Catégorie : Cinéma

M comme Marronnage : éloge de l’indocilité

— Par Dénètem Touam Bona —

 m_marronnageSi vous désirez vraiment savoir ce qu’est le marronnage, ne cherchez pas dans un dictionnaire. Contentez-vous d’ouvrir grand les yeux et les oreilles. Car les « nègres marrons » ne sont pas enterrés dans les livres d’histoire, ils continuent à vivre parmi nous ; à peine perceptibles puisqu’ils ne persistent dans l’être qu’en disparaissant. Dans M Marronnage, court-métrage sélectionné au Short Film Corner du dernier festival de Cannes, Patrice Le Namouric tente de capter la course furtive de ces fugitifs. Filmés au plus près, les corps des acteurs – par la virtuosité de leurs gestes et mouvements – s’épurent, s’effacent, se virtualisent. En l’espace de 18 minutes, ce « film-manifeste » développe une conception inédite du marronnage où les esclaves évadés, dans un monde totalitaire post-apocalyptique, se font ninjas et combattants de la liberté. Cette expérience cinématographique nous donne l’occasion de revenir sur la portée historique et utopique des évasions et sécessions d’esclaves.

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« Gravity » : what a pity ou le vide sidéral

—Par M’A —

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A Madiana

« Le docteur Ryan Stone, brillante experte en ingénierie médicale, est novice en matière d’expédition spatiale. Lors de son premier voyage, elle accompagne l’astronaute chevronné Matt Kowalsky. Mais alors qu’ils effectuent une banale sortie dans l’espace, des débris en orbite s’abattent sur leur navette. Ils se retrouvent seuls dans l’espace, à 600 kilomètres de la Terre. Alors que leurs chances de survie sont minimes, ils doivent faire preuve de beaucoup de sang-froid et d’entraide pour tenter de rejoindre le sol. Perdus dans cet univers infini, ils essaient de gérer des réserves d’oxygène qui diminuent peu à peu. Bientôt, une seconde vague de débris met leur vie en danger… » Tel est le synopsis de Gravity, un phénoménal succès planétaire avec un scénario d’une pauvreté confondante pour ne pas dire d’une nullité ou d’un vide sidéral effayant. Le plus incroyable est de lire sous la plume de quelques-uns qu’il s’agirait là du plus grand film de science fiction depuis « 2001, l’odyssée de l’espace » de Stanley Kubrick ! Il faut pour cela avoir oublié les débats intenses suscités par l’oeuvre de Kubrick il y a 45 ans, oublié la réponse, cinq ans après d’Andreï Tarkovski, avec « Solaris », adaptation du roman de de Stanislas Lem, reprise par Steven Soderberg en 2002.

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« La vie d’Adèle » : une si belle histoire d’amour

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 A Madiana : horaires décalés

—Par Roland Sabra —

Déjà dans « L’esquive » ( 2003) Kechiche rendait hommage à Marivaux. Des lycéens de banlieue s’essayaient à lire et à jouer, pour la fête de find’année, un extrait de la pièce « Le jeu de l’amour et du hasard ». La langue du XVIIIè et celle du 9-3. Carole Franck, la prof de français expliquait aux élèves qu’il n’y avait justement pas de hasard dans la rencontre amoureuse. Les maîtres avaient beau se déguiser en valets et les valets en maîtres, ils se reconnaissaient sous les habits empruntés, à leurs gestes, à leurs parlers, à leur manières d’être, en un mot à leurs habitus, dans la sociologie de Bourdieu. Dans « La vie d’Adèle » ( 2013) d’après la bande dessinée de Julie Maroh «  Le bleu est une couleur chaude », c’est le roman inachevé de Marivaux «  La vie de Marianne » qui est l’objet d’une tentative d’explication de texte. Le prof interroge sur la notion de coup de foudre et sur l’impression de prédestination parfois ressentie lors d’une rencontre.

