Catégorie : Sociologie

Pourquoi il est même indécent d’être Charlie

–– Par René Ladouceur —
charlie_passion-400Un ami, agacé, me réveille pour me demander mon point de vue sur, dit-il, « les attaques racistes dont fait l’objet la Guyane». L’auditeur qu’il vient d’entendre sur Radio-Guyane 1ère ne trouve pas de mots assez durs pour fustiger, et sur un ton des plus obscènes, les Guyanais coupables, à ses yeux, de n’avoir pas participé massivement, comme dans l’Hexagone, à la grande marche républicaine du 11 janvier dernier.

Je donne raison à mon ami.Moi non plus, je n’ai pas eu envie de me trouver l’autre dimanche Place de la République, à Paris, pour crier « même pas peur ! », l’autocollant « Je suis Charlie » rivé sur le front. Pourquoi donc ? Je n’ai naturellement pas été indifférent au meurtre de masse, commis de sang-froid, qui a endeuillé la France entière. J’ai même littéralement fondu en larmes en apprenant la mort de Cabu. Rien ne peut ni ne doit justifier un tel assassinat⋅ Dire cela aujourd’hui n’a rien d’original : des millions de personnes l’ont pensé et l’ont ressenti ainsi, à juste titre⋅ Il reste que, dès les premières minutes de cette épouvantable tragédie, une question m’est venue immédiatement à l’esprit : le profond dégoût éprouvé face au meurtre devait-il obligatoirement me conduire à m’identifier avec l’action des victimes ?

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La prise en otage des enseignants ou l’instrumentalisation de l’école publique

— Par Saïd Bouamama —

tricot_cerveauIl est fréquent d’imputer à l’école publique la réparation des dégâts que les politiques économiques libérales produisent. Plus de trois décennies de paupérisation, de précarisation, de destruction des services publics, ont eu des effets catastrophiques sur la vie quotidienne des classes populaires (et plus récemment sur celui des couches moyennes). Et l’on voudrait dans ce contexte que l’école puisse être un « sanctuaire » protégé des bruits et nuisances d’un environnement social en crise multiforme.
Les orientations que le gouvernement vient d’adopter comme conclusion de son analyse sur les attentats meurtriers qui ont endeuillé notre pays ajoutent de nouvelles responsabilités et tâches aux enseignants. Ils ne sont plus seulement responsables de l’échec, du décrochage scolaire et du chômage par la préparation insuffisante au marché de l’emploi, mais également d’une citoyenneté et d’un civisme « insuffisant » des élèves, d’un apprentissage défaillant de la « laïcité », de la méconnaissance des « principes républicains » et de l’irrespect des symboles nationaux, notamment. 

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Contre l’intégrisme, choississons la respiration laïque

penser_la_laiciteVoici plusieurs années que Catherine Kintzler tente d’élaborer une construction philosophique du concept de laïcité. Elle en a proposé en 2007 (Qu’est-ce que la laïcité?, éd. Vrin) une exposition raisonnée de type « académique ». Il s’agit ici pour elle d’exposer et de reprendre cette réflexion de manière plus ample, tout particulièrement en la jugeant à l’aune de l’actualité. En effet, on doit pouvoir attendre d’une théorie qu’elle soit capable d’élucider le plus grand nombre possible de phénomènes entrant dans son champ, et qu’elle soit en mesure soit de prévoir de manière détaillée des phénomènes inédits, soit d’y faire face de manière tout aussi détaillée s’ils se présentent.

Dans cet esprit, plusieurs « questions » et « fausses questions » laïques qui ont jalonné de manière décisive les deux dernières décennies sont abordées comme autant de défis où la pensée est mise en demeure et où la théorie est mise à l’épreuve. Qu’est-ce que l’extrémisme laïque ? Pourquoi ajouter un adjectif au substantif « laïcité » (ouverte, positive, raisonnable, plurielle..) ? Comment se justifie la laïcité scolaire, peut-on l’étendre à l’enseignement supérieur ?

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Le rouge et le tricolore

— Par Alain Badiou (Philosophe, dramaturge et écrivain) —

drapeau_rouge_tricoAujourd’hui, le monde est investi en totalité par la figure du capitalisme global, soumis à l’oligarchie internationale qui le régente, et asservi à l’abstraction monétaire comme seule figure reconnue de l’universalité.

