Catégorie : Théâtre

Un pamphlet : Bloody Niggers

 — par Selim Lander, le 15/05/09 —

Frantz-Fanon aurait-il apprécié le spectacle qui vient d’être présenté dans la salle de l’Atrium qui porte son nom ? Les 14 et 15 mai, le trio Groupov (Dorcy Rugamba, auteur et comédien, à droite sur la photo, accompagné par Younouss Diallo et Pierre Etienne) y a proposé son spectacle Bloody Niggers. L’argument est simple : trois hommes, deux noirs et un blanc, en costume-cravate, chacun devant son micro, énumèrent les violences dont s’est rendu coupable l’homme blanc depuis les croisades. Le sujet est éminemment grave et sérieux mais néanmoins susceptible de devenir fastidieux. On est bien dans le registre du pamphlet tant sur le fond (le procès unilatéral d’une race qui se croit à tort meilleure que les autres) que sur la forme (un acte d’accusation récité sans autre mise en scène que l’alternance des voix qui se partagent le texte).

 Celui qui, lassé après plus d’une heure de ce procès sans défenseur, refuserait d’en entendre davantage, pourrait rendre compte du spectacle comme nous venons de le faire, sans presque trahir la réalité. Car il est vrai que les projections et la musique qui entrecoupent ou complètent le discours ne suffisent pas pour nous convaincre que nous sommes au théâtre et non dans un meeting quelconque consacré au ressassement du passé par les héritiers des victimes (non-européennes) de l’histoire.

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« Bloody Niggers » « Le théâtre : un lieu où l’on est l’autre »

— Par Roland Sabra, le 05 mai 2009 —

Le mot est de Ariane Mnouchkine dans un texte aujourd’hui célèbre et  intitulé  » Tout théâtre est politique ». Manuel Césaire nous en offre une illustration avec la programmation de « Bloody Niggers » ( cf la critique ci-après de Selim Lander).  Le metteur en scène Jacques Delcuvellerie, est un français installé en Belgique, professeur au Conservatoire Royal de Liège, qui a fondé en 1980 Goupov, un collectif d’artistes pluridisciplinaires ayant vocation à créer un espace d’expérimentation théâtrales. Les années 90 seront consacrées au Projet Vérité qui pointera du doigt les croyances capables de mobiliser un être jusqu’à la mort. C’est dans la suite logique de ce travail qu’il propose en 1999, « Rwanda 1994 » une pièce fleuve de six heures qui remontait aux causes du génocide rwandais.

Younnouss Diallo qui jouait dans Rwanda 1994 participe cette fois non seulement comme comédien mais aussi comme adaptateur et concepteur à « Bloody Niggers » la dernière production de Groupov. Le texte de Dorcy Rugamba, rescapé du génocide rwandais est un long cri de révolte, de dénonciations et de douleurs ensanglantées contre les massacres, les boucheries, les exterminations, commises au nom des Dieux de la Bible, de la Bourse et de Wall Street.

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« Trames » de Gerty Dambury

 — Par Selim Lander —

 Gerty Dambury, d’origine guadeloupéenne et auteure de théâtre déjà confirmée a mis en scène sa dernière pièce, Trames, présentée ces jours-ci au théâtre Aimé Césaire à Fort-de-France.

 

 

 Dans un décor réduit à peu de choses mais qui colle bien avec l’esprit de la pièce, Firmine Richard, la mère, reçoit de temps en temps la visite de Jalil Leclaire, son fils, tandis que Martine Maximin endosse tour à tour plusieurs « petits » rôles : servante de scène, archétype de la femme antillaise, fille perdue au grand cœur. La progression dramatique est plutôt bien menée, nous comprenons peu à peu quelles raisons ont pu conduire le fils vers sa déchéance présente. Bien qu’astucieux et beau parleur, ayant même poursuivi des études d’économie à l’université, il n’arrive pas à sortir du cercle vicieux de la drogue, de la misère et de l’oisiveté. Les rapports entre les deux personnages principaux sont bien décrits dans toute leur ambiguïté. Tous les deux ont bien du mal à faire vivre l’amour qui est pourtant censé exister d’une manière toute naturelle entre une mère et son fils.

