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Electre. Variation à partir de Sophocle

— Par Michèle Bigot —

electre« Si l’acte est beau, pourquoi le cacher dans l’ombre ? »

Tout commence par un dispositif inédit : devant les gradins, une salle de classe : une dizaine de tables d’écoliers avec leurs chaises qu’occuperont les spectateurs : leur font face trois tables de classe occupées par les acteurs. Huit comédiens arrivent, prennent place vis-à-vis des spectateurs. D’emblée le quatrième mur est démantelé et quelque trente spectateurs se situent dans un espace intermédiaire entre la scène et les gradins. C’est que le théâtre est toujours et avant tout une lecture de texte. Et nous voilà précipités dans un univers qui n’est ni tout à fait la vie, ni tout à fait le spectacle !
Le jeu des acteurs prend donc naissance dans une simple lecture. Mais peu à peu le texte s’empare du corps des acteurs. Les voici soulevés par la force intrinsèque des mots et des passions. La poésie du texte est un envol. Ils s’arrachent à leur siège, à leur lecture, pour vivre le texte lui-même. Nous emportant avec eux, tant ils incarnent leur personnage avec vigueur et justesse.

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« Vera » : du bricolage!

— Par Michèle Bigot —

vera_petr_zelenkaVera
De Petr Zelenka
M.E.S. Elise Vigier/Marcial Di Fonzo BO
Celestins-Théâtre de Lyon, 27/09>8/10 2016
Véra est la dernière pièce du dramaturge et cinéaste tchèque Petr Zelenka. Après traduction, Pierre Notte en donne une version pour la scène. Le thème est d’actualité, et il nous a été présenté au cinéma dans l’admirable film de Maren Ade Toni Erdmann. Hélas, la pièce de Petr Zelenka souffre énormément de la comparaison. Dans les deux cas, il s’agit de confronter une femme d’affaires ambitieuse à son père qui s’inquiète pour elle. Elle est entièrement intoxiquée par la logique néolibérale et se laisse dévorer par le système : il est un vieux sage, chantre de l’humanisme. Les deux femmes, Véra (dans la pièce) comme Ines (dans le film) seront victimes de la machine infernale du capitalisme mondialisé. Mais autant le film de Maren Ade est subtil, tout en nuances, jouant sur les non-dits, et plein d’empathie pour ses personnages, autant la pièce de Zelenka donne dans la caricature, les excès en tout genre et la simplification outrancière. Ses effets sont cousus de fil blanc et le déroulement implacable de l’intrigue est attendu de part en part.

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Le Dernier Testament

— Par Michèle Bigot —

le_dernier_testamentM.E.S. et adaptation Mélanie Laurent

Théâtre du Gymnase, Marseille, création le 20/09/2016

Après une carrière cinématographique bien remplie, comme actrice et réalisatrice (rappelons le tout récent Demain qui est encore sur nos écrans), Mélanie Laurent arrive au théâtre avec l’adaptation et la mise en scène d’un roman de James Frey intitulé Le Dernier testament de Ben Zion Avrohom. Ce texte évoque la venue d’un nouveau Messie dans le New-York d’aujourd’hui, du nom de Ben. A l’instar de celui de Galilée, il doit faire face à toutes les formes de la misère humaine, et le XXIè siècle offre une large palette de possibilités : violence, racisme, solitude, chômage, drogue, cynisme généralisé, large territoire, propice aux miracles !

Lui aussi est juif, issu d’une famille orthodoxe convertie à l’évangélisme. Lui aussi aura à lutter contre le fanatisme et le dogmatisme de ces nouveaux pharisiens. Il a du pain sur la planche ! Un homme seul, fort de sa seule humanité face à la misère des corps et des cœurs !

On aura compris ce qui a attiré Mélanie Laurent dans ce texte, pour lequel elle avoue sa fascination.

