237 search results for "Michèle BIGOT"

« La nuit spirituelle » Texte de Lydie Dattas, lu par Macha Makeïeff,

— Par Michèle Bigot —
la_nuit_spirituelleThéâtre de la Criée, Marseille,
5/12/2015

Macha Makeïeff a eu l’heureuse inspiration de faire précéder le spectacle de Nauziciel par la lecture d’un texte stupéfiant de Lydie Dattas, intitulé La nuit spirituelle.
L’histoire de ce texte touche au plus près à l’histoire de Genet et de sa création littéraire: voici en quels termes la poétesse le présente :
« Un jour j’ai trouvé Jean Genet assis dans mon fauteuil. Alexandre l’avait rencontré dans la rue, et sachant mon admiration juvénile, l’avait invité chez nous. Le poète ne tarda pas à s’installer dans l’appartement voisin. Le soir même j’entrai joyeusement dans sa chambre pour discuter avec lui, exprimant sans censure mes désaccords à celui dont l’œuvre avait bouleversé mes seize ans. Genet devint de glace. Le lendemain il signifia à Alexandre mon bannissement : « Je ne veux plus la voir, elle me contredit tout le temps. D’ailleurs Lydie est une femme et je déteste les femmes. » Cette parole qui me rejetait dans la nuit de mon sexe me desespéra. Trouvant mon salut dans l’orgueil, je décidai d’écrire un poème si beau qu’il l’obligerait à revenir vers moi.

→   Lire Plus

« Armine, sister » dans une mise en scène de Jaroslaw Fret

— Par Michèle Bigot —

Le spectacle est précédé d’une rencontre avec Ludwig Flaszen, animée par Georges Banu, avec Thomas Richard et Jaroslaw Fret. La rencontre est suivie de la projection de la captation cinématographique d’Akropolis, mis en scène par Jerzy Grotowski, à Wroclaw en 1962.

Grotowski aujourd’hui encore
La rencontre organisée par Ph. Adrien autour de Ludwig FLashen est un hommage à Grotowski, dont l’occasion était offerte par la publication du livre de L. Flaszen intitulé Grotowski et l’invitation au Théâtre de la Tempête de la « performance theâtrale » de Jaroslaw Fret. L. Flashen, critique dramatique et écrivain, est une des personnes les plus autorisées à témoigner de l’histoire et des pratiques théâtrales de Grotowski, puisque, dans les années 1950, il fut avec lui à l’origine de la création du Theâtre des 13 rangs à Opole, qui deviendra le Teatr Laboratorium. C’est donc un grand moment d’émotion pour les spectateurs parisiens d’assister à cette rencontre et d’entendre de vive voix ses souvenirs et son témoignage. C’est aussi l’occasion de constater que la voie ouverte par Grotowski est poursuivie par ses disciples non moins en Pologne (ce dont témoigne le travail de Jaroslaw Flet autant que ses propos) que dans l’ensemble de l’univers du théâtre occidental.

→   Lire Plus

Te haré invencible con mi derrota

— Par Michèle Bigot —

te_hare_invencible_con_mi_dTexte, MES et jeu : Angelica Liddell
2/3/10/2015, La Criée, Marseille

Sous ce titre (« Je te rendrai invincible par ma défaite »), Angelica Liddell et sa troupe de l’Atra Bilis Theatro frappe une fois de plus un grand coup sur la scène théâtrale française. Plus que dans d’autres mises en scène, celui-ci perturbe le spectateur en profondeur, non moins que les codes du théâtre. Le meilleur signe en est qu’Angelica est ici seule en scène dans un spectacle qu’elle a écrit et dont elle signe la mise en scène, et qui par ailleurs témoigne très intimement de son vécu. Peut-on encore parler ici de « représentation » ? La question se pose de façon insistante et d’autant plus que l’actrice/metteure en scène ne vient pas saluer le public à la fin. D’ailleurs le spectateur se demande s’il est pertient et convenable d’applaudir. Le silence finit par envahir la scène et les gradins et c’est la seule fin qui s’impose après une telle cérémonie. Car c’est plutôt à un rituel que nous venons d’assister. Rituel funéraire, scène de spiritisme, communication avec les morts, exorcisme de la douleur, voilà les références qui s’imposent.

