— Par Jean-Marie Nol, économiste —
La rue se fait toujours entendre en Guadeloupe . Des manifestations sont récurrentes depuis sept mois et l’impasse est plus que jamais très présente au niveau dialogue sur une sortie de crise . Mais le plus consternant, c’est que l’on assiste encore ces jours-ci à des exactions multiples contre des mairies, des écoles et des entreprises.
Aller jusqu’au bout, ce n’est pas seulement résister, mais aussi savoir s’empêcher. Un homme doit savoir s’empêcher comme disait le grand écrivain et prix Nobel de littérature, Albert Camus . L’affaire de l’obligation vaccinale et du pass sanitaire, à l’origine de la crise sociétale et sociale actuelle, soulève une réflexion forte, au-delà de l’approbation des uns ou de l’indignation et la colère des autres. Cette réflexion peut légitimement susciter y compris au sein de la société voire même des familles , une question de fond relative à la relation de confiance que les guadeloupéens entretiennent avec l’Etat, les intellectuels et surtout leur personnel politique et élites scientifiques . Elle s’inscrit en effet sur le registre d’une dénonciation commune de la subordination à une cause scientifique et économique non conventionnelle pour une large fraction des manifestants qui se sont érigés de façon unilatérale en porte parole du peuple.

Aujourd’hui, le président Emmanuel Macron s’entretenait par visio conférence avec certains élus de l’ensemble des Outre-mer. L’entretien a duré environ trois heures, avec deux interventions maximum prévues par territoire. La question de la situation sanitaire, du pass vaccinal, mais aussi des adaptations possibles outre-mer ont notamment été à l’ordre du jour, mais aussi des questions sociétales cruciales pour nos territoires (économie, jeunesse, emploi, logement…). Si le dialogue reste nécessaire surtout en période de crise, il est toutefois de bon ton de s’interroger sur la responsabilité de la France dans l’état général de déliquescence de la société guadeloupéenne. L’autorité est en crise en France hexagonale : c’est connu. Mais, diable !, que cette crise soit à la source du mal être des guadeloupéens nous paraît être une lapalissade. Et d’ailleurs le mal être antillais découle de la source du malaise français. N’en déplaise à certains, la vie politique et sociale de la guadeloupe est très imbriquée à celle de la France hexagonale. Tout un pan de la sociologie française s’entremêle et s’entrechoque avec celle de la société Antillaise.
Depuis l’émergence de la crise sanitaire, la société guadeloupéenne semble aujourd’hui vivre dans le désordre, voire évoluer par soubresauts violents sous l’angle d’une certaine forme d’anarchie qui préfigure en réaction bientôt l’instauration d’un régime autoritaire en France , et ce à une époque où tout s’accélère (relation au temps et à l’espace, à la technique…) ce qui entraîne des mutations très rapides et des défis sociaux importants, interrogeant sur le sens des actions dures du collectif de syndicalistes et surtout des mutations de la société guadeloupéenne dans un futur proche . Oui, la crise sanitaire va entraîner des changements importants dans nos vies ! Certains vont perdurer, d’autres non. Ces mutations vont nous toucher dans des domaines très variés :
Aujourd’hui , le pouvoir d’achat semble être avec la crise du Covid, la première occupation des guadeloupéens et martiniquais . C’est d’autant plus actuel que leur porte-monnaie est actuellement très touché par l’inflation. Rappelons que l’inflation, c’est la hausse générale des prix, donc la perte de valeur de la monnaie. Avec la même quantité d’argent, on peut acheter moins de biens. Pour le calculer, l’Insee contrôle mensuellement des milliers de produits pour fournir l’indice des prix . Sur ce panier, la perte de pouvoir d’achat s’élève pour la Guadeloupe à 3,3% de novembre 2020 à novembre 2021 et pour la Martinique à 3,2% sur un an . Un niveau inédit depuis dix ans. L’inflation affecte d’abord les ménages modestes. . Plus le revenu d’un ménage est faible, plus l’énergie et l’alimentation pèsent dans son budget. Et force est de constater que la crise sanitaire actuelle, ainsi que la dégradation de la conjoncture économique, provoque une hausse inexorable des prix en Guadeloupe et en Martinique . En effet, une onde de choc provoquée par l’inflation planera sur ces pays en 2022, et ce alors même que le territoire compte 34 % de sa population vivant en dessous du seuil de pauvreté.
Quid en 2022 d’un obscurantisme qui condamne clairement à terme la Guadeloupe et la Martinique à la désespérance ?