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Le dépeupleur

— Par Michèle Bigot —
le_depeupleur

Pour Serge Merlin, ce n’est pas une première : il a déjà interprété ce texte de Beckett en 1978 dans le off d’Avignon, avec Pierre Tabard, puis avec Alain Françon à l’Odéon. C’est toujours avec A. Françon qu’il revient sur scène hanter cet endroit impossible, ce « cylindre surbaissé ayant cinquante mètres de pourtour et seize de haut pour l’harmonie. Séjour où les corps vont cherchant chacun son dépeupleur. Assez vaste pour permettre de chercher en vain. Assez restreint pour que toute fuite soit vaine.»
Un petit peuple d’esclaves chercheurs arpentent sa base, circulent en rond, se cachent dans des niches et aspirent à rejoindre une sortie. Mais il n’y en a que deux, la première se dérobe au fond d’une niche mystérieuse et ne débouche que sur le néant, la seconde est au faîte du toit, mais totalement inaccessible. Un peu comme notre bas monde dont les deux seules issues seraient l’enfer hypochtonien ou le paradis de l’azur.
La mise en scène restitue l’angoisse engendrée par ce microcosme clos peuplé de captifs : une maquette creusée dans le sol reproduit à l’échelle cet univers carcéral, des petits sujets en bois y figurent les humains dans leur dérisoire activité, les cordes, les échelles, tout y est pour évoquer ce peuple de fourmis cherchant à sauver sa peau, et à échapper au « dépeupleur ».

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Antoine et Cléopâtre

— Par Michèle Bigot —
antoine__cleopatreTiago Rodrigues, teatro nacional D. Maria II
14/09-8/10
Avec Sofia Dias et Vitor Roriz
Nouveau directeur artistique du Théâtre National Dona Maria II à Lisbonne, Tiago Rodrigues est acteur, dramaturge, metteur en scène et producteur. Auteur, il écrit des scénarios, de la poésie et des chansons. Au théâtre, on le voit dans les créations du collectif belge tg STAN. En 2003, il fonde la compagnie Mundo Perfeito avec Magda Bizarro et est remarqué pour son approche nouvelle de la dramaturgie. Tiago Rodrigues a également monté les textes d’une génération émergente d’auteurs portugais.
Antoine et Cléopâtre, sa dernière création a été présentée au festival d’Avignon 2016, au théâtre Benoît XII. Quoique le motif soit puisé chez Plutarque, dont Shakespeare réalise la première adaptation pour la scène, suivi de Mankiewicz pour le cinéma, T. Rodrigues en propose une création originale, dont le texte ne rappelle Shakespeare que de loin et par bribes. Toute une tradition relatant l’impossible amour des deux héros trouve ici son aboutissement et l’héritage est assumé dans une forme théâtrale novatrice. Mettant à profit la caractère débridé et atypique de la pièce shakespearienne, T.

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Madinin’Art et le Festival d’Avignon 2016

avignon-2016Deux contributrices, Michèle Bigot et Dominique Daeschler, un contributeur, Selim Lander ont couvert pour Madinin’Art le Festival d’Avignon 2016. Près d’une soixantaine de spectacles ont fait l’objet de comptes-rendus. A chacun(e) son goût et sa manière. Si les constats sont souvent convergents, les interprétations proposées divergent et c’est tant mieux. Madinin’Art est très attaché à la diversité des regards et des analyses. LE THEÂTRE en majuscules n’existe pas mais des théâtres ancrés dans des pratiques, des cultures, des questionnements différents sont bien vivants. L’ensemble des critiques publiées dans ces pages est un éloge, une ode à la diversité. S’il est aussi un bon reflet de l’état du théâtre actuel, il est dans le même mouvement une confirmation qu’il n’existe pas de théâtre sans une exigence de qualité et que celle-ci est toujours le résultat d’un ouvrage sans cesse remis sur le métier et qui fuit comme la peste la suffisance, la complaisance, la facilité, la désinvolture…

L’excellence est fille de la confrontation à l’altérité, à la diversité. Le plus grand festival de théâtre(s) du monde est, comme le souligne son directeur, un acte de résistance qui « préfère applaudir les forces de la vie plutôt que se résigner à une minute de silence ».

