Catégorie : Littératures

Autisme, la parole absente

autisme_parole_absenteUn premier roman détonant qui explore les inquiétudes les plus secrètes et les plus noires de tout jeune parent. Dès la première de couverture, la couleur est donnée. Le titre, implacable, rouge sur blanc, un diagnostic sans appel : Autisme. Rouge sur blanc également, chaotique, la voiture subissant le choc de la collision. Deux éléments d’intrigue bruts, transparents, qui pourtant vont entraîner le lecteur dans les méandres d’un couple en urgences.

Urgences immédiates : sous le néon rouge sur blanc de l’hôpital, Marta et Rogério, un couple de trentenaires en phase avec leur époque, attendent des nouvelles de leur petit garçon, Henrique, fauché par une voiture alors qu’il sortait de l’école. Des pensées éparses, erratiques, de la mère, du père et du grand-père de l’enfant se dessine un explosif portrait de famille avec une cruauté et une justesse assez rares, révélant ses contradictions, ses violences, ses mises à l’épreuve. Car Henrique n’est pas un garçon comme les autres, il est autiste. Un enfant qui requiert un maximum d’attention, de soins, aux dépens de soi, du couple, des autres.
Urgences familiales : deux couples à la dérive, troublés par une fatalité qui contamine chaque aspect de leur être.

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Que les feux que les flammes que les braises

— Patrick Chamoiseau —

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In memoriam

Que les feux que les flammes que les braises

Castro
que les feux que les flammes que les braises
fassent pour nous le partage
Nous
emmêlés et mêlés
à une cendre lourde et déjà trop ancienne
frère du peuple des exils et des geôles
et fils ho !

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Le prix littéraire Fetkann! à Joël Des Rosiers pour « Chaux »

 joel_des_rosiers-2Joël Des Rosiers lauréat du prix littéraire Fetkann!/ Maryse Sondé de poésie 2016 pour « CHAUX », éditions Triptyque, 2015, Montréal

« Le mur du fond est un mur de chaux »

Marcelin Pleynet

La chaux est l’encre des écrits divins (Daniel 5,5). C’est donc à un Dieu à la main coupée, à ce point humain, que tout poète s’adresse comme limite extrinsèque de tout savoir. Plutôt que de prendre la parole l’auteur a voulu être enveloppé, porté par elle, bien au-delà de tout commencement. La tentation est grande de se tourner vers ses poèmes antérieurs, ses champs de parfums et de sonorités. Cela reviendra à ignorer les traces d’une fulgurance plus ancienne : une terre vivante, une chaleur organique, la chaux, entre délire et prophétie, était entrée en lui dès les premiers jours de sa vie, dans cet espace du dedans, démesuré, insoupçonné, intemporel, qui est la vraie mesure de l’homme.

Sans doute avec Chaux est-ce le même poème différent qui se continue en déjouant toute attente. L’écriture en est plus avide, plus déchiquetée, plus rapace. Plus dévêtue aussi.

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All that jazz!…

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

poeme_ziziqueNoires et blanches

se déhanchent

en ondulant des anches,

se métissent

et tissent

vaille que vaille,

maille à maille,

maille à partir,

la trame

de leur âme

triste

d’artiste

qui s’envole

– tapis perçant

mes tympans –

de la gueule

cuivrée des saxophones.

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Dictionnaire créole numérique : le poids des mots !

— Par Roody Edmé —

roody_edmeDans un récent article ayant pour titre « Le dictionnaire numérique du créole haitien : mirage, amateurisme ou labeur de haute exigence scientifique » paru sur son site www. Berrouet-Oriol.com et relayé sur Madinin’Art, l’écrivain et linguiste Robert Berrouet-Oriol s’alarme vigoureusement contre le projet d’un groupe d’étudiants de la Faculté de Linguistique de l’Université d’État d’Haïti de mettre en ligne un dictionnaire du créole haïtien. Le coordonnateur et co-auteur du précieux ouvrage autour de l’aménagement linguistique en Haïti tire la sonnette d’alarme sur les multiples dangers d’une entreprise académique aussi spontanée qu’hasardeuse.

