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Vive le sujet ! Série 1 et 2

« Vive le sujet » relève de « l’indiscipline », ainsi nommée parce qu’il s’agit de performances qui outrepasssent les cadres des différentes disciplines, théâtre, arts visuels, danse, chant etc. mais aussi parce que ces spectacles témoignent d’un esprit créatif et novateur, faisant volontiers un pied-de-nez aux conventions de genre.
C’est le cas pour les deux performances de la première série (série 1 et 2) qui se veulent libres et joyeuses, De L’une à l’hôte et Nos Coeurs en terre.
De L’une à l’hôte
Le titre du spectacle annonce son esprit: il s’agit d’une jonglerie réjouissante sur les mots, accompagnée de l’évolution acrobatique d’une danseuse. Une comédienne, Violaine Schwartz et une danseuse, Victoria Belén mènent de front cette performance, qui pour être modeste n’en est pas moins remarquablement réussie. C’est aussi drôle que pertinent. Le thème épouse étroitement la scénographie: qu’est-ce qu’un hôte, pourquoi ce nom de « hôte » est-il réversible? L’hôte est toujours un autre, accueillant ou accueilli. Mais non son féminin « hôtesse », qui ne se dit que pour la femme accueillante, « hôtesse de l’air » ou « hôtesse d’accueil ».

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« Liebestod El odor a sangre no se me quita de los ojos Juan Belmonte Histoire(s) du théâtre III » par Angélica Liddell

Histoire du théâtre, ou histoires de théâtre? Le sous-titre proposé par Angélica Liddell est ambigü, quant au titre lui-même (« la Mort d’amour », titre repris du final de l’opéra « Tristan und Isolde »), il est plus explicite et place le spectacle à mi-chemin de l’histoire du torero Juan Belmonte et de celle de l’autrice elle-même. « Juan Belmonte affirmait que l’on torée comme on est, on torée comme on aime », explique-t-elle. La corrida comme exercice spirituel, comme voie d’accès à la transcendance ! Car de l’aveu de l’autrice même, elle fait du théâtre comme Juan Belmonte toréait. Ce qu’elle met en scène, c’est l’angoisse de mort mais aussi la pulsion de mort. La recherche d’une spiritualité, le retour du tragique dont l’homme occidental moderne a perdu le sens. Pour ce faire, elle devient torero elle-même, par le biais du costume certes, mais aussi à travers ses vociférations, ses mouvements de danse et son corps en transe. Le spectacle tient de la cérémonie sacrée, appuyé par la musique tonitruante de l’orgue mais plus proche du vaudou que du rituel chrétien.

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« Circulations capitales », un projet de Marine Bachelot-Nguyen

Tois comédien(ne)s, l’autrice et ses deux complices, tous trois métis, à cheval sur deux cultures, vietnamienne ou russe et française, partent à la recherche de leur mémoire familale. C’est un road movie entre Vietnam , Russie et France qui les occupent mais c’est aussi un voyage au coeur des cultures. Chacun raconte son parcours, l’histoire de sa famille, la difficulté d’intégrer les deux cultures auxquelles ils appartiennent pourtant de plein droit. Leur histoire personnelle va rencontrer la grande Histoire, ils traversent à leur corps défendant les systèmes politiques totalitaires et baignent dans leurs idéologies. Toute l’histoire du vingtième siècle défile à travers leur expérience, celle du colonialisme et du catholicisme, celle du communisme et celle du capitalisme triomphant. Les voilà écartelés entre ces systèmes de pensée, au coeur de familles déchirées par le conflit idéologique, marquées par des défaites, des trahisons et des remords. Comment la seconde génération échapperait-elle à ces imbroglios historiques, comment survivre dans ce maelström qui prive de sens tout avenir?

Par quels moyens rendre compte de ce voyage dans le temps et l’espace sur un plateau? D’abord par l’écriture scénique: c’est chose faite, puisque le récit se déroule à trois voix sur scène et en deux langues: polyphonie et plurilingusime sont donc conjointement convoqués.

