« Marie Stuart »

 –Par Roland Sabra —

 

Assis en fond de scène du début à la fin du spectacle, ils attendent leur tour pour venir dans la lumière sur le devant du plateau. Peut-être figurent ils aussi, par leur présence immobile le rôle des conseillers de l’ombre? Avant de prendre la parole le plus souvent ils contournent le cercle de feu dessiné sur le sable de la scène, se tenant à la lisière du jour et de la nuit. Seules les deux reines occupent plus systématiquement le centre de l’espace. Les comédiens se font souvent récitants comme pour mieux s’effacer derrière le texte. Il s’agit là d’un théâtre minimaliste dans sa figuration et d’une exigence affirmée dans sa conception, d’une grande épure qui use de sobriété pour faire valoir un texte dont la traduction retenue est la plus classique. L’atemporalité de la thématique abordée dans la pièce relève d’un affrontement éternel, celui qui oppose principe de plaisir et principe de réalité. La mise en scène valorise la soumission douloureuse de Elisabeth 1ère aux impératifs qui sont ceux de sa charge. Elle  sacrifie sa vie de femme, demeurant une reine vierge en n’acceptant dans son lit que la raison d’Etat. Face à elle Marie Stuart tente un compromis impossible, ou plutôt cède à des passions, celles de son chemin de croix.  Mais au delà de ce qui les oppose, les deux reines partagent une même condition, celle de femmes de pouvoir dans une société qui ne laisse que très peu de place aux femmes. Plus précisément le texte n’élude pas la question des rapports de domination hommes/femmes et souligne l’incompatibilité absolue qu’il peut y avoir, pour l’une et l’autre, sur des registres tout à fait opposés, l’une épousant ses amants pour son malheur, l’autre épousant son malheur au détriment de ses amants, à vouloir concilier femme-maitresse et maitresse-femme dans une société patriarcale.

La grande force de ce travail de mise en scène réside dans la direction d’acteurs. Frédéric Chappuis a choisi d’installer un climat de grande retenue à ses comédiens comme pour mieux mettre en évidence comme par saillie, les moments les plus dramatiques. Il s’appuie pour cela sur de belles lumières de Florent Barnaud et sur une dizaine de comédiens assez solide dans son ensemble. Le public ne s’y est pas trompé, la pièce a été jouée à guichet fermé à toutes les représentations. Le Théâtre de Foyal est résolument fidèle à sa réputation de bonne programmation.

Au même moment, dans un temps plus limité, se jouait au CMAC  » Le petit déjeuner ». Que dire? Que dire d’une comédienne « indépendantiste » qui ne peut se mettre en scène qu’à l’aide de metteur en scène venu de France, avec des subventions qu’elle se vote et s’accorde en  petite commission  et dont le talent semble la fuir tout comme elle fuit l’éthique qui lui imposerait de refuser d’être juge et partie? Dire qu’elle récite un texte sans jamais l’incarner? Dire qu’elle réalise là néanmoins sa moins mauvaise prestation?

R.S.