Il s’insurge avec toute la puissance théorique d’un chercheur expérimenté contre une initiative, volontariste, mais ô combien risquée ! Rédiger un dictionnaire créole unilingue numérique est à ce stade des études, la quatrième année, très au-dessus des compétences des étudiants.

Le scientifique et ardent défenseur des droits linguistiques des unilingues Haïtiens expose dans cet article les conditions nécessaires et suffisantes d’une initiative aussi ambitieuse. Avec la sévérité du professeur rigoureux, il étale tout au long de son texte le maillage d’expertises indispensable à une opération académique particulièrement exigeante.

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Imbolo Mbue : « le Rêve Américain est en grand danger »

— Entretien réalisé et traduit de l’anglais par Sophie Joubert —
imbolo_mbueImbolo Mbue est née à Limé, au Cameroun anglophone en 1982. Son premier roman, « Voici venir les rêveurs » (Belfond) est paru fin août en France et dans de nombreux pays, dont les Etats-Unis. Il raconte l’histoire d’un couple d’immigrés camerounais à New-York. Imbolo Mbue est aujourd’hui citoyenne américaine et vit à Manhattan.

C’était votre premier vote pour une élection présidentielle depuis que vous êtes citoyenne américaine. Qu’avez-vous ressenti ?

Imbolo Mbue. Ce n’était pas seulement mon premier vote en tant que citoyenne américaine, c’était tout simplement la première fois de fois de ma vie que je votais. J’attendais cela depuis le jour de ma naturalisation, j’imaginais une expérience formidable et joyeuse. Ca n’a pas été le cas. La campagne a été tellement sale et laide que j’avais hâte que le 8 novembre arrive, je ne pouvais pas en entendre davantage. Cependant, quand le jour de l’élection est arrivé, j’étais très émue, consumée par l’angoisse du résultat. Je me suis sentie un peu mieux après avoir voté mais quand les résultats ont commencé à arriver, je ne pouvais pas faire face.

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« Petit pays » de Gaël Faye remporte le Goncourt des lycéens

gael_faye_petit_paysAprès Delphine de Vigan en 2015 pour « D’après une histoire vraie », les lycéens couronnent « Petit pays » de Gaël Faye de leur Goncourt.

Le 29e prix Goncourt des Lycéens a été remis ce jeudi midi à l’Opéra de Rennes à Gaël Faye pour son premier roman Petit Pays publié chez Grasset, déjà récompensé du Prix du Roman Fnac. L’écrivain succède au palmarès à Delphine de Vigan qui avait remporté l’adhésion des lycéens l’an dernier pour son livre D’après une histoire vraie (Lattès).

Six autres auteurs étaient en lice pour la 29e édition de ce prix littéraire, notamment Leïla Slimani, sacrée au Goncourt avec Chanson Douce publié chez Gallimard.
Le Goncourt des Lycéens fait plus vendre que le Goncourt

Nathacha Appanah (Tropique de la violence chez Gallimard), Magyd Cherfi (Ma part de Gaulois chez Actes Sud), Ivan Jablonka ( Laëtitia ou la fin des hommes publié au Seuil), Laurent Mauvignier (Continuer chez Minuit) et Karine Tuil (L’insouciance chez Gallimard) faisaient également partie des finalistes.

Ces cinq dernières années, le Goncourt des lycéens est le prix littéraire dont la moyenne des ventes est la plus élevée avec près de 395.000 exemplaires, avant le prix Goncourt qui lui atteint une moyenne de 345.000 exemplaires.

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Nicole Cage & Christian Marie-Jeanne

19 novembre à 19h 30 au T.O.M. de Foyal

nicole_cage__cmjAvec Alchimie

Poésie & Musique

Romancière martiniquaise la plus prolifique, Nicole Cage-Florentiny a publié quatre romans : C’est vole que je vole (1998), Confidentiel (2000), L’Espagnole (2002) et Aime comme musique ou comme mourir d’aimer (2005). Nicole Cage-Florentiny est également poète et dramaturge ; son talent à mettre en espace ses textes et à les faire vivre par le public est remarquable. Elle monte un spectacle autour de C’est vole que je vole. Elle écrit également des chansons qu’elle présente en spectacle dans différentes bibliothèques.

