— par Janine Bailly —
“1960. La France lance son programme d’essais nucléaires militaires dans le Sahara. Six ans plus tard, elle le poursuit en Polynésie sur les atolls de Mururoa et Fangataufa / 193 tirs, atmosphériques puis souterrains, ont été réalisés sur ce petit bout de monde / Il faudra attendre 1996 pour voir leur arrêt définitif / Sous couvert de protéger la paix, la France s’est dotée d’une arme capable de détruire la Terre”. La réalité constituée de chiffres et de faits précis, très vite s’affichera sur l’écran en fond de plateau ; d’emblée le ton sera donné, il ne s’agira pas de polémiquer ni d’attiser de quelconques ressentiments, mais bien de faire connaître des faits, de dire sans fards et sans haine ce qui fut, et n’aurait pas dû être. Plus tard défilera sous nos yeux la liste des tirs, avec leurs noms — étrangement poétiques — et leur puissance respective.
La Compagnie du Caméléon, qui pourrait se définir par une appartenance au théâtre citoyen, entend « inviter à l’échange et à l’éveil des consciences… », contribuer à « la libération de la parole et au travail de mémoire dans une recherche de justice et de vérité ».

Après La forêt des illusions, voici au Festival des Petites Formes un autre spectacle en provenance de la Guyane, Le retour du Roi Lion, mis en scène par Ewline Guillaume. Une œuvre collective de la compagnie KS and CO, adaptée du roman de Joël Roy, Le Lion Réincarné paru à L’Harmattan en 2014, avec pour sous-titre « un conte contemporain, ce que dit le marronnage ». L’auteur, qui vit en Guyane, « s’intéresse à la culture des “Gens du fleuve”, les descendants des esclaves ayant choisi le marronnage plutôt que la soumission aux colons. Ses recherches l’amènent à écouter des témoignages… pour tenter de remonter le fil de la tradition orale… ». Par l’avant-propos, il nous dit quelle fut l’origine de ce roman, une histoire vraie que je résumerai brièvement. À Amsterdam, dans les années 1980, une femme d’origine surinamaise, victime de crises ressemblant à des possessions, fut prise en charge par la psychiatrie. L’ayant entendue, un Gambien originaire de Georgetown, déclara :« Mais ce que la dame hurle, on appelle ça des djats », cris que les Anciens utilisaient au temps des dynasties mandingues, en Afrique Occidentale, pour chasser les lions.
Évènement national et international sous l’égide de l’Institut Français, La Nuit des Idées aura lieu jeudi 30 janvier 2020, autour du thème « Être vivant », réunissant des intervenants de tous horizons – intellectuels, chercheurs, artistes – invités à débattre dans les lieux partenaires de la manifestation, sur les cinq continents.
– de 18 h à 19 h : La Guyane en Toutes Lettres
Toujours dans ce Festival des Petites Formes, à la salle Frantz Fanon (bien plus adéquate que le fameux chapiteau installé à Schœlcher), il nous a été donné de voir « JAZ », de Koffi Kwahulé, dans la mise en scène de Ayouba Ali et l’interprétation originale d’Astrid Bayiha et Swala Emati. Une pièce déjà découverte avec bonheur à Fort-de-France en 2017 au Théâtre Aimé Césaire, dans le travail abouti de Jandira Bauer et Jann Beaudry.
La lumière est crue, blanche, parfois bleue mais plus rarement. Rouge quand est évoquée la séquence attendue de la guillotine, suggérée par le bruit métallique du couperet qui descend sur son rail, et par le mouvement qui jette au sol le comédien avant que ne se fasse le noir. La lumière est dure, agressive, elle s’oppose à l’idée d’un cachot humide et sombre, qui apitoie lorsque l’on pense aux geôles d’antan. Car ce n’est pas par l’émotion que Victor Hugo entend mener principalement ce réquisitoire contre la peine de mort, mais bien en faisant appel à notre faculté de raisonnement. Le texte est d’abord un plaidoyer, à jouer de façon à ce que les mots fassent en nous leur chemin de réflexion, ces mots d’une langue parfaite et acérée qui viennent sous la plume courroucée de l’auteur. Celui-ci, qui dans la préface ajoutée en 1832 met en avant la « fonction politique et morale de son roman », ne déclarait-il pas en effet : « Le Dernier jour d’un condamné n’est autre chose qu’un plaidoyer, direct ou indirect, comme on voudra, pour l’abolition de la peine de mort » ?