Louis Delgrès, né le 2 août 1766, à Saint-Pierre en Martinique, et mort d’après la légende écrite par certains historiens le 28 mai 1802(à 35 ans), à Matouba (commune de Saint-Claude) en Guadeloupe, est une personnalité de l’histoire de la Guadeloupe. Colonel d’infanterie des forces armées de la Basse-Terre, abolitionniste, il est connu pour la proclamation anti-esclavagistes signée de son nom, datée du 10 mai 1802, haut fait de la résistance de la Guadeloupe aux troupes napoléoniennes désireuses de rétablir l’esclavage. Le 20 mai 1802, Delgrès et ses troupes sont obligés de se replier au fort de Basse-Terre qu’il doivent ensuite abandonner le 22 mai 1802 (en s’échappant secrètement par la poterne du Galion à l’arrière du fort) pour soit disant se réfugier au pied de la Soufrière à Matouba, vers Saint-Claude.
Avec la crise sociétale actuelle , nous vivons la fin de deux longs cycles historiques des évolutions de la société Antillaise . La situation en Guadeloupe se stabilise à peine et empire en Martinique que le gouvernements préparent déjà la sortie de crise. Comment ?
Et si ce qui s’est passé dans l’étrange spéculation autour du blocage de la Guadeloupe par une surenchère de certains syndicats était révélateur d’un enjeu politique bien plus profond que la simple crise sanitaire ?… De tout temps, la Guadeloupe a été le lieu de crises multiples, mais c’est vrai de dire et croire que le climat actuel est pré-insurrectionnel, car en dépit des rodomontades de quelques élus guadeloupéens, la situation actuelle en Guadeloupe est explosive comme le prétend le président Macron certainement bien informé par ses services de renseignement . Dans le passé, on a connu pire. Ne nous emballons pas, car il n’existe pas de risque de révolte à grande échelle et encore moins de révolution dans le contexte actuel. Cessons de prendre des vessies pour des lanternes et faire peur aux gens en supputations à mon sens imaginaires.
La crise financière et économique des collectivités locales de Martinique et Guadeloupe va bientôt s’aggraver dangereusement.
Depuis plusieurs mois, la hausse des cours des matières premières et des productions agricoles fait bondir ceux de l’alimentation humaine et animale. Une situation amenée à durer qui fait craindre une répercussion sur les consommateurs.
Au delà des questions sanitaires, l’épidémie de Covid-19 et le confinement ont provoqué un élan de remises en question du modèle économique qui régit nos sociétés. Mondialisation, sur-consommation, souveraineté sanitaire et alimentaire, révolution technologique, renouveau du thème de l’identité nationale, retour de l’autoritarisme … Autant de sujets que la crise a replacé sur le devant de la scène. L’année 2021 aura été marquée par un triple choc sanitaire, économique et financier pour les collectivités et entreprises (perte durable de recettes et de chiffre d’affaires). Le CEROM vient de publier une nouvelle étude sur les comptes économiques de la Guadeloupe et c’est un euphémisme de dire que la situation économique n’est pas réjouissante. La reprise d’activité de l’économie guadeloupéenne observée depuis 2014 suite à la chute brutale de la croissance en 2009 (– 4,8 %) a donc été stoppée. La croissance économique de la Guadeloupe recule ainsi à – 4,9 % en volume, après le ralentissement amorcé l’année précédente ( + 0,5 % en 2019 après + 1,3 %). Elle reste néanmoins supérieure à la dynamique nationale (– 7,9 %).
L’injonction au changement de la carte politique en France et en Guadeloupe nous renvoie tous à un sentiment diffus de l’accélération du temps. Et c’est notamment le cas pour Victorin Lurel qui s’apprête, selon notre toute récente analyse politique , à abattre sa dernière carte.
Tout d’abord pour bien comprendre ce qui se cache en toile de fond dans le règlement de comptes actuellement en cours au parti socialiste, il faut nécessairement récapituler les faits. Les bisbilles entre Josette Borel Lincertin ancienne présidente du conseil départemental et ancienne tête de liste Payi Gwadloup aux dernières élections régionales, et le parti socialiste se sont déroulés pour une sombre histoire d’argent à savoir le paiement des dettes de la campagne électorale des régionales . Les promesses soit disant non tenues d’un Victorin Lurel , les fourberies selon Mme Borel d’un premier secrétaire de la fédération hilaire Brudey et l’irrévérencieuse attitude de la fédération du PS au sortir de la cuisante défaite électorale, il n’en fallait pas plus pour que Josette Borel-Lincertin sorte de ses gonds et tire en rafale rapprochée sur tous ses anciens camarades désormais ennemis révélés. Il faut savoir qu’il s’agissait de faire tout bonnement de faire exploser le parti socialiste sous un feu roulant de bombes à fragmentation. Pour ce faire une longue explication au vitriol par courrier sera mise sur la place publique et qu’elle ponctuera par l’annonce surprise de sa démission du parti socialiste.