C’est vole que je vole traite de la folie et de l’enfance massacrée. La jeunesse et l’histoire sont au cœur de cette oeuvre qui met en avant les travers et les atouts de la société martiniquaise pour une avancée résolue vers le futur. L’un de ces atouts, ce sont les femmes, dont les métaphores poto mitan et fanm doubout prennent tout leur sens sous la plume de l’auteure. Les femmes chez Cage-Florentiny sont souvent décrites dans des situations extrêmes, traduisant la volonté de l’auteure de créer une « mythologie interne » ainsi que son aspiration à une société plus humanisée, bâtie sur une redéfinition des rapports hommes-femmes.

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Le citoyen Confiant tel qu’en lui-même, écrivain, indigné, excessif : intellectuel.

— Par Yves-Léopold Monthieux —
raphael_confiantIl n’existe pas d’hommes qui soient vertueux à tous les moments de leur existence. Plus une personnalité politique, intellectuelle ou humanitaire s’exprime dans la durée, plus il risque de dévier aux valeurs qui l’ont construite. Et, dans le cas contraire, plus elle a des chances de se rattraper. Je l’ai récemment relevé pour Gandhi qui s’était révélé un théoricien raciste avant de devenir l’humaniste qu’on a connu. J’ai ainsi comparé le jeune disparu Frantz Fanon, à l’image immaculée, et le vénérable Aimé Césaire, dont la dernière phrase n’avait pas franchement ravi tous ses fidèles : « Nous avons besoin de vous [la France] car c’est grâce à vous que nous survivons ». Reste que le buste de Gandhi continuera de siéger dans la ville de Césaire alors que, chargée par de faux historiens, Joséphine n’y a pas droit de citer. Mais les critiques qui visent l’écrivain Raphaël Confiant tiennent à ses sorties de route, pas à sa longévité politico-littéraire. De sorte que bien de ceux qui ne supportent pas les écarts de l’homme public restent amoureux de son œuvre.

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Journées Portes Ouvertes pour les 50 ans de la Bibliothèque de prêt

Du 7 au 25 novembre 2016

bibal_de_pret_9721966 – 2016. 50 ans de lecture publique ça se fête!

Créée par arrêté ministériel en 1966, la Bibliothèque de Prêt travaille au coeur du territoire Martinique pour développer la lecture publique.
Pôle de ressources, elle s’appuie sur un réseau de partenaires : bibliothèques et médiathèques municipales, établissements scolaires, structures petite enfance, EHPAD, centre pénitentiaire, associations.
A l’occasion de ses 50 ans d’existence, la BdP, service culturel de la Collectivité Territoriale de Martinique, vous propose de découvrir ses missions : des activités traditionnelles comme le prêt de livres, de cd, de dvd, d’expositions ; conseils et formations ; bibliobus des actions nouvelles adaptées aux évolutions culturelles et technologiques : sites internet et ressources numériques accessibles en ligne (autoformation, livres numériques), liseuses des animations culturelles variées : conférences-débats, lectures à voix haute, contes, slam, musique, film, théâtre des actions qui assurent un lien social auprès de publics spécifiques (centres pénitentiaires, ehpad, hôpitaux, publics handicapés).

A l’occasion des 50 ans de sa création, la Bibliothèque de Prêt de la Collectivité Territoriale de la Martinique (CTM), organise des journées portes ouvertes du 7 au 25 novembre les lundi, mardi et jeudi de 9h à 12h et de 14h à 17h, ainsi que les vendredis de 9h à 12h.