→   Lire Plus

Le bizarre incident du chien pendant la nuit

— Par Michèle Bigot —

bizarre_incidentLe bizarre incident du chien pendant la nuit
D’après le roman de Mark Haddon
MES Philippe Adrien
Du 11/09 au 18/10 2015-09-19 Théâtre de la tempête, 75012 Paris

En nous racontant l’histoire de Christopher, jeune garçon autiste, Philippe Adrien a choisi de mettre de côté le répertoire des passions tristes pour se tourner vers un registre drolatique. Sur les conseils d’une amie comédienne, il s’intéresse au roman de Mark Haddon The curious incident of the Dog in the Nigt-Time, adapté à la scène par Simon Stephen.
Il s’agit donc ici d’un théâtre récit, ouvert sur la dimension mentale offerte par le thème de l’autisme. Théâtre récit, car il s’agit bien de nous raconter un événement et les répercussions que cet événement entraîne dans les esprits, notamment dans l’esprit de Christopher.
Un matin Christopher découvre que Wellington, le chien de la voisine a été massacré à la fourche. En véritable adepte de Sherlock Holmes, Christopher se met en tête de découvrir l’identité de l’assassin, en dépit de l’interdiction paternelle. En tant qu’autisme atteint du syndrome d’Asperger, il est pourvu d’un sens de la logique et d’une intelligence incomparables, mais toutes ces qualités se heurtent tellement au bon sens de la vie quotidienne qu’elles vont entraîner des difficultés énormes et des malentendus comiques.

→   Lire Plus

« L’Affamée », le désarroi amoureux comme un pouvoir sur le monde…

—Par Michèle Bigot —

l_affamee-2L’Affamée,

D’après Violette Leduc,

Festival d’Avignon off, Espace Roseau,

4-26 juillet 2015-07-21

MES et jeu : Catherine Decastel

La Compagnie des Myosotis nous propose ici le premier volet d’un triptyque forgé autour des trois premières oeuvres (L’affamée, Ravages et L’asphyxie) de Violette Leduc, figure féminine et littéraire du XXè siècle dont on redécouvre l’importance aujourd’hui. Son écriture, fiévreuse et passionnée sans rien perdre de son acuité et de sa justesse verbale, parvient à nous faire ressentir par le détail les affres de la passion amoureuse : tourments et éblouissement du désir féminin.

Ce premier volet est consacré à l’amour malheureux que L’auteure portait à Simone de Beauvoir. Comment porter sur le plateau un tel sentiment, sinon par le seul verbe ? Il est vrai que l’incandescence de l’écriture est déjà en soi un objet théâtral fascinant, sans qu’il soit besoin de lui ajouter décor, lumière ou musique ! Pourtant la formidable trouvaille de la Compagnie des Myosotis a été de faire porter ce texte par un corps féminin, qui déploie le verbe dans sa matérialité charnelle.

→   Lire Plus

« The great disaster » de Patrick Kerman,

MES Anne-Laure Liégeois
Festival d’Avignon, juillet 2015, La Manufacture

the_great_disaster— Par Michèle Bigot —

Voici surement le spectacle le plus original qu’il nous ait été donné de voir dans le off à Avignon ; et aussi le plus audacieux. La gageure repose moins sur le texte que sur la mise en scène, la plus minilaiste qu’on puisse imaginer.
Alors de quoi s’agit-il ? Le texte est le récit par une de ses victimes du naufrage du Titanic, le 14 avril 1912. Giovanni Pastore, travailleur italien clandestin, recruté pour travailler à la plonge, et plus particulièrement pour nettoyer les 3177 petites cuillers, est enfermé dans les troisièmes classes, avec les autres travailleurs qui n’auront pas la moindre chance de s’en sortir et vont périr noyés, prisonniers de la ferraille. Il revient en pensée sur sa vie : descendu des montagnes du Frioul, il va s’exiler comme nombre de ses compatriotes à la recherche d’un avenir meilleur. Il traverse la France où il est fort mal accueilli, l’Allemagne, en changeant de nom au gré des pays traversés : Giovanni Pastore devient donc Jean Berger, John Shepherd, Hans Schäfer, et finit par trouver du travail sur le paquebot Titanic, en route vers l’Amérique de ses rêves.