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Daniely Francisque met en scène Nèg Pa Ka Mo

— Par Roland Sabra —

Un talent prometteur

Daniely Francisque présentait à l’occasion du 160ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage une nouvelle version de Nèg Pa Ka Mo, pièce dont elle est l’auteure et qu’elle a créée en 1995 en région parisienne. On peut résumer le propos comme étant : de la capture en Afrique à la mise à mort, sous le fouet, d’un nègre insoumis, figure identificatoire proposée comme miroir valorisant dans l’espace de l’habitation où l’honneur, le respect, la dignité n’avaient droit de citer que pour la caste esclavagiste. Une mamie raconte à sa petite fille ce que ça a été et son récit est entrecoupé de représentations du dire. Disons le tout de suite, il s’agit d’un théâtre porteur d’une parole, d’une affirmation, d’une volonté d’exister, d’un désir de vivre debout tout à fait honorable. Et ce d’autant plus qu’il évite de tomber, de verser dans le théâtre militant réducteur. Si quelques passages pourraient être affinés, les enjeux politiques sous-jacents, les problématiques historiques sont assez bien restituées pour nous inviter à une véritable réflexion. On sort du spectacle non seulement envahi par l’émotion mais aussi habité par des questionnements qui travaillent encore le spectateur longtemps après.

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« Monsieur de Pourceaugnac » de Molière

— Par Laurence Aurry —

 

Par la Compagnie STAR THEATRE

de_pourceaugnacThéâtre Aimé Césaire, les 15,16, 17 et 18 avril 2009
Monsieur de Pourceaugnac fait partie des comédies grinçantes de Molière que l’on classe communément parmi les farces. Moins connue que ses autres comédies ballets, L’Amour médecin, Le bourgeois gentilhomme ou l’incontournable Malade imaginaire, elle est aussi souvent moins appréciée. Les personnages n’ont pas de profondeur humaine, tout préoccupés qu’ils sont à jouer des mauvais tours à Mr de Pourceaugnac ; ils rivalisent seulement d’imagination et de perfidie. Même le couple de jeunes amoureux, par sa férocité et son acharnement n’arrive pas à attirer notre sympathie. Quant à Mr de Pourceaugnac, doit-on le considérer comme une victime ou comme le parfait ridicule justement puni de sa prétention et de sa bêtise ? Molière se garde bien de nous répondre. C’est au metteur en scène de faire des choix, de trouver la tonalité propre à donner sens à cette pièce assez déconcertante. La Compagnie STAR THEATRE a su habilement relever ce défi sans tomber dans le convenu et sans perdre non plus la dimension comique de la pièce.

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Nèg pa ka mô : par Daniély Francisque, interprétée par la troupe Mawon

— Par Selim Lander —

Théâtre populaire à l’Atrium

Une pièce écrite et mise en scène par Daniély Francisque, interprétée par la troupe Mawon

Voir la grande salle de l’Atrium complètement remplie pour une pièce de théâtre ! Qui voudrait bouder son plaisir. Sans doute le fait que ce spectacle ait été offert gratuitement a-t-il contribué à son succès, mais si c’est là la condition pour amener au théâtre de nouveaux spectateurs, on ne le regrettera pas. Cela étant, les spectateurs étaient-ils vraiment nouveaux ? Il est difficile de l’affirmer car la pièce a pu attirer les habitués des comédies créoles, Bankoulélé ou autres.

Nèg pa ka mô mêle en effet assez agréablement des genres différents. Des scènes de comédie pure, en créole, à des scènes plus dramatiques souvent en français, des évocations de la vie des noirs au temps de l’esclavage – déportation, travaux des champs, etc. – sous forme de tableaux chorégraphiés, enfin des scènes plus proches de notre présent, comme celle de la veillée qui suit l’exécution du nèg marron. Le tout relié par le récit du temps d’antan qu’une grand-mère adresse à sa petite fille.