Dans ce contexte désespérant s’est montée une sorte de pièce historique en trompe-l’œil. Sur la trame générale de « l’Occident », patrie du capitalisme dominant et civilisé, contre « l’islamisme », référent du terrorisme sanguinaire, apparaissent, d’un côté, des bandes armées meurtrières ou des individus surarmés, brandissant pour se faire obéir le cadavre de quelque Dieu ; de l’autre, au nom des droits de l’homme et de la démocratie, des expéditions militaires internationales sauvages, détruisant des Etats entiers (Yougoslavie, Irak, Libye, Afghanistan, Soudan, Congo, Mali, Centrafrique…) et faisant des milliers de victimes, sans parvenir à rien qu’à négocier avec les bandits les plus corruptibles une paix précaire autour des puits, des mines, des ressources vivrières et des enclaves où prospèrent les grandes compagnies.

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« Secret des affaires : informer n’est pas un délit »

— Tribune —

liberte_presseIl y a un loup dans la loi Macron. Le projet de loi actuellement discuté à l’Assemblée nationale contient un amendement, glissé en catimini dans le texte, qui menace d’entraver le travail d’enquête des journalistes et, par conséquent, l’information éclairée du citoyen. Sous couvert de lutte contre l’espionnage industriel, le législateur instaure comme nouvelle arme de dissuasion massive contre le journalisme un « secret des affaires » dont la définition autorise ni plus ni moins une censure inédite en France.

Selon le texte, le « secret des affaires » recouvre « une information non publique, qui fait l’objet de mesures de protection raisonnables » et qui a « une valeur économique ». Notre métier consistant à révéler des informations d’intérêt public, il sera désormais impossible de vous informer sur des pans entiers de la vie économique, sociale et politique du pays.

Le texte, qui a été préparé sans la moindre concertation, laisse la libre interprétation aux seules entreprises de ce qui relèverait désormais du « secret des affaires ». Autrement dit, avec la loi Macron, vous n’auriez jamais entendu parler du scandale du Médiator ou de celui de l’amiante, de l’affaire Luxleaks, UBS, HSBC sur l’évasion fiscale, des stratégies cachées des géants du tabac, mais aussi des dossiers Elf, Karachi, Tapie-Crédit lyonnais, ou de l’affaire Amésys, du nom de cette société française qui a aidé une dictature à espionner sa population.

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Après l’horreur, notre combat pour l’émancipation !

— Par Gilbert Pago & Philippe Pierre-Charles pour le G.R.S.—

charlie_solidaireLes clameurs se sont (presque) tues. L’émotion n’est plus à son paroxysme. Le moment de l’analyse est venu.
Chacun sait bien la position constante du GRS : le terrorisme aveugle ou ciblé, les assassinats de masse ou individuels, éthiquement insupportables, sont absolument contraires aux méthodes du mouvement ouvrier. Ces crimes  ne peuvent servir que les ennemis de la cause de l’émancipation des peuples. Ils ont choqué à juste titre la conscience universelle. L’indignation, la réprobation, la colère ne peuvent être ni sélectives ni hiérarchisées. La tuerie de Charlie Hebdo, le lâche assassinat de notre compatriote policière municipale, l’odieux massacre de clients d’un magasin casher, la mise à mort génocidaire de milliers de Nigérians, relèvent de l’abjection la plus absolue tant dans les mobiles que dans les faits eux-mêmes.
La présence d’une jeune martiniquaise parmi les victimes tout comme hier le kidnapping de Thierry Dol, ou encore la certitude que d’autres jeunes martiniquais se trouvent dans les rangs des djihadistes, montrent que les problèmes du monde sont aussi nos problèmes pour le meilleur comme pour le pire.