→   Lire Plus

Femme non rééducable

De Stéphano Massini
MES : Vincent Franchi

— Par Michèle Bigot —

femme_non_reeducableLa compagnie Souricière, créée en 2008 avec la vocation de défendre un théâtre de texte, s’est lancée avec Marat-sade de Peter Weiss en 2009. Après l’avoir présentée en octobre 2014 au théâtre de Lenche à Marseille, elle nous propose aujourd’hui, au théâtre du Balcon, dans le cadre du off du Festival d’Avignon, Femme non-rééducable, une pièce de Stéphano Massini.
Cette pièce a été jouée naguère dans une mise en scène d’Arnaud Meunier , avec Anne Alvaro dans le rôle d’Anna. Dans cette nouvelle mouture, mise en scène par Vincent Franchi, elle est magistralement interprétée par la comédienne Maud Narboni, endossant avec ferveur le rôle d’Anna Politkovskaïa, et son comparse Amine Adjina, qui lui donne la réplique dans tous les autres rôles.
Proche du théâtre documentaire dont elle hérite la structure fragmentaire, la pièce n’en reste pas moins une véritable tragédie dans sa composition, son intensité dramatique et la force de son héroïne, qui rejoint les grandes figures de la tragédie grecque, les grandes sacrifiées au pouvoir d’Etat : en voyant la passion de la vérité qui l’anime on pense à Antigone ; le sacrifice de soi évoque Alceste.

→   Lire Plus

Shakespeare à Avignon

Le roi Lear, MES : Olivier Py
Richard III, MES : Thomas Ostermeier

richard-III— Par Michèle Bigot —
Shakespeare a toujours été à l’honneur à Avignon, et certains cadres lui conviennent particulièrement: c’est bien sûr le cas pour la cour d’honneur du Palais des papes, ou encore la carrière de Boulbon, mais cette année aucun spectacle n’est donné dans la carrière en raison de la baisse des subventions. L’opéra grand Avignon est également un lieu propice aux mises en scène de Shakespeare en raison de sa taille, de son histoire et de la profondeur de sa scène. Un certain prestige s’attache à ces mises en scène, qui en général font date et attirent les faveurs du public. Les metteurs en scène sont conscients de ces enjeux, parfois douloureusement : voici ce que dit Olivier Py à propos de la cour d’honneur : « La cour d’honneur propose également son esthétique : il faut jouer la cour. Elle impose un combat avec les éléments , avec le ciel, avec la parole. Si on ne s’adresse pas au ciel on perd les vingt derniers rangs.

→   Lire Plus

« La Folie Lacan » : une vraie réussite

— Par Michèle Bigot —
folie_lacanSous ce titre délicieusement polysémique, où l’attelage du déterminant au déterminé produit des connotations maoïstes dans le goût des années 70, Philippe Boyau nous présente un spectacle relevant du théâtre documentaire dans sa meilleure et sa plus actuelle tradition.
Le texte résulte d’un montage à partir de présentations de malades que Jacques Lacan, Le psychanalyste et théoricien que l’on sait, homme de théâtre s’il en est faisait à l’hôpital Ste Anne. Mais c’est surtout le clinicien que l’on a cherché à faire revivre ici, dans une relation sensible à l’autre, avec une écoute, une manière de questionnement, une insinuation, une approche douce mais insistante, une façon habile de scander la parole du patient par des reprises, des échos, des questions, bref tout un art digne de la maïeutique.
La troupe a travaillé à partir du texte dactylographié de ces présentations : potentiellement théâtral à la fois par sa structure dialogale et par son statut de représentation devant un public, le matériau demandait à être théâtralisé dans sa forme : il a fallu styliser, couper les redites, trouver un rythme, un tempo, une progression dramatique pour passer sur scène.