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« J’ai trop d’amis », texte et mise en scène David Lescot

Trois comédiennes, incarnant respectivement les rôles d’un enfant entrant en sixième, ses copains ou copines, et même la petite sœur de trois ans. D’abord et avant tout, les comédiennes, qui réalisent une performance formidable, aptes à tous les rôles (rien de plus difficile que de faire jouer un adulte dans le rôle d’un enfant, comment rendre cela crédible?), grâce à leurs effets de voix, leurs mimiques, leur costumes, leurs déplacements, voire les objets qui les accompagnent, au nombre desquels le téléphone joue un rôle essentiel. Le second ingrédient de la réussite, c’est le dispositif scénique, une boîte-plateau, d’où surgiront, selon les besoins, une salle de classe, une chambre d’enfants etc. par un jeu de trappes. Troisième ingrédient, et non des moindres, le texte. Il faut réinventer le langage pour rendre crédible les échanges entre gamins. Et c’est très réussi, et très drôle. On devine donc une double thématique: comment se plier au conventions, ou au contraire comment échapper au conformisme social? Chose si importante et si difficile pour les élèves de collège? Et quel rôle accorder au langage? C’est une question pour les préadolescents, mais c’en est une également pour le dramaturge.

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Hamlet à l’impératif ! Le feuilleton

C’est désormais une tradition bien établie: la cour de la bibliothèque Ceccano reçoit tous les ans un feuilleton théâtral, tous les jours à 12H en accès libre. En 2015 le public fut invité à entendre le texte de La République de Platon mis en scène par A.Badiou. Outre les débats sur les questions politiques du jour (notamment le débat sur le genre proposé par Mesdames, Messieurs et le reste du monde en 2018), la réflexion philosophique trouve ici une place légitime, en ce qu’elle a trait au théâtre comme exercice et lieu de la démocratie. Cette année c’est la pièce de shakespeare qui est à l’honneur, Hamlet, la plus célèbre d’entre les célèbres, celle qui a fait couler le plus d’encre. C’est ainsi que dans la mise en scène d’Olivier Py, le texte de la pièce est confronté aux commentaires, ceux de Heidegger, Wittgenstein, Jankélévitch, Freud, Lacan, Deleuze, Derrida etc. La glose rencontre les extraits les plus fameux du texte, ou plutôt des textes de la pièce, qui se présente comme un palimpseste. Dans le premier épisode, c’est la fameuse question  » to be or not to be » qui est débattue : quel est le sens de cette formule?

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« No way Veronica ou nos gars ont la pêche », d’Armando Llamas, m.e.s. Jean Boillot

Jean Boillot us propose une troisième version de son spectacle qui a déjà connu une première version radiophonique, puis une seconde version enrichie de claviers sur la proposition du compositeur David Jisse. Cette troisième version, encore enrichie d’un guitariste compositeur et interprète pop-rock, Hervé Rigaud, débouche sur un remix plus festif, d’obédiance rock, avec une esthétique de Comics.
L’ensemble se présente comme la mise en son d’une parodie de The Thing, le film de John Carpenter. Neuf hommes (il n’y en aura que quatre au plateau) travaillent sur une base météorologique au milieu de l’Ocean Antarctique. Dans ce milieu clos, les hommes développent une « chaude amitié virile », voire une homosexualité latente et se meuvent avec délice dans un bain de testostérone. Mais ils vont devoir affronter un danger mortel: l’arrivée d’une femme sur la base, la vénéneuse Véronica. Ils feront tout leur possible pour la rejeter à la mer.
Le propos aurait pu être tragique, s’il n’était profondément comique. Les personnages masculins incarnent avec candeur tous les poncifs de la virilié, dans leurs gestes, leurs déplacements, leurs paroles, leurs choix de spectacle etc.

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« Les Présidentes », texte Werner Scwab, m.e.s. Laurent Fréchuret

C’est une comédie catastrophe, griçante, hilarante, cynique et provocatrice, à l’instar des autres textes de l’auteur Werner Scwab. Cet auteur est une figure singulière de la littérature autrichienne. Né en 1958, il fait des études à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne. Il partage son temps entre écriture et sculpture. Ses productions artistiques sont marquées par les matériaux en putréfaction. Ordures et rebuts de toutes sortes sont également les aliments de son travail d’écriture. Les Présidentes fait partie de ce qu’il nomme ses « drames fécaux ».

