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Avignon 2019. » Quarante degrés sous zéro Ou la difficulté de s’exprimer + Les quatre jumelles » Texte de Copi m.e.s. Louis Arene

— Par Michèle Bigot —
« Vous voulez que je vous raconte comment j’ai changé de sexe ? » demande Copi. Et voici un texte (du moins le premier,  degrés sous zéro) qui réactualise cette question mise à l’honneur lors du précédent festival d’Avignon. Le second texte (Les quatre jumelles) évoque les questions de la drogue et de l’omnipotence de l’argent. Le premier a pour cadre la Sibérie, le second les States.
Ces deux textes qui datent des années 70, ont été mis en scène à l’origine par Jorge Lavelli. Copi, son compatriote, figure de proue du mouvement gay, s’intéresse ici aux corps en souffrance, celui des trans comme celui des addicts à la cocaïne. Le texte se ressent de ces déchirures, il éructe, il vomit les mots dans des hurlements qui déchirent. Chez Copi, on s’insulte, on se baise, on se tue, et c’est souvent un seul et même geste. Le monde se désarticule, on marche sur la tête, on ne sait plus où on en est. Le tragique voisine avec le burlesque dans un univers qui tient de Jarry et de Kantor.

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À la Cartoucherie, un Canada malade de son passé colonial

Dans « Kanata », spectacle inabouti mais prometteur, le metteur en scène québécois entrecroise les temporalités et les récits.

— Par Joëlle Gayot —
Sur les sièges du Théâtre du Soleil, samedi 15 décembre, les spectateurs de la première représentation de Kanata – Episode I – La Controverse, mis en scène par Robert Lepage, ont trouvé un avertissement les inclinant à la bienveillance : « Ceci est une répétition ! », titrait la feuille imprimée. Répétition ovationnée par le public, même si ce qu’on a vu à la Cartoucherie de Vincennes (et qui sera présenté au Printemps des comédiens, à Montpellier) en était encore, au jour J, au stade des (bonnes) intentions, sans avoir décollé de ce qui ressemblait à une suite de séquences mises bout à bout. Et ce, malgré une certitude : tout est en place dans ce projet pour qu’opère la magie.

Lire l’entretien avec Robert Lepage : « Artistes, qu’avons-nous le droit de faire ? »

Lire la critique de Michèle Bigot :« Kanata » : le résultat n’est pas à la hauteur

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« Kanata » : le résultat n’est pas à la hauteur

— Par Michèle Bigot —
Épisode I, La Controverse
Théâtre du Soleil, Paris, 15/12 2018> 17/02/2019
Tout le monde se souvient de la controverse qui a secoué le monde du théâtre au mois de Juillet. Robert Lepage préparait avec la troupe du Théâtre du Soleil une pièce de théâtre sur le thème des peuples premiers du Canada, et le tout serait réalisé sans qu’apparaisse un seul acteur appartenant à ce peuple autochtone. Mauvaise querelle, car c’était faire fi de la nature du théâtre pour lequel n’importe quel acteur est censé pouvoir jouer le rôle d’Hamlet. C’était en outre méconnaître la tradition et l’engagement du Théâtre du Soleil qui, depuis toujours, brasse les origines ethniques des comédiens pour notre plus grand plaisir. Bref, la controverse semblait déplacée et artificielle.
Néanmoins, puisque controverse il y a et qu’après tout le théâtre se doit de relever le défi démocratique du débat, Robert Lepage intègre au scénario les termes du débat, et c’est là que le bat blesse, car il le fait en des termes maladroits et très discutables. Il n’est pas judicieux, et à la limite, contre-productif d’assimiler la question ethnique à la condition des drogués.