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« Le Prophète » de Khalil Gibran par la Compagnie Airac

— Par Laurence Aurry —

les 22è Rencontres théâtrales (les 8 et 9 avril 2009, salle Frantz Fanon, ATRIUM)

le_propheteA la question, « qu’est-ce que le théâtre ? », on peut répondre en s’aidant de l’étymologie. En grec « drama » signifie action. Le théâtre est un genre hybride qui donne aussi bien à entendre, à voir ou à ressentir ce que suggèrent les acteurs par leur voix, leur corps, la scénographie par le décor, l’éclairage et la musique, et la mise en scène, par les choix personnels du metteur en scène. Le théâtre est un art vivant qui fait appel à tous les sens du spectateur. C’est pourquoi la représentation est une véritable épreuve pour les acteurs qui sentent dès le lever du rideau la réceptivité de la salle, son frémissement ou son apathie. Le théâtre ne pardonne pas ! Quoi de plus décevant que d’entendre des spectateurs s’assoupir ou bien de voir la salle se vider après quelques timides applaudissements ? Comment éviter cela ? Molière pourrait répondre : « la grande règle est de plaire ». Pour y arriver, il ne s’agit pas seulement de satisfaire aux attentes du spectateur, mais plutôt de le bousculer, de le surprendre et surtout de susciter son attention.

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A quoi peut servir le théâtre ?

— Par José Alpha —
En écoutant André Lucrèce, écrivain et sociologue, le 31 mars dernier à l’Atrium de Fort de France en ouverture des Rencontres théâtrales 2009 en Martinique, sur « le Théâtre de Shakespeare et la cérémonie de la violence », la question de l’utilité de la représentation théâtrale dans notre société, s’est imposée à deux niveaux.

Le premier : comment expliquer la crise qui maltraite depuis trop longtemps le théâtre public en Martinique, comme ailleurs du reste ? Le second : quels ressorts permettront à la théâtralisation du drame humain de répondre au besoin de théâtre que la vie collective produit à une densité si haute ?

A travers la rencontre exposée par le conférencier entre la violence des situations, des intrigues et des personnages dans le Théâtre de Shakespeare et la « sauvagerie sociale que chaque société tend le plus souvent à surmonter en se lançant le défi dans des œuvres de civilisation comme le théâtre », deux écrivains témoins de leur époque, William Shakespeare et Antonin Arthaud, séparés par plus de 3 siècles, mais disparus tous deux à l’age de 52 ans, ont en effet raconté les actions des hommes et peint chacun à leur manière, les moeurs de leurs époques respectives.

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L’ici et l’ailleurs de l’Atrium

 — Par Roland Sabra —

 

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 Guillaume Gallienne :  » Un acteur qui sent le public est comme un violoniste qui ne regarde plus ses mains ni son archet. Il entend les notes qu’il fait et écoute la résonance. »

Les 22 èmes Rencontres théâtrales de Fort-de-France battent son plein. Commencées au lendemain de la reprise générale du travail dans l’ile elles ont atteint aujourd’hui leur rythme de croisière : une quinzaine de manifestations en quatre semaines, du 26 mars au 23 avril 2009. Le programme est un mélange de théâtre amateur, innovation de cette année, avec du théâtre professionnel, de théâtre d’outre-Atlantique avec des productions locales. Toujours ce même souci de métissage, d’allées et venues entre un ici et un ailleurs, qui est semble-t-il la ligne directrice de Manuel Césaire , qu’il s’agisse de théâtre, de musiques ou de tout autre art de la scène. On ne peut que saluer ce souci d’ouverture au monde. Reste bien sûr la question du contenu. Sage comme toujours, trop sage diront certains, mais tous se retrouveront sur la qualité. L’ouverture s’est faite avec l’excellent travail de Claude Mathieu qui mettait en scène Guillaume Gallienne sur un texte de Dario Fo, Prix Nobel de littérature 1997, et qui s’intitule « Saint-François, le divin jongleur ». 

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Culture et Politique culturelle : quoi de neuf ?

 par José Alpha

Pourquoi n’existe-t-il pas une entreprise des métiers de la scène et du spectacle vivant en Martinique ? Une des nombreuses interrogations posées par de nombreux Martiniquais qui ont l’audace d’imaginer la production culturelle et artistique comme source de revenus et de développement pour la Martinique mais aussi comme vecteur dans le monde d’une culture insulaire caribéenne issue de notre métissage.