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Prix littéraires 2016

prix_ilitterairesVoici les lauréats des principaux prix littéraires de 2016:
PRIX GONCOURT:
Leïla Slimani pour « Chanson douce » (Gallimard)
PRIX RENAUDOT:
Yasmina Reza pour « Babylone » (Flammarion)
PRIX RENAUDOT ESSAI:
Aude Lancelin pour « Le Monde libre » (Les Liens qui Libèrent)
PRIX FEMINA:
Marcus Malte pour « Le garçon » (Zulma)
PRIX FEMINA ETRANGER:
Rabih Alameddine pour « Les vies de papier » (Les Escales)
PRIX FEMINA ESSAI:
– Ghislaine Dunant pour « Charlotte Delbo, La vie retrouvée » (Grasset)
PRIX MEDICIS:
– Ivan Jablonka pour « Laëtitia ou la fin des hommes » (Seuil)
PRIX MEDICIS ETRANGER:
Steve Sem-Sandberg pour « Les élus » (Robert Laffont)
GRAND PRIX DU ROMAN DE L’ACADEMIE FRANCAISE:
Adélaïde de Clermont-Tonnerre pour « Le dernier des nôtres » (Grasset)¨
PRIX JEAN-FREUSTIE:
– Stéphane Hoffmann pour « Un enfant plein d’angoisse et très sage » (Albin Michel)
PRIX LITTERAIRE DU MONDE:
Ivan Jablonka pour « Laëtitia ou la fin des hommes » (Seuil)
PRIX DU ROMAN FNAC:
– Gaël Faye pour « Petit pays » (Grasset)
D’autres prix littéraires seront attribués dans les prochaines semaines dont le prix Décembre (7 novembre), Wepler (le 14 novembre), le prix de Flore (8 novembre), prix Interallié (8 novembre), prix Goncourt des lycéens (17 novembre).

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Le dictionnaire numérique du créole haïtien : mirage, amateurisme ou labeur de haute exigence scientifique ?

— Par Robert Berrouët-Oriol, Linguiste-terminologue —

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« Un dictionnaire numérique du créole haïtien en gestation » est le titre, fringant, d’un article paru à Port-au-Prince dans Le National du 27 octobre 2016. L’article, qui traite d’un futur dictionnaire numérique du créole « qui contiendra dix mille entrées », précise que « L’idée est apparue dans un cours de sémantique et lexicologie au moment où deux camarades discutaient de quelques sujets qui pourraient leur inspirer leur mémoire de sortie ». Une idée comme une autre, « apparue » sous le ciel complaisant des bonnes intentions, comme un salutaire numéro de « borlette » à lotto.com …

Ce projet de dictionnaire soulève de nombreuses questions chez nombre d’enseignants et de linguistes. Comment « une vingtaine d’étudiants finissants en sciences du langage » –qui n’ont même pas bouclé au premier cycle une licence généraliste à l’université, qui n’ont pas encore été formés à la recherche en lexicologie au second cycle (niveau maîtrise ou DESS), qui n’ont publié aucune étude scientifique connue sur le créole, et qui sont inconnus au bataillon des lexicographes professionnels–, comment ces étudiants peuvent-ils conceptualiser, rédiger et mettre en ligne un dictionnaire numérique du créole haïtien ?

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Georgy de Lamare Lamvohee, militant de la créolité internationale

— Propos recueillis par Rodolf Etienne —

Installé en Australie, originaire de l’île Rodrigues, Mauricien, Georgy de Lamare Lamvohee est aussi un militant pan-créole de la première heure. Au sein de Bannzil Kréyol[1] déjà (1981), mais également au sein d’autres groupes créés depuis, au fil des années d’engagement, des relations. Rencontre avec l’un de ceux qui, depuis l’Australie, via l’Océan indien et jusqu’à l’Océan Atlantique, fait vivre la créolité moderne…

Rodolf Etienne : En termes d’avancée, d’évolution, vous qui avez fait partie du premier groupe international créole (Bannzil Kréyol) comment définiriez-vous la pan-créolité aujourd’hui ?