Vu ce mardi 21 janvier, la deuxième création offerte sous le chapiteau, dans ce Festival 2020 des Petites Formes : le « Vivre » sous la direction artistique de Thierry Sirou, chorégraphe et metteur en scène, une production de la Compagnie Car’Avan. De celle-ci, nous avions déjà découvert, sur la scène du Théâtre Aimé Césaire en 2018, « Amniosphère », un spectacle singulier et qui « de la conception à la délivrance, restitue[ait] la prodigieuse amplitude des échanges émotionnels et physiques qui relient la mère, confrontée aux aléas de la vie, et le bébé à naître ».
« Femmes combattantes, Femmes influentes » est un spectacle présenté par « Les BUV’ART », une troupe composée d’une dizaine de comédiennes et comédiens qui chaque année se retrouvent dans un esprit de convivialité et de partage, pour mettre en scène une ou plusieurs pièces de théâtre. Cette troupe fait partie de l’association loi 1901 « L’Art Gonds Tout », présidée par Fabrice Gérardin, domiciliée à Case-Pilote, et dont l’objet est la promotion des arts et de la culture sous toutes ses formes, mais aussi la création de lien social par le biais des rencontres, des échanges et du partage.
Il fallait, pour entrer dans « La forêt des illusions » laisser au seuil du chapiteau les certitudes de l’âge adulte, se défaire des règles que la raison impose et retrouver, à défaut de son âme d’enfant, sa capacité à croire et à s’émerveiller. Accepter de faire le voyage dans le monde des Esprits, descendre avec l’auteur et metteur en scène Grégory Alexander « dans le tréfonds de l’imaginaire guyanais », se laisser guider par deux acteurs merveilleux au cœur de la verte forêt hantée de mythes et de légendes : c’est à cela que nous conviait la Compagnie des Cueilleurs de Brume, venue de Cayenne, et ce nom seul déjà invite au rêve !
Déjà le titre ! Deux phrases qui annoncent toute l’ambiguïté, la dualité du propos de l’artiste .
Dramaturge québécoise, Carole Fréchette a imaginé « Le collier d’Hélène » en mai 2000, à la suite d’un séjour d’un mois au Liban où elle résidait dans le cadre du projet « Écrits nomades », en compagnie de huit autres auteurs issus de la francophonie. Dans une interview, elle dit y avoir perdu un collier, que cela lui a donné l’idée de la pièce, que par le théâtre elle « prend la parole pour interpeller les contemporains ».
Claude Cauquil
Dix ans après le séisme qui ébranla Haïti, Tropiques-Atrium nous propose de porter notre attention sur l’île voisine. De l’appréhender non seulement par le cinéma, mais aussi par la danse et la musique.
Parce qu’elle fut la première île caribéenne à obtenir en 1804 son indépendance, que les figures héroïques de la lutte pour la liberté — le Roi Christophe, Toussaint Louverture, Dessalines — hantent nos mémoires, Haïti objet de bien des fantasmes est une source vive pour les artistes, qu’ils soient plasticiens, peintres, musiciens, écrivains, poètes ou cinéastes. La « semaine haïtienne » proposée à Fort-de-France ouvre bien des fenêtres sur ce pays voisin, que l’on admire ou que l’on plaint, que l’on envie aussi pour avoir été la première « République Noire ». Un pays à qui l’on rend hommage pour son courage et sa résistance aux méchants coups du sort, de la nature et des hommes.