L’année 2021 aura été marquée par un triple choc sanitaire, économique et financier pour les collectivités et entreprises (perte durable de recettes et de chiffre d’affaires). Elle se traduit par des changements de tendance économique qu’il faut savoir décrypter et intégrer rapidement. Pour cela il n’a jamais été aussi urgent de mobiliser les experts économistes pour mieux comprendre les grands enjeux sociétaux du 21ème siècle, notamment ceux de la révolution technologique et du développement des compétences collectives pour augmenter la maîtrise de chacun et appréhender les changements à venir. Ces enjeux d’aujourd’hui doivent être revisités par la prospective. La prospective doit permettre de se poser les bonnes questions sur l’avenir du territoire de la Guadeloupe en se fixant symboliquement un horizon temporel de réflexion. Il est conseillé de travailler sur une échelle de temps d’au moins 10 à 20 ans (une génération), ce qui permettra de s’affranchir des carcans du quotidien et en particulier des échéances électorales.
La crise économique multiforme que nous vivons avec la covid s’impose avec la force d’une évidence, mais qu’est-il fait pour prévenir, éviter ou même contenir la « crise aiguë intellectuelle et culturelle » qui se profile depuis déjà un long moment en Guadeloupe et présentement en Martinique ?
Nous connaissons depuis début 2020 une situation inédite, liée à la pandémie mondiale, qui bouleverse nos repères. Cette crise est avant tout un défi humain et surtout économique pour la Guadeloupe . Ainsi avec la révolution numérique, l’e-commerce, la robotisation, et le télétravail, l’on va bientôt assister à une transformation de l’économie guadeloupéenne à marche forcée. Dans les années qui viennent, il sera question de transformer le modèle économique en Guadeloupe pour le mettre au diapason du changement de paradigme dans le monde actuel. Un monde où la transition écologique est l’affaire de l’État, des collectivités locales, mais aussi des entreprises, des agriculteurs, des citoyens ; un monde où le numérique a réduit les distances et pose de nombreuses questions dans la sphère du travail ; un monde où les bouleversements de la robotisation, de l’e commerce et du télé-travail auront des incidences directes sur notre croissance .
A l’instar de la Martinique, la Guadeloupe va connaître un prolongement du couvre-feu et du confinement pour trois semaines, et la rentrée scolaire est repoussée au 13 septembre 2021 . C’est maintenant acté que les grands perdants seront une fois de plus les entreprises touristiques et commerciales fermées, mais également les agriculteurs et les pêcheurs. Désormais, l’asphyxie financière guette les entreprises martiniquaises et guadeloupéennes. Il est étrange que la gravité de la situation n’interpelle pas davantage les hommes politiques et nos élites économiques et sociales. Au risque d’une belle gueule de bois post « Covid-19 « , la Martinique et la Guadeloupe risquent de rester longtemps bloquées dans cette pesante apesanteur où rien de décisif ne se décide au niveau de la réflexion sur l’indispensable émergence d’un nouveau modèle économique et social . En fait, les économistes ne comprennent pas ce climat de légèreté, d’apesanteur, face à une réalité qui exigerait des décisions bien plus audacieuses, d’imagination. C’est comme si les responsables politiques pensaient que, comme à chaque fois, un peu de déficits publics et de contrats aidés vont suffire et que tout va rentrer dans l’ordre.
La crise du Covid n’est pas anodine, car elle va marquer les esprits et imprimer la peur dans les têtes, et pour cause, elle n’est pas quelque chose qui s’oubliera vite . Et comme le dit un proverbe persan : » Ouvrons les yeux, de peur qu’on ne ( nous ) les ouvre « …. Ainsi, l’onde de choc de la COVID-19 a engendré une crise humaine planétaire à nulle autre pareille à savoir une crise sanitaire mondiale qui, en plus d’un bilan humain extrêmement lourd de plusieurs millions de décès ( 4 401 486 morts dans le monde dont 113.165 morts en France au 20 août 2021) est à l’origine de la pire récession économique mondiale depuis la Seconde Guerre . L’année 2021 sera ainsi marquée par une contraction de l’économie mondiale et des revenus par habitant, ce qui fera basculer environ 150 millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté , selon les différents scénarios élaborés par la Banque mondiale . L’espoir d’une ère nouvelle n’est plus, car entre la peur du virus et la crainte de l’effondrement de l’économie, le monde, où la peur de la crise sanitaire et économique se répand comme une traînée de poudre, retient son souffle.