→   Lire Plus

« Page en construction » : juste, sensible intelligent et drôle

— Par Michèle Bigot —

pages_en_constructionQue peut-on dire aujourd’hui de l’Algérie d’aujourd’hui? Qu’en disent les Français et qu’en disent les Algériens eux-mêmes ? Et quand on veut en parler, sur quel ton et sur quel mode ? Parler de la guerre, parler des exactions du GIA, de la persécution des journalistes, ou bien du vécu des enfants d’immigrés en France, de la discrimination et du racisme ordinaire, de l’emprise du fondamentalisme? Les sujets ne manquent pas, mais tout cela est à haut risuque et puis tout cela peut-il faire un objet théâtral ?
Voilà le défi que le metteur en scène et comédien Kheireddine Larjam a réussi à relever avec bonheur. Il a fait appel au dramaturge Fabrice Melquiot pour donner forme théâtrale à ce texte intitulé « page en construction ». Titre programmatique pour une pièce de théâtre qui se présente à bien des égards comme « work in progress », qui cherche sa forme en avançant et la trouve peu à peu de façon convaincante. Au moyen de techniques éprouvées telles que l’interpellation du public, la réflexivité, le recours à des hors-scènes tels que la vidéo, la BD, la musique instrumentale, efficaces parce que intégrés à l’histoire et complexifiant la structure dramatique sans la faire imploser, une forme singulière se dessine peu à peu.

→   Lire Plus

« Aux corps prochains » : résolument novateur!

— Par Michèle Bigot —

aux_corps_prochainsAux corps prochains
(Sur une pensée de Spinoza)
Mise en scène de Denis Guénoun et Stanislas Roquette,

La pensée de Baruch Spinoza est dans l’air du temps ; elle fait écho à nos questionnements. En témoignent le roman d’Irvin Yalom Le problème Spinoza, les travaux de Frédéric Lordon et la dernière création de Denis Guénoun. On sait que D. Guénuon, qui est philosophe mais aussi metteur en scène et dramaturge, a déjà tenté avec sa troupe (Artépo, créée en 2007) de jeter un pont entre le texte philosophique et la scène : on lui doit Le banquet de Platon (2008) et plus récemment Les pauvres gens de V. Hugo créé au festival d’Avignon en 2014.
La proposition théâtrale intitulée Aux corps prochains est résolument novatrice : on ne sait s’il faut parler à son propos de pièce de théâtre ou de performance (sauf à entendre « pièce de théâtre » dans l’acception la plus littérale du terme). Il s’agit d’une création et coproduction du TN de Chaillot et du TNP de Villeurbanne, dont la conception a mobilisé l’ensemble de la troupe pendant plusieurs mois dans une écriture de plateau sur la base de recherches menées par l’ensemble des acteurs.

→   Lire Plus

« Pédagogies de l’échec » : réjouissant!

— Par Michèle Bigot —

pedago_echecPédagogies de l’échec
Une pièce inédite de P. Notte,
Mise en scène par Alain Timar,
Théâtre des Halles, Avignon,
Du 26 au 26/04/ 2015,
Reprise lors du festival d’Avignon, du 4 au 26/07/2015

Au centre de la scène, un podium surélevé et entouré d’une mer de tissus bruns froissés, donnant à voir un lieu isolé, rescapé d’une catastrophe, explosion, effondrement, cataclysme, séisme. Il ne reste plus rien que cet îlot de survie entouré de vide.
Dans un prologue, deux acteurs, un homme et une femme, viennent sur le bord du plateau nous expliquer le propos : ils brossent le décor d’une ville en ruines après la catastrophe.
Voici la pièce qu’Alain Timar, toujours à l’affût de nouveaux textes, a découvert un peu par hasard, par mail. Pierre Notte résume sa pièce dans ces termes:

« Au septième étage, dans des bureaux dont il ne reste rien, ni cloisons ni fenêtres, deux individus se plient aux lois de la hiérarchie. Tout autour d’eux est tombé, un tremblement de terre, une catastrophe ou un conflit mondial, peu importe.

