Ces écoliers de l’impossible

— Par Danielle Attali —

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A Madiana à 19 h

Un documentaire raconte la soif d’apprendre de quatre enfants du bout du monde, parfois au péril de leur vie
C’est le genre de récit qui vous chamboule « grave », comme on dit dans une cour de récréation. Pas juste un documentaire. Sur le chemin de l’école palpite de courage, de mérite, de désir d’apprendre. On y voit des mômes magnifiques. Quatre valeureux, Jackson en tête, tels des mousquetaires qu’on devrait montrer en exemple à tous les enfants pour leur donner, à eux aussi, du courage.
Jackson, donc. Il vient de passer quelques jours à Paris, avec sa petite sœur, Salomé. Il a visité la tour Eiffel, fait du shopping, dormi à l’hôtel. Il a 13 ans et arrive du Kenya. Avant de devenir l’un des héros de Sur le chemin de l’école de Pascal Plisson, il n’avait jamais pris l’avion, jamais vu d’eau courante, la télévision, une route goudronnée ou même dormi dans un vrai lit. Lors de sa première nuit à Nairobi, il n’a pas fermé l’œil : « Trop de bruit. » Jackson a toujours vécu avec ses parents et cinq frères et sœurs dans une hutte des plus rudimentaires au milieu de nulle part avec un point d’eau à 3 km. Ses seules « sorties » ? Traverser deux heures durant la très dangereuse savane au péril de sa vie, avec Salomé, pour aller à l’école!
Une fable un peu gentille mais qu’importe
Aujourd’hui, à deux pas des Champs-Élysées, imaginez le tumulte dans sa tête! Mais rien ne filtre, Jackson est là, assis devant nous, calme. Un Massaï dans la ville qui semble déjà avoir tout compris. Souriant, malin, racontant volontiers son histoire, rêvant de posséder une radio « pour écouter les news », et une montre « pour mieux gérer le temps ».
C’est parce qu’il a rencontré des gamins comme lui, au Kenya, que Pascal Plisson, spécialiste de doc animalier, connaisseur de l’Afrique, a eu envie de leur rendre hommage. « J’ai passé ma vie à filmer la nature, dit-il. Un jour, j’ai croisé des guerriers massaï, mais en approchant, j’ai vu que c’était des enfants. Ils allaient à l’école, seuls parmi les animaux sauvages. Une fois sur place, ils étudiaient la journée, dormaient la nuit dehors et rentraient chez eux le week-end. L’école est gratuite au Kenya depuis 2004. Beaucoup de parents ont décidé d’y envoyer leurs enfants afin qu’ils accèdent à une vie meilleure. »

Tant de persévérance a touché le cœur du réalisateur. Pour réaliser ce film, deux journalistes ont enquêté à travers le monde avec l’aide d’une association, Aide et Action, pendant six mois. Sur la cinquantaine d’histoires hors normes réunies, il en a choisi quatre pour leurs différences. « Je ne voulais pas faire un film sur la misère du monde ou un catalogue de situations. » Le résultat? Une fable sur l’éducation, édifiante, émouvante, sans voix off, un peu « gentille », un peu Disney, mais qu’importe! Elle dit qu’apprendre, oui, ça sert à quelque chose.

Jackson et Salomé, eux, en sont convaincus. Premiers à l’école, ils ont aussi été les premiers retenus lors du casting. « Je suis le plus pauvre, j’habite le plus loin. J’ai attendu longtemps que quelqu’un m’aide », a plaidé Jackson. Comment résister? Ses parents comprennent mal ce qui lui arrive, mais le soutiennent. Avec sa sœur, il a désormais un parrain-sponsor à Paris, comme les enfants du film. « Je ne pouvais pas les laisser comme ça », dit Pascal Plisson, qui rêve de trouver une fondation pour aider tous les gamins de l’école.

Jackson, lui, n’a plus besoin de marcher dans la savane en se cachant. Il n’a plus peur des éléphants qui se battent pour l’eau, à mort, avec les hommes. Avec Salomé, il étudie désormais dans un pensionnat.
« Difficile d’imaginer d’où ils viennent »

Danielle Attali – Le Journal du Dimanche

samedi 21 septembre 2013