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Chagall : du noir et blanc à la couleur

Hôtel de Caumont, Aix en Provence jusqu’au 24 mars 2019

— Par Michèle Bigot —
Culturespaces présente une dimension inexplorée de l’œuvre de Chagall. L’exposition est consacrée à la deuxième partie de sa carrière et au renouvellement constant qui préside à sa création de 1948 jusqu’à son décès en 1985. En 130 œuvres très diverses, qui vont du dessin à la sculpture en passant par la faïence et l’huile sur toile, l’artiste passe du noir et blanc aux couleurs les plus vives et les plus lumineuses. De nombreux supports sont exploités, Chagall tirant de chacun une inspiration singulière.
Au tournant de 1950, Chagall exploite toutes les nuances du noir et blanc, avec un goût particulier pour le noir dont il admire la profondeur et la subtilité.
La période sombre de l’après guerre se traduit dans son œuvre par les jeux de noir et blanc. Une série de lavis exécutés pour la revue Verve illustrant les Contes du Décaméron de Boccace témoigne de cette exploration, les nuances de gris contrastant avec la blancheur du papier.
De la même période datent les sculptures sur marbre qui jouent des mêmes thématiques, des mêmes contrastes de formes et des mêmes jeux d’ombre.

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Centaures, quand nous étions enfants

— Par Michèle Bigot —

Omniprésence de la question animale sur la scène littéraire : essais, romans, traités philosophiques, poésie…… Elisabeth de Fontenay a ouvert le débat en France depuis longtemps, vite suivie dans sa réflexion par le mouvement associatif. Le spectacle vivant n’est pas en reste. On sait que le dernier festival d’Avignon avait pour centre la problématique du genre : dans les deux cas, c’est la même question des frontières et de l’identité. Où passe la frontière entre l’humanité et le règne animal, où passe-t-elle entre le féminin et la masculin, la bipolarité a-t-elle lieu d’être ou bien faut-il désormais penser davantage en termes de continuum que de polarité ? Le théâtre s’empare à son tour de cette question brûlante. De façon plus spécifique, parce que plus théâtrale, c’est sous la forme de la métamorphose que la scène envisage la question. Depuis Ovide, La métamorphose témoigne de façon exemplaire de la perméabilité des frontières entre espèces ou entre genres. Et c’est souvent le désir qui préside à ces transferts.

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Avignon 2018 : « Saison sèche » de Phia Ménard

Spectacle créé le 17/7/2018 au Festival d’Avignon. L’autre scène du grand Avignon, Vedène

— Par Michèle Bigot —

Êtes-vous prêts pour le grand chambardement? Résisterez-vous à un nouveau séisme? Voilà la question à laquelle vous allez devoir vous confronter, psychiquement et physiquement, si vous voulez participer à cette grande cérémonie des corps et des esprits qu’est un spectacle de Phia Ménard. Vous me direz que vous êtes maintenant habitués aux spectacles extrêmes, depuis que vous avez assisté aux représentations d’Angelica Lidell et à celles d’Emma Dante. Et vous êtes avertis que désormais, ce n’est plus au cinéma mais au théâtre que vous allez vivre des émotions inédites, trouver des formes nouvelles et des audaces inouïes. Si c’est là ce que vous recherchez et que vous êtes fatigués des spectacles-divertissement qui nourrissent les idées reçues et ne dérangent personne, bienvenue chez Phia Ménard. Ça va dé-ménager! Ne ménager personne et surtout pas ceux qui se sont installés à l’aise dans le patriarcat!
Car c’est bien d’une révolte généralisée contre le patriarcat qu’il s’agit. C’est fort, c’est dramatique et c’est drôle. Ce n’est pas un hasard si cette subversion des valeurs machistes nous vient de Phia Ménard.

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Avignon 2018 : « L’herbe de l’oubli », écriture et m.e.s. Jean-Michel d’Hoop

Festival d’Avignon off 2018, théâtre des Doms

« L’herbe de l’oubli », c’est-à-dire l’absinthe, est un mot qui se traduit en russe par Tchernobyl. C’est ce qu’on peut appeler un lieu bien nommé, même si la signification du mot a pu sembler heureuse et faste jusqu’au 26 avril 1986, date à laquelle survint la plus grande catastrophe technologique de l’histoire de l’humanité. Car depuis, c’est devenu un territoire de désolation, dans lequel les ruines semblent hurler leur déréliction dans le vide cosmique. On se souvient que l’explosion du réacteur a engendré un nuage radioactif et des pluies contaminées qui ont atteint toute la Biélorussie et l’Ukraine, et plus largement tout le continent européen.
C’est le drame que se propose de faire revivre pour nous la compagnie Point Zéro, en se basant sur les témoignages recueillis par Svetlana Alexiévitch (« La Supplication »). La pièce aurait pu s’intituler « Les gens de l’après », car tout le monde n’a pas eu les moyens de fuir et beaucoup sont revenus dans les environs, soit parce qu’ils n’avaient pas le choix, faute d’aide du gouvernement russe, soit par nostalgie et amour de leur pays.