→   Lire Plus

« Tête d’or » de Paul Claudel, à la Cartoucherie

—Par Michèle Bigot —

tete_d_orTÊTE D’OR
De Paul Claudel,
Mise en scène : Jean-Claude Fall,
Avril 2015, La Tempête, Cartoucherie

Pièce de jeunesse, écrite en 1889, Tête d’or nous revient rajeunie et comme régénérée d’un sang nouveau dans une version africaine mise en scène par Jean-Claude Fall.
Tête d’or, le héros éponyme, est une tête brulée. Ayant tout perdu, femme, parents et toute attache sociale, ce desperado se sent pourtant investi d’un destin hors normes : il sera le « sauveur suprême » d’un pays perdu. En vertu d’une audace indomptable et par la force des armes, il renverse la royauté et toute la légitimité héritée des institutions, retourne la situation politique en sa faveur et finit par exiger les pleins pouvoirs. Figure de despote, prônant les valeurs de l’ordre, de la discipline, de la force virile , de la fierté et de la volonté, il annonce l’homme providentiel du régime fasciste : son culte de la force virile et sa fascination pour la mort ne sont pas non plus sans rapport avec les terroristes d’hier et les djihadistes d’aujourd’hui.
C’est ainsi que Jean-Claude Fall explique trouver un écho de Tête d’or dans les sociétés claniques ou tribales d’aujourd’hui, que ce soit en Afrique ou en Europe de l’est.

→   Lire Plus

Médée, poème enragé

—Par Michèle Bigot —

medee_poeme_enrage-400Médée, poème enragé
Texte et mise en scène : Jean-René Lemoine,
Festival du standard idéal, 10è édition
MC93, hors les murs, TGP, Saint-Denis,

Le poète et dramaturge Jean-René Lemoine et le musicien Romain Kronenberg, responsable de la création musicale et sonore, nous proposent ici un spectacle d’un genre inédit que l’auteur lui-même catégorise comme « opéra parlé ». Ce spectacle a été produit en 2013 par la MC93 et revient en 2015 avec un succès très mérité.
Certes, on peut parler à son propos d’une version moderne du mythe de Médée, forgé pour et par le théâtre (Euripide, Sénèque, Corneille). J.-R. Lemoine avoue d’ailleurs avoir été marqué par la version qu’en donna naguère Heiner Müller (« Médée-matériau »), dans la mise en scène d’Anatoli Vassiliev ; mais il s’agit ici d’une total refonte du mythe, dans une forme dramatique essentiellement musicale. La genèse de cette œuvre le dit assez : au départ, l’architecture globale se décide entre le musicien et l’auteur : l’écriture du texte se trouve modelée par cette trame musicale : les effets rythmiques, les variations de tempo, la musicalité du verbe, la facture même du poème dramatique s’en nourrissent.

→   Lire Plus

« La Bête dans la jungle » & « La Maladie de la Mort »

— Par Michèle Bigot —

Sur la scène de la Colline, Céline Pauthe lance un double défi; le premier c’est de revisiter le texte de H.James adapté par Duras, après la mise en scène culte d’Alfredo Arias, avec Samy Frey et Delphine Seyrig en 1981. Véritable défi, car pour les amoureux du théâtre, cette mise en scène est restée une référence absolue: tant par la force de la mise en scène que par le jeu de ces deux acteurs sensuels et envoûtants. Et il est probable qu’il faut au moins un tel cocktail pour faire vivre ce texte aride, somme toute peu fait pour les planches. Autant la nouvelle d’H. James restitue avec intensité la quête angoissée de ces deux personnages, dont on se demande toujours lequel mène la danse, autant l’adaptation de Duras peine à faire vivre l’émotion, toute chargée qu’elle est de sa dimension métadiscursive.
Pour qui l’écoute attentivement, le dialogue durassien s’ingénie à cultiver le décalage, soit entre les répliques elles-mêmes, soit entre les répliques et la thématique de la conversation. Certes l’époque aimait cela, mais aujourd’hui on aimerait sortir de cette coque cérébrale pour retrouver le vrai de l’émotion.

→   Lire Plus

Le temps suspendu laisse tomber la neige !

