Catégorie : Patrick Chamoiseau

Pour en finir avec l’Outre-mer

« Le système outre-mer a généré un syndrome du poulailler, où aucune poule ni aucun coq vaillant n’a le cœur à voler »

— Par Patrick Chamoiseau —

Le président de la République française devrait profiter de sa rencontre, mercredi 7 septembre, avec les présidents des collectivités, régions et départements non hexagonaux, pour embraser d’une flambée de lucioles cette ténèbre d’archaïsmes et d’aberrations qu’est le « système outre-mer ».

Depuis l’appel de Fort-de-France [le 17 mai, les présidents de plusieurs collectivités, régions et départements d’outre-mer avaient solennellement appelé l’Etat à un changement profond de politique ultramarine], ces élus de terrain, confrontés à des difficultés insurmontables, ont en substance réclamé au gouvernement plus de « responsabilité » domiciliée. Le phénomène est assez inhabituel pour que le plus haut responsable politique de la France se saisisse de l’appel. D’habitude, les interpellations unanimes à ce niveau politique relèvent plutôt du secours, de l’exonération fiscale, de la subvention ou du rattrapage d’un retard millénaire. C’est donc l’occasion pour la France d’assainir son rapport à ces terres lointaines, de refonder l’économie-conteneurs régnante, mais surtout, à mon sens, de réoxygéner les fondements de sa présence au monde en tant que grande nation.

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Éthique et publicité

Patrick Chamoiseau éveilleur de consciences !

— Par Marcel Luccin —

Spectacle audiovisuel; exploit sportif, incroyable succès populaire.
Ce qui gâche l’affaire : ces voiles réduites à des panneaux publicitaires :
 » William Saurin attaque Mac Donald… »
Les sponsors en guise d’éthique,
devrait mettre fin à cette indécence…
Aider sans dénaturer…

Patrick Chamoiseau

Nos intellectuels peuvent-ils penser à tout ou alors, y a-t-il des sujets plus pertinents que d’autres ? De manière impromptue Patrick Chamoiseau place les courses de yoles rondes au cœur d’une réflexion fondamentale. Il nous invite à faire le lien entre éthique et publicité, dans un contexte de délabrement des mœurs et d’exigences sociales.

A l’évidence, tout un pan de la culture et du patrimoine martiniquais est douloureusement mis à l’épreuve par des publicités omniprésentes. Ce phénomène, révèle à la fois une forme de violence sournoise et une vigilance collective qui se dégrade. Autant que le mécénat est présent partout, la pensée de Patrick Chamoiseau est limpide et pédagogique. Elle met en évidence la fragilité d’une pratique sportive « divertissement » partie de rien, devenue soluble dans de la publicité.

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« Le vent du nord dans les fougères glacées », de Patrick Chamoiseau

Parution le 08 octobre 2022

« Boulianno Nérélé Isiklaire était espécial. Il savait des choses sur le profond du conte, sur la Parole qui demande majuscule, sur la lutte contre la mortalité… Il avait développé une connaissance de tout cela dans le secret de son esprit. »

Le dernier maître de la Parole a gagné les hauteurs de Sainte-Marie, dans le nord de la Martinique. Depuis, il demeure inaccessible et silencieux. Malgré son grand âge, Boulianno n’a initié aucun successeur à son savoir exceptionnel, lequel risque de se perdre à jamais.

Avant que son retrait ne soit définitif, des gardiens de la tradition orale se lancent en convoi sur ses traces improbables dans les mornes pour qu’il désigne un héritier et lui offre en legs le secret de sa poésie.

Entre tradition et modernité, entre rire et mémoire, entre passé et futur, entre la vie et la mort, ils se retrouvent plongés sans le vouloir dans les complexités insondables du monde de la Parole que symbolise le vent du nord.

Patrick Chamoiseau, prix Goncourt 1992, grande voix de la littérature contemporaine, renoue ici avec sa veine narrative riche en personnages inoubliables.