Georgy de Lamare Lamvohee : C’est un peu triste de constater que depuis la disparition sur la scène internationale créole de l’organisation Bannzil Kréyol, le nombre de rencontres académiques ou militants entre créoles a grandement diminué. Ces rencontres annuelles, comme aux Seychelles par exemple, et la couverture médiatique qu’il y avait autour faisaient que les pays, îles et diasporas créoles se sentaient plus proches l’un de l’autre. Les Seychelles poursuivent avec leur festival annuel qui a débuté en 1982. Mais il n’y a plus de ces grandes rencontres entre créolistes venant du monde créole.

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L’assaut de l’eau de pluie

— Par Philippe Pilotin —

pluie_tropicaleLe ciel des Antilles était en pleurs
Et cette catastrophe par son ampleur
A déclenché en Martinique, un drame
Qui a ébranlé de nombreuses âmes.

Cette eau tombée abondamment,
En cheminant à travers villes et champs
S’est transformée subitement en torrent
Et créa de nombreux tourments.

La montée des eaux ayant rendu la vie difficile,
Les riverains n’avaient pas l’esprit tranquille
Mais en dépit de leur très grand affolement,
Il fallait qu’ils y fassent face, calmement.

Catastrophe naturelle ou pas,
Il ne fallait pas passer de vie à trépas.
Si hier on ignorait l’ampleur des dégâts,
Aujourd’hui l’heure est aux débats.

Pour panser ces vilaines blessures
Laissées par cette mésaventure,
Les autorités ainsi que les assurances
Devront agir vite de toute évidence.

Contre le déchaînement de dame nature,
Il n’ y a point de conjecture
Mais pour ne plus subir de telles mésaventures,
Il faut dès à présent réorganiser le futur.

Messieurs les représentants du gouvernement,
La balle est dans votre camp évidemment.
Votre devoir est de tout mettre en œuvre dés maintenant,
Pour nous éviter à l’avenir de tels désagréments.

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Le Prix Renaudot à Yasmina Reza pour « Babylone » chez Flammarion

babylone_yasmina_rezaRien ne sera plus jamais comme avant.
Elisabeth, Parisienne de soixante ans, décide d’organiser une fête de printemps à laquelle elle invite sa famille, ses amis, des collègues de travail et aussi un couple de voisins, Jean-Lino et Lydie. Tout se passe pour le mieux, on parle de tout et de rien, les conversations sont badines. Mais le souvenir de cette soirée est marqué par le drame qui advient pendant la nuit. Rien ne sera plus comme avant pour Elisabeth et Pierre son mari, Jean-Lino et Lydie.
En jouant avec les règles d’unité au théâtre, Yasmina Reza donne un rythme fou à son histoire, une profondeur à ses personnages et installe une forme de suspens qui fait qu’on ne lâche pas son roman. Il y a aussi beaucoup d’humour, surtout dans la description des invités, des petits travers de chacun et dans certaines situations plus que cocasses ! Un livre vif, truculent, à l’humour grinçant, à savourer sans réserve.

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Yasmina Reza a toujours porté une attention particulière aux humeurs (souvent noires) et à leurs mouvements : l’acrimonie que l’on contient mais qui nous échappe brutalement, la mélancolie ou le chagrin qu’un mot malencontreux vient débusquer… Avec Yasmina Reza, on ne sait jamais jusqu’où peut mener une conversation après un enterrement, un apéritif soi-disant pacifiste entre parents d’élèves ou un simple bain de soleil… Ce sont souvent des vérités crues qui finissent par jaillir.

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Le prix Goncourt est décerné à Leïla Slimani pour « Chanson douce »

chanson_douce-400Le prix Goncourt a été attribué à Leïla Slimani pour le roman « Chanson douce » (Gallimard). Il s’agit du deuxième roman de l’auteure.
Chanson douce
Collection Blanche, Gallimard
Parution : 18-08-2016
Lorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d’un cabinet d’avocats, le couple se met à la recherche d’une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert très vite l’affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer. Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu’au drame.
À travers la description précise du jeune couple et celle du personnage fascinant et mystérieux de la nounou, c’est notre époque qui se révèle, avec sa conception de l’amour et de l’éducation, des rapports de domination et d’argent, des préjugés de classe ou de culture. Le style sec et tranchant de Leïla Slimani, où percent des éclats de poésie ténébreuse, instaure dès les premières pages un suspense envoûtant.