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Copains pour toujours 2

— Par Ysa de Saint-Auret —

copains_pour_tjrsIl semble que l’époque de la screwball comedy (que l’on peut traduire par comédie de cinglés)  dans les années quarante, dans le cinéma américain vient de resurgir  pour « copains pour toujours 2 ». Mais à ceci près que si la vitesse débridée des dialogues et la liberté de ton restent exceptionnelles, elles relèvent  plus d’un humour potache,  ou d’adolescents boutonneux,  fait d’un mélange bizarre  d’éléments et de  situations disparates. Les parties et reparties sont mal assorties et   perdent  d’un coup tout le sens  de leur efficacité  comique,  dans ce burlesque des corps et des situations.
Pour que sa famille s’épanouisse, Lenny quitte Hollywood pour revenir s’installer dans sa ville natale. Il y retrouve l’ambiance bon enfant, voire carrément  déjantée des copains d’avant….
Dennis  Dugan  a pensé que  le succès relatif accordé à son précédent « copains pour toujours »qui sans atteindre des sommets, a été  tout de même plaisant et que cette virée entre potes, simple détente sur pellicule   rien de plus, lui  donnera le sésame pour un second long métrage. Il a tout agrégé autour de gags élimés et tout mis côte à côte dans un désordre inqualifiable.

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Elle court et elle pleure, Adèle

— Par Selim Lander –

Adèle et EmmaEn contrepoint à l’article de Franck Nouchi déjà publié sur Madinin’art – Elle court, elle court, Adèle, à 16 ans, pour attraper le bus qui doit la conduire au lycée. Elle est en première, est touchée par la littérature lorsque celle-ci lui parle de l’amour et de ses affres : la Vie de Marianne, la Princesse de Clèves. Elle se cherche, s’ennuie, son regard est souvent noyé, elle est toujours un peu en marge des copines, elle veut aimer ou elle veut sentir le goût du sexe, les deux sans doute. Une camarade de classe, un lycéen de terminale, pourquoi pas essayer ? Quelquefois, la nuit, seule dans son lit, elle se donne du plaisir. Ses parents sont des gens simples et bienveillants ; on se régale de spaghettis bolognaise à la maison. Tout cela n’est pas suffisant pour une jeune fille à qui manque la mémoire de tout ce dont elle aurait été privée si elle était née plus tôt, ou ailleurs dans un pays de misère. Elle a mal à l’être. Heureusement il y a Emma, un peu plus mûre, la fille aux cheveux bleus, artiste, les beaux-arts, la peinture, une certaine assurance.

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« La vie d’Adèle »: place au film, et quel film!

—Par Franck Nouchi—

la_vie_adele-2La voici donc enfin cette Palme d’or décernée le 26 mai à l’unanimité du jury présidé par Steven Spielberg après cinq minutes à peine de délibération. Que l’attente fut longue, émaillée d’interviews, de polémiques et autres déclarations fracassantes! La voici donc, cette Vie d’Adèle, chapitres 1 et 2. Qu’on se rassure : ce joyau cinématographique n’a rien perdu de son éclat cannois.

Par où commencer ? Peut-être, tout simplement, par Adèle (Adèle Exarchopoulos), ou plus exactement par son regard, son sourire lumineux. Sa bouche, ses lèvres, ses incisives. Chez Kechiche – on oubliait, ce film magnifique, adapté de la bande dessinée Le bleu est une couleur chaude, de Julie Maroh (Glénat, 2010), est signé Abdellatif Kechiche –, tout procède du visage. Ici, la bouche de l’héroïne renvoie immanquablement à celle de sa partenaire, Emma (Léa Seydoux). Plus dure, moins adolescente. Champ contre champ, bouche contre bouche.

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Ces écoliers de l’impossible

— Par Danielle Attali —

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A Madiana à 19 h

Un documentaire raconte la soif d’apprendre de quatre enfants du bout du monde, parfois au péril de leur vie
C’est le genre de récit qui vous chamboule « grave », comme on dit dans une cour de récréation. Pas juste un documentaire. Sur le chemin de l’école palpite de courage, de mérite, de désir d’apprendre. On y voit des mômes magnifiques. Quatre valeureux, Jackson en tête, tels des mousquetaires qu’on devrait montrer en exemple à tous les enfants pour leur donner, à eux aussi, du courage.
Jackson, donc. Il vient de passer quelques jours à Paris, avec sa petite sœur, Salomé. Il a visité la tour Eiffel, fait du shopping, dormi à l’hôtel. Il a 13 ans et arrive du Kenya. Avant de devenir l’un des héros de Sur le chemin de l’école de Pascal Plisson, il n’avait jamais pris l’avion, jamais vu d’eau courante, la télévision, une route goudronnée ou même dormi dans un vrai lit. Lors de sa première nuit à Nairobi, il n’a pas fermé l’œil : « Trop de bruit. 