Échec et mat pour les États-Unis première puissance mondiale. La guerre de 20 ans d’Afghanistan tourne à la déroute pour les américains qui ont dépensé là bas au bas mot plus de mille milliards de dollars pour soutenir soit disant l’éradication du terrorisme islamique et la restauration de la démocratie. Le résultat des courses est que le mouvement islamiste radical des Talibans revient au pouvoir, vingt ans après en avoir été chassé par une coalition occidentale menée par les Etats-Unis en raison de son refus de livrer le chef d’Al-Qaida, Oussama Ben Laden, dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001. Mais une question se pose déjà en dépit du retrait déjà préalablement négocié des forces armées des Etats-Unis . Comment une armée afghane quatre fois supérieure en nombre, entraînée, financée et équipée par la première puissance mondiale, les Etats-Unis, a-t-elle pu ainsi être mise en déroute aussi rapidement devant les Talibans ?
Peu importe que nous soyons pour ou contre la vaccination et une « solution martiniquaise » à la crise sanitaire dont la réponse aux yeux de certains serait une évolution statutaire de nature à instaurer un pouvoir local . Faut il alors remettre sur le tapis la question statutaire ?… Ce n’est plus le sujet dans l’immédiat tant le terrain s’avère miné… . Tout simplement parce que la question du statut revêt dans le contexte actuel une connotation par trop négative à mon sens aux yeux du peuple, et ne saurait donc être la panacée au malaise identitaire actuel. Cette problématique statutaire est devenu hors sujet du fait de la défiance de la population envers la classe politique, et qui se trouve aujourd’hui renforcée par l’immixion de la violence au sein de la société martiniquaise . Nous avions tantôt mis en garde contre le scénario du pire en Martinique à savoir la montée des tensions sociales et de l’extrémisme. Ainsi pour la troisième fois de violentes émeutes et affrontements avec les forces de l’ordre ont de nouveau éclaté hier soir (samedi 31 juillet) à Fort de France, après une manifestation contre le couvre feu et l’obligation vaccinale.
La Martinique se retrouve de nouveau dans la mouise avec le couvre feu et un quatrième confinement vu la progression de la pandémie et la pression qu’elle fait subir au système hospitalier. La triste réalité s’impose désormais à nos yeux, car comment imaginer un tel scénario il y a encore peu de temps ? Ne rêvons pas à un retour à la normale de sitôt. La crise provoquée par le coronavirus n’est pas un mauvais moment à passer, c’est un changement d’ère pour la Martinique. Nous voici une nouvelle fois immergés dans le présent par des crises sanitaires, identitaires, économiques, sociales, qui se superposent et se répètent dirait on à l’infini et ce sans que ayons la moindre prise sur les événements … A tel point d’ailleurs qu’on ne peut plus vraiment parler de crises, mais d’un état permanent qui nous plonge dans la déprime et rend difficile toute projection dans l’avenir.
La société Antillaise accorde une grande importance à la culture de la contestation , au respect de la tradition et au principe d’égalité . Mais elle est aussi régulièrement secouée par toutes sortes de rébellions, de dissidences ou de désobéissance , voire par de véritables révoltes . Si les formes de la contestation relevées sont variées et graduées, un ressort commun anime les martiniquais et guadeloupéens : celui de la défense de leurs droits et libertés. On se bat donc pour ses idées, jusqu’au bout s’il le faut. On défend ce que l’on croit être la meilleure solution, même si elle est irréaliste, et cela au prix d’un éventuel conflit qui fait souvent la part belle à la politique de la terre brûlée . Une réputation de peuples contestataires , habitués à battre le pavé et à bloquer le pays pour préserver ses avantages sociaux . Derrière cette image d’Épinal, que nous disent les défilés de rue sinon l’existence d’un fondement culturel à l’état d’esprit contestataire des martiniquais et guadeloupéens comme on peut l’entrevoir dans l’actuel mouvement de contestation syndical antivax ?
En Martinique, des extrémistes identitaires ont percuté les valeurs républicaines de l’Etat. En dépit d’arguments sanitaires puissants, une grosse majorité de la population martiniquaise se montre rétive à la vaccination contre la covid . La spécificité de la crise identitaire en Martinique réveille de nouveaux « rebelles » aux décisions du président de la République, pourtant destinées à stopper net une recrudescence du virus et ainsi sauvegarder l’économie voire sauver des vies humaines. Et comment comprendre que le gouvernement reculera face à une poignée d’irréductibles quand on sait que plus de 64,6 millions d’injections ont été réalisées depuis le début de la campagne en France, selon le bilan quotidien de la DGS. À ce jour, plus de 30,1 millions de Français présentent un schéma vaccinal complet. Les antivax Martiniquais jouent avec le feu en croyant que des mesures comme le pass sanitaire pourraient être annulées sous la pression d’une minorité de français. Jusqu’à aujourd’hui à ce que je sache, la Martinique est soumise à l’identité législative de l’article 73 de la constitution française. Mais certains, au détriment de la raison, ne sont pas prêts à lâcher le morceau, quitte à faire fi du caractère indivisible des lois de la République qui s’appliquent mécaniquement à tous les territoires de la République française.