Angela Davis : noire, communiste, féministe et lesbienne, ne vous déplaise!

— Par Roland Sabra

free_angelaSéance de rattrapage le 02 juillet pour celles et ceux que l’imprévoyance du CMAC  lors des Rencontres Cinémas, avait privé de projection du film « Angela Free ».

Née le 26 janvier 1944 à Birmingham en Alabama, Angela Davis est une noire américaine professeur de philosophie militante communiste, militante des droits civiques. Elle fut directrice du département d’études féministes de l’université de Californie. Ses centres d’intérêt sont la philosophie féministe, et notamment le Black Feminism, les études afro-américaines, la théorie critique, le marxisme ou encore le système carcéral. En 1997, révèle son homosexualité, en faisant son coming out auprès du magazine Out.

Dénonciatrice infatigable de la ségrégation raciale étasunienne, son intelligence son énergie, sa légendaire coupe de cheveux, en font une star médiatique de la contre-culture noire dans les années soixante-dix. Un épisode de trois ans de sa vie est relaté dans le film que Shola Lynch, née au moment des faits, propose sous le titre « Free Angela ».

Renvoyée de l’Université de Californie, Los Angeles (UCLA) pour son militantisme communiste et féministe, avec la bénédiction de Ronald Reagan, gouverneur de l’Etat est accusée en 1971 kidnapping, de complicité de meurtre, car les quatre armes à feu qu’elle avait achetées ont servi lors d’une prise d’otages qui a mal tourné. L’opération visait à faire sortir de prison les « Frères de Soledad ». Il s’agit de trois jeunes noirs détenus accusés de l’assassinat d’un gardien de la prison de Soledad. Il y a parmi eux George Jackson qui emprisonné à 18 ans croupit dans les geôles californiennes depuis onze ans pour un vol de 70 dollars dans une station essence. Angela Davis, en fuite pendant deux mois est arrêtée à New York, incarcérée deux ans durant, jugée et finalement acquittée. La suspicion d’une machination orchestrée par le FBI est telle qu’une vaste campagne mondiale a sans doute contribué à sa libération. Fin du film.

Le documentaire de Shola Lynch présente toutes les limites du genre. La multiplication des scènes de rue, de manifestations, entrecoupées d’interviews d’acteurs de l’époque ayant bien vieillis, et commentées par Angela Davis elle-même, participe du travail de construction d’une icône, d’une image, pour mieux en évacuer la réalité, la densité, le contenu. Nous ne saurons rien des positions du Parti communiste américain, de celles des Blacks Panthers, du Club Che-Lumumba, pas plus que des positions ultérieures de la militante, rien non plus sur ses deux campagnes pour la Présidence des États-Unis et encore moins sur son travail d’universitaire ou son engagement lesbien. Les extraits de discours de meetings sont d’une grande pauvreté intellectuelle, valorisant les éléments événementiels et émotionnels au détriment de l’analyse.

Le film de Shola Lynch est un bon gros docu, qui flatte les baby-boomers en retraite ou pré-retraite en leur rappelant qu’ils ont été jeunes eux-aussi. Le film n’est en rien dérangeant et il contribue à la construction d’un mythe en prenant soin d’effacer les aspérités du personnage pour mieux l’enfermer dans une représentation aseptisée du passé.

Fort-de-France, le 02 juillet 2013

Roland Sabra

Free Angela And All Political Prisoners documentaire de Shola Lynch 1 h 37.