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« Le majordome » : un destin en marche

— Par Ysa de Saint-Auret—

le_majordomeA Madiana

Une fresque historique. Une biographie qui s’inspire du parcours d’un domestique noir au service de la Maison Blanche. Cet homme a vraiment existé ; Eugène Allen, (rebaptisé Cécil Gains dans le film) Devenu majordome dans les années 50,  sous sept présidents consécutifs, il a vécu au plus près les changements historiques des droits des noirs, témoin privilégié des bouleversements politiques  sur la violence du racisme qui est encore très répandue à l’époque.

On traverse  l’histoire de la ségrégation au fil de l’itinéraire de ce majordome. Lee Daniels narre l’évolution de la politique américaine et des relations entre les communautés, dans le regard de Cécil Gaines. L’assassinat du président Kennedy, Martin Luther King, Le mouvement des « Black Panthers ». La guerre du Viêt-Nam, le scandale du Watergate….L’élection du président Obama. La relation entre le majordome  et son fils ainé est l’occasion de stigmatiser le fossé des générations, particulièrement dans cette période enflammée. Le père est respectueux des institutions, et le fils est révolutionnaire. Deux modes d’action pour revendiquer la même chose : L’égalité entre les peuples.

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Pour la première fois, le Lion d’or à Venise récompense un documentaire

Par Franck Nouchi

lion_or_veniseAu diable le consensus ! En attribuant le Lion d’or à Sacro GRA, un documentaire du réalisateur italien Gianfranco Rosi, et le Grand Prix du Jury à Jiaoyou (Stray Dogs) du cinéaste taïwanais Tsai Ming Liang, le jury de la 70e Mostra présidé par Bernardo Bertolucci a couronné deux films aussi réussis qu’orignaux.

Sacro GRA tout d’abord. Dans le petit monde des grands documentaristes, Gianfranco Rosi est loin d’être un inconnu. En 2008, il avait réalisé Below Sea Level (Sous le niveau de la mer), sorte d’immense voyage en solitude chez des marginaux vivant en plein désert au sud-est de Los Angeles.

Ce film formidable avait eu un prix à Venise et avait remporté le Grand Prix du cinéma du réel à Paris. Lui aussi primé à Venise (en 2010), le film suivant de Rosi, El sicario – Room 164, était consacré à un narco-trafiquant mexicain, expert en torture et en kidnapping, ayant à son actif plusieurs centaines de morts.

Une image de « Sacro GRA » documentaire de Gianfranco Rosi, Lion d’or de la 70e Mostra

AUTOUR DU PÉRIPHÉRIQUE DE ROME

Retour au pays – même s’il est vrai que Gianfranco Rosi est né à Asmara en Erythrée et qu’il vit à Paris – et changement radical d’ambiance avec Sacro GRA.

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Contre les gaz de schiste, « Gasland II » plus noir, plus fort

Le réalisateur engagé américain Josh Fox est de passage en France pour présenter son nouveau documentaire sur l’exploitation des huiles et gaz de schiste.

Par Jason Wiels

gasland_IIDans le théâtre municipal de La Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne), plus de 400 personnes, militantes ou simples citoyens, sont venues assister à la première diffusion française de Gasland Part II, en présence de son réalisateur, Josh Fox. Les petites mains du Collectif du pays fertois, organisme anti-gaz de schiste et hôte de la rencontre, s’activent. Le temps de trouver comment éteindre la lumière et d’ouvrir les fenêtres en cette ultime journée estivale, la projection va pouvoir commencer. Encore un dernier souci technique avec les sous-titres… Ça y est : nous sommes de retour au « pays du gaz » que sont devenus, en moins d’une décennie, les États-Unis, en passe de recouvrer leur indépendance énergétique.
Le film étincelle des anti-gaz de schiste

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« AYA DE YOPOUGON  » de Marguerite Abouet, Clément Oubrerie