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Medina Merika

— Par Michèle Bigot —

medina_merikaMise en scène, texte et musique de Abdelwaheb Sefsaf
Festival d’Avignon off 2016, Théâtre du Gilgamesh

Ceux qui ont manqué ce spectacle en janvier à la Maison des Métallos à Paris seront heureux de le retrouver à Avignon. On dira même que cette programmation s’imposait ! Merci au Théâtre du Gilgamesh, qui nous a gâtés, cette année ! Car le monde arabo-musulman et plus généralement oriental est à l’honneur au Festival d’Avignon : le In nous a gratifié d’un spectacle théâtral iranien (Hearing) sur Damas (Alors que j’attendais), d’un spectacle de danse libanais ( Fatmeh) . Le off n’est pas en reste. Dans sa chorégraphie intitulée We love Arabs, Hillel Kogan nous propose une rencontre inédite entre Juifs israéliens et Arabes israéliens. On a pu écouter également Place Tahrir, conçu par le conteur Jihad Darwihe à partir du témoignage de femmes égyptiennes. C’est un orient imaginaire que nous propose Abdelwaheb Sefsaf ; il n’en est pas moins une synthèse actuelle des aspirations du monde arabo-musulman telles que les ont exprimées les printemps arabes. Cette fable tragi-comique évoque successivement Beyrouth, Alger, Bagdad.

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La tête des porcs contre l’enclos

— Par Michèle Bigot —

la_tete_des_porcsPièce chorégraphique et texte de Marine Mane
Festival d’Avignon off 2016, Caserne des Pompiers, 9-26/07

Depuis plusieurs années, à la tête de la compagnie In Vitro, Marine Mane explore dans ses mises en scène les traces intimes qui dessinent les parcours individuels et collectifs. Son théâtre est un théâtre du corps, où la danse occupe une place prépondérante, accompagnée par des dispositifs sensoriels, visuels autant que sonores. La tête des porcs contre l’enclos est le fruit d’une écriture personnelle. Sa création date de 2015. Il s’agit d’une œuvre scénique où se mêlent plusieurs genres artistiques : le plasticien, le musicien, les danseurs-acrobates, les acteurs ont conjugué leur effort pour produire un spectacle total. Il s’agit de cartographier la mémoire d’une enfant blessée. Non pas de raconter un traumatisme mais d’en parcourir les traces : mémoire du corps, empreinte sensorielle, la mémoire effectue son travail en direct sur le plateau, restituant des impressions, des images, des émotions.
Une voix off surgit, qui nous dit à quel point les mots peinent à exprimer les affects liés au traumatisme.

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Iliade

— Par Michèle Bigot —

iliadeD’après Homère

Mise en scène : Pauline Bayle

Festival d’Avignon, off 2016, La Manufacture, 6-24/07

Le spectacle commence dans la cour de la Manufacture ; les spectateurs sont en train d’attendre l’entrée quand débarquent parmi eux d’abord Achille, puis Agamemenon.

Déroute dans la foule ; étonnement, incrédulité ! Le rôle d’Achille est interprété par une jeune femme d’une rare énergie. Soudain, confondu dans les rangs des spectateurs, surgit Diomède, qui tente d’apaiser les conflits. Achille est en colère parce qu’Agamemnon lui a volé sa prisonnière, la belle Briséis. Il a ainsi porté atteinte à son honneur devant toute l’armée grecque. Le conflit est inévitable. Achille se retire dans sa tente ; il jure de ne plus participer aux combats qui opposent les Grecs aux Troyens.

Comment faire revivre cette légende épique aujourd’hui , ce poème plein de bruit et de fureur et de sang ? On a bien réussi avec le Mahabharata, pourquoi pas avec l’Iliade ? telle est la gageure.

Pauline Bayle relève le défi, en compagnie des remarquables comédiens de sa compagnie, « A Tire d’Aile ».