« Les Présidentes…ce sont des gens qui croient tout savoir, et veulent décider de tout. Je viens moi-même d’une famille de présidentes. » dit-il. Les Présidentes, ce sont trois femmes, Erna, Grete et la « petite Marie » engluées dans leurs fantasmes, la première est une maniaque de l’épargne éprise d’un charcutier, la seconde est une nymphomane en qûte de mâle puissant, la troisième une bigote illuminée qui règne sur ce bourbier en débouchant à mains nues les toilettes que les autres s’ingénient à boucher. Métaphore de cette société autrichienne dont on a déjà connu des satires au vitriol chez Th.

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« Fragments », textes Hannah Arendt, adaptation Bérengère Warluzel, m.e.s. Charles Berling

Festival d’Avignon, Présence Pasteur du 7 au 28 juillet 2021

Qu’est-ce que penser? Rien n’est plus naturel, et pourtant rien n’est plus rare. Penser n’est pas automatique. Contrairement à une idée répandue, penser n’est pas agir. Il y faut un recul, un retrait. Pour penser, il faut le désirer. Et c’est ce désir de penser, comme une aventure collective, joyeuse et féconde que doit suciter le théâtre. Dès lors, suffit-il de placer bout à bout des extraits de textes d’Annah Arendt sur la question pour y parvenir? Certes non: il y faut une véritable adaptation, reposant sur une sélection pertinente et un habile montage, non moins qu’une véritable mise en scène. Pour ce faire, Bérengère Warluzel et Charles Berling ont oeuvré conjointement au travail scénique. Le plateau propose un dispositif suggestif du travail de pensée collective: une table, des chaises vides, d’autres occupées par des marionnettes de taille humaine, des pilles de livres, un piano, un tableau sur lequel viendront figurer des dessins emplis d’images projetées en vidéo. La dimension sonore joue également un rôle essentiel: la comédienne (Bérengère Warluzel) chemine dans le texte d’Hananh Arrendt portée par sa propre voix en play back.

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Une nuit en-chantée

Dress code, un spectacle son et lumière, de la Compagnie Activ’Art, m.e.s. Jandira De Jesus Bauer

— Par Michèle Bigot —

La nuit dernère, le 3 juillet 2021, s’est opérée une rencontre avec la magie en Drôme provençale, dans un lieu modeste, un lieu culturel alternatif, comme on dit aujourd’hui, le café associatif des Pilanthropes.
La Compagnie Activ’Art, menée par sa metteuse en scène Jandira De Jesus Bauer, nous a conviés à un spectacle son et lumière, une proposition théâtrale qui se revendique à bon droit du spectale vivant, ou pour mieux dire, un rituel sacré autour du corps féminin.
Et ce fut un enchantement, après ces deux années de séquestration, de retrouver le mystère de la représentation, l’invocation des textes, l’éclat des couleurs et des images, les jeux d’ombre et de lumière, l’envoûtement de la danse , le rythme hypnotique ou frénétique des percussions brésiliennes, le tout dans un cadre hautement poétique: nuit étoilée, bruissement de la rivière en contrebas de la scène…..
Le thème du spectacle Dress code , sous-titré « Inquisition au XXIème siècle, Habillée comment? », convoque le corps féminin dans la force de son épanouissement, non moins que dans la douleur liée à son exploitation.

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« Les Dimanches de Monsieur Dézert », un spectacle de Lionel Dray

— Par Michèle Bigot —

Comédie itinérante de Valence, novembre 2019

« Faute de soleil, sache murir dans la glace » (H. Michaux)

Voici un spectacle qui ne s’encombre pas de satisfaire au besoin de distraction, tout en étant parfaitement réjouissant et roboratif. Lionel Dray écrit le texte, met en scène et interprète ce spectacle, avec quelle maestria ! Aussi bien mime (avec un goût prononcé pour Buster Keaton) que comédien accompli et subtil écrivain. C’est une sorte d’exploit, qui réussit à entremêler la satire socio-philosophique, la méditation existentielle, la provocation dadaïste, sans jamais faiblir, nous laissant suspendus à ses gestes, à ses lèvres, dans un mélange d’allégresse et d’angoisse, un rire jaune que n’aurait pas désavoué Kafka. De quoi s’agit-il donc dans cet OVNI théâtral ?