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Refusons l’inhumain ! Les écrivains aux côtés des migrants

— Par le Groupe de recherche Achac —

Dans l’ouvrage collectif Refusons l’inhumain ! Les écrivains aux côtés des migrants (Philippe Rey, 2022), dirigé par le romancier Patrick Chamoiseau et la codirectrice du festival littéraire Étonnants Voyageurs Mélani Le Bris, vingt-trois écrivains — dont Mohamed Mbougar Sarr, Michel Agier, Achille Mbembe, Sébastien Thiéry, Pascal Blanchard, Éric Fottorino, Alexis Jenni, Christiane Taubira ou encore Souleymane Bachir Diagne — plaident pour la mise en place de la politique mondiale de l’hospitalité voulu par les regrettés Mireille Delmas-Marty, grande figure de l’humanisme juridique, et Michel Le Bris, écrivain et fondateur d’Étonnants Voyageurs. Les droits d’auteur de l’ouvrage seront reversés au Gisti, association d’aide aux migrants. Le festival Étonnants Voyageurs, la week end dernier leur a rendu hommage autour de ce livre-événement.

La guerre en Ukraine a révélé que les politiques migratoires des pays européens sont sélectives et discriminatoires. En effet, l’Europe a déployé des moyens considérables pour venir en aide aux exilés ukrainiens, trouvant en un temps record ressources et logements pour les accueillir, après plusieurs années de refus politique d’accueillir les réfugiés venant d’Afrique et du Moyen-Orient.

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Baudelaire jazz !

Avec Patrick Chamoiseau (texte et voix), Raphaël Imbert (saxophones, clarinettes, voix), Yasmina Ho-You-Fat (voix), Pierre-François Blanchard (piano), Celia Kameni (chant), Sonny Troupé (percussions, tambour ka), Nadir, (slam et danse), Solann (chant), Mbaé Tahamida Soly, (slam, poésie)

Patrick Chamoiseau et le saxophoniste Raphaël Imbert ont en commun le goût de la poésie et du jazz. C’est à l’occasion d’une résidence au musée d’Orsay à Paris, que l’auteur martiniquais, l’un des écrivains majeurs du monde contemporain, s’est plongé dans l’œuvre de Baudelaire dont il est certain que la liberté a nourri celle de Césaire, Glissant ou Fanon. La liaison entre la structure rythmique des mots du poète du XIXe siècle et celle du jazz a jailli comme une évidence pour ces deux grands artistes qui n’aiment rien tant qu’aller puiser aux racines d’une œuvre pour mieux
en faire surgir la modernité (on se souvient du merveilleux album Bach Coltrane de Raphaël Imbert).

Accompagnés par plusieurs artistes, évoluant dans des univers musicaux différents (jazz, rap…) , Patrick Chamoiseau et Raphaël Imbert convoquent, deux cents ans après sa naissance, un Baudelaire inattendu qui, à l’instar du blues, fait surgir la beauté du mal.

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Rien ne s’oppose à la nuit

— Par Patrick Chamoiseau —

En pays trop longtemps dominés — là où le libéralisme n’est pas identifié comme négation majeure : où les archaïsmes coloniaux s’éternisent en structures ; où l’individuation est un naufrage consumériste ; où l’envie le désir le vouloir n’habitent que la consommation : l’aide sociale ou bine l’économie ; où la déresponsabilisation collective règne ; où les médias demeurent insignifiants ; où le politique s’enlise dans la gestion et ne mobilise aucune élévation ; où l’impuissance syndicale hoquette en invectives ; où l’activité culturelle, la survivance intellectuelle, désertent l’inouïe complexité du monde ; où misère précarité rancœur sont aggravées par des réseaux sociaux dans lesquels aucun rêve n’est à vivre, pièce idéale affectée à l’agir, nulle espérance dégagée pour l’envol… — en pays trop longtemps dominés,  » rien ne s’oppose à la nuit! »

Elle grandit en France, elle grandit dans le monde, elle œuvre en chacun de nous.

À charge pour ceux qui la refusent encore de réinventer l’aube.

Patrick Chamoiseau, suite au triomphe de la monstruosité Le Pen dans cette monstruosité politique qu’est l »Outremer  » français.

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Considérant la Kanaki

— Par Patrick Chamoiseau —

1 – Il existe des inaliénables qu’un référendum, ou qu’une mécanique électorale, ne saurait annuler.

