Pourquoi la mémoire ancestrale doit devenir désormais la clé de compréhension de l’avenir des Antilles ?

— Par Jean Marie Nol économiste —

Aujourd’hui, il urge de déconstruire les mentalités pour redonner à l’intelligence et à la raison leur place réelle dans la société antillaise contemporaine.
Pour ce faire, il s’agit de s’atteler à un travail ardu de déconstruction sur place aux Antilles et concomitamment de reconstruction au sein de la diaspora antillaise du « Tout Monde », formule chère à l’écrivain Martiniquais Édouard Glissant, mais encore totalement incompréhensible au citoyen lambda.

Pour un historien de l’histoire coloniale, les mots « diaspora » et « appel du grand large » sont, en effet, évocateurs, à la fois des temps passés, mais aussi du présent post-colonial. Le temps des colonies constitue un moment de l’histoire antillaise caractérisé par la pauvreté intellectuelle ici, et le rayonnement de la pensée universelle de la France là bas, mais dans un contexte de domination spécifique. Et c’est en ce sens que le nouveau paradigme de retour au pays formalisé par le concept créole « alé – viré n’est pas du tout pertinent sur le court terme. Ainsi, dans le même ordre d’idée, même une institution aussi puissante que l’église catholique se retrouve confronté en Afrique à la difficulté du retour des prêtres en mission dans les pays occidentaux.( Lire l’article dans le journal La Croix « Les diocèses africains face au refus de rentrer de prêtres en mission en Occident ».).

Le champ lexical ( esclavagisme, colonialisme, nationalisme, etc… ) des intellectuels et hommes politiques Guadeloupéens souffre désormais d’obsolescence, et ce dans la mesure où il ne répond plus aux exigences de l’ heure des jeunes diplômés et intellectuels antillais, à savoir l’accélération de la démondialisation, et la modification à marche forcée des rapports de force géopolitiques. Cette nouvelle configuration de la géopolitique mondiale recoupe aujourd’hui pour Guadeloupe et Martinique un grand nombre d’enjeux divers qui sont objets de futures tensions dans les relations internationales notamment dans la région Caraïbe. Le nouvel élément central est le retour en force de la notion de chasse gardée de la zone Caraïbe pour les Américains. Elle ( géopolitique) s’intéresse notamment aux enjeux économiques, de stratégie militaire, de la problématique démographique, liés à la croissance ou au déclin des populations, ainsi qu’aux grands mouvements de population (flux désordonnés, migrations, etc.).

Et que dire de la menace de chambardement de notre mode de vie imputable à la cinquième révolution industrielle de l’intelligence artificielle et de la transition énergétique et écologique.

De plus, il convient de noter que sur ce dernier plan de la transition écologique, et donc du point brûlant du très lourd dossier du changement climatique, la dégradation de la situation semble inexorable. Selon une étude publiée très récemment, la fonte des glaces de l’Antarctique occidental devrait s’accélérer considérablement au cours des prochaines décennies. Elle pourrait augmenter le niveau des mers et ce, même si le monde respecte ses engagements pour limiter le réchauffement climatique. Cette problématique du changement climatique deviendra une nouvelle approche de taille pour le tourisme et surtout pour l’agriculture Guadeloupéenne et Martiniquaise avec les alternances des épisodes de sécheresse et de fortes pluviométrie. Par conséquent, pour y faire face, Il faudra nécessairement revenir au concept occulté au fil du temps de culte des ancêtres, et faire émerger une nouvelle approche conceptuelle, à l’opposé de la pensée velléitére des Guadeloupéens et frondeuse des Martiniquais, celle de la neuro-psychogénéalogie pour libérer l’avenir.

C’est en cela que l’on doit s’efforcer de retrouver la ligne directrice du culte des ancêtres en remontant à l’histoire oubliée de la Guadeloupe… Caraïbes, vikings, séminoles, pharaons noirs, irlandais Irois, etc…

Quoiqu’il en soit, je considère que les multiples interrogations existentielles des Guadeloupéens doivent relever d’une réponse multi- conceptuelle autre que celle basée sur l’émotionnel, et ce du fait que les Guadeloupéens sont actuellement confrontés à la recherche d’un nouveau modèle ontologique.

D’une manière générale, l’objectif principal d’une ontologie est de modéliser un ensemble de connaissances dans un domaine donné. La formalisation de ces connaissances implique une abstraction d’une conceptualisation partagée et consensuelle dans un domaine particulier répondant à un objectif objectif commun, celui de la recherche d’un nouveau paradigme de cohésion sociale et culturelle au sein d’une grande région Antilles- Guyane.

L’ analyse d’ordre anthropologique dont je fais référence dans mon dernier article ( l’étonnante composante historique neuro-psychogénéalogie dé la Guadeloupe ) est le culte des ancêtres anciennement pratiqué par les amérindiens et les Africains, et qui est intimement lié à la connaissance des générations précédentes, cette pratique a des liens étroits avec la généalogie des peuples concernés. Le culte des ancêtres permet aux vivants de s’inscrire dans la continuité de ceux qu’ils vénèrent et de marquer l’appartenance à un même clan ; il est alors transmis de génération en génération, chacune devant le perpétuer.

Ma démonstration de nature empirique étayée par le concept philosophique de la maïeutique de Socrate ( la maïeutique socratique est une technique qui consiste à « faire accoucher » les esprits de leurs connaissances ) vise à montrer que la portée du culte de l’ancêtre teintée de syncrétisme chrétien en Guadeloupe touche à la fois l’individu, son groupe, le passé, le présent et un grand nombre de traditions culturelles partagées par les Guadeloupéens depuis des dizaines de générations. Il lie l’individu à ses ancêtres (Delgres et ses compagnons) à travers un sentiment d’affection, de respect et de reconnaissance, ainsi qu’ à travers l’ affect qui l’unira au cours des âges autour de la même solidarité ancestrale contre l’injustice de la colonisation et la déshumanisation de l’esclavage, d’où ma référence à l’atavisme et à la neuro-psychogénéalogie.

Mais en dépit de certaines attentes que je qualifierais de chimériques, et de propos dubitatifs relevant de la politique de l’autruche, il convient d’accélérer le processus de la déconstruction de la pensée obsolète et par trop ancienne des intellectuels antillais. Il convient maintenant de mettre en avant la déconstruction.

La déconstruction (ou le déconstructionnisme) est une théorie du philosophe jacques Derrida et qui se definit par une pratique d’analyse de mots et de texte qui vise à révéler les confusions de sens par une nouvelle approche analytique des postulats sous-entendus et une réminiscence des omissions.

cette théorie qui consiste à faire surgir le non-dit sous les mots et les textes anciens doit devenir demain le phare de notre réflexion actuelle.

« A pa jou chat maché, i kenbé rat. « 

( Ce n’est pas le jour où le chat se met en chasse qu’il attrape un rat.)…. il faut laisser du temps au temps pour que finisse par s’imposer la théorie de la neuro-psychogénéalogie….

Jean Marie Nol économiste et chroniqueur