Cette question pose l’évident problème de la gestion des potentiels humains et culturels martiniquais quand on mesure les efforts consentis depuis plusieurs années par les collectivités aux nombreuses aides aux projets d’actions et d’exploitations culturelles et touristiques, à la formation des hommes et à la validation des acquis, dont les objectifs sont bien de favoriser l’économie culturelle et d’élever l’esprit critique populaire à la compréhension de ses origines et de ses potentiels existentiels.

Qu’a-t-on fait de nos expériences humaines et structurelles ?

Que deviennent les musiciens, les comédiens, les acteurs, les éclairagistes, les maquilleurs, les accessoiristes, les régisseurs de plateau, les costumiers, les dramaturges, les scénaristes, les auteurs, les administrateurs, les décorateurs, le public, qui ont été formés lors des nombreuses formations et stages dispensés à grands frais par les institutions associatives et les organismes de formation largement soutenus financièrement par les collectivités territoriales avec en arrière plan le ministère de la culture et de la communication ?

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Nathaly Coualy et le One Woman stand up: un équilibre fragile

 — Par Alvina Ruprecht —

Texte de Nathaly Coualy avec la collaboration de Pascal Legitimus

Interprété par Nathaly Coualy

Mise en scène de Juliette Moltes

Au Théâtre Côté Cour

Lumières : Julien Lambert

Décor Thierry Derivot

Nathaly Coualy

Oui, le titre de la pièce est le nom de la comédienne – Nathaly Coualy- que nous avons vue pour la première fois en Avignon « off » (2008) au théâtre de la Chapelle du verbe incarné où elle a joué la copine blonde du mari volage (interprété par Philippe Calodat) dans Projection Privée, sur un texte de Rémi de Vos mis en scène par Greg Germain. Dans sa prestation récente, Nathaly, redevenue semblable à elle-même (car elle n’est pas blonde), nous fait un monologue « confession » qui vire vite au « stand up » interactif, profitant ainsi d’une petite salle (60 places?) où la disposition salle-scène invite les échanges intimes.

Ce spectacle serait une version retravaillée (avec Légitimus) d’un monologue (intitulé Seule), présenté l’année dernière. Cette fois-ci, l’idée était justement de réduire les artifices d’un spectacle théâtral pour créer l’illusion d’une rencontre entre un public qui tient lieu de psychiatre, voire de psychanalyste, et la comédienne.

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De la race en Amérique : Barack Obama à Paris

 

— Par Alvina Ruprecht —

 

Mise en scène : José Pliya

 

D’apres les traductions de François Clemençeau, Gilles Berton et Vincent Byrd le Sage

 

Interprète : Vincent Byrd le Sage

 

 

Un défi de taille : mettre en scène un discours politique de Barak Obama, qui aborde une question aussi délicate, aussi complexe et surtout aussi tabou en France que celui de la question « raciale ».

 

 

D’ailleurs le moment était bien choisi, il faut le reconnaître. L’auteur et metteur en scène José Pliya en tandem avec l’acteur Vincent Byrd le Sage ont réalisé ce projet par suite d’un désir de faire connaître à ceux qui ne connaissent pas l’anglais, ce grand texte, au moment où son auteur s’apprête à devenir le premier président noir des États-unis .

 

 

La réflexion d’Obama sur La Race , prononcée le 18 mars à Philadelphie, fait suite aux critiques proférées contre lui lorsque le révérend Wright de l’Église de la Trinité, une force importante dans la formation spirituelle du jeune Obama, semblait exprimer une haine non mitigée contre les Blancs, en déclarant « que Dieu maudisse l’Amérique ».

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« De maux tus en mots dits » Une idée originale d’Orélie Dalmat

— Par Roland Sabra —

Il s’agit d’une reprise d’un spectacle de pas tout à fait dix ans mais presque. Un exercice difficile et en partie réussi. Dalmat Aurélie, pardon Orélie Dalmat, coquetterie graphique de l’artiste, est la maitresse d’œuvre de ce travail qui raconte, mais y-a-t-il vraiment un fil conducteur? L’éternelle et triste histoire de l’arrachement des terres originelles vers des terres d’asservissement. Les textes proviennent de plusieurs sources, notamment d’auteurs de la diaspora « noire ».