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Dans les salons de coiffure afro à Paris, la détresse derrière les tresses

—Par Stéphanie Marteau —

afro_americanChâteau-d’Eau, 14 h 30. Une femme en boubou s’avance en traînant une valise qu’elle ouvre en plein milieu d’un salon de coiffure. Elle en sort des boîtes en plastique de bonbons Haribo remplies de riz et de poisson tièdes. Les coiffeuses l’ignorent, une cliente lui lance quelques euros et commence à dépiauter son déjeuner du bout des doigts. L’odeur des solvants utilisés par les manucures qui travaillent derrière elle ne la perturbe pas. Le tressage reprend. Sur ses genoux, un koala en peluche piqué d’aiguilles, dont la coiffeuse se saisit une par une pour coudre les mèches à même les cheveux de sa cliente. Dans le salon, il n’y a que des Noirs, de la musique camerounaise, des affiches défraîchies montrant des femmes aux coiffures improbables, des sacs de voyage énormes, des fils électriques qui pendent. Sur le trottoir, des équipes de rabatteurs alpaguent les passants. Scène de vie ordinaire à Château-d’Eau, rendez-vous de l’Afrique à Paris depuis que cette partie du 10e arrondissement, nichée entre Strasbourg-Saint-Denis et la gare de l’Est, est devenue la Mecque de la coiffure afro.

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L’art du moucatage et Charlie Hebdo.

— Par Patrick Singaïny —

etat_eglise_separesNous n’avons pas toujours conscience que notre art du moucatage est une façon très fine d’exercer une liberté d’expression la plus grande possible. L’art du moucatage est une manière toute réunionnaise de se moquer, souvent dans l’irrévérence, parfois brutalement, mais sans heurter ni offenser. C’est ce que faisait et devrait continuer à faire Charlie Hebdo.
Cependant, la seule contrainte, ici, est d’avoir l’autre bien en face de soi. Tout se passe dans le regard échangé et dans le ton invoqué. L’œil est alors souriant, la bouche finit d’être dessinée par l’intention moqueuse pendant que le ton de la voix déploie l’écart entre ce qui est dit et comment cela doit être prononcé. La réussite du moucatage se constate alors dans l’effet produit : un rire partagé. Pendant un bref instant, une ligne se tend entre éclat de voix et fadeur d’un propos, le temps de cet échange amusé bien au-delà du verbe.

Charlie Hebdo a souvent réussi ses moucatages, non sans problèmes.
Cet instant entre le moucateur et le moucaté a failli se produire, quand en 2007, en plein procès, devant la 17ème chambre correctionnelle de Paris, dans un coin de couloir, Philippe Val –alors rédacteur en chef de Charlie Hebdo- rencontre à nouveau Dalil Boubakeur, recteur de la Mosquée de Paris.

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Journées des dupes ?

— Par Aimé Charles-Nicolas,  Professeur Emerite de psychiatrie et d’addictologie —
le_mepris_camusCette manifestation avec tous ces chefs d’État à Paris en tête de cortège a entrainé une exaltation patriotique. La Marseillaise a été chantée dans plusieurs cortèges et à l’Assemblée nationale. Cela ne s’était pas vu depuis la Libération. Les Français ont fait peuple et ont clamé leur fierté.
En effet la puissance symbolique de la manifestation du 11 janvier ne doit pas être sous-estimée. Elle a changé la vision du monde et la doxa internationale. Le raccourci « musulman-islamiste-terroriste » est installé dans les esprits. Alain Finkelkraut a bien résumé cet état d’esprit : « L’islamisme n’est pas sans lien avec l’islam » . L’idée qu’Israël est dans son droit a été renforcée et intériorisée. Et tous ces massacreurs, kamikazes, frères Kouachi et autres fous de Dieu et Daesh ont démontré qu’ils tiraient contre eux-mêmes, ils ont déclenché ce processus et leurs balles sont – toujours – de vrais boomerangs, une preuve de plus en est (quasi comique) qu’il oublie sa carte d’identité dans la voiture volée! En tous cas, leurs carnages nous entrainent, vous et moi, dans leur spirale de mort.

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Réflexions sur la nation et la République

— Par Kenjah —

kenjah-etat-nation-2La confusion, entretenue en France depuis trois siècles, entre la nation et la République est la matrice la plus propice à tous les amalgames. Depuis la Révolution, la tradition politique française fait le grand écart entre une construction ethnique de la nation et une conception universaliste de la République. Ce grand écart, fondé dans l’expérience coloniale et l’exploitation d’un empire mondialisé, s’incarne dans le concept d’État-nation, dans lequel les principes universels de la République sont soumis aux impératifs de la domination ethnique et de l’exclusion des différences.