C’est un spectacle librement inspiré d’un texte daté de 1914, écrit par un certain Jean de la Ville de Mirmont avant de mourir dans les tranchées. Voyez ce que cette guerre nous a volé : ce jeune homme de 27 ans écrit un texte sur « rien », juste l’histoire d’un modeste employé de bureau qui ambitionne de vivre pleinement ses dimanches.

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« Les Mille et une nuits », une création de Guillaume Vincent

— Par Michèle Bigot —

Très librement adaptée des Mille et une nuits

Quelle gageure ! Quelle audace ! Comment faire pour porter sur scène ce texte incroyable, aussi touffu que varié, un vrai défi au sens de la cohérence et au respect des règles de genre qui a fait les beaux jours de la tradition française ? Certes il s’agit d’un conte, donc issu d’une tradition orale, et partant il est fait pour être interprété devant un public. Mais comment créer des images dignes de l’imagination débridée du texte ? Il y fallait toute l’habileté de Guillaume Vincent, et tout son métier. Car ce n’est pas la première fois qu’il se mesure au merveilleux et à la fantaisie. Il a derrière lui l’adaptation des Métamorphose d’Ovide, la mise en scène du Songe d’une nuit d’été. Il est à l’aise avec ces textes pleins de magie, ces contes qui échappent à la pure rationalité, où la poésie nourrit le récit, quitte à lui faire franchir les limites du vraisemblable. Le voilà donc lancé dans l’entreprise sans état d’âme, apte à traiter ce mille-feuilles narratif, ce conte à tiroirs où l’on s’égare avec bonheur dans les méandres du labyrinthe.

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« Une des dernières soirées de carnaval », de Carlo Goldoni, m.e.s. de Clément Hervieu-Léger

— Par Michèle Bigot —

Texte français de Myriam Tanant et Jean-Claude Penchenat

Clément Hervieu-Léger s’empare d’un texte de Goldoni traduit et adapté pour donner sur la scène des Bouffes du Nord une réjouissante soirée de fin de carnaval. Avec un intérêt quasi documentaire pour ce texte de l’auteur vénitien qui marie la comédie italienne pleine d’alacrité, joyeuse et spirituelle à une réflexion quasi sociologique sur le devenir de la bourgeoisie vénitienne. Pour le spectateur français, il y a là quelque chose de surprenant, voire de sensiblement exotique : toute une société d’artisans fortunés, travaillant aux œuvres d’art qui ont fait la gloire de la sérénissime, occupés de dessins, de soieries, de tissage, de tapisserie, dans un raffinement qui n’a d’égal que leur joie de vivre. Ils ont le sens de l’honneur, le respect de la parole et du travail bien fait, de la réputation et de l’argent. Mais en arrière-fond se dessine toute une réflexion sur l’exil. Faut-il partir, exporter son savoir-faire, changer de perspective ou faut-il demeurer ? On sent là un écho des préoccupations de Goldoni lui-même, tenté de partir en France, tenté de réformer le théâtre italien à la lumière de la comédie française, plus grave, plus psychologique.

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« Reflets des jours mauves », un roman de Gérald Tenenbaum

« La connaissance est un présent d’une infinie cruauté quand elle ne permet pas d’agir. »

— Par Michèle Bigot —

Reflets des jours mauves est le roman des disparus. Le motif central du tissu narratif tresse deux fils : le narrateur est Michel Lazare, chef de clinique et explorateur du génome. Il raconte une histoire biface, celle de sa recherche génétique (la chaîne) et celle de sa rencontre avec Rachel (la trame). Mais la promesse de bonheur suscitée par la thérapie génique se retourne en malédiction, quand l’apprenti sorcier fait face à sa découverte.