A propos de deux pièces de théâtre proposées à Fort-de-France

— Par Roland Sabra —
tete_en_roueSteve Zébina, le programmateur cinéma de l’Atrium dit souvent lors de la présentation de ses sélections : « Ce n’est que dans l’après-coup que je me suis rendu compte qu’il y avait un fil conducteur dans ce choix… » Par exemple dans la dernière proposition qu’il nous a faite on pouvait retrouver dans chaque film  d’une adolescente autour de laquelle se construisait le film. Steve Zebina nous rassure : il découvre qu’il a bel et bien un inconscient ! L’anecdote ne vaut peut-être pas pour les deux pièces de théâtre dont il va être question maintenant. En effet il y a en jeu au moins deux programmations, hélas concurrentes. Celle du T.A.C. (Théâtre Aimé Césaire) et celle de l’ATRIUM et il y plus de chances que que la fusion du Conseil Général et du Conseil Régional réussisse que de voir naitre un semblant d’harmonisation entre les deux structures culturelles. Il est des ego incommensurables que nulle salle de spectacle aussi grande soit-elle ne saurait contenir !

→   Lire Plus

« Le temps suspendu de Thuram », une pièce de Véronique Kanor

A l’Atrium, le 26 février 2015 à 20h, Salle Frantz Fanon

le_temps_suspendu— Par Michèle Bigot —

Voici la critique publiée le 09 juillet 2014 dans Madinin’Art

Le temps suspendu de Thuram
Une pièce de Véronique Kanor
Mise en scène et scénographie : Alain Timar,
Théâtre des Halles, du 5 au 27 juillet 2014

Répondant à une commande de L’ARCHIPEL dans le cadre de son projet autour des « Mythologies actuelles de la Guadeloupe », Véronique Kanor a écrit ce texte dramatique autour de l’histoire de Lilian Thuram, promu au statut de mythe depuis la coupe du monde de football de 1998. Dans le match de demi-finale contre la Croatie, Thuram accède au rang de héros national en marquant vaillamment deux buts⋅ Mais c’est surtout le geste de penseur qu’il fait pour marquer l’événement qui le fait entrer dans l’histoire⋅ La suite de sa carrière de star sera marquée par son engagement aux côtés des jeunes des cités, ce qui en fait une notable exception dans le monde du football.

Et c’est justement ce mythe que vient interroger Véronique Kanor. On sait en effet que Thuram est revenu au pays, en Guadeloupe, où il fait figure de « grand grec » sociologue du monde noir.

→   Lire Plus

La Nuit des rois

Comédie de W. Shakespeare, mise en scène par Clément Poirée,

la_nuit_des_rois

— Par Michèle Bigot —

Théâtre d’Ivry, Antoine Vitez, du 05/01 au 01/02 2015

La nuit des rois, (twelfth night ) ou le douzième jour après Noël, c’est la nuit de l’enfermement dans le silence nocturne et l’obscurité hivernale. C’est cette ambiance qu’a voulu recréer sur scène Clément Poirée avec la complicité de son scénographe Erwan Creff. Comme il nous l’a confié lors d’une rencontre en bord de scène, c’est la vision d’une photo d’un dortoir de Sibérie qui lui a inspiré cette atmosphère pleine de mystère et de douleur rentrée. Et c’est de cette même photo que sont nés le décor et le dispositif scénique : quatre lits à baldaquins, garnis de tentures blanches, évoqueront à la fois la réclusion et la possibilité d’une évasion, au gré des mouvements du mobilier et des rideaux.
Le rideau est devenu depuis G. Strehler l’élément scénique le plus propice pour exemplifier la tempête shakespearienne et tous les flux et mouvements inhérents à l’esthétique baroque. Sa fluidité, les jeux de lumière qu’il autorise, les dessins qu’il supporte, tout cela est exploité d’emblée dès la première scène qui raconte la tempête, le naufrage, et l’arrivée inopinée dans un pays de légende.