Cette démarche, on le sait n’est pas des plus facile. Quid de la cohérence, de l’homogénéité du propos? Cet écueil est évité par la forme musicale et chantée retenue par le metteur en scène. C’était sans doute là que résidant la véritable difficulté : faire travailler ensemble, des musiciens, des chanteurs, des danseurs et des comédiens martiniquais. Aurélie, pardon, Orélie Dalmat remporte ce pari audacieux. La partition musicale est la grande réussite de cette soirée et l’ajustement des voix se fait sans trop de problèmes. Même Amel Aïdoudi, dont les qualités de chanteuse ne sont pas de celles qui sautent à l’oreille, se tire de cet exercice avec les honneurs.

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La Voyageuse : un magnifique hommage théâtral à Maryse Condé


Jean-Michel Martial

Ce voyage théâtral à travers les extraits de huit œuvres de Maryse Condé, narré par l’écrivaine « voyageuse » et guidé par la main du metteur en scène Jean-Michel Martial, a eu sa première au Ciné-théâtre Lamentin lors du Premier congrès international des écrivains de la Caraïbe en Guadeloupe. Cette traversée scénique des multiples personnages femmes venus de tous les lieux, toutes les classes sociales, toutes les origines culturelles voire de divers moments historiques, semblait symboliser le réseau de relations constitutif de la Caraïbe évoqué lors du colloque. Et surtout, cette pièce incarne le projet Théâtre Caraïbe – le Répertoire, une entreprise que Jean-Michel Martial et son équipe de spécialistes sont en train de réaliser, grâce à l’appui de la Région Guadeloupe. Disons-le en passant, cette vision d’un rassemblement des meilleurs écrits dramaturgiques sélectionnés de l’ensemble de la production théâtrale caribéenne (écrits qui seront analysés, mis en scène, traduits en français et publiés avec commentaires à l’appui), rentre tout à fait dans l’esprit des conclusions énoncées par les fondateurs de la nouvelle association des écrivains, mise en place pendant le congrès en Guadeloupe.

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« Un marmonneur providentiel? Je suis un Gueuleur » de Hervé Deluge

 — Par Roland Sabra —

On connait bien Hervé Deluge . Il a  travaillé ces derniers temps sous la direction de Lucette Salibur. Les résultats étaient inégaux, avec une question lancinante : qui du comédien ou du metteur en scène devait payer la facture? Le spectacle proposé les 20 et 21 novembre 2008 à l’Atrium donne une réponse en forme de pirouette. Hervé Deluge se met en scène lui-même. Avec un coup de main de Rudy Sylaire il est vrai. Le matériau central d »Un marmonneur providentiel » est tiré de « Cahier d’un retour au pays natal« , « Et les chiens se taisaient » et aussi d’autres textes césairiens. Hervé Deluge connait son Césaire. Une des qualités de ce travail, il en a plusieurs, est de mettre en évidence une force d’interprétation du verbe du poète qui le porte à une telle incandescence que la forme se consume ne laissant subsister que le trait acéré qu’elle enveloppait. Hervé Deluge  a fait une vraie lecture des textes de Césaire, en se les appropriant de façon charnelle, en leur faisant l’amour, et nous les restituant, transformés par la seule magie du dire, en une langue presque naturelle.

