« Huis-Clos » : l’enfer d’en faire trop ou pas assez!

— Par Roland Sabra —

 


« Huis-Clos » mise en scène  de José Alpha, à l’Atrium :

L‘équilibre au théâtre est toujours très fragile, éphémère par nature. Il n’y a jamais deux représentations identiques, le public change, ce n’est jamais la même rivière qui coule sous le même pont.  Il suffit d’un rien, d’une indisponibilité un peu plus envahissante d’un comédien, les échanges ne passent plus et ce qui nous est montré est une autre histoire.  L’équilibre d’un texte est aussi chose fragile, les metteurs en scène  en font l’expérience qui s’aventurent souvent à leurs dépens, et à ceux des spectateurs, dans les sables mouvants de l’adaptation.
José Alpha en fait , malgré lui la démonstration dans « Huis-Clos ». Sa prestation laisse entrevoir un sérieux travail « à la table » précédant  la mise en bouche du texte par les comédiens. Sartre, auteur de théâtre, on est à la limite de l’oxymore, ne se laisse pas appréhender facilement. José Alpha a eu la sagesse de faire appel à Jacques Jupiter pour tracer un chemin aux comédiens dans les méandres de la pensée existentialiste.
Ce désir louable de fidélité à la pensée de l’auteur, à l’esprit de la pièce est trahi par une innovation apparemment mineure mais cause d’un déséquilibre aggravé par une erreur de distribution, qui va rendre la pièce inaudible.  Dans le texte original trois personnages sont sur scène. Un homme, Garcin,  et deux femmes, Inès et Estelle. La distribution sexuelle des personnages, accorde d’une certaine façon  une place privilégiée à Garcin. L’adaptation de José Alpha  remplace Estelle par un homme, Eric, dont la bi-sexualité, sur scène, ne suffit pas à corriger le décentrement irrémédiable qui s’opère sur le plateau. Le rôle d’Inès devient le pôle distributeur de la parole jouée.  C’eût été possible. Mais il aurait fallu choisir une comédienne d’expérience et non pas une amateure qui n’était pas montée sur scène depuis 19 ans et dont le manque de pratique la pousse à cabotiner et au sur-jeu.  C’était une ordalie, dont elle ne pouvait que sortir vaincue, et nous avec.  L’indéniable talent du comédien qui incarnait Garcin et celui certes moins assuré mais néanmoins réel de son acolyte dans le  rôle d’Éric ne suffisaient pas à faire prendre la « mayonnaise ».  Le regard s’attardait sur le dépouillement, de bon aloi, du décor mal mis en valeur par une absence de travail sur les lumières.
La tentative d’adaptation, intéressante et originale   de José Alpha mais dont il n’a pas  mesuré toutes les implications, a été ruinée par un  choix de bric et de broc  dans la distribution des rôles.  Décidément l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Roland Sabra

23/03/2006