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Tous contre tous

— Par Michèle Bigot —

tous_contre_tousTexte de A. Adamov, mise en scène et scénographie : Alain Timar
Festival d’Avignon, off 2016, Théâtre des Halles, 6-28/07

Le texte d’Adamov est adapté en coréen, puis traduit en français. Cette curieuse alchimie n’est pas inintéressante : son moindre mérite n’est pas d’actualiser un texte dramatique, qui, sans cela paraîtrait aujourd’hui historiquement daté, d’une facture trop classique pour les oreilles des contemporains habituées à des récits polyphoniques et à des textes pluriels, plus denses et bigarrés. Ici la ligne du récit est monophonique et purement chronologique. Il sent la facture des années cinquante. Ce n’est pas vraiment une pièce à thèse, mais le propos politique y est très explicite et didactique. La mise en scène d’Alain Timar sauve le spectacle à force de scénographie et de chorégraphie. Ce qui manque de couleur, de rythme et de variation dans le texte est largement compensé par la dramaturgie. Le second mérite est d’avoir réactualisé un texte au niveau politique. Certes, le texte lui-même n’est pas dépourvu de portée universelle, racontant les conflits qui opposent, au sein d’un pays indéfinissable, réfugiés et population d’accueil.

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Tirésias

— Par Michèle Bigot —

tiresiasTexte et mise en scène Philippe Delaigue

Création sonore et musicale Philippe Gordani

Festival d’Avignon, off 2016, Théâtre Gilgamesh, 7/30/07.

Dans son antre intemporel, le vieux Tirésias, rend ses oracles par internet, assisté par sa fille, Manto. Il a tout du vieillard fatigué. Pourtant, dans sa jeunesse, par la magie des aventures mythologiques, il a été femme. C’est cette condition d’androgyne qui lui valut de trancher dans la querelle entre Zeus et Héra, lesquels se disputaient pour savoir qui des hommes et des femmes connaissait le plus de plaisir. Héra se venge sur lui d’un jugement qui lui a déplu en le rendant aveugle. Zeus le dédommage en lui offrant le don de prophétie.

Un jour, via Internet, Léo, un jeune homme désespéré, le consulte sur la meilleure façon de mettre fin à ses jours. Tirésias puise alors dans les Métamorphoses d’Ovide le récit de plusieurs morts possibles. Toutes paraissent horribles au jeune homme, qui perd peu à peu le désir de mourir.

Tirésias, ayant obtenu le Zeus une longévité harassante, le voici propulsé dans le XXIème siècle ; réjouissante actualisation du mythe !

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Un Batman dans ta tête

— Par Michèle Bigot —

De David Léon

Mise en scène : Hélène Soulié

Avec Clément Bertani

Festival d’Avignon, off 2016, Artéphile, 7-30/07

On n’en sort pas indemne. David Léon n’en finit pas d’explorer les dérangements de l’esprit. Dans un monologue traversé par nombre de paroles étrangères, Matthieu, un adolescent schizophrène nous dévoile le cheminement qui le conduit de l’enfance d’un garçon mal aimé au délire violent de l’adolescent éperdu. Son seul compagnon d’errance est une figure de Batman, qui lui tient lieu d’alter ego, d’inspirateur et de mentor. Batman représente pour lui la figure idéale du pouvoir et du dépassement de soi.

Loin des criailleries de celle « qui ne voulait pas être une maman », parfois accompagné de son double, Matthieu s’isole dans son délire. Le texte du monologue suit le mouvement ; passant de la narration aux paroles rapportées, il se présente comme un patchwork de voix, qui résonnent dans l’esprit de Matthieu. Chaos d’idées, de sensations, de souvenirs, sa tête est la caisse de résonnance des émotions qu’il n’a pas su contrôler. Alors Matthieu se réfugie derrière sa console, à l’abri de la fureur du monde.

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Du béton dans les plumes

— Par Michèle Bigot —

du_beton_ds_les_plumesFestival d’Avignon, off 2016, La Manufacture, 6-13/07/2016

Ecriture et mise en scène : Axel Cornil

Scénographie : Thomas Delord

Dramaturgie : Meryl Moens

 La terre façonne les hommes. Même quand celle-ci est cachée sous la pierre, le bitume ou l’asphalte, même quand elle est meurtrie. Surtout quand elle est meurtrie.

Ce préambule, extrait du texte d’Axel Cornil, donne le ton de ce spectacle, du moins en partie, car autant le texte peut être grave et poétique pour évoquer cette région de Mons, dévastée par l’industrialisation puis la désindustrialisation, ravagée par les guerres, où la jeunesse se désespère et ne rêve que d’ailleurs, autant il peut être drôle, féroce et dérangeant.

