–Par Selim Lander —
Sélune pour tous les noms de la terre est une œuvre de Faubert Bolivar, martiniquais d’origine haïtienne, philosophe, auteur de théâtre confirmé dont plusieurs pièces ont été couronnées par des prix. Sa pièce La Flambeau a été produite sous la forme de mini-opéra au Canada. Quant à Sélune c’est un beau texte à lire autant qu’à écouter au théâtre, un texte prenant, dur, poignant parfois tout en étant un document sur la société haïtienne, avec le chômage endémique, la corruption, et, sous-jacente, la débrouillardise (des mères surtout !) qui permet, malgré tout, de vivre ou au moins de survivre. La pièce a été écrite avant le tremblement de terre de 2010 et le déferlement des gangs. C’est donc un autre Haïti que celui d’aujourd’hui, certes mal en point mais pas totalement décomposé. Par exemple, lorsqu’un nouveau dictateur prend le pouvoir, il cherche à se concilier l’opinion en « donnant le baccalauréat au peuple », c’est-à-dire en gonflant artificiellement le taux de réussite (est-ce pour la même raison que le taux de réussite à ce même examen est si élevé en France ?)


NOUS N’AVONS RIEN NOUS AVONS TOUT
Chasser les fantômes, interprété par Sophie Cattani et Nelson-Rafaell Madel, raconte l’histoire d’un couple mixte : lui est noir, elle, blanche. La pièce retrace leur parcours, depuis leur rencontre à Conakry, à l’occasion de la victoire de Barack Obama à l’élection présidentielle américaine, jusqu’à leur arrivée en France. Malgré leur amour réciproque, le doute s’installe : Marco est sans-papiers et désire se marier rapidement, Roxane doute et temporise. A travers des monologues, la pièce confronte deux voix lucides, mais qui restent traversées par des clichés et des préjugés sur l’autre. Chasser les fantômes explore ainsi, sur un mode intimiste, la question de savoir si l’amour peut dépasser les différences culturelles.
— Par Selim Lander —
« L’Oreille est hardie »
Vinrent d’abord les manifestations organisées par diverses associations en l’honneur du 150° anniversaire de l’Insurrection du Sud de 1870.
Il nous est dit que pour écrire « Poussière(s) », Caroline Stella s’est inspirée des contes populaires de Grimm, qu’il y a donc dans son texte citations, reprises ou détournements. Quand bien même nous pensons avoir gardé un peu de notre âme d’enfant, la vie est passée sur nous, et les adultes que nous sommes devenus ne peuvent s’empêcher de les traquer, ces références littéraires. Alors qu’il suffirait de se laisser porter par l’énergie débordante de ce court spectacle d’à peine une heure, rythmé par un musicien hors pair, qui joue de son corps aussi bien que d’un tambour, d’un harmonica et d’une guitare. Avec en point de repères liés à l’univers enchanté et cruel du conte : le moulin, la haute tour à enfermer des princesses ordinairement aux longs cheveux blonds, le voyage initiatique en découverte et de soi-même et du monde, le fruit que l’on croque, des bottes de sept lieues, une blanche robe de noce, une fille jeune et belle qu’un père autoritaire prétend marier selon ses propres désirs,… En début de spectacle cependant, un petit film projeté évoque sans ambiguïté « Les Musiciens de Brême », faisant défiler âne, chien, chat et coq en chemin vers la maison des voleurs, tout petit film en taille et en durée, annonciateur de l’odyssée de Poussière.
Il est assis tout au bord, tout au coin côté cour de la scène, immobile, comme une sombre statue qui dans la pénombre
Caroline Stella est allée puiser dans ses souvenirs d’enfance les restes des contes des frères Grimm qu’on lui racontait ou qu’elle lisait pour en faire un migan savoureux dans la mise en scène de Nelson-Rafell Madel. Il semble bien pourtant que l’élément essentiel autour du quel s’organise le plat soit le « Peau d’âne. », longtemps oublié parce que sa thématique, l’inceste père-fille, semblait trop sulfureuse. Qu’en est-il de ses réminiscences dans Poussière(s) ?
Dans un récent billet
— Par Roland Sabra —
— Par Christian Antourel & Ysa de Saint-Auret —
Mise en scène et scénographie Nelson-Rafaell Madel
Une femme seule, drapée dans la nuit. Elle attend. Flamme téméraire sous la pluie sauvage. Ses mots grondent, sa révolte déborde. Elle crie sa blessure à jamais ouverte, dénonce son destin avorté. Convoquant le passé, elle exhume le secret enfoui dans son corps flétri, son fardeau. Comment transcender les blessures de la vie ? Ici une femme attend l’heure de la vengeance. Elle attend l’homme, cette charogne. Elle l’attend avec dans sa main, l’orage et le glaive. Pépite du répertoire théâtral caribéen, le texte puissant et poétique de l’auteur haïtien Guy-Régis Junior résonne avec le mouvement mondial de libération de la parole des femmes, dénonçant harcèlement et violences sexuelles. Il vient clore le triptyque théâtral #Duels2Femmes de la compagnie TRACK, initié en 2016.
D’André Brink, je garde le souvenir ému d’une soirée au Grand Carbet de Fort-de-France, où il assista en compagnie de la réalisatrice Euzhan Palzy à la projection du film « Une saison blanche et sèche » qu’elle avait, avec l’autorisation de son auteur, adapté du roman éponyme. Aujourd’hui, l’Afrique du Sud nous revient en plein cœur, sur la scène de Tropiques-Atrium, par la grâce du spectacle « Au plus noir de la nuit » que le metteur en scène Nelson-Rafaell Madel nous apporte, après avoir connu le succès au Théâtre de la Tempête, à Paris. Une représentation en direction des scolaires, deux seulement en direction du public, cela semble hélas bien peu.
Avec Nelson Rafaell MADEL et Astrid MERCIER
Avec la crise de possession du corps de Fanta, la jeune bonne haitienne au service de la famille Maison, par l’esprit Vaudou de « Erzulie (Fréda) Dahomey », comme un javelot de feu qui déchire les ténèbres de la Mort et les entrailles de la résignation, la pièce de Nelson-Rafaell Madel écrite par Jean René Lemoine sous le titre de « Erzulie Dahomey, déesse de l’amour », après une longue démonstration de l’effondrement social d’une « famille de petits blancs», s’arrache enfin du plancher du Théâtre Aimé Césaire.
Texte de Jean-René Lemoine, M.E.S. Nelson-Rafaell Madel,