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Avignon 2018 : « De Dingen die voorbijgaan », « Les choses qui passent » d’après Louis Couperus, m.e.s. d’Ivo Van Hove

Die dingen die voorbijgaan, pièce adpatée de la nouvelle que Louis Couperaus écrivit en 1904 alors qu’il résidait à Nice, restitue avec une justesse confondante le climat moral sombre et angoissant dans lequel évolue la bourgeoise puritaine de La Haye, dans des familes fortunées organisées en clans, dont une partie réside en Inde. L’omniprésence de l’angoisse de mort, l’obsession du vieillissement, de la flétrissure du corps et la présence obsessionnelle du sexe et de toutes ses perversions y rendent l’atmosphère étouffante et propice à tous les débordements, à tous les crimes et aux assauts de la culpabilité.

C’est cette ambiance noire que s’ingénie à restituer la mise en scène d’Ivo Van Hove, où la couleur noire affecte tous les habits (à l’exception d’un seul personnage, l’italien, vêtu de blanc), le sol, les images dans le miroir et même la neige. Tout, les actes, les sentiments, le décor respire la mélancolie, l’angoisse et l’approche inéluctable de la mort. Il n’est pas jusqu’au sexe le plus exubérant (scène ambiguë des amants jouant à recouvrir leur corps de crème chantilly) qui ne soit teinté de cette tristesse et de ce fond de désespoir.

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Au Portugal, le festival de Almada, version langue française.

— par Janine Bailly —

Au Festival de Théâtre de Almada, dans une ambiance toujours chaleureuse, on découvre ou redécouvre de grands textes, d’aujourd’hui et d’autrefois, et qui sont pour certains donnés en cette belle langue française, supplantée aujourd’hui au Portugal par l’anglais mais encore bien connue des générations plus anciennes.

Liliom, ou la vie et la mort d’un vaurien (Liliom ou a vida e a morte de um vagabundo) : au Teatro municipal Joaquim Benite, de Almada

« Je voulais aussi écrire ma pièce de cette manière. Avec le mode de pensée d’un pauvre gars qui travaille sur un manège dans le bois à la périphérie de la ville ». Ainsi parlait le dramaturge hongrois Ferenc Molnár qui présentait sa pièce Liliom, créée en 1909 et sujette à de multiples adaptations cinématographiques, celle de Fritz Lang n’étant pas la moindre. Jean Bellorini, qui donna à la carrière Boulbon le fabuleux Karamazov dans le cadre du 70° Festival d’Avignon, offre ici de Liliom une version poétique, qui repose sur une scénographie inventive et par instants féérique. De la fête foraine, il retient l’espace carré d’un manège d’auto-tamponneuses, les quatre véhicules s’offrant aux entrées et sorties des personnages.

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Avignon 2018 : Racine, Koohestani, Shaheman – (In)

— Par Selim Lander —

Iphigénie m.e.s. Chloé Dabert

Le « tendre Racine » n’apparaît guère dans cette pièce où la jeune Iphigénie est promise au trépas par un caprice des dieux. La tendresse n’apparaît à vrai dire que dans la scène 2 de l’acte II, entre Iphignénie et son père Agamemnon. Ce dernier ne sait comment se comporter envers celle qu’il doit immoler et qu’il aime pourtant. Elle ne comprend pas son inhabituelle froideur :

« N’osez-vous sans rougir être père un moment ? »

Comment ne pas se réjouir a priori de voir Racine honoré dans le IN qui n’accable pas ses spectateurs avec les classiques ? Malheureusement, la mise en scène de Chloé Dabert déçoit quelque peu nos espérances. Le décor, même s’il n’emporte pas tous les suffrages, ne nous a quant à lui pas déçu : cette grande tour d’échafaudages, à jardin, qui pourrait aussi bien figurer la proue d’un navire de guerre (puisque la flotte des Grecs en guerre est bloquée dans le port, en attendant que le vent, délivré par les dieux, veuille bien se lever et conduire les vaisseaux jusqu’à Troie) permet des déplacements intéressants.