C’est une même passion de recherche qui anime anime Lazare et Rachel, comprendre le mystère de la vie pour lui, retrouver les traces des siens pour elle. Il regarde en avant, elle regarde en arrière, pourtant leurs démarches sont jumelles. Il est généticien, elle est photographe, mais tous deux poursuivent des traces, histoire familiale ou anamnèse occulte. Leur amour repose sur une gémellité, une expérience commune, celle de la disparition. Le mélancolique mauve pourrait donc se teinter de reflets tragiques.

Si les caractères et l’intrigue empruntent à la tragédie, la forme emprunte au conte oriental.

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Avignon 2019 : récapitulatif des comptes rendus

Le festival à l’heure des bilans

Le « IN » : faire mentir les fatalités

La 73e édition du Festival d’Avignon s’est achevée pour les spectateurs dans la nuit du 23 au 24 juillet, célébrant d’une certaine manière en aînée les 60 ans du ministère de la Culture, cette utopie réaliste d’un accès égalitaire aux œuvres. Il faudra encore quelques jours à l’équipe du Festival d’Avignon pour terminer, démonter, entretenir, ranger ce grand théâtre. Les histoires individuelles ont raconté la grande Histoire, les spectacles ont dialogué de l’un à l’autre, esthétiquement comme politiquement, dessinant une dramaturgie de la programmation. Des triomphes du Brésil, de Chine, de Russie, de France ou de Grande Bretagne, ont soulevé les salles et nous avons accompagné de nouvelles générations d’artistes accueillis par les spectateurs avec une curiosité passionnée, faisant une fois encore du Festival d’Avignon ce carrefour unique de productions légendaires et d’annonces de demain. Ce public d’Avignon, multiple, divers, fervent, fidèle, exigeant, militant aussi, était présent pour les spectacles comme pour les rencontres, revendiquant le plaisir sérieux de partager la recherche, l’engagement, l’histoire, le sens.

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Avignon 2019. « Amitié », de Eduardo de Philippo et Pier Paolo Pasolini, m.e.s. Irène Bonnaud

— Par Michèle Bigot —
Spectacle itinérant

Spectale itinérant: spectacle qui peut se jouer n’importe où, dans un théatre à l’italienne, une salle des fêtes, sur la place du village ou au milieu d’un terrain de football. Autrement dit, un théâtre de tréteaux, dans la plus pure tradition de la comédie italienne, qui ne s’embarrase ni de décor, ni de vidéo ou autre artifice spectaculaire, mais mise sur le costume et les accessoires pour situer un contexte, quitte à articuler les épisodes avec des pancartes. Un théâtre véritablement populaire, fidèle à l’Arte povera, reposant sur le jeu des acteurs, leur présence en scène, leur agileté, leur expressivité, la maîtrise du geste, leur génie du théâtre. La musique y joue un rôle important, le chant, le mime, la parodie du tragique. Ancré dans une tradition qui mêle les registres pour notre plus grand palisir: le dramatique y voisine avec la farce, la satire, la parodie, dans une jonglerie générique astucieuse et convaincante. Il ny a pas besoin de beaucoup d’argent mais il y faut du génie. C’est pourquoi ce style de spectacle se fait rare.

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Avignon 2019. « Sous d’autres cieux », d’après l’Enéide de Virgile

— Par Michèle Bigot —
Adaptation et m.e.s. Maëlle Poésy et Kevin Keiss
Festival d’Avignon, Cloître des Carmes, 6>14/07 2019
Dans une traduction et une réécriture de Kevin Keiss, Maëlle Poésy s’empare de la première partie de l’œuvre de Virgile pour évoquer la question des migrants, conformément à la thématique de la présente édition du festival In d’Avignon. Il est vrai que l’Enéide est plus proche de ce que vivent actuellement les migrants en Méditerranée que l’Odyssée si souvent convoquée. Le texte de Virgile est librement adapté, avec un certain bonheur, notamment en ce qui concerne la parole des dieux, formulée dans un mélange de langues telles que l’italien, l’espagnol et le farsi. Comme si l’Olympe était le royaume de Babel. Cette nouvelle version privilégie les épisodes de la fuite de Troie en flammes, la rencontre avec Didon, la traversée mouvementée et ponctuée de naufrages. Elle se termine par la rencontre d’Enée avec son père dans le pays des morts. Ce périple du héros se traduit par une suite de tableaux auxquels l’éclairage, les évolutions chorégraphiques, les chants et la déclamation confèrent une dimension poétique.