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Un extrait :

Mademoiselle Vezzis était venue de par-delà la Frontière pour prendre soin de quelques enfants chez une dame […].

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Les Médicis 2016

prix_medicisLe prix littéraire Médicis 2016 a été attribué mercredi à l’écrivain français Ivan Jablonka, 43 ans, pour son livre « Laëtitia ou la fin des hommes » (Seuil). Le livre avait déjà obtenu le « Prix littéraire du Monde » 2016
Le Prix Médicis du roman étranger revient au Suédois Steve Sem-Sandberg, pour « Les élus » (Robert Laffont).
Jacques Henric reçoit le Prix Médicis pour l’essai « Boxe » (Seuil).

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Laëtitia ou la fin des hommes
Ivan Jablonka
Prix Médicis 2016

Dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011, Laëtitia Perrais a été enlevée à 50 mètres de chez elle, avant d’être poignardée et étranglée. Il a fallu des semaines pour retrouver son corps. Elle avait 18 ans.

Ce fait divers s’est transformé en affaire d’État : Nicolas Sarkozy, alors président de la République, a reproché aux juges de ne pas avoir assuré le suivi du « présumé coupable », précipitant 8 000 magistrats dans la rue.

Ivan Jablonka a rencontré les proches de la jeune fille et les acteurs de l’enquête, avant d’assister au procès du meurtrier en 2015.

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L’esclavage : quelle influence sur notre poétique ?

— Par Patrick Chamoiseau —

J’ai choisi de vous parler de l’influence de l’esclavage sur notre poétique.

D’abord, deux considérations liminaires.

La première sera pour remercier mon ami le professeur Aimé Charles-Nicolas de l’hommage qu’il rend aujourd’hui à la littérature. Demander à un écrivain « d’ouvrir » en quelque sorte un colloque scientifique, c’est, au-delà de ma personne, reconnaître au même niveau que les sciences de l’homme, la perception poétique des choses, et l’importance des poètes, romanciers, musiciens et artistes qui, dans les Amériques, ont questionné les réalités humaines de nos pays. L’intuition poétique, l’exploration romanesque, les divinations enthousiasmantes des plasticiens, des photographes et des musiciens, ont bien souvent précédé — pour ne pas dire « inauguré » — les investigations pragmatiques des sciences de l’homme et de l’esprit. C’est donc pour souscrire à la tenue scientifique de ce colloque que je vais convoquer, pour leur laisser ma place, deux poètes essentiels à la compréhension des mondes créoles américains : Aimé Césaire, Edouard Glissant. Les poètes sont l’âme de leurs peuples, parler d’eux, c’est parler de la lumière la plus accomplie de ces peuples tout entiers.

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La Matière de l’absence : l’écriture comme célébration du surgissement

— Par Michèle Bigot —

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L’absence, c’est avant tout celle de Man Ninotte, la mère du narrateur, qui vient de la porter en terre. De ce deuil, partagé avec la fratrie, et au premier chef, avec sa sœur, la Baronne, il reste l’indicible douleur de la perte. Mais aussi la densité d’une présence de l’absente, qui apparaît à tous les coins de rue. Sa silhouette, ses gestes, ses expressions, une trace. La trace autour de laquelle on peut broder à l’infini. Broderie et tissu font texte. L’absence de la mère renvoie à « l’effacement primordial », celui des Amérindiens, celui des esclaves enchaînés à la cale du vaisseau négrier, arrachés à leur univers, plus dépouillés que les plus nus. Sur cette radicale absence, cette totale amputation, cette disparition, il s’agit de faire culture, « sol et racine ». Le manque fondateur, l’effacé structurant, voilà qui va faire nouveau monde.

Et la perte de l’être le plus cher réactualise ce manque radical. Par là, elle fait surgir la forme poétique. La mort scandaleuse est aussi un immense horizon. Bazil, la mort annoncée par la conque de lambi, arrête les enfants en plein vol.