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Avignon 2018 : « La Reprise » Histoire(s) du théâtre (I) Conception et m.e.s. : Milo Rau


Festival d’Avignon 2018. Gymnase du lycée Aubanel

« La Reprise » est la première partie de la série « Histoire(s) du théâtre » que Milo Rau envisage comme un pendant à l’oeuvre de Godard « Histoire du cinéma ». Il s’agit donc d’entreprendre une vaste réflexion sur l’essence du théâtre, ses codes, sa relation au public, son engagement dans la vie de la cité. A l’issue de la série doit émerger un manifeste pour un théâtre démocratique du réel. Et le réel, envisagé dans ses dimensions sociale et personnelle ne passe pas tel quel sur le plateau: il convient donc de poser la question de la représentation! Comment représenter le réel sur le plateau et à quel prix? Certes la question n’est pas nouvelle, elle est consubstantielle au théâtre lui-même, qui a toujours réfléchi les conditions de son émergence. Le théâtre en tant qu’il est un élément primordial de la vie démocratique de la cité: ce sont les termes mêmes du contrat fondateur, à Athènes. Cependant elle mérite d’être posée à nouveaux frais à la lumière de l’évolution sociale et en rapport avec les nouvelles formes artistiques, cinéma, vidéo, performances en tout genre.

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Avignon 2018 : « Vertiges »,texte et m.e.s. Nasser Djemaï


Festival d’Avignon off 2018. Théâtre des Halles

Voici le troisième volet d’une trilogie consacrée aux Chibanis, citoyens français originaires du Maghreb. Le premier volet était « Invisibles » consacré des jeunes des cités en 2011, et le second « Immortels » en 2014; Le texte de « Vertiges » a été salué par divers prix et nomination. Il est publié chez Acte Sud-Papiers. Nasser Djemaï a la formation et l’expérience la plus complète que l’on puisse trouver au théâtre: il est acteur, metteur en scène et auteur.
Son expérience du plateau, non moins que sa recherche documentaire expliquent la complétude de son travail. Celui-là a l’incommensurable (et rare) mérite de conjoindre la vérité de l’approche documentaire et la solidité de l’écriture dramatique. Son écriture résulte d’une connaissance aboutie et d’une réflexion sur les codes du théâtre alliées à un travail en immersion auprès de familles dont il appréhende les rôles avec justesse et finesse. On ne se contente pas ici de l’exactitude sociologique de son objet, on recherche une vérité humaine au-delà des apparences, une forte différenciation des personnages dont les caractères sont d’une vérité poignante.

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Avignon 2018 : »Thyeste » de Sénèque m.e.s. de. Thomas Jolly

Festival d’Avignon 2018, cour d’honneur du palais des Papes

Voici LE spectacle du cru 2018, puisque tous les ans, il y en a un qui domine la scène avignonaise du haut des tours du palais. Une vréritable entreprise quand on voit se présenter en front de scène l’équipe responsabe de cette oeuvre scénique au grand complet: au bas mot une cinquantaine de personnes. Pour un spectacle grandiose où le décor et la magie des lumières joue un rôle majeur.
L’histoire de ce crime si terrible, un crime « nefas » dit Sénèque, ce qui signifie qu’il échappe dans l’horreur à toute dimension humaine, de telle sorte qu’aucun châtiment n’est à sa mesure. M^me la terre et le soleil se détournent de ce crime contre nature. Alors qu’Atrée règne en paix sur Mycènes, son jumeau, Thyeste, séduit sa femme et s’empare du bélier d’or. Devant ce double vol, Atrée a la vengeance furieuse et sert à celui qui est son frère la chair de ses enfants en banquet.
Il semble que Sénèque ait choisi de réunir dans cette tragédie les forfaits les plus noirs: adultère, vol, infanticide, cannibalisme, on est au comble de l’horreur.