 2 – Aucun acte démocratique ne saurait, sans sortir de la Démocratie, légitimer l’annulation des droits fondamentaux concernant les peuples, les individus, ou toutes les formes connues et inconnues du vivant.

 3 – Le droit de vote des femmes, le droit à l’avortement ou l’abolition de la peine de mort en France, et bien d’autres fondamentaux, ont été décidés par ordonnances et lois. Autrement, ces avancées majeures auraient été rejetées. Le Droit éclaire la voie par ce qui s’impose à lui.

 4 – Dans les pays où ces droits sont encore offusqués démocratiquement, ils n’ont rien perdu de leur légitimité. Ils hurlent toujours.

 5 – Un référendum ou une mécanique électorale, encore plus quand ils sont frappés d’aberrations, ne sauraient donc annuler le droit des Peuples premiers à disposer de leurs terres.

 6 – La démocratie est fondée sur le respect de ces droits fondamentaux. Elle ne saurait ruiner ces fondations sans se ruiner elle-même. Ils s’imposent à elle comme chant inaugural, vertébrale de maintien.

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Pour Patrick Chamoiseau, la Martinique est un « état poétique dans la langue »

Par Gladys Marivat —

L’auteur de « Texaco » forge son style dans l’univers créole

Avant d’être la source de l’œuvre de Patrick Chamoiseau, la Martinique lui cloua d’abord le bec.

Dans sa trilogie (Gallimard, 1993-2005), l’écrivain, né en 1953 à Fort-de-France, raconte comment il est devenu muet en découvrant qu’on ne parlait pas créole, mais français, à l’école de cette ancienne colonie devenue département français en 1946. Les cheveux gominés, la peau noire et les « r » bien raclés, « le Maître » manque de défaillir à chaque intervention d’un élève. Tout le scandalise : le prénom (Gros-Lombric ? ), « C’est ainsi, je présume,que l’on vous appelle à la maison et dans les bois avoisinant votre case ? »l’accent, la langue, les expressions imagées ( ). « C’est un volêr-dê-poule, mêssié… – Vo… leurr, pas volêr ! »

Le jeune Patrick se replie sur lui-même. Les « Répondeurs » – ce cercle d’auditeurs avec lequel le conteur créole maintient constamment une interaction langagière, et qui accompagne au début le petit écolier dans sa classe – se taisent à leur tour.

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Pour saluer l’Oiseau de Cham

Par Anatole Atlas —

Si quelque virus ne s’était emparé de la planétaire cité dolente jusqu’aux tréfonds de son système nerveux détraqué, l’immunité mentale collective serait suffisante pour que chacun puisse goûter, comme un élixir poético-prophétique, cet antipoison radical qu’est l’œuvre de Patrick Chamoiseau. Œuvre définie dans son dernier ouvrage comme « cheminement  ’’ dépourvu de chemin ’’ vers la compréhension » de « cette énigme indépassable qu’est la littérature ». Qui pourrait être ce vaccin dont le monde a besoin…

Le conteur, la nuit et le panier ne porte pas un titre facile à ranger sur l’armoire aux bibelots d’inanité sonore : c’est la moindre des raisons pour lesquelles on ne risque guère d’en voir signalée l’existence dans la presse en Belgique, plus prompte à célébrer Bob Morane. Et pour cause : nulle part n’est mieux rompu l’os pour sucer la substantifique moelle d’une mémoire des affres coloniales qui reste plus encore qu’un tabou : une prohibition dans ce pays. Si « Rabelais, ce père du langage, ce surgissement d’une catastrophe esthétique extrême, venait certainement d’une plantation martiniquaise » ; si « Rabelais est un conteur créole », pourquoi Chamoiseau ne serait-il pas issu d’une colonie belge en Afrique ?…

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Hommage au Maestro Kadak

— Par Patrick Chamoiseau —

Maestro,

Nous savons maintenant que la danse, que le chant, que le rythme, et donc fondamentalement la musique, ont été le soleil de notre drame collectif. Dans l’horreur du bateau négrier ou dans l’enfer des plantations, c’est d’abord la musique qui a nourri notre résistance inaugurale et qui, plus largement, a amplifié les assises de notre conscience individuelle, puis de notre âme collective. Notre musique, faisant soleil, a fait lever une belle aurore sur notre apparition comme peuple et comme nation, et sur notre devenir.

