoire qui pose l’éternel problème de comment se débarrasser de l’autre avec lequel on a tant partagé? Comment faire la peau à celui qui nous a fait rire que l’on a admiré et qui soudain apparaît comme un obstacle sur le chemin finissant? Les clowns font rire parce qu’ils grossissent nos maladresses, nos travers. Ils sont donc trois, trois clowns en fin de course qui se retrouvent par hasard, dans la salle d’attente d’un music-hall avec l’hypothétique espoir de décrocher un dernier contrat, un ultime « cacheton ». Ils ont formé un trio dans des temps anciens, très anciens, avant de suivre des routes différentes mais toujours chaotiques nourris de précarité et de lendemains incertains. Il y a si longtemps qu’ils ont joué que les costumes qu’ils portent quand ils ne sont pas élimés semblent sortis du magasin de location.

Trois pour une seule place et vite tombent les masques, la haine du semblable, la haine du petit autre qui, parce que trop ressemblant menace l’identité vacillante, alors vient le temps du désir de meurtre du trop proche.

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« Pas de prison pour le vent » d’Alain Foix : hommage d’hommes de talents à des femmes admirables

 — Par Roland Sabra —


Alain Foix et la statue de Gerty Archimède à Basse-Terre

 La Martinique a de la chance mais elle ne le sait pas toujours. Elle accueillait Mardi 28 mars dans une trop grande discrétion une création mondiale d’Antoine Bourseiller : la mise en scène de Pas de prison pour le vent une pièce écrite par Alain Foix.

Antoine Bourseiller est aujourd’hui un vieux Monsieur qui a consacré toute sa vie au théâtre, à l’opéra et au cinéma. Qu’on en juge : en 1960 il reçoit le prix du Concours des Jeunes Compagnies, grâce auquel il prend la direction du Studio des Champs-Élysées. De 1960 à 1982, il est directeur de théâtre (Paris, Marseille, Orléans) et, de 1982 à 1996; il dirige l’Opéra de Nancy et de Lorraine, puis de 1994 à 2000 Les Soirées d’été de Gordes.  En 1967, invité par Jean Vilar, il avait ouvert un nouveau lieu au Festival d’Avignon, le Cloître des Carmes. Son oeuvre théâtrale est une aventure essentiellement marquée par des créations, ponctuée cependant de certaines exhumations d’œuvres classiques, telle La Marianne de Tristan Lhermitte, La mort d’Agrippine de Cyrano de Bergerac, Rodogune de Corneille, Axel de Villiers de L’Isle-Adam.

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Mon enfant, mon royaume : ballet-théâtre mis en scène par Frédéric Salard

— Par Christian Antourel —

danseuseChorégraphié et interprété par Laurence Couzinet et Thierry Sirou

Une production Compagnie Car-Av-An

Un Ballet-théâtre aux accents métissés de l’un à l’autre où s’opposent, se complètent dans leur forme, se haïssent et s’harmonisent les ressentiments contrariés de parents dont l’enfant est partie gagner de quoi les sauver de la misère… mais n’est jamais revenue.

Durant 15 ans, ils portent en eux ce désespoir. On peut imaginer quel bouleversement se produit dans le tumulte, dans les nuits de l’angoisse, des croyances, de l’imaginaire et de la solitude, quand l’espérance ou la détresse rivales, complémentaires à la fois, comme le sont la danse et le théâtre, font le spectacle uni où le sentiment humain perceptible aux nuances et aux extrêmes, verse sa fragilité nue dans l’opposabilité et l’alliance de ces deux brûlures que rythme le spectacle.

« L’humour, c’est la politesse du désespoir »

Tout le remue-ménage de la pièce, n’est rien d’autre que le remue-méninges exalté d’un conflit psychologique vécu par ces parents en proie à une tentation de fuite hors la réalité, dans l’expression d’un amour devenu fou agité.

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« Huis-Clos » : l’enfer d’en faire trop ou pas assez!

— Par Roland Sabra —

 


« Huis-Clos » mise en scène  de José Alpha, à l’Atrium :

L‘équilibre au théâtre est toujours très fragile, éphémère par nature. Il n’y a jamais deux représentations identiques, le public change, ce n’est jamais la même rivière qui coule sous le même pont.  Il suffit d’un rien, d’une indisponibilité un peu plus envahissante d’un comédien, les échanges ne passent plus et ce qui nous est montré est une autre histoire.  L’équilibre d’un texte est aussi chose fragile, les metteurs en scène  en font l’expérience qui s’aventurent souvent à leurs dépens, et à ceux des spectateurs, dans les sables mouvants de l’adaptation.
José Alpha en fait , malgré lui la démonstration dans « Huis-Clos ». Sa prestation laisse entrevoir un sérieux travail « à la table » précédant  la mise en bouche du texte par les comédiens. Sartre, auteur de théâtre, on est à la limite de l’oxymore, ne se laisse pas appréhender facilement. José Alpha a eu la sagesse de faire appel à Jacques Jupiter pour tracer un chemin aux comédiens dans les méandres de la pensée existentialiste.

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