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Avignon 2018 : « Ô toi que j’aime ou le récit d’une apocalypse », texte et m.e.s. Fida Mohissen


Festival d’Avignon off 2018. 11. Gilgamesh Belleville

« Un 4 octobre, il y a tout juste 20 ans, un avion m’a jeté ici alourdi de valises, de livres et de visions claires, de certitudes. J’avais pleuré pendant les quatre heures de vol qui séparaient Paris de Damas. Et si l’objet de mes larmes n’était pas uniquement la perte de familles, d’amis ou de la terre natale, mais une intuition prémonitoire de la perte de celui-là même qui parlait?

Telle est la crainte de Nour-Assile dont le spectacle nous conte l’histoire:
Une jeune réalisatrice de documentaires, Marie et un metteur en scène, Ulysse, viennent en prison faire travailler des détenus radicalisés sur un projet de spectacle autour de la figure de Jalaluddine Rûmi, poète mystique du 13ème siècle. Une entreprise courageuse envisagée comme un électrochoc, quand on connaît l’extrême hostilité des salafistes islamistes envers la mystique musulmane, le Soufisme. Marie et Ulysse font la rencontre de Nour Assile, jeune détenu syrien, au parcours singulier mais qui ne désire qu’une chose : mourir en Martyr. Les trois protagonistes vivront au même moment l’expérience de la rencontre de l’autre.

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Avignon 2018 : « Portrait Foucault- Letzlove », m.e.s. de Pierre Maillet

— Par Michèle Bigot —

Les portraits, créés par Elise Vigier et Marcial Di Fonzo BO à la Comédie de Caen sont des créations itinérantes, portées par un ou deux acteurs, parfois accompagnés d’un musicien.
Le portrait dont il s’agit ici est double : c’est à la fois celui de Michel Foucault et celui de Thierry Voeltzel, tels qu’ils se manifestent dans l’action, au cours de la conversation qui se noue entre eux. Thierry Voeltzel, c’est un inconnu rencontré sur la route par M. Foucault. Thierry faisait du stop pour rentrer chez lui en Normandie, M. Foucault le prend à son bord, et la conversation commence. Découverte réciproque, Foucault se montre le plus curieux et le plus attentif des partenaires de l’échange. Une relation amoureuse forte va se nouer rapidement. Thierry c’est pour Michel « Le garçon de vingt ans ». On est en 1975 et ce dernier représente la jeune génération d’après 68. Il parle comme il fait l’amour, sincèrement, librement, finement, avec audace et malice. Bientôt la conversation va prendre une forme plus officielle : celle d’une suite d’entretiens au cours desquels Michel se fait enquêteur et activateur de maïeutique.

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Avignon 2018 : « Une saison en enfer », m.e.s. Ulysse di Gregorio, avec Jean-Quentin Châtelain

— Par Michèle Bigot —
D’Arthur Rimbaud
Festival d’Avignon off 2018

Théâtre des Halles
N’en doutons pas : seul Jean-Quentin Châtelain était à même de relever le défi : porter sur scène ce texte prodigieux, qui défie les lois du temps : Une saison en enfer. Entreprise aussi intrépide que périlleuse. Comment faire passer le spectateur anonyme de la vie ordinaire au sublime et au monstrueux, sans autre forme de transition ?  On arrive dans la salle obscure et envahie de fumée : la respiration peine, le regard se fait errant. Nous voilà au bord de la géhenne. La cérémonie peut commencer. Sur le plateau, un espace chtonien, une sorte d’anneau magique et menaçant, dessiné par une levée de terre. En son centre, une surface noire : l’avant dernier cercle de l’enfer, l’entrée de l’empire des morts. C’est là que se produit l’acteur. Quand arrive la lumière, il est déjà placé au centre, pieds nus, fiché au sol à une place d’où il ne bougera pas. Corps immobile mais mouvant au gré de la musique du texte, ondulant sous l’orage des mots, terrassé par la force noire de l’expression, il est à la torture, il jouit.