Il faut renoncer à toute illusion de voir les Français « de souche » réformer cet imaginaire revendiquant ses racines judéo-chrétiennes et une mission civilisatrice lui conférant une forme prétendue de supériorité essentielle. Qui pourra faire obstacle à cette volonté de rétrécissement, à ce choix du plus étroit ? Plus que jamais, la France est face à elle-même et à son destin.

Un vent de pogrom et de ratonnade se lève sur la France. Je ne m’imposerai pas à ceux qui me rejettent et me relèguent dans leurs marges. Me revendiquant enfant de la République, je ne me reconnais pas dans cette nation arrogante et aveugle, même quand elle se veut de bonne foi, comme un entraîneur de football.

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Lettre à Riss, nouveau rédacteur en chef de Charlie Hebdo.

— Par Patrick Singaïny[1]
prophete_et_roiComment appréhender la liberté d’expression dans notre espace laïc après l’attentat du 7 janvier 2015 contre Charlie Hebdo et ses caricatures de Mahomet ?

Je me souviendrai toujours d’Aziz, merveilleux dessinateur et peintre, et de ses amis étudiants en arts, des Marocains, des Algériens et des Tunisiens qui comme moi fréquentaient les cours d’histoire de l’art médiéval à la faculté des arts d’Amiens au début des années 1990. J’ai gardé en mémoire les effets déflagrateurs du premier cours durant lequel j’ai entraperçu, entre les passages de diapositives, des têtes baissées quand l’iconologie de la Vierge et du Christ était dûment abordée et montrée. Pourtant intrigué, il m’était impossible de leur parler, tellement leurs yeux rougis au sortir du cours m’intimidaient. C’est autour d’un thé, qu’Aziz m’a expliqué leur désarroi. Tous avaient cru au prosélytisme. Tous avaient été profondément offensés. Réunis chez moi, mes amis maghrébins ont subi un cours de laïcité. Je me souviens avoir beaucoup insisté sur le fait que l’art qu’ils étaient venus étudier s’était débarrassé depuis longtemps de la tutelle de l’Eglise.

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Réflexions sur le temps présent

Dix jours après

— Par Michel Pennetier —

le_temps_presentLes évènements tragiques à Paris qui viennent de nous bouleverser ont suscité beaucoup d’émotion. Celle-ci est légitime, cependant subjective par définition. Elle peut conduire à des jugements hâtifs, raviver des préjugés, conduire à la stigmatisation d’un groupe humain et même à la violence à l’égard de celui-ci. L’origine des préjugés est de prendre les mots pour la réalité. Que disons-nous quand nous employons les termes : Islam, musulmans, judaïsme, juifs ? Combien de réalités se cachent sous ces noms qui portent des histoires millénaires, des textes symboliques difficiles à décrypter et dont les interprétations sont multiples, des hommes et des femmes, des enfants dont l’être ne peut être réduit à quelques adjectifs ou définitions. Il y a une précaution à prendre : ne pas « essentialiser » un groupe humain, une religion ou une culture, mais plutôt essayer de s’approcher de la fluidité et de la variabilité infini du réel. « Tu ne te feras pas d’image » dit la Bible. Image de Dieu mais aussi image d’autrui. Abordons cet autre en lui laissant sa liberté.

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Club Med : encore toujours et à nouveau sur le fait syndical martiniquais !

— Tribune de Félix Relautte —
club_medUn jugement du tribunal d’instance de Fort-de-France relance la question du fait syndical martiniquais. Ce jugement signale que l’absence d’invitation de la CDMT à la réunion pour adopter un protocole d’organisation des élections professionnelles n’est pas une cause d’invalidation de ces élections. Ce serait le cas si la CDMT était une organisation représentative “ au niveau national” c’est-à-dire en France. Maitre Mauzole, avocate de la CDMT en la circonstance a eu beau fournir les preuves de l’évidente représentativité de la CDMT dans le secteur concerné (l’hôtellerie) rien n’y a fait. Si les élections au Club Med ont été malgré tout annulées c’est parce que deux autres syndicats (la CSTM et la CGTM/FSM), retardataires dans le dépôt de leurs listes, n’avaient pas accepté que FO soit le seul syndicat à être en lice et donc avaient placé des bulletins réalisés par leurs soins le jour du vote comme cela se fait assez souvent. Le tribunal a refusé cette pratique pourtant établie par l’usage et même par un arrêt de la Cour de Cassation. Les élections seront donc refaites mais pas comme la direction le souhaitait (c’est-à-dire avec le seul syndicat FO).