Chanter, danser, faire rythmes et faire musique, sont des forces poétiques. Elles sont au principe de ce que nous étions, et de ce que nous sommes aujourd’hui. C’est l’élargissement des bases de la conscience par les forces poétiques qui permet d’accéder aux amplitudes de la lucidité, et donc à toute vraie résistance aux négativités. Si la lucidité s’éloigne de sa base poétique, elle devient amère et stérile ; si elle se perd dans sa base poétique, elle n’est plus qu’une de ces perceptions qui restent vaines, inaccomplies. Le chant, la danse, le rythme, la musique, peuvent donc s’élever dans la lucidité féconde où les peuples se construisent, mais ils peuvent aussi verser dans les insignifiances du seul divertissement où les peuples s’abiment.

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Pour Edgar Morin

— Par Patrick Chamoiseau —

Ici, quand il pleut, ce sont les gouttes qui font le ciel, qui trament aussi la terre dans une même envolée, mais pas un parmi nous ne connait si ce sont des sanglots de soleil ou les éclats d’une énergie dont nul ne tient le nom, ni comment ce qui scintille dessine d’impalpables matières où le vivant s’assemble parmi les herbes folles à la célébration des vers et la jubilation d’une fougère assoiffée.

On peut hélas compter les papillons, ils sont des événements, balises fantômes de la grande perte et de l’absence où tout s’effondre, mais il y a (heureux bonheur) l’infini des parfums qui s’emmêlent et se distinguent ensemble, légers, mouillés, comme portés de frissons en pensées, jusqu’aux fragrances qui accompagnent le jaunissement des fruits-à-pain… Là j’ai pour vous, une fois encore comme après tant de fois, contemplé la musique architecte des désordres, la forge qui sans cesse détruit et renouvelle, l’épuisement qui devient, cette lancée d’avenir dans cet épuisement même, et j’ai compté pour vous les mesures de l’alliance où se tient ce qui est séparé, tout comme ces horizons qu’il faut apprendre à deviner dans ce qui nous semble obscurément soudé.

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Lettres d’automne : Patrick Chamoiseau

Épisode 3 : Patrick Chamoiseau

Entretiens
« À la croisée des langues, littératures françaises d’ici et d’ailleurs », sur un tel sujet, comment ignorer l’apport essentiel de Patrick Chamoiseau ? 
Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde, prix Goncourt pour Texaco, le co-auteur de L’Éloge de la créolité définit le langage comme « le désir-imaginant de toutes les langues du monde ».

Dans cet épisode, nous l’entendrons notamment évoquer les mystères de la création, et nous franchirons en sa compagnie les frontières poreuses de la littérature pour rejoindre son ami martiniquais, le pianiste de jazz, Mario Canonge.

Lectures
En ouverture, nous entendrons la lecture par Maurice Petit d’un extrait du discours qu’a prononcé Patrick Chamoiseau alors qu’il inaugurait sa Chaire d’écrivain en résidence de Sciences Po
Un texte qui fait part, selon ses propres mots, 
« d’une formidable énigme » qu’il continue d’explorer dans son tout dernier livre paru au Seuil, Le Conteur, la nuit et le panier.

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« Le conteur, la nuit et le panier »: rencontre avec Patrick Chamoiseau

Vendredi 4 juin 2021 à 18h30 à la maison d’Aimé Césaire

Rencontre avec l’auteur Patrick Chamoiseau À la maison d’Aimé Césaire, 131 Route de Redoute, Fort-de-France 97200, Martinique