    —Par Cécile Mury —

aya_de_yopugon A Madiana

[Film d’animation] Côte-d’Ivoire, à la fin des années 1970. Aya, 19 ans, vit dans à Yopougnon, un quartier populaire d’Abidjian rebaptisé Yop City « pour faire comme film américain ». C’est une jeune fille qui prend plaisir à lire et étudier. Alors qu’elle veut devenir médecin, elle n’est pas du genre à faire la fête toutes les nuits comme ses copines. Aya a une vie bien réglée, entre l’école, la famille et ses deux meilleures amies : Adjoua et Bintou, beaucoup plus délurées qu’elle. Délurée, elles le sont un peu trop d’ailleurs : Adjoua tombe enceinte et n’arrive pas à gérer la situation. Toujours présente pour ses amies, l’astucieuse Aya tente de lui venir en aide…

LA CRITIQUE LORS DE LA SORTIE EN SALLE DU 17/07/2013

Les amateurs de BD connaissent bien Aya, jolie fille du quartier populaire de Yopougon, alias « Yop City », à Abidjan. Les auteurs, Marguerite Abouet (qui s’inspire de ses souvenirs personnels) et Clément Oubrerie lui consacrent aujourd’hui un dessin animé. En fait, elles sont trois : deux cigales, toujours à courir les « maquis » (les petits bars de nuit où l’on danse) et à rêver d’amour, et Aya, la narratrice, élève studieuse, témoin sage et goguenard des frasques de ses copines.

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« Les Apaches », un film déprimant mais nécessaire de Thierry de Peretti

— Par M’A—

les_apachesL’été. La Corse !.Porto Vecchio. 150 000 touristes et autant d’envahisseurs. Cinq adolescents, quatre garçons une fille. Ils sont Corses, de «  souche » comme dirait le borgne, ou issus de l’immigration marocaine, peu importe ils appartiennent à cette île et cette île leur appartient. Le père de l’un d’eux est chargé de l’entretien d’une luxueuse villa. Son fils, Aziz, lui file une coup de main tout en testant les systèmes de sécurité de la maison. Le soir il revient avec ses potes, François-Jo, Hamza, Jo et Maryne. En repartant au petit matin ils emportent, une chaine stéréo démodée, quelques DVD et deux fusils de collection. Quand elle découvre le vol la propriétaire veut porter plainte. Une de ses connaissances, un malfrat, la dissuade : « Les flics ? Si t’as besoin de rien, tu les appelles ». Il se propose de régler ça lui-même. Et c’est le commencement d’une descente minable, incroyablement minable, aux enfers pour les quatre gars de la bande.

Le réalisateur Thierry de Peretti est né à Ajaccio en 1970. Il a été lauréat de la Villa Médicis Hors-les-murs et a obtenu le prix de la révélation théâtrale de la critique en 2001 pour sa mise en scène du « Retour au pays natal de Koltès.

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Angela Davis : noire, communiste, féministe et lesbienne, ne vous déplaise!

— Par Roland Sabra

free_angelaSéance de rattrapage le 02 juillet pour celles et ceux que l’imprévoyance du CMAC  lors des Rencontres Cinémas, avait privé de projection du film « Angela Free ».

Née le 26 janvier 1944 à Birmingham en Alabama, Angela Davis est une noire américaine professeur de philosophie militante communiste, militante des droits civiques. Elle fut directrice du département d’études féministes de l’université de Californie. Ses centres d’intérêt sont la philosophie féministe, et notamment le Black Feminism, les études afro-américaines, la théorie critique, le marxisme ou encore le système carcéral. En 1997, révèle son homosexualité, en faisant son coming out auprès du magazine Out.

Dénonciatrice infatigable de la ségrégation raciale étasunienne, son intelligence son énergie, sa légendaire coupe de cheveux, en font une star médiatique de la contre-culture noire dans les années soixante-dix. Un épisode de trois ans de sa vie est relaté dans le film que Shola Lynch, née au moment des faits, propose sous le titre « Free Angela ».