Quatre comédiens fougueux se partagent le rôle de Pétrone, jeune homme de 25 ans aux prises avec une impossible succession. Il hérite en bloc des guerres, des mutilations, des sacrifices, des désespoirs conjugués et d’une maison en ruine. Sa famille elle-même est en ruine. Fils d’un architecte déchu du nom d’Icare, et d’une mère noyée dans l’alcool, nommée Europe, aussi dévastée que le continent du même nom.

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We love Arabs

we_love_arabsSpectacle chorégraphique
Texte et chorégraphie Hillel Kogan
Interprètes : Adi Boutrous, Hillel Kogan
Festival d’Avignon off, La Manufacture 6-24/07/2016

Voici certainement la meilleure surprise du off 2016 ; elle ne nous vient pas du théâtre à proprement parler, mais de la danse. En tout cas, de ce genre de spectacles dans lesquels se marient heureusement texte, danse, lumière et musique. On peut parler ici de véritable texte, quoique celui-ci ne soit pas toujours parlé. Ainsi le préambule, où Hillel Kogan est encore seul en scène, nous fait part des difficultés que peut éprouver un auteur à exprimer. Exprimer quoi ? Exprimez comment ? C’est bien la question que l’auteur traduit dans un langage corporel, soutenu par l’énonciation de quelques paroles articulées à grand peine. Le jeu des mains, qui miment la difficulté d’exprimer, traduit dans l’espace ce que la parole peine à exprimer dans le temps. Rétrospectivement, on comprendra que la difficulté tient à toute création mais aussi au thème abordé : comment vivre avec les Arabes quand on est un Juif de Tel Aviv ? Et qui est cet Arabe tant redouté ?

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Nadejda

— Par Michèle Bigot —

nadejdaNadejda
Une œuvre scénique de Jacques Kraemer
En collaboration avec Aline Karnauch
A partir des souvenirs de Nadejda Mandelstam (contre tout espoir)
Et des textes de Ossip Mandelstam (Poèmes et proses)
Avec Aline Karnauch et Jacques Kraemer
Après avoir publié une première pièce, mettant en scène Ossip Mandelstam, Trois nuits chez Meyerhold, J. Kraemer revient sur l’écriture poétique de Mandelstam, en tant qu’elle est liée au destin tragique qui fut le sien. Poète précurseur de la modernité russe, il participe dès 1912 avec Anna Akhmatova à la fondation du mouvement Acméiste. Il publie essais et recueils de poésie dès l’année suivante. Figure emblématique de l’opposition à Staline, en raison de la diffusion inopinée de son Epigramme contre Staline, « Le Montagnard du Kremlin », il connaîtra l’exil le bannissement. Brodsky dit de lui que c’était le plus grand poète russe du XXème siècle, il n’en finira pas moins ses jours en 1938, au camp de la Kolyma, d’épuisement et de faim.
Poursuivi, harcelé, arrêté à plusieurs reprises par le NKVD, il ne peut plus rien publier.

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Toute ma vie, j’ai fait des choses que je ne savais pas faire.

— Par Michèle Bigot —
toute_ma_vieDe Rémi De Vos,
Mise en scène Christophe Rauck
Avec Juliette Plumecocq-Mech
Festival d’Avignon, La Manufacture 6-24/ O7/2016

A la demande de Christophe Rauck, Rémi De Vos a écrit un monologue pour la comédienne Juliette Plumecocq-Mech. Ce trio n’en n’est pas à son coup d’essai. Pur produit du Théâtre du nord, qui n’en finit pas de nous conter les affres du pays noir, sans jamais donner dans la couleur locale. Les personnages de Rémi De Vos (on se souvient de Occident) sont souvent de simples quidam attablés dans un pauvre rade, à noyer leur mal-être dans une chope de bière. C’est le monde qui vient à eux, le plus souvent sous des formes violentes. Cette fois-ci, un client boit sa bière tranquillement dans son coin dans un bar plutôt désert ; le patron est parti faire un peu de rangement dans l’arrière-boutique, quand entre un malabar, qui vient agresser directement notre homme sans autre forme de procès. Juste parce qu’il lui trouve une gueule qui ne lui revient pas. Il bloque l’entrée en encadrant la porte et se livre à un déluge d’injures en bonne et due forme.