RÉSUMÉ XVIIe siècle. Aux Antilles. C’est la nuit sur une plantation où se déroule une veillée mortuaire. Un vieux-nègre esclave entre dans le cercle des flambeaux. Dès ses premiers mots, il se métamorphose en « maître-de-la Parole ». Comment ce vieil homme a-t-il pu s’ériger en père fondateur de la littérature des Amériques ? Quels sont les secrets de cet improbable résistant à l’esclavage et à la colonisation ? D’où lui vient cette assignation à ne conter que la nuit, sous peine d’être transformé en panier ? Et pourquoi un panier ? Partant de l’extraordinaire émergence du conteur créole, Patrick Chamoiseau interroge son propre travail d’écrivain, sa mémoire intime et les mystères de la création. Quels sont les grands enjeux de la littérature contemporaine ? En quoi rejoignent-ils ceux de ce vieux maître-de-la-Parole ?…

EXTRAIT DÉGAGER UNE LA-RONDE – L’écrivain est un artiste qui chemine de manière individuelle, très singulière, vers cette énigme indépassable qu’est la littérature.

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Patrick Chamoiseau de nuit (2/2)

« L’heure Bleue » de Laure Adler : 53 minutes

Contes créoles et mythologies personnelles… A l’occasion de la parution de son livre “Le Conteur, la nuit et le panier” (Seuil), Patrick Chamoiseau nous emmène dans une balade qui, à l’image de son œuvre littéraire, mêle imaginaire foisonnant et pensée politique.

Idées préconçues, déjà-vu, déjà-dit, imposé, convenu… On a toujours cru que le syndrome de la page blanche était le mal des écrivains en panne d’inspiration, mais pour Patrick Chamoiseau, c’est bien “vider la page” qui permet d’entrer dans le processus créatif. Partant de l’extraordinaire émergence de la figure du conteur créole, il interroge dans son dernier livre “Le Conteur, la nuit et le panier” (Seuil) son propre travail d’écrivain, sa mémoire intime et les mystères de la création. 

À écouter  –  CULTURE

La lucidité-oxygène de Patrick Chamoiseau (1/2)

 

54 min

Créer, c’est dépasser l’ordre établi, qui n’est autre, dans les Antilles du XVIIe siècle, que l’ordre esclavagiste. Parler le jour, c’est prendre le risque d’être “transformé en panier”, selon un vieux proverbe créole qui amuse Patrick Chamoiseau. 

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La lucidité-oxygène de Patrick Chamoiseau (1/2)

« L’heure Bleue » de Laure Adler : 54 minutes

 

En 1992, il se voit décerner le prix Goncourt pour son roman “Texaco”. Près de trente ans plus tard, c’est en Martinique que Laure Adler part à la rencontre de l’écrivain Patrick Chamoiseau, pour tracer avec lui les contours d’une “lucidité nouvelle” précipitée par la pandémie.

Il est devenu muet lorsqu’il a découvert, en entrant à l’école à Fort-de-France, qu’on ne parlait pas créole mais français. Aujourd’hui, il cite son ami et complice Edouard Glissant qui écrivait “en présence de toutes les langues du monde”. 

Auteur de dizaines de romans et d’essais et créateur de mots et de sens, Patrick Chamoiseau a bel et bien fait du langage un allié dans sa lutte contre les absolus – une langue, une couleur de peau, une religion, un imaginaire – sur lesquels le colonialisme a fondé sa domination. 

À écouter  Patrick Chamoiseau avec « La matière de l’absence » aux Editions du Seuil

53 min

René Char a dit : “La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil » : à l’opposé d’une lucidité amère, c’est une lucidité fertile, qu’il appelle “lucidité-oxygène”, que cherche à penser Patrick Chamoiseau.

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En compagnie d’Édouard Glissant sur France-Culture

Édouard Glissant, le langage du Tout-Monde 

 » Le poète achemine la connaissance du monde dans son épaisseur et sa durée, l’envers lumineux de l’histoire qui a l’homme pour seul témoin. »
Alors que l’on commémore cette année les dix ans de sa disparition, nous vous proposons aujourd’hui de cheminer en compagnie d’Édouard Glissant, poète et philosophe martiniquais, fondateur des concepts de « créolisation » et d' »antillanité », et auteur d’une oeuvre dense, riche, dans laquelle il s’applique à penser le Tout-Monde, ce monde dans lequel toutes les cultures et les langues sont mises en relation, s’influencent et se transforment. Lire l’oeuvre d’Édouard Glissant, c’est faire l’expérience d’un langage singulier, à la fois exploration poétique et acte politique d’émancipation. Lire Édouard Glissant c’est aussi rencontrer une pensée dynamique fondée sur la relation, et extrêmement féconde pour penser notre monde contemporain. Alors écoutez la voix et les mots du poète et de ses compagnons !