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Elieshi Lema, une amazone des lettres africaines

— Par Tirthankar Chanda —

terre_arrideTerre aride, une histoire d’amour, par Elieshi Lema. Traduit de l’anglais par Fernand Fortuné. Editions Présence Africaine, 264 pages, 20 euros.

Roman féministe, Terre aride de la Tanzanienne Elieshi Lema s’inscrit dans la grande tradition de la critique sociale qui a fait les beaux jours de la littérature africaine en ses débuts. Si le réalisme social de Lema paraît aujourd’hui un peu décalé par rapport à la production littéraire postcoloniale qui a délaissé l’engagement pour la révolution scriptuaire, il ne manque pas de faire sens dans un continent noir encore soumis aux lois du patriarcat. Elieshi Lema est romancière, poète et éditrice.

Le roman Terre aride, une histoire d’amour, traduit en français cette année par les éditions Présence Africaine, est un classique de la littérature tanzanienne de langue anglaise. Paru en 2001, il est considéré comme un monument de l’écriture féministe africaine grâce à son intrigue qui met au premier plan la condition des femmes et leurs rapports de force avec les hommes dans la société tanzanienne contemporaine. Son auteur Elieshi Lema écrit aussi pour la jeunesse et elle fait partie de la petite poignée d’écrivains anglophones de la Tanzanie, dont Abdulrazak Gurnah qui, on se souvient, a failli remporter en 1994 le Booker prize, équivalent du Goncourt en France, pour son magnifique roman Paradis (Denoël).

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Femina Etranger : Rabih Alameddine pour  » Les Vies de papier »

les_vies_de_papierAvec ce roman, Rabih Alameddine nous propose une variation sur la vie du lettré. Un lettré bien particulier et attachant…

Beyrouth. Aaliyah, la narratrice, est une solitaire : sans mari (le sien l’a quittée peu après leur mariage), sans enfants, sa vie est entièrement dédiée à la littérature. Elle ne vit qu’à travers la littérature. Retraitée, elle a longtemps été libraire. Surtout, tous les 1er janvier, après avoir pris un bain rituel et allumé deux bougies pour Walter Benjamin, elle s’attaque à la traduction en arabe d’un nouveau texte — traduction que personne ne lira jamais et qui ira rejoindre les autres, archivées dans des cartons dans la chambre de bonne de son appartement.

Magnifique hommage à la magie de la langue et des mots, au pouvoir libérateur de la littérature, Les vies de papier est aussi l’histoire d’une femme libre et indépendante, qui ne s’est jamais soumise ni aux hommes, ni à sa famille, ni à la religion, dans un Liban où c’était encore plutôt mal vu. Tour à tour drôle (Aaliyah ne manque certes pas d’impertinence), spirituel, grave et mélancolique, le texte est émaillé d’une multitude étourdissante de références, de citations, d’allusions pas toujours explicitées d’ailleurs, à dessein ; l’ombre de Pessoa, en particulier, Pessoa et tous ses hétéronymes, plane.

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Femina : Marcus Malte pour « Le garçon »

marcus_malte_le_garconLe prix Femina est décerné à Marcus Malte, pour son roman Le garçon (Zulma). Il semble que les dames du jury aient voulu distinguer une petite maison d’édition.

Marcus Malte a obtenu 7 voix contre 3 à Nathacha Appanah (« Tropique de la violence » (Gallimard)) pour ce roman qui nous invite à traverser le début du XXe siècle aux côtés d’un garçon sans nom. Le prix Femina du roman étranger a été attribué à Rabih Alameddine pour « Les vies de papier » (Les Escales) et le Femina de l’essai à Ghislaine Dunant pour « Charlotte Delbo, La vie retrouvée » (Grasset). « Ce livre est une grande épopée, une histoire magnifique qui ressuscite le mythe de l’enfant sauvage qui parvient à la civilisation », a déclaré Mona Ozouf, présidente du prix Femina. « C’est un grand roman d’apprentissage, une allégorie de l’ensauvagement des hommes par la guerre », a ajouté la présidente, en soulignant que la discussion entre membres du jury avait été « animée et courtoise ». « Le garçon » dont nous parle Marcus Malte, 49 ans, ne sera jamais nommé.