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« Buffet à vif » : une chorégraphie de la démolition

—Par Michèle Bigot —

buffet_a_vifBuffet à vif

Marguerite Bordat, Raphaël Cottin, Pierre Meunier

Théâtre de la Bastille, 15/ 06-1/07 2016

Pierre Meunier est un habitué du Théâtre de la Bastille. On a pu y voir dans les années passées Le Tas (2002) Sexamor (2010) Du fond des gorges (2011), et La Bobine de Ruhmkorff (2013). On connaît son univers si poétique dans son obsession de matérialité. Pierre Meunier se heurte à la matière, ou plutôt il s’y confronte. Il récidivera la saison prochaine (toujours en collaboration avec Marguerite Bordat) pour présenter Forbidden di sporgersi (d’après Algorithme éponyme de Babouillec).

Déjà en 2003 avec Le Tas, la confrontation tournait à l’acharnement : P. Meunier fait sa fête (dans tous les sens du mot) au « tas ». Il n’a pas trop d’une masse pour s’attaquer à un tas. Un tas de quoi ? peu importe : un tas ! qu’il s’agit d’entamer, voire de pulvériser si c’est possible. On verra bien ce que peut l’homme seul face aux lois de la matière. En tout cas détruire le tas, c’est le mettre à mal, mais c’est aussi l’explorer.

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Quand j’étais Charles

— Par Michèle Bigot —

qd_j_etais_charlesTexte et mise en scène de Fabrice Melquiot

Avec Vincent Garanger

Le Préau CD de Normandie-Vire

Quand j’étais Charles, la pièce de F. Melquiot, mise en scène par ses soins vient de connaître sa dernière représentation (24/05/2016) au théâtre du Préau à Vire, après une création en 2013 dans le Bocage normand dans le cadre du PNR (Pôle National de Ressources du spectacle vivant en milieu rural) et à Vire et deux années de tournée, où elle a connu un succès toujours renouvelé (Avignon en 2014, Neuchâtel, Nancy, Thionville, Le Havre, Saint –Denis, Colmar, Marseille, Saint-Étienne en 2015). Si je vous en parle ici c’est parce qu’on espère bien que cette dernière n’était que provisoire et qu’une nouvelle tournée aura lieu.

Vincent Garanger est seul en scène, il interprète le rôle de Charles, le mari amoureux et mal-aimé de sa femme Maryse. La scène se passe à Clamecy, dans ce qu’on appelle la « France profonde ». Charles est un commercial spécialisé dans la vente de machines agricoles. Mais sa passion c’est le karaoké, et plus précisément l’interprétation des chansons de Charles Aznavour.

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Voyage dans les mémoires d’un fou

— Par Michèle Bigot —

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Voyage dans les mémoires d’un fou

Lionel Cecilio, auteur , metteur en scène et interprète

Les Déchargeurs, Paris, 12-30 avril 2016, en tournée actuellement

Déjà présenté dans les festival off d’Avignon, le spectacle de Lionel Cecilio continue sa carrière, lentement peut-être, en tout cas sûrement. Le succès ne se mesure pas à la jauge de la salle ni à sa célébrité , mais à la longévité du spectacle. C’est tout le paradoxe du théâtre, éphémère et pérenne, éphémère par essence mais capable de revivre longtemps de ses propres cendres.

Dans le cas qui nous occupe, on affaire à une scène intime et les grandes salles aux jauges impressionnantes ne lui conviendraient pas. Car ce Voyage dans les mémoires d’un fou tient de la confidence. Son interprète s’adresse à chaque spectateur pris isolément. Seul en scène, le comédien interpelle chacun d’entre nous. Mais cette adresse se manifeste par le truchement d’une scène d’écriture. Seul dans sa modeste chambre, un jeune homme entreprend d’écrire ses mémoires, l’histoire amère et désabusée d’ « un cœur navré d’amertume ». Le spectateur endosse alors le rôle du lecteur imaginaire, le complice auquel on peut confier ses déceptions car on sait qu’il partagera la même émotion.