1 Patrick Chamoiseau, une voix dans la nuit

Dans le sillage d’Édouard Glissant, l’écrivain Patrick Chamoiseau pense la création littéraire comme suivant un moment proche du chaos. Dans son nouvel essai Le Conteur, la nuit et le panier il interroge, sous la forme d’énigmes initiales, l’impératif de conter pendant la nuit et mène une réflexion autour de l’Écrire, de la figure du conteur créole et du  » choc esthétique ».

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Rabelais pourrait bien être un conteur créole

LE CONTEUR, LA NUIT ET LE PANIER, Patrick Chamoiseau. Seuil, 272 pages, 21 euros

— Par Muriel Steinmetz —
C’est une des hypothèses de Patrick Chamoiseau, dans un livre qui célèbre les maîtres de la parole venus d’Afrique et leurs descendants contemporains.

Comment Patrick Chamoiseau a-t-il découvert la voix de son propre chant, dans des langues « offertes par le hasard
», le créole, le français ? Il explore dans ce livre la naissance de sa vocation d’écrivain. Et met en garde : ici, pas de recettes narratives, ni d’atelier d’écriture ! Son texte, complexe, lumineux, poétique, théorique, clair et énigmatique, s’articule telle une « laronde », nom donné, dans les plantations colonialistes, aux traditions des veillées antillaises. Lors de ces veillées souvent mortuaires, un conteur prenait la parole, en créole, dans un « silence de roche ».

Langue dominée, Langue matricielle

Chamoiseau tresse de concert l’essai au récit. En des chapitres intimes, il revient sur la terre ferme de son enfance, par bouffées de mémoire structurelle. Il évoque « les petits-lots ficelés » que sa mère, Man Ninotte, pas « véritablement lettrée », lui rapportait du marché après avoir vidé la brouette d’un djobeur (celui qui effectue de menus travaux), débordante de rebuts de librairie.

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Patrick Chamoiseau : « On n’a pas besoin d’universel, on a besoin de Relation »

Avec son nouveau livre, Le conteur, la nuit et le panier, l’écrivain et intellectuel martiniquais Patrick Chamoiseau poursuit sa quête de ce qui fonde et constitue le geste créatif. Il met en scène un conteur créole, qui se lève au cœur de la plantation, parmi les esclaves, et les dote d’une parole commune. Il incarne le règne du sensible dans le rapport que l’on entretient au « réel », l’accès par le « je » à un « nous », cette autre manière de vivre au monde et de vivre le monde, non plus entre des frontières, des nations exclusives, ou des absolus culturels, mais dans l’interaction avec tout le vivant.

Avec Le conteur, la nuit, le panier, son nouveau livre, l’essayiste et romancier martiniquais Patrick Chamoiseau propose un voyage poétique et galactique qui prend son essor au fond des ténèbres et s’élance dans le cosmos étoilé. Ce voyage est celui qui trace les voies et les voix de la création. L’artiste y apparaît comme l’éclaireur du monde, celle et celui par qui le concept de « Personne » peut exister dans une généalogie longue et une histoire immémoriale.

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« Créolisation », « Tout-Monde » : comprendre la pensée d’Edouard Glissant, avec l’écrivain Patrick Chamoiseau

Entretien
Propos recueillis par Kévin Boucaud-Victoire
Lauréat du prix Goncourt en 1992, l’écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau publie « Manifestes », un recueil de textes écrits avec son ami Edouard Glissant, disparu il y a 10 ans. Rencontre.
Romancier, poète et philosophe martiniquais, Edouard Glissant nous a quittés le 3 février 2011. Pourtant, le grand public ne fait que découvrir sa pensée riche. Un exemple récent en témoigne : la mise en avant de sa notion de « créolisation » par Jean-Luc Mélenchon et les débats qui ont suivi. Ecrivain et ami proche du poète, Patrick Chamoiseau revient avec nous sur ses « poécepts ».