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Femina Essai 2016 : « Charlotte Delbo, La vie retrouvée » de Ghislaine Dunant

ghislaine_dunantCharlotte Delbo
La vie retrouvée
Ghislaine Dunant
« Je rencontrais une écriture qui crevait la surface protectrice de la vie pour toucher l’âme, le corps qui souffre ce qu’un être humain ne doit pas souffrir. Les mots peuvent dire ce qu’il est à peine supportable de voir, et de concevoir. Et ils peuvent ramener l’amour que Charlotte Delbo avait eu pour toutes celles, ceux qu’elle avait vu souffrir. La lucidité, la capacité de dire et d’écrire était là. Une langue pouvait rendre ce qui avait eu lieu. Le trou que faisait dans notre humanité la catastrophe d’Auschwitz, un écrivain me donnait le moyen de le raccommoder avec une œuvre qui en faisait le récit. Elle avait cherché la beauté de la langue dans le terrible des mots ciselés en arrêtes coupantes. Elle les disait avec la douceur qui prend quand l’au-delà de la douleur est atteint.
Elle l’écrivait des années plus tard, ouvrait les images restées, elle interrogeait avec liberté les souvenirs au moment où elle les écrivait, elle découvrait la vie retrouvée ».
G. D.

Lire un extrait :
Le vent est léger, il glisse sur les feuilles, entre les branches.

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Jack London, vagabond des étoiles

— Par Jérôme Skalski —

Cent ans après sa disparition, le romancier américain entre à la « Bibliothèque de la Pléiade ». Une consécration pour l’écrivain prolétaire, le journaliste et l’aventurier devenu l’un des auteurs les plus populaires de l’histoire de la littérature.

L’enfance de Jack London se déroule autour de la baie de San Francisco, sous le soleil d’une Californie, qui, dans ces parages, est tempérée par les avalanches et les vagues de brume de l’océan Pacifique. Sa mère, Flora Wellman, abandonnée par le géniteur du futur écrivain, se marie après sa naissance avec John London, un vétéran de la guerre de Sécession. Jack prendra son nom et son surnom, mais ne connaîtra la vérité sur son ascendance véritable qu’à l’âge de vingt ans. Fermier, ouvrier, petit commerçant ou employé, John London entraîne sa famille de part et d’autre de la baie dans ses pérégrination à la recherche d’un travail souvent précaire, avant de s’installer à Oakland, où Jack découvre la bibliothèque publique de la ville et fait la connaissance d’Ina Coolbrith, bibliothécaire et poétesse, qui le guidera dans sa frénésie de lecture et dans sa vocation naissante.

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« La Cheffe, roman d’une cuisinière » par Marie NDiaye

marie_ndiayeMarie NDiaye, l’histoire d’une obsession
— Par Marie-Laure Delorme —

Marie NDiaye, l’auteure de Rosie Carpe (prix Femina, 2001) et de Trois Femmes puissantes (prix Goncourt, 2009), s’attache à la trajectoire d’une cuisinière.

Sa beauté hiératique reste inchangée. Elle a été repérée à 17 ans par le fondateur des éditions de Minuit, Jérôme Lindon ; elle est tôt apparue comme l’écrivaine la plus douée de sa génération ; elle a reçu le prix Femina (Rosie Carpe, 2001) et le prix Goncourt (Trois Femmes puissantes, 2009) en moins d’une décennie. La romancière Marie NDiaye partage aujourd’hui sa vie entre Berlin et la Gironde. Les premiers mots de La Cheffe sont « oh oui, bien sûr » et « oh oui, bien sûr » on peut préciser que Marie NDiaye est « métisse » ou « noire ». Elle est née, en 1967, à Pithiviers, de mère française et de père sénégalais. Son univers reste sa langue. Un bureau pris dans un matin d’automne. Marie NDiaye se tient devant nous de passage à Paris et sa grâce d’airain fait parfois écran à ses mots.

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