— Par Roland Sabra, le 05 mai 2009 —

Le mot est de Ariane Mnouchkine dans un texte aujourd’hui célèbre et intitulé » Tout théâtre est politique ». Manuel Césaire nous en offre une illustration avec la programmation de « Bloody Niggers » ( cf la critique ci-après de Selim Lander). Le metteur en scène Jacques Delcuvellerie, est un français installé en Belgique, professeur au Conservatoire Royal de Liège, qui a fondé en 1980 Goupov, un collectif d’artistes pluridisciplinaires ayant vocation à créer un espace d’expérimentation théâtrales. Les années 90 seront consacrées au Projet Vérité qui pointera du doigt les croyances capables de mobiliser un être jusqu’à la mort. C’est dans la suite logique de ce travail qu’il propose en 1999, « Rwanda 1994 » une pièce fleuve de six heures qui remontait aux causes du génocide rwandais.
Younnouss Diallo qui jouait dans Rwanda 1994 participe cette fois non seulement comme comédien mais aussi comme adaptateur et concepteur à « Bloody Niggers » la dernière production de Groupov. Le texte de Dorcy Rugamba, rescapé du génocide rwandais est un long cri de révolte, de dénonciations et de douleurs ensanglantées contre les massacres, les boucheries, les exterminations, commises au nom des Dieux de la Bible, de la Bourse et de Wall Street.






En écoutant André Lucrèce, écrivain et sociologue, le 31 mars dernier à l’Atrium de Fort de France en ouverture des Rencontres théâtrales 2009 en Martinique, sur « le Théâtre de Shakespeare et la cérémonie de la violence », la question de l’utilité de la représentation théâtrale dans notre société, s’est imposée à deux niveaux.
Pourquoi n’existe-t-il pas une entreprise des métiers de la scène et du spectacle vivant en Martinique ? Une des nombreuses interrogations posées par de nombreux Martiniquais qui ont l’audace d’imaginer la production culturelle et artistique comme source de revenus et de développement pour la Martinique mais aussi comme vecteur dans le monde d’une culture insulaire caribéenne issue de notre métissage.


On connait bien Hervé Deluge . Il a travaillé ces derniers temps sous la direction de Lucette Salibur. Les résultats étaient inégaux, avec une question lancinante : qui du comédien ou du metteur en scène devait payer la facture? Le spectacle proposé les 20 et 21 novembre 2008 à l’Atrium donne une réponse en forme de pirouette. Hervé Deluge se met en scène lui-même. Avec un coup de main de Rudy Sylaire il est vrai. Le matériau central d »Un marmonneur providentiel » est tiré de « Cahier d’un retour au pays natal », « Et les chiens se taisaient » et aussi d’autres textes césairiens. Hervé Deluge connait son Césaire. Une des qualités de ce travail, il en a plusieurs, est de mettre en évidence une force d’interprétation du verbe du poète qui le porte à une telle incandescence que la forme se consume ne laissant subsister que le trait acéré qu’elle enveloppait. Hervé Deluge a fait une vraie lecture des textes de Césaire, en se les appropriant de façon charnelle, en leur faisant l’amour, et nous les restituant, transformés par la seule magie du dire, en une langue presque naturelle.