Marianne : En quoi la pensée d’Edouard Glissant est-elle encore d’actualité ?

Patrick Chamoiseau :Son œuvre relève d’une « pensée du poème », d’une poétique, dans laquelle il articule une série impressionnante de »poécepts ». Le poécept est un précipité de concept et de feu poétique. Il se disait avant tout poète, alors qu’il aurait pu se revendiquer penseur, philosophe, anthropologue, essayiste, romancier, dramaturge… Sa référence au poète ne concernait pas seulement la pratique d’une écriture poétique.

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“Manifestes”, de Patrick Chamoiseau et Édouard Glissant

— Par Frédéric Manzini —

Dans les années 2000, les deux écrivains martiniquais Patrick Chamoiseau (né en 1953) et Édouard Glissant (1928-2011) ont cosigné, parfois avec d’autres auteurs, plusieurs tribunes inspirées par divers événements de l’actualité – l’élection de Barack Obama, la venue de Nicolas Sarkozy en Martinique, le passage d’un ouragan ou le mouvement social de 2009 aux Antilles contre la cherté de la vie. 

Six de ces écrits sont désormais rassemblés dans le recueil Manifestes (La Découverte, 2021) : les deux intellectuels complices font partager leur vision du monde empreinte d’un lumineux humanisme qui se situe dans l’héritage d’Aimé Césaire. Doux utopisme ou résolu optimisme ?

La question des Antilles

Bien sûr, la question de ce qu’ils appellent « ces enclaves coloniales archaïques que sont encore les pays dits DOM-TOM » occupe une place centrale dans les prises de position des deux auteurs. Ils entendent refonder la relation entre les outre-mers et la métropole sur le fondement d’échanges fraternels qui rompent avec les dominations passées : « Les Républiques “unes et indivisibles”, écrivent-ils, doivent laisser la place aux entités complexes des Républiques unies qui sont à même de pouvoir vivre le monde dans ses diversités. »

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Manifestes pour un mouvement à travers l’océan des humanités

— Par Aliocha Wald Lasowski, philosophe —
Un ouvrage rassemble, pour la première fois, six textes coécrits par les penseurs martiniquais Patrick Chamoiseau et Édouard Glissant. Dix ans après la mort de ce dernier, d’autres ouvrages nous invitent à naviguer dans son sillage.

Manifestes
Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau,
préface d’Edwy Plenel
La Découverte et Institut du Tout-Monde, 2021,
168 pages, 14 euros

En 2009, évoquant les États-Unis saccagés par le racisme et la xénophobie, les écrivains et penseurs martiniquais Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau voient l’élection de Barack Obama comme l’imprévisible réalisation de la créolisation, ce processus en devenir du tissage de contacts et de relations mêlées. « Dans un pays où toute idée de rencontre, de partage, de mélange était violemment repoussée par une grande partie de la population » , Obama incarne alors la diversité, lui qui grandit à Hawaï, d’un père kényan, d’une mère du Kansas et d’un beau-père indonésien. Cette analyse éclairante, publiée aujourd’hui avec d’autres textes sous le titre Manifestes , montre comment la haine peut être dépassée par la mondialité, conçue, espérée comme un « imprévu de métissages inouïs et inattendus ».

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Publication des « Manifestes » d’Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau 

Les Manifestes des écrivains  Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau paraîtront le 4 février en librairie, à l’occasion du 10ème anniversaire du décès d’Édouard Glissant. Il s’agit de leurs divers textes théoriques et critiques, de textes de réflexion, publiés entre 2000 et 2009.

La sortie de Manifestes, programmée à cette date par les Éditions La Découverte et les Éditions de l’Institut du Tout-Monde, peut s’entendre comme un hommage à Édouard Glissant, disparu à Paris, le 3 février 2011, à l’âge de 82 ans. Un auteur martiniquais qui par ses écrits a influencé profondément son époque. Son ami de longue date, Patrick Chamoiseau, prix Goncourt en 1992 pour le roman Texaco, l’a accompagné dans son parcours intellectuel. Ensemble, ils ont publié les Manifestes, qui traitent entre autres de thèmes sociétaux, et qui sont réunis aujourd’hui pour être édités dans un seul ouvrage, dont l’avant-propos est écrit par Patrick Chamoiseau lui-même, sous le titre de Malgré tout. La postface, Une poétique de la politique, est quant à elle proposée par Edwy Plenel, journaliste politique français qui participe au site d’information indépendant Médiapart.