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Avignon 2018 : « Quitter la terre » de Joël Maillard

Quitter la terre, Joël Maillard/Sélection suisse en Avignon. Festival d’Avignon off 2018. 11.Gilgamesh Belleville

« Dans un futur plus ou moins proche (ou un passé démesurément lointain) considérant l’incapacité des collectivités humaines à réguler leur impact sur les écosystèmes et la menace d’une imminente saturation écologique et démographique, une solution aussi tortueuse que radicale est imaginée pour sauver la vie humaine à la surface de la Terre »…
Attachez vos ceintures, on va décoller! Et c’est en effet dans un vaisseau spatial d’un nouveau genre que Joël Maillard nous embarque pour un voyage intersidéral sans promesse de retour. Dans la plus pure tradition du roman d’anticipation et du voyage sur la lune depuis Cyrano de Bergerac jusqu’à Jules Vernes, le spectacle nous propose une uchronie ou dystopie sur le mode néo-scientiste farfelu, où la drôlerie ubuesque le dispute au vertige borgesien.
C’est que l’auteur/metteur en scène ne manque pas d’imagination, ni de sens du loufoque. En jouant sur les mots, les prenant au pied de la lettre pour les soulever de terre, il s’empare du terme « nouveau départ  » pour faire décoller la moitié de l’humanité dans une navette en forme de grosse courge ou de cylindre creux, une station orbitale semblable à un gros ananas.

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Avignon 2018 : « Qui suis-je? » d’après le roman de Thomas Gornet, m.e.s.. Yann Dacosta, dessinateur Hughes Barthe

Qui suis-je d’après le roman de Thomas Gornet, m.e.s.. Yann Dacosta, dessinateur Hughes Barthe
Festival d’Avignon off 2018
11. Gilgamesh Belleville

Qui suis-je? Et que peut-on apercevoir de ce que je suis? S’il est une question qui obsède l’adolescence, c’est bien celle de l’image, par où l’on donne à voir aux autres une personnalité, parfois (souvent) à son corps défendant. Et le groupe des ado. n’a pas la réputation d’être tolérant à la différence. D’où le besoin farouche de ressembler aux autres, de se fondre dans la masse. Hélas, il existe des aspects de notre personne qui nous échappent, lesquels sont plus ou moins apparents et plus ou moins connus de nous. Pour l’adolescent, la question « qui suis-je » pourrait donc se reformuler « qui les autres m’apprennent-ils que je suis? »
Là est le drame de l’individu en devenir, et c’est ce processus de construction de l’identité que retrace le roman de Thomas Gornet et son adpatation théâtrale par Yann Dacosta. Processus particulièrement épineux lorsqu’on se découvre un désir homosexuel. Cette sexualité, déjà tellement difficile à assumer pour un ado.

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Avignon 2018 : « La Bataille d’Eskandar », de Samuel Gallet, m.e.s. collectif Eskandar

Festival d’Avignon off 2018

Comment loger sur un plateau scénique exigu et triangulaire la formidable histoire de la ruine d’Eskandar, lorsque cet espace mesuré est déjà dévoré par une théorie d’instruments de musique imposants? C’est cette gageure que relève le collectif Eskandar, les comédiens Pauline Sales et Samuel Gallet et les musiciens Aëla Gouvennec et Grégoire Ternois. Une belle complicité les unit pour faire revivre cette histoire à la fois épique et banale. C’est l’histoire d’une femme à bout de souffle, traquée par les banquiers, les créanciers et les huissiers, tentant de survivre avec son fils Mickel. Elle rêve d’un séisme qui ferait effondrait cette cité maudite qui la harcelle quotidiennement, la méprise et la ruine.
Cette double histoire va donc se dérouler sur le plateau: en parallèle, la vie réelle dans laquelle arrive le jour de son expulsion et la vie rêvée, qui n’est pas forcément plus clémente: dans le rêve, l’effondrement jouissif de toutes les institutions maudites (banques, écoles, bâtiments administratifs) se double d’une invasion des ruines de la cité par les animaux les plus féroces échappés du zoo.