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Représentation de Mahomet : « L’islam a perdu de vue sa propre histoire »

 — Par Bernard Genies —

Le Prophète apparaît dans de nombreux manuscrits. Sophie Makariou, spécialiste des arts de l’islam, déconstruit toutes les fausses idées véhiculées à ce sujet.

Conservateur du patrimoine, Sophie Makariou a rejoint les équipes du Musée du Louvre en 1994. Elle a été nommée à la tête du département des Arts de l’Islam créé en 2003 et dont les nouveaux espaces ont été inaugurés en 2012. En août 2013, elle a été nommée présidente du Musée Guimet, Musée national des Arts asiatiques à Paris. Entretien.

L’Obs Peut-on dire que l’islam interdit la représentation du Prophète et, par extension, de toute figure humaine?

Sophie Makariou Il n’y a pas stricto sensu de condamnation de la figuration dans le Coran. Ce qui est illicite, c’est l’adoration des images et des idoles. Dans l’arabe archaïque, qui est celui du Coran, on appelle idoles les objets tridimensionnels, donc les sculptures – les bétyles –, qui sont censées être le siège de divinités. Mais selon l’appartenance à l’une ou l’autre des familles musulmanes, les deux plus grandes étant le sunnisme et le chiisme, les modes d’interprétation peuvent différer.

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J’écris ton nom, Liberté…

— Par Janine Bailly —
je_suis_un_humainNon, nul n’est tenu de proclamer qu’il est Charlie, du verbe être, ni qu’il suit Charlie, du verbe suivre. Néanmoins, ce qui, au-delà des hypocrisies — certains qui dans leur propre pays musellent la presse et bâillonnent hardiment les libertés ne s’affichaient-ils pas aux premiers rangs des manifestations parisiennes ? — ce qui donc m’a touchée ce dimanche à Fort-de-France, c’est ce rassemblement imprévu sur la Savane. Événement auquel il m’a été donné de participer grâce au message suivant, reçu à l’heure du dessert, comme un petit supplément aux pâtisseries du repas dominical :
« Suite à l’absence de marche républicaine organisée en Martinique ce dimanche 11 janvier, rassemblons-nous à 17h30 place de la Savane ( rue de la Liberté…) pour défendre les valeurs de démocratie, de liberté et de pluralisme.
Nous sommes Martiniquais.
Nous sommes Français.
Nous sommes Charlie
“Le rassemblement, c’est la plus belle réponse à ce que nous venons de vivre”
Merci de partager ce message avec tous vos contacts, par SMS, mails ou sur les réseaux sociaux ».
Nous nous sommes donc retrouvés, quelques centaines de Foyalais et autres, de tous âges, de toutes couleurs, et  sans nul doute de toutes confessions, pour partager à nouveau notre émotion, notre chagrin, notre incompréhension, mais aussi notre espoir et notre foi en l’humanité.

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« Soumission » et « L’Esclave » : deux romans semblables de M.H.

— Par Michel Lercoulois —

Le déferlement inouï d’articles de presse consacrés au dernier livre de Michel Houellebecq avant même sa parution (1) devrait plutôt décourager toute nouvelle critique mais, en réalité, les articles publiés, pour la plupart obnubilés par le « pitch », ne s’intéressent pas à l’écriture. Il est donc légitime d’examiner Soumission d’un peu près. La tentation est d’autant plus grande qu’un autre roman, L’Esclave, publié quelque temps auparavant par Michel Herland, un collaborateur de Madinin’Art, traite d’un sujet très semblable. La ressemblance des thèmes se retrouve-t-elle au niveau de la forme ? On ne voit pas a priori pourquoi il en irait ainsi. La comparaison révèle pourtant de nombreuses proximités sur ce plan-là également.