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Un marmonneur providentiel? Je suis un Gueuleur de Hervé Deluge

On connait bien Hervé Deluge . Il a  travaillé ces derniers temps sous la direction de Lucette Salibur. Les résultats étaient inégaux, avec une question lancinante : qui du comédien ou du metteur en scène devait payer la facture? Le spectacle proposé les 20 et 21 novembre 2008 à l’Atrium donne une réponse en forme de pirouette. Hervé Deluge se met en scène lui-même. Avec un coup de main de Rudy Sylaire il est vrai. Le matériau central d »Un marmonneur providentiel » est tiré de « Cahier d’un retour au pays natal », « Et les chiens se taisaient » et aussi d’autres textes césairiens. Hervé Deluge connait son Césaire. Une des qualités de ce travail, il en a plusieurs, est de mettre en évidence une force d’interprétation du verbe du poète qui le porte à une telle incandescence que la forme se consume ne laissant subsister que le trait acéré qu’elle enveloppait. Hervé Deluge  a fait une vraie lecture des textes de Césaire, en se les appropriant de façon charnelle, en leur faisant l’amour, et nous les restituant, transformés par la seule magie du dire, en une langue presque naturelle.

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« Marie Stuart »

 –Par Roland Sabra —

 

Assis en fond de scène du début à la fin du spectacle, ils attendent leur tour pour venir dans la lumière sur le devant du plateau. Peut-être figurent ils aussi, par leur présence immobile le rôle des conseillers de l’ombre? Avant de prendre la parole le plus souvent ils contournent le cercle de feu dessiné sur le sable de la scène, se tenant à la lisière du jour et de la nuit. Seules les deux reines occupent plus systématiquement le centre de l’espace. Les comédiens se font souvent récitants comme pour mieux s’effacer derrière le texte. Il s’agit là d’un théâtre minimaliste dans sa figuration et d’une exigence affirmée dans sa conception, d’une grande épure qui use de sobriété pour faire valoir un texte dont la traduction retenue est la plus classique. L’atemporalité de la thématique abordée dans la pièce relève d’un affrontement éternel, celui qui oppose principe de plaisir et principe de réalité. La mise en scène valorise la soumission douloureuse de Elisabeth 1ère aux impératifs qui sont ceux de sa charge. Elle  sacrifie sa vie de femme, demeurant une reine vierge en n’acceptant dans son lit que la raison d’Etat.

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TEXACO , les 26 et 27 septembre 2008 à l’Atrium

 

— Par Laurence Aurry —

Certes, quand on lit Texaco, le roman de Patrick Chamoiseau, récompensé du Prix Goncourt en 1992, et qu’on imagine une adaptation théâtrale de cette œuvre, on pense spontanément, pour représenter les personnages haut en couleur de la vieille câpresse, Marie-Sophie Laborieux ou de son père, le « nègre-chien » affranchi, Esternome, à des acteurs antillais talentueux comme Aurélie Dalmat ou Jacques Martial, par exemple. Et lorsqu’on découvre la scène avec ce jeune comédien fluet, Jean-Stéphane Souchaud, plus blanc qu’un mabouya, on reste circonspect. Il semblait si logique et naturel de la voir jouer par des acteurs qui portent encore en eux l’empreinte indélibile du lourd passé de l’esclavage.

Il soufflait donc, vendredi 26 septembre, dans la salle Frantz Fanon, un vent de scepticisme assez perceptible que l’accent plat de Jean-Stéphane Souchaud attisait.

Cependant, si l’on dépasse nos attentes, nos a priori, nous devons reconnaître que ce jeune acteur est bien méritant d’avoir eu l’audace le premier, avec Gilles Lefeuvre, le metteur en scène ainsi que toute l’équipe de la compagnie de La Nuit Venue, de s’attaquer à cette œuvre magistrale de la littérature antillaise.

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Théâtre jeune public, entre didactique et poétique?

— Par Michel Dural —

 

L’intitulé du débat a le mérite de soulever des questions, chaque mot y concourant:

theatre_masque-théâtre: quel théâtre? le mot est polysémique, heureusement, on souhaite bien sûr que ce soit du « vrai » théâtre, pas un succédané s’inspirant de Dysneyland ou de la Comtesse de Ségur et de ses niaiseries moralisantes. Mais, ceci dit, y a-t-il nécessité d’un théâtre écrit de manière spécifique pour les enfants? On serait tenté de répondre oui, ne serait-ce que pour trouver un contrepoids au tout-venant télévisuel servi aux gamins qu’on abrutit sans prendre de gants et dont on fait des consommateurs qui ingurgitent en même temps leurs céréales hydrogénées et le flot ruisselant du petit écran. Mais, du coup, que représente le spectacle vivant pour jeunes à côté du géant télévisuel, virtuel mais omniprésent? Ce « David »-là a-t-il la moindre chance devant les « Goliath » du petit écran-plus si petit que ça d’ailleurs- multipliés à l’infini?