→   Lire Plus

Le bonheur à Saint-Étienne. A propos de « Dans la république du bonheur »

— Par Michèle Bigot —

La pièce de Martin Crimp a rencontré un public aussi jeune qu’enthousiaste à la Comédie de Saint-Étienne, qui a assumé une part de la co-production.
Marcial di Fonzo Bo, avec sa troupe du Théâtre des Lucioles a trouvé dans ce texte de quoi satisfaire son goût de l’humour noir et de la satire sociale la plus mordante. Après avoir fait ses classes avec Alfredo Arias, il poursuit le travail de décloisonnement du spectacle théâtral initié auprès de Matthias Langhoff et privilégie les dramaturges argentins, Copi, et Spregelburd. On se souvient des deux pièces qu’il a présentées à Avignon en 2011, La paranoïa et L’entêtement. Avec sa complice, Elise Vigier il privilégie un théâtre de situations, souvent drôle, parfois franchement cruel, comique et décalé.
Il trouve aujourd’hui, avec Martin Crimp de quoi nourrir sa veine satirique féroce, dans une pièce réjouissante à force d’humour et de causticité.
La pièce se compose de trois tableaux, respectivement intitulés « Destruction de la famille », « Les cinq libertés essentielles à l’individu » et « Dans la république du bonheur ».

→   Lire Plus

« Notre peur de n’être »

Texte et mise en scène Fabrice Murgia, Cie ARTARA — Comédie de Saint-Étienne —

— Par Michèle Bigot —

notre_peur_d_etreLa pièce de Fabrice Murgia, Notre peur de n’être a connu un vif succès en juillet 2014 au Festival d’Avignon, où elle a été créée. C’est cependant à la Comédie de Saint-Étienne, dirigée par A. Meunier que revient le mérite d’avoir accueilli ses répétitions , et ce durant deux mois. Née à la faveur d’un travail de réflexion long de deux ans, et inspirée par l’essai de Michel Serres, Petite poucette, cette pièce sur l’archi-solitude de l’homme moderne devant ses écrans résulte pourtant d’un travail collectif.
Il s’agit là d’une véritable écriture de plateau, dans laquelle il n’existe pas de texte préétabli qu’il s’agirait de faire vivre sur scène. Le texte s’élabore au fur et à mesure des répétitions, et en étroite correspondance avec le reste de la scénographie, l’éclairage, la gestuelle, l’occupation de l’espace, l’architecture du plateau, le décor, les costumes et la bande son. Le travail des comédiens n’est pas seulement interprétatif ; ils ont collaboré très étroitement à la création du texte lui-même, chaque acteur apportant les textes qui l’inspirent en vue d’un travail collectif.

→   Lire Plus

Le blues selon Bob Wilson

Les Nègres, de Jean Genet, mise en scène Robert Wilson,

— Par Michèle Bigot —

Bleu à l’âme, blues au ventre, l’américain Bob Wilson, ami de Ornette Coleman, travaillant avec le saxophoniste Dickie Landry, nous offre sa vision poétique de Les Nègres de Jean Genet.
Les Nègres, c’est l’histoire d’un procès : par une mise en abyme dramatique, les blancs intentent un procès à un noir, censé avoir assassiné une femme blanche : telle est l’action qui se déroule hors-scène, dans les coulisses. Sur scène des acteurs noirs masqués jouent le rôle des blancs (la cour) qui assistent à un meurtre rituel célébré par d’autres acteurs noirs. Au bout de cette cérémonie, en guise de clôture du drame, c’est la cour des blancs qui est jugée par les noirs. Effet spéculaire, répétition, renversement, ironie et démontage des codes de la dramaturgie sont en vigueur. Dès lors chaque mise en scène des Nègres est aux prises avec cette ambiguïté et cette ironie généralisée⋅ Certains mettent l’accent sur la dimension politique du message, d’autres insistent sur la théâtralité de la pièce, d’autres encore sur la dimension festive et bouffonne du drame : en tout cas, impossible d’en donner une version lisse, qui ne prenne pas parti !

→   Lire Plus

Chapitres de la chute, Saga des Lehman Brothers

—Par Michèle Bigot —

chapitres_de_la_chuteCe « feuilleton théâtral » en trois actes (« trois frères » (1844-18667), « Pères et fils » (1880-1929) et « L’immortel (1929-2008)), un texte de Stefano Massini, mis en scène par Arnaud Meunier est une production de la Comédie de Saint-Étienne, où il fut présenté pour la première fois en octobre 2013. Il s’agit donc d’une reprise, le spectacle ayant remporté le grand prix du syndicat de la critique 2014. Après avoir été en tournée dans toute la France pendant l’année 2013, ce spectacle reprendra ses tournées jusqu’en mars 2015.