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Le cinéma iranien, un « bulldozer puissant »

 

 — Par Clarisse Fabre —

bulldozerHuit ans de règne de Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013). Huit longues années durant lesquelles la chronique du cinéma iranien aura été nourrie tant par la critique des films, que par le récit des pressions, arrestations et condamnations subies par les réalisateurs. Dans ce pays où les artistes ont coutume de dire « cela ne peut pas être pire qu’avant », chacun se garde de tirer des conclusions hâtives, au lendemain de l’élection d’Hassan Rohani, le 14 juin.

Organisé en écho à cette séquence électorale, le premier festival du cinéma iranien à Paris, Cinéma(s) d’Iran, qui a lieu jusqu’au 2 juillet, au Nouvel Odéon, a scellé sa programmation sous le signe de la politique et de l’esthétique, auscultant les blessures du pays. Le festival est organisé par le cinéaste Nader T. Homayoun, auteur de Iran, une révolution cinématographique (2006), et par Bamchade Pourvali, spécialiste du cinéma iranien, et cofondateur de l’association Le Chat Persan, avec Elsa Nadjm.

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Le Passé, un film de Asghar Farhadi

 A Madiana

— Par Guy Baudon—

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 Aéroport de Paris. Un voyageur (Ahmad) avance dans un couloir… Séparée par la vitre du hall d’arrivée, une jeune femme (Marie) lui fait signe. Il la voit, s’approche de la vitre ; ils tentent d’échanger quelques paroles inaudibles. La vitre transparente fait écran. L’écran, la toile de cinéma, sera le lieu des visibilités sur lequel va s’inscrire pendant plus de deux heures, la difficulté de s’entendre, de communiquer, d’aimer. Le sujet du film, peut-être.

 Dans la séquence suivante les deux personnages quittent l’aéroport en courant sous des trombes d’eau et s’engouffrent dans une voiture. Marie est au volant. En reculant, aveuglée par la pluie, elle semble heurter une autre voiture. Plans sur leurs deux visages consternés, tournés vers l’arrière. Le contrechamp nous montre le pare brise arrière embué,  sur lequel est inscrit le titre du film « Le passé ». Le passé apparaît comme présent « dans le dos » des personnages, comme hors-champ (1) qui annonce la complexité des personnages (2) et met en œuvre l’imagination du spectateur. Le titre va progressivement disparaître sous les coups d’essuie glace.

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Joey Starr, le bad boy national

— Par Judith Perrignon —
joey_starLe rhum, c’est plutôt en douce qu’il le boit, planqué dans une petite bouteille d’eau en plastique quand il est sur les plateaux de cinéma. Car là, il n’est pas le roi, mais « une jeune actrice », comme il dit, un soldat qui s’applique, avec une équipe tout autour, des horaires et un cadre qui ne lui font pas de mal. La dernière affiche annonce bien une montée en puissance, gros plan sur lui à côté de Depardieu – « Pourquoi y a autant de jours de tournage ? », avait-il demandé à son manager. « T’as le premier rôle, banane ! » Mais il n’est pas un roi. Depardieu lui a dit : « Tu sais, tu as de la chance Didier, le ciné, ça rend con. T’as autre chose, toi. »

Le rhum, certains racontent qu’il le cache quand sa mère est dans les parages. Mère en forme de béance, aperçue pour la dernière fois le jour de ses 5 ans, pleurant sur le parking de la cité Allende de Saint-Denis, réclamant de voir son fils pour son anniversaire, et puis proclamée morte par son père.

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No ou l’engagement

Par Selim Lander – No comme Non en espagnol. Il y a plusieurs manières de dire Non, de s’opposer à l’état du monde jugé insupportable. On peut s’armer d’un revolver ou d’une bombe, exposer directement sa vie, par exemple. Ou protester avec les moyens de l’intellectuel ou de l’artiste – un pamphlet, une chanson, un tableau…, moyens en principe sans risque sauf lorsqu’on affronte une dictature sanguinaire, ce qui était le cas, au Chili, sous le règne de Pinochet. No, le film se passe au Chili en 1988, au moment où le régime, sous la pression internationale, s’est résolu à organiser un référendum pour ou contre le maintien de Pinochet, déjà au pouvoir depuis 1973, pour huit années supplémentaires. Les deux camps ont droit à une émission quotidienne de propagande de quinze minutes à la télévision. Au départ le camp du Oui est donné largement vainqueur, le régime jouant à la fois sur la peur et sur ses succès économiques ; c’est pourtant le Non qui l’emportera.