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« Nos serments »? destinés à être violés…

— Par Michèle Bigot —

nos_sermentsNos serments

m.e.s. Julie Duclos

texte de Guy-Patrick Sainderichin et Julie Duclos

par la Cie L’In-quarto,

La Colline, Paris, 7-22/04/2016

Cette pièce au titre énigmatique est librement adaptée du film de Jean Eustache, La Maman et la Putain. Elle en reprend sans contrainte la thématique principale, celle des utopies amoureuses, telles qu’elles ont pris naissance dès les années 50 avec Sartre et Beauvoir et telles qu’elles ont été expérimentées par la jeunesse dans les années 70. En fait, le titre est inspiré par ce pacte que conclurent Sartre et Beauvoir, un engagement réciproque aux termes duquel chacun se devait non seulement de ne pas mentir à l’autre, mais de ne rien lui cacher ( La Force de l’âge).

Sans forcément en prendre une claire conscience, ils faisaient suite à une tradition bien établie dans la littérature française depuis Marivaux et sa Dispute. Aussi la pièce est-elle traversée par le souvenir de tous ces débats, et véhicule-t-elle toute une série d’échos, qui parcourent la littérature, mais aussi le théâtre et le cinéma. Si les auteurs font explicitement référence à Eustache, Sartre, Beauvoir et Marivaux, il n’en reste pas moins vrai qu’ils sont également redevables à Rohmer et à Bergman.

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La Traversée Invasion !

— Par Michèle Bigot —

la_traverseeAutour de la figure féminine noire, l’Afropéenne Eva Doumbia avec sa
compagnie La Part du Pauvre / Nina Triban, envahit le théâtre autour de
trois spectacles et trois grands textes.
Insulaires (création) de Jamaïca Kincaid, Fabienne Kanor
La vie sans fards (précédé de) Ségou d’après Maryse Condé
La grande chambre de Fabienne Kanor

L’afropéenne Eva Dumbia, metteure en scène et sa compagnie  La part du pauvre/ Nina Triban et le théâtre de la Criée à Marseille nous proposent une traversée depuis les rivages africains de Sedou jusqu’au port négrier du Havre, en passant par les Antilles. Eva Dumbia présente ici trois spectacles et cinq grands textes, qu’elle revisite, adapte ou met en scène. Il s’agit de Insulaires ou Seul l’impossible pourra m’apaiser, spectacle créé à la Criée d’après des textes de Jamaïca Kincaid et Fabienne Kanor, La Vie sans fards précédé de Ségou d’après le récit autobiographique et le roman de Maryse Condé, et enfin La Grande Chambre mise en scène d’un texte de Fabienne Kanor (A Small Place).

Les trois volets du triptyque ont en commun d’articuler des destins et des paroles de femmes Noires.

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« Occident »

— Par Michèle Bigot —
occidentTexte de Rémi de Vos,
m.e.s. Dag Jeanneret, production de la Cie In situ
Théâtre Joliette Minoterie, Marseille, 10-12/03/2016

Cette pièce de Rémi de Vos ne date pas d’hier ; écrite et publiée en 2006, elle a été montée par Dag Jeanneret dès 2008 et depuis, elle a tourné sur différentes scènes parmi les plus importantes : TGP de Saint-Denis, Théâtre du Rond-Point, Théâtre des Halles à Avignon. Cependant, elle trouve aujourd’hui une actualité toute particulière, du fait du lien qu’elle institue entre la dimension politique et la dimension psychologique.
En effet le titre « Occident » renvoie autant au nom du groupuscule d’extrême droite de sinistre mémoire, qu’aux mœurs occidentales en matière de vie de couple et de sexualité. De ce fait, « occident » s’impose à la fois comme un emblème du rejet de l’étranger, spécialement arabe et comme moment de crise dans la vie du couple occidental. Les deux aspects étant intimement reliés à travers les propos racistes, haineux et misogyne du personnage masculin (interprété avec brio par Christian Mazzuchini, qui prend le relais de Philippe Hottier).

