Pour Milan Kundera

— Par Patrick Chamoiseau —

Kundera
La survie des petites nations gît tout entière, c’est vrai, dans l‘éclat de leur art, le lucide de leur rire, l’aérien des vérités qui dansent ; seulement, leurs géographies sont inconnues des cartographes.

Elles sont faites de rencontres.
D’expériences infinies, d’exils qui enracinent, de langues restées vivantes dans le jeu même des autres langues. Elles vont aux formes ouvertes, aux matières sans candeur, aux forces qui lèvent les insolites du vivre et la beauté d’une autre vision du monde. La nôtre, Martinique, que tu as vue avec grand soin, te fait ici, le signe de l’amitié : c’est geste ancien, tigé de l’algèbre d’un pouvoir.

Bien des choses ont changé au Diamant, mais tout ce qui s’y trouve de fidèle, d’immobile, de belle poussière inaltérable, de vagues et d’écume tiède, se souvient.

Milan
Ici, celui qui tient le verbe au jaillissement des sources, ne sait rien du roman ; juste le fleuve de la parole qui habille les nuits et désarme les jours ; juste la lumière sans flambeau qui questionne et qui n’impose rien ; juste la danse la musique et le rire qui réinventent l’antique complexité du vol des papillons. C’est le seul moyen, pour nous connu, de faire trembler le monde et de l’ouvrir à fond.

Rencontreur ho !

(musicien de la forme,
orfèvre moqueur du verbe,
trans-langue très sourcilleux,
désenchanteur précieux,
mignonneur de l’Idée)

la-ronde parmi nous est ouverte en ton nom.

Trois fois sept fois, ami,
j’ai salué au tambour,
et, dans la danse de mes paupières, le geste sans âge, tombé d’une vieille algèbre, allège l’esprit, sourit encore, mais laisse la charge au cœur. 

12 07 2023