Et posons la questions des moyens que nos sociétés- développées ou non- mettent en oeuvre pour préserver l’existence ou développer d’un théâtre vivant accessible au plus grand nombre.

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Un Martinicain à New York (II)

Par Yoshvani Medina —

« Ana en el trópico », ou de la nécessité être soi-même sans complexes.

Il neige à New York, ma fille m’a demandé une photo à côté de la statue de la liberté, et si je la fais aujourd´hui, ma petite pensera que la statue est blanche. Blanche neige qui tombe sur les milliers d’enfants qui marchent sur Broadway, et que je vois depuis le restaurant du Marriot, le gratte ciel qui abrite le mythique théâtre homonyme.

J’ai rendez-vous avec deux personnes qui travaillent dans le milieu ici, et qui me prient d’écrire mes pièces comme on conçoit un spectacle pour enfants. Il faut leur proposer un texte fluide, clair, compréhensible, il faut les épater, mais avec ce qu’ils attendent, me disent-ils. Il faut des histoires linéaires, sans flash-back, sans dialogues grossiers, sans situations tordues, bref, avec la clarté et la magie que les enfants demandent, mais pour les adultes, parce qu’au fond d’eux mêmes, les adultes n’ont pas grandit, ils ont autant besoin des histoires que les enfants.

Et la plupart des gens qui viennent au théâtre ce sont de vieux riches qui ne veulent pas être choqués, me dit mon interlocuteur secouant le manuscrit de mon texte « Merde ! 

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Un martinicain à New York. (I)

 — Par Yoshvani Medina. —

 

 

Manhattan, où bat le cœur du théâtre américain, est une île, comme Cuba, comme la Martinique ; une île entourée par une rivière. Donc la Hudson est un peu comme la Caraïbe, et moi je suis un ilien, théâtreux, qui a l’impression de revenir pour la première fois chez lui. J’ai ce sentiment de (re)-connaître les endroits que je découvre.

Ma première sortie est à Broadway, ici le théâtre a été amené á la dimension des gratte ciels. Des spectacles qui restent à l’affiche pendant des générations : cette version de « The Chorus Line », que j’avais vu à Rome, en 1998 ; « Mama Mia ! », qui célèbre son cinquième année à l’affiche, et ses cinq nominations aux Prix Tony (l’Oscar de Broadway) dès l’année de sa sortie, en 2002 ; « Les Monthy Pytons » ou « Le Roi Lion », aussi fameux que n’importe quelle production de Hollywood. Des musicales, dans sa grande majorité, des leçons spectaculaires de savoir-faire pour entretenir et conforter un public qui paie entre 100 et 300 dollars le fauteuil, parfois moins, parfois plus.

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Aperçus du Festival de Fort-de-France

 

— par Selim Lander —

Juillet 2008

(Théâtre – Festival 08]

L’étrangère

Habitué à louer la programmation du Théâtre de Fort-de-France, nous avons été d’autant plus désagréablement surpris par le choix de cette Etrangère. On comprend qu’une intrigue qui mêle les fameux (ou fameuses) « touloulous » guyanais au culte Vaudou et aux racines africaines des noirs des Amériques puisse avoir a priori une certaine résonnance auprès du public martiniquais. Mais cela constitue-t-il un argument suffisant pour faire venir une pièce qui – au moins dans la mise en scène qui nous a été proposée – ne parvient jamais à créer l’émotion (ou a défaut le simple plaisir) qu’on attend du théâtre ?

Odile Pedro Leal

Le décor et les costumes, pourtant, sont d’emblée séduisants. Les comédiens sont placés sous des cloches en filet noir disposées autour de la scène, d’où ils sortiront au moment de rentrer dans l’action, et comme leurs costumes sont variés, colorés pour certains, et que certains ont par ailleurs des trognes assez remarquables, la première impression est favorable. Hélas ! on change d’avis dès que se met à défiler le texte dû à un écrivain d’origine congolaise, Caya Makhélé, dont on nous a fait savoir qu’il était « l’auteur de pièces de théâtre qui ont connu un certain succès » (!)