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Avignon 2018 : « Jogging » de Hanane Haji Ali, Beyrouth, Liban

Jogging
de Hanane Haji Ali, Beyrouth, Liban
Festival d’Avignon off,
La Manufacture

C’est l’histoire d’une femme qui s’apprête à faire son jogging quotidien pour lutter contre l’ostéoporose, l’obésité et la dépression: elle se prépare en faisant quelques exercices de musculation et d’assouplissement. Mais voilà, elle est voilée, toute habillée d’un vêtement noir qui dissimule son corps et elle court dans les rues de Beyrouth. Elle stimule dans son corps deux hormones la dopamine et l’adrénaline qui sont tour à tour destructrices et constructives, à l’image de sa ville qui détruit pour reconstuire et construit pour détruire.

Et au fur à mesure qu’elle s’entraîne, elle déroule en un monologue intérieur le fil de ses pensées qui la bringuebalent de sa vie la plus triviale à la métaphysique. La note est donnée: celle d ‘un humour corrosif qui fera voisiner Allah avec les plus basses fonctions humaines. L’irrévérence est à son comble et on se prend à penser : »heureusement pour elle qu’elle n’exprime pas ce qu’elle pense à voix haute »! A partir de là, c’est toute l’oppression ordinaire des femmes au Moyen-Orient qui va occuper le paysage.

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Avignon 2018 : « Un homme qui fume c’est plus sain »

Une création de BAJOUR, m.e.s.. Leslie Bernard
Festival d’Avignon off 2018
La Manufacture

Voici un parfait exemple de création collective, dans la forme comme dans l’esprit. L’objet s’y prête singulièrement: c’est la thématique inépuisable de la réunion de famille, qui connaît un vrai succès sur la scène (Lagarce) comme à l’écran (X. Dolan). A ceci près qu’il ne s’agit pas du retour d’un seul dans le creuset familial, mais du retour de quatre frères dans une famile dispersée de sept enfants. or, qu’est-ce qui réunit les familles?? Les mariages et les enterrements. On se retrouve donc pour enterrer le père. Le père, c’est donc le grand absent, et c’est aussi le soleil autour duquel gravite toute la fratrie. D’où le désarroi du clan et la remise en cause de tous les rapports familiaux. Ajoutons qu’il y a plus absent que l’absent: le père est certes mort, mais on ne parle que de lui, tandis que la mère est non seulement totalement absente mais jamais nommée, pas même une allusion! Juste un déni total, et on comprend que l’univers familial qui semble s’organiser autour de la figure du père, tourne en fait autour d’un trou noir, la mère.

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Avignon 2018 : « Badbug, texte de Vladimir Maïakovski, m.e.s. Meng Jinghui

—Par Michèle Bigot—

Le théâtre chinois arrive à Avignon; La Manufacture programme dans le off un spectacle de Meng Jinghui, figure emblématique de la scène contemporaine chinoise. L’un des metteurs en scène les plus influents de l’Asie et le pionnier du théâtre d’avant-garde chinois. Après avoir mis en scène des pièces du répertoire et des créations contemporaines, il se lance à la conquête de Maïakovski et ce n’est pas son moindre mérite, car qui en Occident aurait songé à représenter une pièce de Maïakovski? C’est donc un OVNI pour le spectateur français qu’une pièce d’un auteur soviétique révolutionnaire mise en scène par un chinois: quelle rencontre!
Il fait donc coup double: il dépoussière Maïakovski qui a quand même pris un sacré coup de vieux et il retrouve quelque chose d’une problématique oubliée chez nous depuis qu’on ne joue plus Brecht (ou si peu!): le sort du collectif, son articulation avec l’individuel.
L’intrigue: Prissypkine, ex-ouvrier et ancien membre du parti à la mentalité petite-bourgeoise, délaisse ses camarades ainsi que sa fiancée, Zoïa Berezkine pour se marier avec une bourgeoise, Elzévire Davidovna Renaissance.

