L’étonnante composante historique neuro- psychogénéalogique de la Guadeloupe !

— Par JeanMarie Nol, économiste —

Et si nos ancêtres tels Delgres, Ignace, solitude et leurs compagnons continuaient d’exister à travers nous sans que nous en ayons conscience comme le dénote la fameuse proclamation du Colonel Delgres du 10 mai 1802 :

« La résistance à l’oppression est un droit naturel.

À l’univers entier, le dernier cri de l’innocence et du désespoir.

Et toi, postérité, accorde une larme à nos malheurs, et nous mourrons satisfaits ! «

Le psychanalyste Sigmund Freud a dit “ on ne comprendra jamais la personne si on ne va pas voir dans le passé de ces personnes.”

Rien de surnaturel là-dedans et c’est ce que tente d’expliquer l’étude de la psychogénéalogie.

Ainsi dans nos cellules, il y a la mémoire de nos aïeux. C’est ce que l’on appelle l’épigénétique. C’est connu et c’est prouvé par la neuro-psychologie. Cela a émergé avec l’école de Palo Alto en Californie dans les années 1970. De là , est parti par la lecture d’un livre sur la psychogénéalogie, notre désir d’élargir le débat en établissant une corrélation d’ordre neuronale avec l’histoire de la Guadeloupe. Cette notion inédite que nous avons appelé la neuro-psychogénéalogie sert à remonter dans l’histoire de la Guadeloupe pour expliquer nos attitudes comportementales actuelles. En effet de tous les pays et régions de l’outre-mer français , la Guadeloupe est quasiment la seule à être toujours entrée de façon radicale en lutte ouverte contre l’injustice réelle ou supposée du pouvoir central.

Nous en voulons pour preuve ,l’épopée de Delgres, Ignace , solitude et d’autres , le rôle éminent des libres de couleurs de la franc – maçonnerie Guadeloupéenne dans la lutte pour l’abolition de l’esclavage de 1848 , les nombreuses luttes sociales des travailleurs de la canne et de la banane , l’émergence d’un groupe maoïste de lutte politique radicale , dénommé le Gong , la révolte de mai 67 réprimée dans le sang, l’épisode sanglant de plusieurs groupes de lutte armée GLA , etc…,la création de syndicats radicaux, la grosse crise sociale de 2009 initiée par les Guadeloupéens et l’émergence du LKP , le vote pour les extrêmes de gauche et de droite à la dernière présidentielle française. Alors , force est – t- il de constater et d’entériner la thèse d’une Guadeloupe frondeuse ?

Explication trop simpliste à notre goût !

En réalité , toutes ces facettes de notre histoire permettent de tisser des liens entre l’avant et l’aujourd’hui , et ainsi mieux comprendre l’origine de notre déterminisme considéré comme radical.

Trouver dans le vécu de nos ancêtres les sources de nos angoisses et de nos attitudes comportementales présentes reste une gageure. Alors , c’est le pari de la neuro-psychogénéalogie, qui devrait devenir une nouvelle approche de l’histoire oubliée des peuples. En dressant l’arbre généalogique des Guadeloupéens et en dénichant d’éventuels drames historiques et familiaux, l’on pourrait prétendre à trouver l’origine de leurs maux actuels en retraçant les traumatismes vécus par leurs ancêtres. Or cette nouvelle méthode d’analyse de l’histoire d’un pays d’inspiration psychanalytique s’appuie, non pas sur des bases historiques livresques , mais sur des bases anthropologiques. Selon nous , les traumatismes vécus par nos ancêtres Guadeloupéens se transmettaient inconsciemment de génération en génération. Un héritage inconscient qui se manifesterait par des troubles émotionnels chez nous leurs descendants. De quelle manière se ferait cette transmission?

En fait , le canal serait tout bonnement les neurones. Notre cerveau est composé de deux types de cellules : les neurones et les cellules gliales. Dans cette première famille de cellules cérébrales, « La réponse motrice, la mémoire, la perception sont produits dans le cerveau à partir de la communication des cellules neuronales ».

Selon les idées communes, ce type de cellules est plutôt tourné vers une « fonction métabolique et mémorielle du système nerveux » et ce à contretemps de la génétique.

D’emblée , il faut simplement signaler que notre objectif à travers l’étude inédite en France et Guadeloupe de la neuro-psychogénéalogie est de remonter à la source de la mémoire des Guadeloupéens afin d’avoir une réponse du rôle central du traumatisme esclavagiste et colonial hérité, et de repérer sa transmission aux descendants. C’est cette mémoire héritée par les contemporains qui est circonscrite dans un espace de relations, de parenté, dans un temps donné, celui d’un axe biographique couvrant quelques générations. Se reconnecter à ses émotions, à ses vécus, à sa vérité, est un processus essentiel pour sortir du discours condescendant de résilience répété à foison par  » la mère patrie ». Ainsi, lorsque nous sommes en présence d’une blessure transgénérationnelle, il convient de s’ouvrir à d’autres interprétations et de prendre conscience du ressenti des uns et des autres. Ces blessures vont continuer à vivre en nous à travers une transmission par la voie de nos neurones et à influencer notre comportement actuel , notamment relationnel.