Les deux auteurs imaginent que la France passera sous la coupe des islamistes : chez M. Houellebecq, ce serait pour demain (2022), chez M. Herland pour après-demain (2090). Le narrateur est dans les deux cas un universitaire, professeur de littérature chez Houellebecq, de philosophie chez Herland. La différence principale, ici, tient à la place du narrateur. Chez Houellebecq il s’exprime à la première personne, il vit les événements qui portent un musulman à la présidence de la République et les changements qui en résultent pour le pays et pour lui-même.

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« Lettre aux acheteurs de Charlie »

charlie_pardonneL’Union nationale des diffuseurs de presse (UNDP) adresse une « Lettre aux acheteurs de Charlie » pour un point de situation de la livraison pour les jours à venir des exemplaires de Charlie Hebdo. Ce texte rappelle également le fonctionnement de la distribution de la presse, avec ses contraintes industrielles, même en situation exceptionnelle. Le 7 janvier dernier, un odieux attentat a frappé la rédaction du journal satyrique Charlie Hebdo. Cet attentat, et ses suites, jeudi et vendredi ont provoqué un mouvement d’émotion sans précédent, partout en France. Vous vous êtes mobilisés pour les victimes et pour la survie de l’hebdomadaire, au nom de la liberté d’expression qui fonde la démocratie.
Nous sommes particulièrement concernés par Charlie Hebdo
Les 26 000 marchands de journaux de France sont des Français comme les autres, mais ce sont aussi ceux qui – chaque jour – assurent la diffusion des opinions et des idées auprès de leurs concitoyens. Ils sont touchés, donc, à double titre par les événements et se sont mobilisés sans compter sur cette opération.
Nous sommes solidaires de Charlie, y compris financièrement
Ils ont fait preuve d’une solidarité exceptionnelle avec Charlie Hebdo, en abandonnant leurs commissions sur les ventes du million d’exemplaires initialement programmé.

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Man pa Charlie!

— Par Daniel Boukman, militant culturel martiniquais —
je_,ne_suis_pas_charlieMercredi 7 janvier 2015, deux illuminés dont le fanatisme se nourrissait d’une idéologie qui empoisonne et le coeur et l’esprit, ont froidement assassiné les meilleurs de l’équipe du journal Charlie Hebdo.
A travers la France et même au-delà, ce crime souleva des vagues d’émotions . Un slogan « Je suis Charlie » devint le signe de compassions affichées.
Ma raison réfute les divagations de ces gourous qui par le fer et par le feu rêvent le rêve insensé de soumettre le monde à un ordre divin totalitaire dont ils s’autoproclament les dépositaires.
Je refuse de hurler avec les loups (politiques, pseudo philosophes, écrivains renommés, journalistes, chroniqueurs et autres islamophobes) qui hurlent à la mort et dont les hurlements suscitent déjà échos populaires, en France et demain, (qui sait ?) sous nos cieux tropicaux
Cependant ne voulant pas bêler avec les moutons qu’ils soient d’ici, qu’ils soient d’ailleurs, je revendique le droit de déclarer que « JE NE SUIS PAS CHARLIE! »
La liberté d’expression et de conscience est une conquête à préserver mais quand la direction de Charlie hebdo décide de publier ces caricatures qui seront la cause voire le prétexte de cette action criminelle, je n’applaudis pas et je comprends qu’une pareille initiative soit ressentie par les Musulmans comme une profanation, profanation que les tribunaux français n’ont pas jugée comme telle mais qui a dû laisser une blessure profonde au fond du coeur des adeptes d’une religion vécue par des millions et des millions d’hommes et de femmes, et ce qui fut occasion de gaudrioles pour les uns, a armé le bras vengeur de ces deux fous de dieu, de leur dieu.

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« Parler, écrire, imprimer librement… » : la liberté d’expression mise en cause

—Par Maud Vergnol —

liberte_expression-2La une dessinée par Luz a touché dans le mille. La publication de Charlie Hebdo, hier, a fait voler en éclats l’unanimisme de façade 
et les hypocrisies politiques. Réactionnaires et intégristes ne manqueront pas d’exploiter ce drame pour tenter de limiter la liberté d’expression.