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Avignon 2019. « Helen W ». Création et jeu d’Aurore Jecker

— Par Michèle Bigot —

Aurore Jecker fait l’ouverture de la SCH en Avignon. Elle nous propose une performance pleine d’humour sur le thème du double. Aurore, l’auteure et interprète, part à la recherche d’une certaine Helen W. qui lui ressemblerait comme une sœur, selon certains, dans les traits et la « manière ». La voilà partie pour une aventure artistique, une enquête, un périple à la recherche d’une identité problématique. Elle suit le chemin de Compostelle de Fribourg à Bâle, profitant du chemin pour collecter une série de photos dans le style « Visages, villages ». Le faux-semblant, le double, les chausse-trapes jalonnent ce parcours, véritable initiation aux mystères de l’identité fictive (ou non). C’est donc pour Aurore l’occasion de faire retour sur son enfance et son adolescence. Son enfance passe par le plateau de Jacques Martin. Se déroule, en images et en paroles, l’histoire d’une comédienne qui brulait les planches dès son enfance, sans se laisser intimider ni par la caméra ni par le public. Elle débarque tout naturellement en Avignon, qui est à la fois le terme de son parcours et le point de départ d’un nouveau chemin artistique.

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Avignon 2019. « La Maison de thé », texte de Lao She, m.e.s. et adaptation Meng Jinghui

— Par Michèle Bigot —
Le festival d’Avignon a déjà invité Meng Jinghui en 2018 où il présentait Badbug, (Voir l’article de Madinin’Art) texte adapté d’après Maïakovski à la Manufacture. Il est également connu en France avec son Meng Théâtre Studio pour présenter un théâtre d’avant-garde, avec son spectacle emblématique, Rhinocéros amoureux. Il nous revient dans le In avec cette adaptation d’un classique de la littérature chinoise, La Maison de thé. Il s’agit d’une pièce écrite en 1956 par le romancier et dramaturge Lao She. Elle met en scène une soixantaine de personnages qui se rencontrent dans une maison de thé pékinoise au fil de trois actes correspondant à trois époques différentes : 1898, la chute de l’Empire, Les années 1920 et le conflit avec les étrangers et enfin la guerre civile de l’après- guerre. Lao She est un auteur populaire, et le peuple, sa vie quotidienne, ses aspirations et son parler occupent chez lui le devant de la scène, ce qui ne l’a pas protégé contre la barbarie de la révolution culturelle.
Or le premier effet de l’adaptation par Meng Jinghui (associé au dramaturge allemand Sebastian Kaiser) est un bouleversement de la chronologie.

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Avignon 2019. « Hamlet », fête macabre d’après W. Shakespeare. Adaptation et m.e.s. Jérémie Le Louët

— Par Michèle Bigot —
Le sous-titre « fête macabre » est bien trouvé. Nous assistons en effet à une véritable fête, où se mêlent le burlesque, la farce, l’humour déjanté et le tragique. Adaptation de la pièce d’Hamlet, qui, tout en prenant ses aises avec le texte de Shakespeare, reste fidèle à l’esprit baroque, avec ses excès, ses surprises, sa surcharge. Pas de doute que le public du seizième (siècle !) aurait adoré ! Que de couleurs, que de rires mêlés aux larmes, que de cris et d’enflure verbale, que de musique : toutes les cordes de la lyre sont sollicitées pour le plus grand bonheur du spectateur ! Les allusions et les références foisonnent, Freud et Shakespeare sont présents sur scène, l’anachronisme joyeux est de la fête. Spectacle total, qui renoue avec la grande tradition théâtrale, mariant la déclamation pompeuse aux coups de pistolets saugrenus. Le spectateur est pris à contrepied, passant allègrement d’une émotion à l’autre. Toutefois le texte de Shakespeare est bien présent, et à l’occasion admirablement servi par des comédiens magnifiques, capables de passer d’un registre à l’autre avec une souplesse et un naturel confondant.