— Par Janine Bailly —
La Vie invisible d’Euridice Gusmão, film réalisé par Karim Aïnouz (auteur en 2002 de Madame Sata) d’après le roman de Martha Batalha, a remporté en 2019 au festival de Cannes le prix Un certain regard. Présenté sur l’affiche comme un « sublime mélo tropical », le film est en réalité une fresque familiale qui montre la difficile émancipation des femmes au Brésil dans les années cinquante, une réflexion aussi sur l’autorité masculine et sur le poids
« Qu’est-ce que raconter une histoire ? » Si l’on en croit ce que dit Joël Pommerat, travailler sur les mythes est pour lui une façon de poursuivre cet apprentissage. Lui qui déjà a porté sur trois de nos contes traditionnels, Le petit Chaperon Rouge, Pinocchio et Cendrillon, son regard neuf et décapant, dit aussi vouloir contrairement à un certain courant du théâtre actuel « revenir au récit, quitte à le re-questionner de façon différente ». Le conte en effet, parce qu’il est de tous les temps, de tous les pays et de tous les âges, qu’il touche à ce qu’il y a en nous de plus secret, s’est toujours prêté à de multiples ré-écritures, à d’autres interprétations. Il répond à notre besoin d’écouter des histoires, d’inventer des histoires, et pourquoi pas, de « se raconter des histoires », comme le fait Cendrillon elle-même pour avoir mal compris les derniers mots prononcés par sa mère sur son lit de mort.
Cet été, j’ai l’occasion de visiter l’exposition Banksy, superbe, dans les locaux de la l’ancienne Corderie de Lisbonne. Ce matin de décembre, je choisis de porter mon tee-shirt gris acheté à cette occasion, illustré d’un dessin noir de l’artiste susnommé, celui qui montre, comme tombant du ciel, le caddie auquel s’accroche la célèbre petite fille, et dont jaillissent quelques produits de supermarché. Mais l’étiquette du vêtement me gênant, je décide de la découper et d’en prendre connaissance. C’est alors que j’y découvre la mention « Made in Bangladesh » : hasard ou coïncidence ? Récemment je me suis rendue à Madiana voir en version originale le film éponyme, où si on ne le savait pas encore, on peut découvrir comment et à quel point les femmes là-bas — dans ce pays que dirige cependant une des leurs — sont exploitées, humiliées, infériorisées, soumises à la dictature des patrons, des époux, des conventions sociales et religieuses, victimes innocentes, dans notre monde capitaliste, de la mondialisation et du libéralisme économique.
L’ensemble vocal aKapela et le chœur Harmon’îles proposent ensemble trois concerts les 6, 7 et 8 décembre 2019 au profit d’œuvres caritatives.
Parce que je suis « fan » de son travail et de ses propositions artistiques, que je la sais en attente d’un — comme l’on dit — « heureux événement », je m’interrogeais : Annabel serait-elle là, présente aux côtés d’Henri Tauliaut non pas seulement en tant qu’organisatrice de la deuxième édition du Fiap, mais aussi en tant que performeuse ? Réponse me fut heureusement donnée, ce lundi 11 novembre, au cœur d’une ville que la célébration d’une fin de guerre lointaine avait désertifiée, dans une rue Lamartine aux rideaux de fer obstinément baissés. Seule la Station culturelle de la Coursive, au numéro 118, donnait en ce début d’après-midi signe de vie, et loin de lui ôter quelque force, le lieu paisible s’est fait cadre intime, accueillant à la performance inédite et si personnelle d’Annabel Guérédrat.
Pour dire ce à quoi nous a conviés ce vendredi soir, à la Station Culturelle de la Coursive rue Lamartine, la performeuse Alicja Korek, les mots me viennent à manquer tant sont grandes les émotions engendrées, et je me sens sidérée, au sens où l’inattendu de la proposition me cloue sur place et me prive de parole, et je deviens comme un phonème qui irait s’amuissant.
Ce midi du vendredi 8 novembre, Isil Sol Vil et Marina Barsy Janer investissent cette partie du Grand Marché, ouverte d’un côté sur la rue et fermée de barreaux par ailleurs, où sur les plaques de contreplaqué provisoires qui ferment les boutiques se lisent encore les traces d’un tout récent incendie. Originaires l’un de Barcelone l’autre de Puerto Rico, c’est une performance intitulée Islas Cicatrices qu’ils déroulent, sans parole aucune, dans ce cadre urbain où les uns passent, où les autres s’arrêtent, rejoignant ceux qui sont venus tout exprès pour assister à la présentation.
Après la première édition qui s’est tenue en 2017 à Fort-de-France, le FIAP pour sa manifestation de 2019 a voulu s’ouvrir à de nouveaux horizons, aussi divers que
Le FIAP 2019 sera la deuxième édition du Festival International d’Art Performance. Il se tiendra du 5 au 12 novembre 2019. Ce festival sur l’art performance est codirigé par Annabel Guérédrat et Henri Tauliaut.
« Le Jeune Ahmed »