«Oui, mais… » Les masques sont tombés. La publication de Charlie Hebdo, hier, a fait voler en éclats l’unanimisme de façade et les tartufferies politiques. C’est dire si la une dessinée par Luz, représentant un prophète la larme à l’œil arborant une pancarte « Je suis Charlie », a visé dans le mille, réplique habile aux tentatives d’intimidation et de pression sur la liberté d’expression. Le spectacle indécent du bal des puissants, dont d’éminents fossoyeurs de la liberté de la presse, orchestré dimanche par François Hollande, a repris hier, accueillant fraîchement la publication de l’hebdomadaire satirique. L’État iranien dénonce une couverture « insultante ». « L’abus de la liberté d’expression, qui est répandu actuellement en Occident, n’est pas acceptable et doit être empêché », a fait savoir la porte-parole de la diplomatie iranienne.

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L’ASSOKA exige la vérité sur la mort de Francky Alfred

Communiqué de presse

police_controleLe mardi 13 janvier 2014, un ressortissant haïtien est mort aux environs de 8 heures à Schœlcher.
La vérité officielle, trop vite proclamée par le Procureur de la République, est que cet homme aurait fui un contrôle de police et se serait jeté d’une falaise.
Les éléments actuellement réunis par l’ASSOKA mettent à mal cette vérité officielle complaisamment relayée par des médias peu curieux.
Francky ALFRED avait 35 ans. Il vivait en Martinique depuis 2011. Il avait une compagne enceinte de trois mois. Il attendait une pièce réclamée par la Préfecture pour finaliser une demande de titre de séjour.

Cet homme n’avait aucune raison de fuir et encore moins de se suicider.

Il se pose un certain nombre de questions sur ce qui s’est passé :

Comment un simple contrôle router s’est-il transformé en contrôle d’identité ?
Comment et pourquoi M. ALFRED a-t-il été arrêté ?
Quel était son statut  (gardé à vue, retenu etc…) et que voulait-on faire de lui ?
A quel moment les agents de la Police de l’Air et des Frontières (PAF) sont arrivés sur les lieux ?

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« Charlie », Dieudonné… : quelles limites à la liberté d’expression ?

— Par Damien Leloup et Samuel Laurent —
liberte_expression« Pourquoi Dieudonné est-il attaqué alors que Charlie Hebdo peut faire des “unes” sur la religion » ? La question est revenue, lancinante, durant les dernières heures de notre suivi en direct de la tuerie à Charlie Hebdo et de ses conséquences. Elle correspond à une interrogation d’une partie de nos lecteurs : que recouvre la formule « liberté d’expression », et où s’arrête-t-elle ?

La liberté d’expression est encadrée
La particularité des réseaux sociaux
Le cas complexe de l’humour
Charlie, habitué des procès
Dieudonné, humour ou militantisme ?

1. La liberté d’expression est encadrée

La liberté d’expression est un principe absolu en France et en Europe, consacré par plusieurs textes fondamentaux. « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi », énonce l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789.

Le même principe est rappelé dans la convention européenne des droits de l’homme :

« Toute personne a droit à la liberté d’expression.

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Charlie Hebdo : « On ne lâche rien »

Trois millions de « Charlie Hebdo » seront dans les kiosques, l’imprimeur ayant reçu des avalanches de commandes, de France et de l’étranger.

charlie_pardonneLa une du prochain numéro de Charlie Hebdo représentera Mahomet, une larme à l’oeil, tenant une pancarte « Je suis Charlie », sous le titre « Tout est pardonné », un dessin signé Luz. Le journal satirique a ainsi de nouveau dessiné le prophète de l’islam sur sa couverture, pour un numéro qui sera tiré à trois millions d’exemplaires contre 60 000 habituellement, malgré l’attentat qui a décimé sa rédaction mercredi.