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Je me considère depuis quelques années comme un metteur en scène « en chantier »

 — Par Roland Sabra —

Engagée! Dans toutes les acceptions les plus nobles du terme. D’abord dans son métier dont elle explore systématiquement, avec méthode et détermination toutes les palettes, ensuite dans chaque le mode d’expression retenu, sur scène elle impose avec force une présence dont l’évidence n’est pas à questionner. Les arts de la scène sont pour elle les espaces d’une construction identitaire, artistique et culturelle, qu’elle s’approprie avec un professionnalisme, pas si courant en Martinique. Elle a voulu maîtriser les modalités de l’interview qu’elle nous  à accordé et qu’elle considère comme une des dimensions de son métier. Quand elle est interrogée sur son intérêt ou son désintérêt pour ce que tout un chacun connait comme les « auteurs du répertoire », à savoir les Tchékhov, Shakespeare, Brecht, Molière, etc. elle fait semblant de ne pas comprendre la question, quand celle-ci se précise elle cite des auteurs contemporains dont la plupart ont une aura limitée, il faut bien le constater, au champ culturel caribéen. Comme si la recherche identitaire qui la porte était confondue, absorbée par une recherche illusoire des racines ou la quête mythique des origines ( cf.

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De la nécessiter d’organiser et de promouvoir le théâtre amateur en Martinique

— Par Roland Sabra—

Le théâtre amateur en Martinique est bien vivace. Michèle Césaire vient de proposer au Théâtre de Foyal les Premières rencontres du Théâtre Amateur, en mai 2008, suivie par la ville de Trinité qui propose elle aussi des rencontres pendant la première semaine de juin. Jandira Bauer de Jesus l’an dernier dans « Madame Marguerite« , la jeune Daniely Francisque le 22 mai de cette année, avec « Neg Pa Ka Mo« , nous ont offert dans des registres très différents, des spectacles porteurs de promesses d’avenir. Il est grand temps, non pas de ressusciter le Centre Dramatique Régional (C.D.R.) mais de mettre en place une structure qui fédère les énergies investies par  de nombreux amoureux du plus bel art qui soit, en tout cas le plus complet. Début 2008, une rencontre à l’Atrium de gens du spectacle, pour dire vite, avait réuni une soixantaine de personnes amateurs dans leur immense majorité. On avait découvert ce soir là des pratiques multiples, isolées, solitaires, sans véritable réseau, à la recherche d’espaces, de lieux de répétition, de production.

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Lettre ouverte de Michèle Montantin à José Pliya

— Par Michèle Montantin

arlequin-2Objet : Cultures Sud 168 Caraïbes : un monde à partager. A propos de votre article intitulé « Haïti, Guadeloupe, Dominique : nouvelles écritures théâtrales ».

Monsieur Pliya,

 

Il est important pour le théâtre des Caraïbes, et bien entendu pour le théâtre de Guadeloupe, d’être abordés dans une revue aussi prestigieuse que CULTURES SUD, outil éditorial de la puissante association CULTURES France, et c’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai ouvert cet ouvrage, distribué lors de la conférence de coopération régionale des 21 et 22 avril 2008 à laquelle je participais au Gosier en Guadeloupe.

 

Suite à la lecture de votre article, je crois nécessaire de vous faire part de mes réflexions et de les faire partager à un certain nombre de responsables, artistes, acteurs culturels et institutions de nos régions, ainsi qu’à CULTURES SUD, car le regard que vous portez sur le théâtre dans notre région et votre manière de vous en faire le rapporteur autorisé, me paraissent sujet à caution.

SUR L’ABSENCE DE DISCOURS ESTHETIQUES FORTS

Dans votre conclusion intitulée « engagement et distanciation », vous écrivez à propos du théâtre en Haïti, Dominique et Guadeloupe : « Trois îles, trois rapports au monde théâtral contrastés, mais on retiendra cependant deux similarités, par delà les différences.

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