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Pour J-C William

— Par Patrick Chamoiseau —

Jean-Claude William.

T’en souviens-tu ?

De nos rires autour de cette boutade de William Faulkner qui très souvent disait :

« Entre un bon whisky et rien, je choisirai toujours un bon whisky ! »

Comme Faulkner ne parlait jamais à la légère,
il m’est arrivé de penser
juste pour complexifier les choses
et sans grande contradiction de ta part
qu’il désignait par le mot « rien » toutes les situations intolérables

Ce que Glissant aurait appelé de son côté
le rassurant néant
l’absence ronronnante
la crève paisible,
ce « rien » dans lequel se débattent les Nations sans État que l’on appelle DOM-TOM.

Au « rien »
Faulkner préférait le feu du risque
là où l’insupportable des petites vies se consume d’emblée
là où la ferveur ignore les renoncements
là où la nuit des manguiers se bouleverse soudain d’un voumvap de lucioles..

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Contre les statues : les traces-mémoires

—Par Patrick Chamoiseau —

Nos monuments demeurent comme des douleurs.
Ils témoignent de douleurs.
Ils conservent des douleurs.

Ce sont le plus souvent des édifices produits par la trajectoire coloniale : forts, églises, chapelles, moulins, cachots, bâtiments d’exploitation de l’activité esclavagiste sucrière, structures d’implantation militaire… Les statues et les plaques de marbre célèbrent découvreurs et conquistadores, gouverneurs et grands administrateurs. En Guyane, comme aux Antilles, ces édifices ne suscitent pas d’écho affectif particulier ; s’ils témoignent des colons européens, ils ne témoignent pas des autres populations (Amérindiennes, esclaves africains, immigrants hindous, syro-libanais, chinois…) qui, précipitées sur ces terres coloniales, ont dû trouver moyen, d’abord de survivre, puis de vivre ensemble, jusqu’à produire une entité culturelle et identitaire originale.

La trajectoire de ces peuples-là s’est faite silencieuse. Non répertoriée par la Chronique coloniale, elle s’est déployée dans ses arts, ses résistances, ses héroïsmes, sans stèles, sans statues, sans monuments, sans documents. Seule la parole des Anciens, qui circule dessous l’écriture – la mémoire orale – en témoigne.
Or la parole ne fait pas monument.
La parole ne fait pas l’Histoire.
La parole ne fait pas la Mémoire.

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« Quand Patrick Chamoiseau écrivait: «Esquisser en nous la voie d’un autre imaginaire du monde…» »,

— Par Sophie Klimis, professeure ordinaire de philosophie, Université Saint-Louis-Bruxelles, pour Carta Academica —

Chaque semaine, « Le Soir » publie une chronique d’un membre de Carta Academica* sur un sujet d’actualité. Cette semaine : quand la parole du poète peut recréer le monde en le disant autrement…

A des années-lumière d’un certain narcissisme parisien et de sa surenchère dans le « glauque » et le cynisme, Patrick Chamoiseau, écrivain français martiniquais, fait œuvre profonde de salubrité publique. Son livre Frères Migrants (Seuil, 2017) devrait être inscrit au programme de toutes les écoles de la « francophonie », France y compris. Abasourdi face à la crise des migrant.e.s, comme beaucoup d’entre nous, Chamoiseau y raconte s’être senti comme « appelé » par la voix d’outre-tombe d’Édouard Glissant, cet autre immense philosophe-poète originaire de Martinique, décédé en 2011, qui fut son ami et son « maître ». « Quand un inacceptable surgissait quelque part », se souvient Chamoiseau, Glissant l’appelait pour lui dire : « on ne peut pas laisser passer cela ! »

La tentation de la désespérance

Face à la recrudescence des violences en Syrie, à ce nouveau million de réfugié.e.s

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