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Avignon 2019. « Qui va garder les enfants ? », de Nicolas Bonneau et Fanny Chériaux, m.e.s. Gaëlle Héraut

— Par Michèle Bigot —
Qui va garder les enfants? Telle est la question que posa Laurent Fabius à l’annonce de la candidature De Ségolène Royal aux primaires du parti socialiste. La formule est restée célèbre comme emblème de l’hostilité des hommes politiques à l’égard des femmes. Si la méfiance voire la misogynie sont l’ordinaire de la vie quotidienne, il semble que les hommes politiques tiennent le pompon, comme en témoigne l’abondance de remarques sexistes qu’entendent les femmes députées à l’Assemblée nationale. De quelque côté qu’on se retourne, le machisme a de beaux jours devant lui en France !
C’est pourtant un homme qui monte et interprète ce spectacle, même s’il en partage la création avec Fanny Chériaux. Il le joue devant un public où on comptait quand même six hommes pour cinquante femmes ! On n’est pas sorti d’affaire !
Il s’agit donc d’une satire féroce de la misogynie dans le monde politique, d’un texte ironique et mordant. Dans sa forme, il se présente comme un patchwork de récit (en partie autobiographique), d’interviews de femmes politiques, de témoignages. Nicolas Bonneau pratique depuis longtemps un théâtre documentaire, reposant sur des enquêtes de terrain assorties d’une réécriture.

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Avignon 2019. « Désobéir, pièce d’actualité n°9 », m.e.s. de Julie Berès

— Par Michèle Bigot —

Depuis 2014, Le théâtre de la Commune d’Aubervilliers confie chaque année à des artistes le soin de concevoir un spectacle touchant aux problèmes sociaux contemporains, avec l’ambition de faire vivre un théâtre politique. Cette année la mission est dévolue à Julie Berès et à sa troupe « La Compagnie de cambrioleurs ». Pari relevé, et avec quel brio et quelle énergie ! Rien n’est aussi convaincant que cette performance de quatre jeunes femmes issues de l’immigration qui nous content avec humour, avec gravité et émotion les embûches de leur chemin et empruntent chacune à sa façon les voies de la désobéissance. La désobéissance, vertu cardinale dans un univers patriarcal qui cherche à les dominer sinon à les anéantir. Elles ont le feu de leur jeunesse, l’enthousiasme, le courage et l’intelligence. Elles ont appris à parler et ont découvert que le verbe est une arme imparable lorsqu’il est aussi juste que drôle. La satire est chez elles, non un genre conventionnel, mais un mode d’expression naturel.

Jugez-en sur deux traits : elles arrivent, en formation serrée, elles prennent possession du plateau, le traversent en diagonale au pas de charge et en rythme, tout en échangeant des sourires complices avec le spectateur : ça y est vous êtes embarqués !

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Avignon 2019. « Le rouge éternel des coquelicots », texte et m.e.s. de François Cervantès

— Par Michèle Bigot —

Avec Catherine Germain

Le Off d’Avignon a déjà reçu naguère François Cervantès, avec un spectacle intitulé « Prison possession ». Il nous revient aujourd’hui avec Le Rouge éternel des coquelicots. Cette pièce est elle-même issue d’un spectacle plus large monté au théâtre du Merlan, Scène Nationale de Marseille, intitulé «L’épopée du grand Nord ». Il s’agissait d’une vaste fresque réunissant sur scène les témoignages des habitants des quartiers Nord de Marseille. Mais cette fois c’est une histoire, celle de Latifa Tir. Latifa est d’origine Chaouïa, ses parents sont arrivés à Marseille dans les années cinquante. Toute sa vie a pour cadre les quartiers Nord dont elle a vécu la construction et l’histoire.

La pièce est un monologue, écrit d’après les conversations que F. Cervantès a eues avec Latifa dans le quartier de la Busserine. Latifa y tient un snack depuis quarante ans, et voilà que « Habitat 13 » a décidé de démolir le snack pour moderniser l’endroit. Il s’agit donc d’une histoire vécue, et le personnage qui prononce le monologue est donc créé à partir d’une personne réelle.

