FIAP 2019 : Découverte de l’Art Performance

— par Janine Bailly —

Après la première édition qui s’est tenue en 2017 à Fort-de-France, le FIAP pour sa manifestation de 2019 a voulu s’ouvrir à de nouveaux horizons, aussi divers que  Russie, Chine, Amériques, Canada, etc, et ce dans le but de créer une plateforme caribéenne dédiée à l’Art Performance.

La conférence de presse, accueillie dans les locaux de Atelier49 rue Moreau de Jonnes, a permis de se faire une première idée de la semaine qui nous attend, riche en événements offerts par tous ces artistes « passionnés de la performance ».

La présentation assurée par Paola Lavra, docteur en anthropologie, enseignante au Campus Caribéen des Arts, a bien heureusement éclairé les novices — dont je suis —, disant en ouverture combien les cofondateurs de la manifestation, Annabel Guérédrat et Henri Tauliaut, sont détenteurs de forces créatrices, combien sont intéressantes les propositions narratives offertes avec leurs corps dans l’espace public, combien l’Art Performance nous fait sortir de notre « zone de confort ». Afin de rendre son discours plus concret, Paola prend l’exemple de Grada Kilomba, psychologue écrivaine et artiste portugaise, et plus précisément de sa performance, Illusions. Une performance qui utilisant la pluralité des médiums renouvelle le mythe de Narcisse et Echo, Narcisse devenant « la métaphore d’une société qui n’a pas résolu son histoire coloniale, et qui se prend elle-même et sa propre image comme seuls objets de l’amour ». Ainsi la performance pose les nouveaux récits fondateurs, et le corps n’est plus agi mais agissant, capable de changer la société, capable d’intégrer le passé pour se créer un futur ; le corps enfin se dit, extériorise une violence jusqu’alors intériorisée !

Dans ce « terrain en friches » qu’est la performance, dans cet espace d’invention et d’expérimentation, l’artiste entreprend de se réapproprier le corps, de le rendre porteur de nouvelles représentations du monde, dans la provocation ou l’émotion qu’il fait naître. Changer les codes, faire appel à tous les arts, réinventer nos mythes et nos rituels, interroger les limites, les repousser et se mettre en danger, sortir le corps de l’espace clos, traverser la ville en investissant des lieux divers et différents, dans un mouvement continu qui donne une vision nouvelle du temps et de l’espace, voilà bien de quoi bousculer notre quotidien et nous donner à réfléchir ! 

Annabel Guérédrat dit ensuite combien le regard bienveillant des critiques d’art et des chercheurs est important, qui incite les performeurs à poursuivre leurs recherches et leurs expériences. Dit que le FIAP, c’est aussi la rencontre de gens venus d’horizons divers, artistes, étudiants du Campus Caribéen des Arts, chercheurs, universitaires, techniciens, photographes, journalistes… Après les remerciements d’usage, et qui sont nombreux allant des institutions aux particuliers, elle rappelle la création du Laboratoire de la Savane des Pétrifications, qui régulièrement se tient, « sans pression ni public », en ce lieu de plein air où le corps reprend contact avec la nature, où le corps loin du milieu urbain se recharge en énergie. 

Enfin, dans le but d’illustrer le propos, Alex Côté donne, dans une proximité portée à son acmé par l’exiguïté du lieu, une performance inédite, Transalpha, où en quelques dix minutes l’homme viril, posture agressive, casquette vissée au crâne et regard conquérant dans la descente d’escaliers, peu à peu se métamorphose en créature délicieusement mais excessivement féminine, corps déshabillé félin et regard langoureux, lèvres peintes, longs cheveux clairs dénoués et silhouette perchée sur de très hauts talons rouges. Naviguant sur le Net, j’apprendrai que cette première performance relève de ce que l’on nomme « queer » ; l’adjectif est ainsi défini par le linguiste québécois Gabriel Martin : «  Qui s’inscrit dans un ensemble de courants de pensée politisés, axés sur l’analyse et la remise en question des construits sociaux traditionnels et normatifs qui ont trait aux questions de genre,  de sexe et de sexualité ».

Fort-de-France, le 7 novembre 2019

Photo : Paul Chéneau