Cette nouvelle science humaine qu’est la neuro-psychogénéalogie apporte une compréhension, une remise en perspective de l’histoire de notre pays, la Guadeloupe. Ainsi , comme nous avons pu le voir à travers une brève présentation du comportement atypique et d’un certain déterminisme des Guadeloupéens qui fait tâche par rapport aux autres pays de l’Outre Mer français , la neuro-psychogénéalogie ne relève pas seulement d’une analyse transgénérationnelle basée sur la personne , mais n’est autre, selon nous, qu’une méthode d’analyse collective à usage thérapeutique et de caractère mémorielle , qui vise à apaiser le mal-être d’un peuple en se proposant d’analyser la généalogie dont il est issu pour mieux comprendre la place et les missions qui lui ont été légué inconsciemment par les générations antérieures.

La neuro-psychogénéalogie accepte l’idée qu’il y a transmission d’inconscient à inconscient et que les non-dits traumatiques continuent d’œuvrer dans l’inconscient des descendants tant qu’ils n’ont pas trouvé le moyen de se représenter de façon juste, que ce soit par la parole, l’écriture, la musique, la manifestation d’émotions, la représentation culturelle et artistique…

La neuro-psychogénéalogie établit donc un pont entre la neurologie ,la psychologie et la généalogie.

C’est vraiment à partir de l’histoire contemporaine de la Guadeloupe et à travers une analyse approfondie des luttes politiques et conflits sociaux sur plusieurs générations, que nous avons pu établir des résonances et des liens entre son vécu et son passé ancestral, de repérer ce qui a pu se transmettre d’une génération à l’autre et de s’en libérer. L’histoire oubliée de la généalogie de la Guadeloupe ( Caraïbes, Amérindiens d’Amérique ( séminoles), vikings, irlandais Irois, colons et engagés Breton et Normand, Africains , phéniciens syro-libanais , Indiens d’Inde, métropolitains , etc…) doit être analysé , selon nous , sous un angle inhabituel, car elle tire son origine de l’ordre de l’inconscient, de l’irrationnel, du ressenti exacerbé d’une forme de souffrance morale , sociale, et surtout de l’éclatement de l’identité.

Depuis quelques jours, sociologues, politiciens, politologues, nationalistes, journalistes, etc… tout le monde y va de sa petite analyse sur le conflit israélo-palestinien, et en fait, tout ce petit beau monde a tout faux, en occultant l’histoire et la neuro-psychogénéalogie. de cette région du monde. Et il en est de même aux Antilles/Guyane, qu’en France hexagonale, car cette problématique qui nous préoccupe tant relève in fine de la puissance de l’inconscient ( atavisme ) corrélée à une certaine forme de souffrance morale et sociale. Les mécanismes inconscients contrôlent la plupart de nos comportements, nos choix, nos émotions, nos décisions, comme le montrent de nombreuses expériences de psychologie. La conscience ne serait que la partie émergée de l’iceberg des processus cognitifs.Et seuls, des éminents psychiatres comme Jacques Lacan et surtout le martiniquais Franz Fanon, par ailleurs fin connaisseur des tourments de l’âme antillaise, aurait eu la bonne interprétation de cette dichotomie du comportement atypique des Guadeloupéens dans la sphère de l’outre-mer français. Nous serions en effet, selon Fanon, en présence d’un comportement névrotique qui trouve sa source dans un désordre psychologique imputable à l’esclavage, à la colonisation, et des troubles de la personnalité, imputables à l’assimilation et à l’assistanat. Ainsi, notre identité sociale en tant qu’ancien colonisé est un mélange de caractères innés mais aussi de tout ce que nous avons acquis par l’expérience. Cette acquisition de référents culturels s’opère sous trois formes : L’acculturation, l’inculturation et l’imprégnation. Ce sont ces mécanisme mentaux qui sont à l’origine des dysfonctionnements de notre identité et de la prégnance de nos troubles émotionnels. Pour mémoire, rappelons que le héros » national » de la Guadeloupe est le colonel Louis Delgres , certes génétiquement un métis, mais totalement blanc de peau tout comme Ignace (selon les recherches de l’historien émérite guadeloupéen René Belenus et de Frank Rogers ), et officiers républicains qui se sont battus jusqu’à la mort contre le rétablissement de l’esclavage en Guadeloupe. Cette histoire du panthéon des guadeloupéens trouve encore un prolongement dans l’inconscient collectif des Guadeloupéens. Et in fine, tout cela relève bien de la neuro-psychogénéalogie.

Les violences actuelles , notamment de jeunes en Guadeloupe , résultent de manière irréfutable de l’insatisfaction durable des besoins affectifs et de l’atavisme.

Ces troubles névrotiques pris sur un plan individuel nécessitent une prise en charge psychiatrique, via des thérapies cognitivo-comportementales, et médicamenteuse si besoin. Et sur le plan collectif, le traitement peut être effectué à l’aide d’une catharsis qui est une méthode thérapeutique qui vise à obtenir une situation de crise émotionnelle telle que cette manifestation critique provoque une solution du problème que la crise met en scène. La catharsis est une purgation des passions (selon Aristote).

Une libération affective selon moi.

Et pour conclure ma démonstration, citons comme d’usage ce proverbe créole à méditer : « A pa jou pyébwa tonbé an dlo i ka pouri » dont la traduction française est : (L’arbre ne pourrit pas le jour même où il est tombé à l’eau )

Jean marie Nol -Economiste et chroniqueur