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« Elisabeth II » : un spectacle aussi noir que jubilatoire

— Par Michèle Bigot —

elizabeth_II_denis_lavantElisabeth II,
Non Comedie
Thomas Bernhard,
M.E.S. Aurore Fattier
Théâtre du Gymnase, Marseille 13-23/10/2016

Aurore Fattier, qui n’a pas coutume de reculer devant les textes difficiles et/ou provocateurs propose depuis décembre 2015 (création de la pièce au Théâtre de Namur qui en assure la production) l’avant-dernière pièce de Thomas Bernhard, farce burlesque et tragique dont l’histoire est aussi rocambolesque que son sujet est épineux.
En effet la pièce fut écrite en 1987, et refusée au Burgtheater par Claus Peymann qui a pourtant créé la plupart des pièces de l’auteur. Profondément blessé par ce refus et par le scandale que déchaîna le succès de Heldenplatz, en raison des tirades venimeuses contre l’Autriche que contenait la pièce, Thomas Bernhard se venge en rédigeant son testament en février 1989 : « Je souligne expressément que je ne veux rien avoir à faire avec l’Etat autrichien, et je refuse non seulement toute immixtion, mais encore tout contact de cet Etat autrichien en ce qui concerne tant ma personne que mon travail, à tout jamais ».
Mais comme le montre Adrien Bessire (« Refuser pour mieux passer- Le théâtre de Thomas Bernhard : 10 ans d’interdiction en Autriche (1989-1998), Les chantiers de la création, 5.2012) il faut considérer cette interdiction comme « un acte politique qui dénonce la persistance en Autriche des idées nazies ».

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La Trilogie Camille Claudel, Thérèse d’Avila, Sarah Kane

 

— Par Michèle Bigot —

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Après avoir présenté séparémént trois soirs de suite les trois volets de la trilogie, Charles Gonzalès en a donné l’intégralité le 18/12, au Théâtre des Halles à Avignon.

Dans son texte intitulé Vers un théâtre d’ambre, Charles Gonzalès fait le récit de cette trilogie, de sa genèse et de l’aventure humaine et théâtrale que sa création et son interprétation ont constituée. La genèse en est elle-même une véritable Odyssée, recoupant et traversant les tragédies du siècle passé et du siècle présent. Placée sous le signe de l’asile d’aliénés de Montdevergues, pendant les trente ans passés dans cet enfer où le mistral réveille les cauchemars des pensionnaires, cette tragédie dont l’idée a germé par hasard le soir même du 11 septembre 2001, à la faveur de la lecture d’une lettre écrite par Camille Claudel à l’atelier théâtre de la rue du Plateau, nous est revenue en décembre en Avignon, dans un theâtre où rôdent encore les âmes de Camille, de Thérèse et de Sarah, parce qu’il tient de la chapelle envahie de mistral, de la cloture du cloître et tout ensemble d’un sanctuaire de théâtre.

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« Splendid’s » de Jean Genet, M.E.S Arthur Nauziciel

— Par Michèle Bigot —
splendid_sSpectacle créé en janvier 2015 au CDN d’Orléans,
En tournée à Marseille, la Criée du 3 au 5/12/2015
Présenté à Paris, La Colline du 17 au 26 mars 2016

Arthur Nauziciel nous propose un texte de J.Genet, écrit entre 1944 et 1948, et renié ensuite. C’est une époque où il faisait régulièrement des séjours en prison, avant de bénéficier de la grâce présidentielle. Ce texte mystérieux se présente comme une cérémonie d’adieu à l’univers des gangsters sublimes ; A. Nauziciel a eu une idée lumineuse, celle de faire précéder la pièce d’un film tourné par Genet lui-même, Un chant d’amour(1950), qui est le pendant cinématographique de cette pièce, en ce qu’il constitue aussi un hymne au prisonnier, au voleur, à l’assassin, l’eidos du hors la loi, dans toute la poésie, la sensualité et l’érotisme de son corps magnifié. Tourné en noir et blanc, considéré à l’époque comme touchant à la pornographie, le film s’est heurté de plein fouet à la critique et s’est distribué sous le manteau. Le film, quoique muet, obéit aux codes du théâtre, fermement bordé par le cadre des trois unités de lieu, d’action et de temps.

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