L’histoire des Lehman Brothers, c’est un vrai roman, dans le goût des feuilletons populaires hérités du dix-neuvième siècle. Tout commence par un effondrement spectaculaire et retentissant puisqu’il a fait trembler l’économie occidentale dans son ensemble et bien au-delà. En 2008, le groupe s’effondre, ouvrant la voie à une crise financière sans précédent.
Le récit théâtralisé remonte le cours de cette histoire qui est aussi une saga de l’émigration juive en Amérique. En 1844, trois frères juifs bavarois émigrent aux USA ; ils débarquent en Alabama pour vendre du schmatès (tissu en yiddish).

→   Lire Plus

Les fils de l’indicible

— Par Michèle Bigot —

tenenbaum_peau_viveOn évoque ici ceux qui ont en héritage dans les fibres de leur chair les marques de l’histoire.
Gérald Tenenbaum est de ceux-là et son œuvre témoigne de ce tissage patient des liens qui nous constituent. L’un après l’autre, ses romans composent le palimpseste d’une mémoire incarnée. Son dernier titre Peau vive, paru en août 2014 à « La grande Ourse » est un nouvel élément de ce vaste patchwork qui tente de dire l’indicible, tel qu’il se loge dans la mémoire inconsciente, celle des enfants et des petits enfants de la génération sacrifiée.
Chacun de ses romans est l’histoire d’une perte, perte de virilité pour Simon dans L’ordre des jours (Héloïse d’Ormessson, 2008), perte de la mémoire pour Souffles couplés, (Héloïse d’Ormessson, 2010), perte d’identité pour L’Affinité des traces (Héloïse d’Ormessson, 2012), perte du sens du toucher pour Peau vive. Plutôt que de pures pertes, il faudrait d’ailleurs parler de dérèglement des sens, dans tous les sens du terme.

Car Ève, la fille aînée de Yankel Reizer, souffre d’un sens du toucher si aigu qu’il est douleur de tout instant et qu’il lui interdit tout contact humain.

→   Lire Plus

« Cet enfant » : une création de Joël Pommerat

— Par Michèle Bigot —
cet_enfantThéâtre des Bouffes du Nord, 75018 Paris

Cette création de Joël Pommerat trouve son origine dans une série d’interviews menés auprès de nombreux parents pour le compte de la CAF du Calvados. C’est un homme de terrain, passionnément épris de culture, Jean Louis Cardi qui propose au metteur en scène d’écrire un spectacle à partir des propos recueillis dans les interviews.
Dès lors, il ne s’agit plus d’une enquête de sociologie sur la parentalité mais du matériau vivant d’un spectacle de théâtre. La consigne de départ : écrire à partir des propos recueillis conserve sa validité mais le matériau exige une refonte et une mise en forme qui le rende pertinent pour la scène.

→   Lire Plus

Performance : Concert Jazz/Action painting

— Par Michèle Bigot —
jazz-painting22 août à 19h, espace artistique, 6 place Joseph Buffaven, 26110 Nyons

Dans le cadre de l’exposition Frontières nomades, réunissant les œuvres de trois artistes, un peintre, Vladimir Kara, deux sculpteur(e)s, Simone Bigot-Moonens et Alain Depoorter, Vladimir Kara a réalisé en direct une œuvre peinte. Il était accompagné par le Lilas Jazz trio, Ophélie Cohen, chant, Jean-Louis Bensousan piano et Stéphane Caroubi contrebasse⋅

Voilà une belle démonstration de la théâtralité d’une performance, quand elle mobilise peintre, chanteuse et musicien⋅ Théâtralité par le rapport instauré entre artistes et public⋅ Il y a véritablement dramaturgie dès lors que l’action artistique, quelle que soit sa nature, se jouant dans un espace consacré, prend une autre dimension du fait de la présence d’un public.

→   Lire Plus