Ce numéro comportera « évidemment », comme le journal l’a déjà fait, des dessins sur Mahomet, avait prévenu lundi l’avocat de l’hebdomadaire, Richard Malka. « On ne cédera rien, sinon tout ça n’aura pas eu de sens. L’état d’esprit ‘Je suis Charlie’, cela veut dire aussi le ‘droit au blasphème’, a martelé l’avocat⋅

Lire aussi : Les lois anti-blasphème, un outil de répression qui menace l’ensemble de la planète

Malaise

Mais les manifestations monstre en France contre les attentats, qui ont rassemblé près de 4 millions de personnes, mettent l’équipe de « Charlie » mal à l’aise, a reconnu le porte-parole du journal.

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Le monde entier était aussi Charlie

nous_sommes_charlieDes dizaines de milliers de manifestants ont aussi marché dans les grandes villes mondiales, pour Charlie Hebdo, pour les victimes des attaques terroristes et contre le terrorisme. Tour du monde de ces rassemblements exceptionnels.

La Marseillaise chantée à Madrid, drapeau français à Londres, « ensemble contre la haine » à Bruxelles, des milliers dans les rues de Montréal et des pancartes « Nous sommes Charlie » partout : des dizaines de milliers en Europe et dans le monde ont exprimé dimanche leur solidarité avec la France où 17 personnes ont été tuées cette seamine.

A Montréal 25.000 personnes ont marché derrière le maire de la ville Denis Coderre et le consul général de France Bruno Clerc. Dans la foule des drapeaux canadiens, français et québecois et des affichettes « JeSuisCharlie ». A Bruxelles, quelque 20.000 personnes ont marché, sous le slogan « Ensemble contre la haine ». « C’est un mouvement magnifique, il y avait le besoin de se regrouper (…) nous disons notre attachement à la liberté de pensée et d’expression, dans le respect des autres, c’est très important », a commenté le dessinateur belge vedette Philippe Geluck, dans le cortège.

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Les musulmans de France n’ont pas à se justifier

— Par Thomas Guénolé —
mosquee_noir_jauneExiger spécifiquement des musulmans de France qu’ils condamnent cet acte, c’est enfermer ces Français dans un étiquetage religieux. C’est donc poser sur eux un regard qui n’est pas républicain.

Quand le Ku Klux Klan pendait des Noirs au nom de la suprématie chrétienne blanche, nul n’exigeait que les clergés chrétiens américains s’en désolidarisent. Au fil des trente années d’attentats de la Fraction armée rouge en Allemagne, nul ne réclama que la gauche allemande réaffirme son attachement à la démocratie. De même, plus près de nous, dans la France des années 1980, personne ne songea à soupçonner l’extrême gauche de ne pas assez rejeter les attentats d’Action directe. Pourquoi ? Parce que dans tous ces cas, considérer les seconds comme a priori suspects de sympathie pour les premiers, c’eût été absurde, ridicule, et pour tout dire idiot⋅

Lire aussi : La peur d’une communauté qui n’existe pas

Par conséquent, comment se fait-il que depuis l’attentat contre Charlie Hebdo, tant de voix s’élèvent pour sommer spécifiquement les dirigeants de l’islam français, et plus largement les musulmans de France, de condamner l’acte et de s’en désolidariser ?

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À Fort-de-France, jeudi soir – jeudi noir, mais jeudi l’espoir.

— Janine Bailly —

charlie_se_mwenLa nuit va tomber sur la place Roméro à Fort-de -France, comme elle est aussi tombée sur les locaux du journal « Charlie Hebdo », à Paris. Peu à peu, la foule s’assemble devant la banderole qui, parlant créole, nous rappelle
que la liberté de penser et de dire n’a pas de frontières, et qu’elle s’exprime de même façon, sous tous les cieux, quelle que soit la langue utilisée.
Silence et recueillement sont de mise, les enfants eux-mêmes l’ont compris, qui ne troubleront pas des discours, sobres et pudiques dans leur ensemble, bien que chargés d’émotion autant que d’une juste indignation.
La plus belle image est pour moi celle de ces adolescentes qui, visage grave et tenue sage, lèvent bien haut leur pancarte proclamant « Je suis Charlie ».
Le plus beau moment reste celui où les bougies s’allument, et, dessinant un cercle lumineux autour de la fontaine qui occupe le centre de la place, font reculer la nuit et revenir la lumière, de même façon que l’humanisme fera renaître l’espoir et reculer l’obscurantisme ! C’est du moins ce en quoi je veux croire !

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