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La publicité suffit-elle pour renverser une dictature ? : « No »

 –Par Roland Sabra —

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Rencontres Cinémas de Martinique 2013.

Chili, 1988. Lorsque le dictateur chilien Augusto Pinochet, face à la pression internationale, y compris celle de son mentor étasunien, organise un référendum pour donner une façade légitime à son régime, les dirigeants de l’opposition persuadent un jeune et brillant publicitaire, René Saavedra, de concevoir leur campagne télévisuelle. Avec peu de moyens mais des méthodes innovantes, Saavedra et son équipe construisent un plan-com qui va contribuer à la victoire des opposants.

 Le surtitre de l’affiche du film est déjà en lui-même un objet de polémique : « Comment une campagne publicitaire a renversé une dictature ». Le réalisateur,Pablo Larrain, qui a déjà consacré deux précédents films à la dictature chilienne, Tony Manero (2007) et Santiago 73, Post Mortem (2010), n’en disconvient pas :  «  « La défaite de Pinochet est le résultat d’une mobilisation populaire, organisée par des dirigeants politiques » qui sont parvenus à rassembler l’opposition au Chili et en exil, admet Pablo Larrain avant d’ajouter. « Cependant, la publicité optimiste, qui n’attaquait pas Pinochet mais visait à neutraliser la peur, a joué un rôle important. 

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Cinéma : Wadjda, etc.

—Par SelimLander —

Après Syngué Sabour, les spectateurs martiniquais ont été à nouveau confrontés via le cinéma à la condition féminine en terre d’islam. Singué Sabour montrait une femme pauvre se débattant comme elle pouvait, face à un mari réduit à la condition de zombie. Et l’on découvrait peu à peu qu’elle n’était pas mieux lotie auparavant, quand son guerrier de mari était plus en forme. Wadjda est filmé en Arabie saoudite, l’action se situe dans une famille de la classe moyenne, le contexte est donc différent. Le message implicite du film, pour le spectateur occidental, est pourtant le même : la soumission de la femme dans ces sociétés musulmanes patriarcales est parfaitement abominable. De beaux esprits diraient peut-être qu’il faut opérer un distinguo, que ces sociétés sont patriarcales et que la religion n’y est pour rien. Ce n’est pourtant pas ce que montrent ces films : le coran, objet sacré, est omniprésent ; les interdits qui pèsent sur les femmes sont religieux.

Lire aussi : Syngé Sabour: le langage est pouvoir même dans un pays en guerre, de Roland Sabra
et aussi : Syngé Sabour, un drame bourgeois dans l’Afghanistan en guerre, de Selim Lander

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Rencontres cinémas : Le court c’est long (parfois) !

—Par Selim Lander —

Quatre films étaient au programme de la soirée court-métrage de ces Rencontres 2013. Le court est un genre à part qui éveille d’autres envies que les films au format habituel. On sait que l’argument restera très simple mais l’on s’attend à une surprise dans le scénario, et surtout on s’apprête à découvrir l’univers particulier d’un auteur qui n’a pas encore, en général, eu l’occasion de l’exprimer.

De ces quatre films, Entre Deux (de Nadia Charlery) est le seul qui remplisse entièrement le contrat et ce n’est donc pas pour rien qu’il a emporté le Prix de court, cette année. Les cinéphiles martiniquais qui ont déjà eu l’occasion de le visionner l’ont revu avec plaisir : l’applaudimètre en faisait foi. L’histoire, fondée sur un qui pro quo téléphonique, fonctionne bien, elle a une fin heureuse et les deux comédiens (y compris celle qui n’est qu’une voix au téléphone) se tirent avec honneur de leur prestation. Enfin – ce qui n’est peut-être pas un détail – Entre Deux, qui dure sept minutes d’horloge, est le seul film vraiment court de cette sélection.