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Avignon 2019. « Points de non-retour [quais de Seine] » texte et m.e.s. d’Alexandra Badea

— Par Michèle Bigot —
Ces points de non-retour sont la suite de crimes imputables à la colonisation. En particulier, la guerre d’Algérie, et de façon plus spécifique le crime impuni commis par l’Etat français le 17 octobre 1961, où des centaines de travailleurs algériens sont massacrés et leurs corps jetés à la scène, crime couvert par le silence des autorités, de la presse et des partis politiques. Alexandra Badea se situe d’emblée par rapport à cette histoire à la faveur d’un prologue astucieux : dans le silence et le noir, elle écrit un texte sur son ordinateur qui s’affiche au fur et à mesure sur grand écran. Le procédé est efficace et émouvant, donnant à comprendre l’émotion qui est la sienne dans une confession dramatique. Elle avoue endosser, avec la nationalité française, tout le passé colonial de la France dont elle se sent désormais responsable. Dès lors son travail théâtral vise à exorciser la peur et à rendre justice aux victimes.
La pièce repose alors sur un dédoublement de l’espace scénique censé restituer l’écho que les drames du passé font résonner dans l’esprit des contemporains.

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Avignon 2019. « Dévotion Dernière offrande aux dieux morts »

— Par Michèle Bigot —
Spectacle de sortie de la promotion 2019 de l’ESAD/PSPBB
Ecrit et mis en scène par Clément Bondu

C’est l’histoire de…..oui au fait, c’est l’histoire de quoi et de qui ? Vous me direz que pour faire théâtre, nul n’est besoin d’une histoire. C’est vrai. Ou alors de plusieurs histoires. Comme c’est le cas ici, histoires qui s’enchevêtrent, se croisent, se répondent en un jeu de miroir, inversé ou non. On y voit défiler des anti-héros de notre temps, ersatz de Hamlet (référence oblige) ou de Perdican, ou un idiot à la Dostoïevski, c’est la Samaritaine du personnel dramatique. Quand on est jeune, on a besoin de se justifier, et se justifier, c’est multiplier les rappels, histoire de se concilier le public de théâtre, qui a le malheur d’être exigent. La pièce repose donc sur le portrait d’une génération, une suite de tableaux cousue par deux fils conducteurs, les angoisses existentielles d’Hamlet et celles de l’idiot.
L’amour y tient une place essentielle, comme il se doit pour des héros adolescents, les rôles de femmes reposant dès lors sur les clichés hérités de la tradition, celui de l’amant étant non moins stéréotypé.

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Avignon 2019. « Tous mes rêves partent de Gare d’Austerlitz », texte de Mohamed Kacimi, m.e.s. de Marjorie Nakache

— Par Michèle Bigot —
Voici l’exemple d’une réussite totale : un spectacle à la fois actuel et intemporel, drôle et dramatique, émouvant et esthétique, tout y est. C’est l’histoire de six femmes en prison, qui se retrouvent dans la bibliothèque le soir de Noël et tentent de conjurer la tristesse par le jeu et la solidarité. Histoire éminemment théâtrale où l’individu conquiert sa liberté par le jeu, le rôle, le mime et le texte. Drôlerie suprême, les filles choisissent d’investir un drame de Musset, et pas n’importe lequel : On ne badine pas avec l’amour. Mohamed Kacimi nous a déjà habitués à ses performances dramatiques : on a vu à Avignon en 2017 Moi, la mort, je l’aime, comme vous aimez la vie. Il réussit comme personne à s’emparer des thèmes les plus tragiques et les plus actuels sans sombrer dans le pathos. Son écriture se signale par une finesse et une justesse d’analyse hors pair. Elle nous fait vibrer en mêlant brillamment le comique et le grave. Ses personnages sont alternativement touchants et drôles. Barbara, Rosa, Marylou, Zélie, Lily et Frida sont des femmes ordinaires : leur crime est d’avoir trop aimé ou d’avoir été trop pauvres pour élever un enfant.

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