« Le Prophète » de Khalil Gibran par la Compagnie Airac

— Par Laurence Aurry —

les 22è Rencontres théâtrales (les 8 et 9 avril 2009, salle Frantz Fanon, ATRIUM)

le_propheteA la question, « qu’est-ce que le théâtre ? », on peut répondre en s’aidant de l’étymologie. En grec « drama » signifie action. Le théâtre est un genre hybride qui donne aussi bien à entendre, à voir ou à ressentir ce que suggèrent les acteurs par leur voix, leur corps, la scénographie par le décor, l’éclairage et la musique, et la mise en scène, par les choix personnels du metteur en scène. Le théâtre est un art vivant qui fait appel à tous les sens du spectateur. C’est pourquoi la représentation est une véritable épreuve pour les acteurs qui sentent dès le lever du rideau la réceptivité de la salle, son frémissement ou son apathie. Le théâtre ne pardonne pas ! Quoi de plus décevant que d’entendre des spectateurs s’assoupir ou bien de voir la salle se vider après quelques timides applaudissements ? Comment éviter cela ? Molière pourrait répondre : « la grande règle est de plaire ». Pour y arriver, il ne s’agit pas seulement de satisfaire aux attentes du spectateur, mais plutôt de le bousculer, de le surprendre et surtout de susciter son attention. Le choix du texte entre pour une bonne part dans l’éveil de l’intérêt du spectateur. Mais cela ne suffit pas.

 

Ainsi, en adoptant Le Prophète, le célèbre texte philosophique et poétique de l’auteur libanais, Khalil Gibran, la Compagnie Airac se livrait à un beau combat. La traduction française a déjà donné lieu à un album, « La voix du prophète » de Pierre Richard. L’enjeu pour la Compagnie Airac était d’aller plus loin. Sans doute, les jeux de lumières bleutées et orangées et surtout l’admirable accompagnement musical de Francesco Agnello ont su créer un univers onirique. Il était tentant de fermer les yeux et de se laisser bercer par le rythme doux de ses percutions. Il était facile de se relaxer et d’oublier le fil du texte. Mais il était regrettable de rester sur cette seule impression et de se rendre compte que c’était déjà terminé alors qu’on avait le sentiment que ça n’avait pas vraiment commencé. La multiplication des effets sonores avec d’abord la voix très poétique et médiatique de Michael Lonsdale puis la mélodie des percutions ont finalement édulcoré la voix de Michel Le Royer. On ne l’écoute plus que d’une oreille distraite. Comment éviter cet engourdissement ? En rendant la scène plus vivante ! Le texte très répétitif dans le style avec ses paraboles, ses aphorismes, ses anaphores devait trouver vie à travers les gestes même du prophète qui sont restés, eux aussi trop répétitifs et peu expressifs. Peut-être pouvait-on garder tous les autres personnages qui viennent consulter le prophète dans des situations et pour des questions différentes…

 

Au final, beaucoup de recherches dans les effets sonores mais peu d’audace dans le jeu du comédien qui était pourtant le support de ce texte universel. Il eût fallu du mouvement, du rythme, de l’action pour nous sortir de cette ambiance un peu trop zen.

 

Laurence AURRY