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Rencontres cinémas : Una Noche de Lucy Mulloy – ça tangue à La Havane

—Par Selim Lander —

UNA NOCHEUne petite en uniforme de lycéenne – jupette jaune et haut blanc – qui court, qui court à perdre haleine, deux jeunes gars bien baraqués, l’un le frère de l’une, l’autre le copain de l’un, qui œuvrent sans entrain dans la cuisine d’un palace, des chiens errants, des étrangers en goguette, des putes guère affriolantes, des familles naufragées, la drogue, les médicaments, et l’argent, l’argent qui brûle les doigts et qui manque, qui manque. Tout cela est filmé à Cuba avec des vues en plongée sur les toits de la Havane, des scènes de rues entre les maisons décaties, des vélos hors d’âge tractés par des autobus brinquebalants. Et la mer, la mer belle mais dangereuse dans laquelle on peut se noyer.  

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Réconfortant : « Une vie simple » fait l’ouverture des Rencontres de Fort-de-France

—Par Selim Lander –

Une vie simpleGrâce aux Rencontres Cinémas les Martiniquais ont eu la chance de visionner Une vie simple moins d’un mois après la Métropole. Un film qui mérite incontestablement d’être vu, moins pour ses qualités cinématographiques que pour ce qu’il raconte. L’histoire, on s’en doute, n’est pas compliquée mais cela n’enlève rien à ses vertus hypnotiques. Pendant deux heures d’horloge, nous assistons aux derniers mois de la vie d’une femme âgée, Ah Tao : une première chute (elle est victime d’un AVC), la rédemption (hémiplégiques, elle retrouve peu à peu ses moyens), la chute ultime. Pendant ce parcours, elle rencontre différentes personnes : les soignants et les pensionnaires de la maison de retraite où elle s’installe après son accident, des membres de la famille dans laquelle elle a toujours vécu, mais le point fixe dans son existence est le rejeton de cette famille, Roger, jeune producteur de cinéma célibataire dont – pourtant déjà bien vieille mais domestique toujours – elle continuait de s’occuper (1).

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Extraordinaire « Vie d’Adèle », trois fois Palme d’or!

Steven Spielberg  offre un palmarès magnifique à ce 66e Festival de Cannes.

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Léa Seydoux ,Abdellatif Kechiche et Adèle Exarchopoulos ont remporté la récompense suprême. (Reuters)

On l’attendait. On en rêvait. Ce fut le choc, la grande émotion du 66e Festival de Cannes. Abdellatif Kechiche, Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux ont remporté la récompense suprême.

La Palme d’or

Trois fois. Du jamais vu. Mais Steven Spielberg se devait de marquer son passage comme président du Jury. Il en a eu l’occasion avec un film d’exception qui a tout balayé sur son passage. La vie d’Adèle raconte sur plusieurs années l’histoire d’amour entre une lycéenne de quinze ans, qui veut devenir institutrice et une artiste aux cheveux bleus, issue d’un milieu bourgeois. Contemporain, brulant, magnifique, hommage à la culture, c’était le film le plus maîtrisé et le plus audacieux de la sélection. L’or lui rend justice.

Lire  la critique du JDD : Kechiche révèle Adèle Exarchopoulos

Grand Prix

Inside Llewyn Davis des frères Coen raconte au début des années 60, les efforts jamais récompensés d’un jeune chanteur de folk fauché et raté, qui squatte les canapés de ses amis et qui est flanqué malgré lui, d’un chat irrésistible.

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Cannes 2013 : Spielberg et ses jurés osent « La Vie d’Adèle »

la_vie_adele-1En entrant dans le Grand Théâtre Lumière à Cannes, dimanche 26 mai, beaucoup croyaient le résultat acquis : Le Passé, d’Asghar Fahradi était donné lauréat de la Palme d’or. Très tôt, on a su qu’il en irait autrement. Le prix d’interprétation féminine remis à Bérénice Bejo pour son rôle dans ce film mettait hors course le drame parisien du réalisateur iranien, puisqu’un film ne peut être primé qu’une fois.

Au fur et à mesure que les autres récompenses ont été annoncées, on s’est rendu à l’évidence : Steven Spielberg et ses jurés avaient osé remettre la récompense suprême de cette 66e édition à La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche. En annonçant cette Palme d’or, le réalisateur de Lincoln a bien précisé qu’elle récompensait trois artistes : « Adèle, Léa et Abdel ». Le trio s’est précipité sur scène, les filles en larme, le réalisateur cherchant ses mots avant de rendre hommage « à la belle jeunesse de France » et à la révolution tunisienne.

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