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Avignon 2018 : « Cendres/Aske »

Cendres/Aske
Yngvild Aspeli/Plexus Polaire
Festival d’Avigon off 2018
La Manufacture

Inspiré du roman « Avant que je me consume » de Gaute Heivoll, le spectacle raconte les deux histoires parallèles d’un écrivain et d’un fils de pompier pyromane qui sévit dans le village de Finsland, au sud de la norvège. Car l’écrivain est obsédé par cette histoire: en 1978 au moment où il reçoit le baptême, l’incendiaire débute dans son entreprise criminelle. Double baptême donc, pour l’un dans la vie chrétienne, pour l’autre dans le crime. L’oeuvre scénique retrace ce double cheminement où l’un est le double inversé de l’autre. Au fur et à mesure que l’incendiaire s’enfonce dans sa pyromanie, le futur écrivain s’enfonce dans l’alcool. Il abandonne projets et études comme le premier abandonne sa famille. Et dès lors, c’est pour tous deux la descente aux enfers, dans l’abîme de l’addiction.
La thématique est saisissante, dostoievskienne, prise dans les brumes du grand nord; c’est une vraie leçon de ténèbres. La conception du spectacle épouse merveilleusement son objet: théâtre de marionnettes propre à rendre sensible sur le plateau toute forme de monstre.

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Avignon 2018 : « Opal Une enfant d’ailleurs »

— Par Michèle Bigot —

Opal
Une enfant d’ailleurs
de et par Aline Karnauch et Jacques Kraemer
d’après des extraits du Journal d’Opal Whiteley, 1920 traduit par Antionette Weil

Comment faire un objet théâtral avec un récit autobiographique? C’est la question que se posent aujourd’hui nombre de metteurs en scène, comme si l’aventure d’une vie avait pris le relais de l’aventure des peuples. Cependant l’entreprise signée Aline Karnauch et Jacques Kraemer reste unique dans ce genre si fréquenté: d’abord parce que le texte d’où est tiré le spectacle est lui-même absolument singulier, ensuite parce que la genèse de ce texte et l’histoire de sa réception sont exceptionnelles. On est donc en présence d’un objet théâtral puisé dans un récit autobiographique dont la réception elle-même est déjà un roman: la mise en abyme est réalisée à trois niveaux, faisant de l’objet final une énigme littéraire dans son essence, dans le goût de la tradition baroque. En d’autres termes, un couple de metteurs en scène se penche sur le miroir que lui tend un texte d’une épaisseur dont on oserait dite, en revendiquant le jeu de mots, qu’elle est inédite.

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Avignon 2018 : »Joueurs, Mao II, Les Noms, »

Don Delillo,
Julien Gosselin
Si vous pouviez lécher mon coeur,
création Festival d’Avignon juillet 2018

Julien Gosselin s’est fait une spécialité de l’adaptation théâtrale de textes romanesques: depuis « Les particules élémentaires » qui lui a valu sa première grande reconnaissance publique, en passant par « 2666 » de Roberto Bolano créé l’an dernier à Avignon jusqu’à Joueurs, Mao II et Les Noms de Don Delillo: les paris qu’ils relèvent sont de véritables gageures, surtout les deux derniers, puisqu’ils s’agit de romans longs, touffus et complexes dans leur forme. Néanmoins on y retrouve des thématiques identiques, l’obsession de la violence, du terrorisme et de la sexualité. La littérature est pourtant sa thématique de prédilection. A ce titre Don Delillo est un excellent représentant puisqu’il concentre en son oeuvre toutes ces thématiques, réflechissant sur la répercussion des séismes politiques sur la vie de l’individu. « Joueurs » raconte l’histoire d’un couple qui verse de l’ennui et la monotonie de leur vie de hipsters des années 80 pour verser dans l’action violente , Mao II dont l’intrigue croise le sort d’un écrivain en mal de solitude et mêlé à contrecoeur au terrorisme libanais des années 90, et enfin « Les Noms », l’histoire de la recherche parun homme esseulé d’une secte violente tuant ses victimes en se basant sur l’alphabet dans les années 70.

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