Selim Lander

En noir et blanc et en couleurs : Jean-Luc de Laguarigue et Michel Rovélas s’exposent à la Fondation Clément

— Par Selim Lander —

Les expositions qui se succèdent à la Fondation Clément permettent au public de l’île et aux nombreux touristes venus visiter l’Habitation du même nom de découvrir les œuvres d’artistes le plus souvent connus et reconnus, ce qui est un gage de qualité. Si tous les Martiniquais connaissent les photographies en noir et blanc de Jean-Luc de Laguarigue, parions qu’ils n’ont encore jamais eu l’occasion d’admirer autant de celles-ci en grand format, dans des tirages de qualité parfaite, et qui, au-delà de leur évident mérite esthétique, construisent la mémoire d’une Martinique proche dans le temps mais paraissant infiniment lointaine, tant les changements furent rapides au cours des dernières décennies.

Contempler les portraits de J-L de Laguarigue (né en 1956), c’est plonger en effet dans un passé que les plus jeunes doivent juger reculé au moins jusqu’au temps mythique de l’amiral Robert, alors que les plus anciens remontent seulement à 1974. Les photographies ne trompent pas : force est de constater combien les gens des campagnes vivaient précairement dans les années 70 du siècle dernier, et même au-delà, avant la généralisation des droits sociaux.

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« Public or not public » : une histoire loufoque et participative du théâtre

— Par Selim Lander —

Quatre garçons dans le vent, quatre comédiens plein de verves interprètent un texte-montage de Carlo Boso, un panorama diachronique des pratiques théâtrales depuis les Grecs jusques à aujourd’hui avec prologue et final préhistorique. Loufoque, dans un style très comedia del arte – au-delà du tableau à icelle consacrée – avec masques et balais (pas ballet, balais !) et aussi bien épées (ou poignards) et perruques aussi souvent que nécessaire. Ceci dit, Public or not public n’est pas un cours sur le théâtre, non solum parce qu’il y manque quelques étapes essentielles (le théâtre classique français du XVIIe siècle, Beckett et bien d’autres du même acabit) sed etiam parce que toutes les pièces mobilisées pour la circonstance sont traitées sur le même mode fantaisiste. Telle est au demeurant la seule critique que nous élèverons contre ce spectacle : le théâtre est si divers – lyrique, tragique, dramatique, burlesque, … – qu’il est affreusement réducteur de le regarder uniquement à travers une grille comique ! À s’en tenir aux extraits des pièces retenues dans la trame de Public or not public (Hamlet, Othello, Cyrano), les occasions de montrer tous les sentiments mis en exergue par le théâtre ne manquaient pourtant pas.

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Spéculations sur la conscience noire

— Par Michel Herland —

Achille Mbembe, Critique de la raison nègre, Paris, La Découverte, « Poche », 2016, 267 p., 11 €.

La réédition en poche d’un ouvrage publié pour la première fois en 2013 est l’occasion de signaler un travail à bien des égards passionnants, même s’il laisse le lecteur sur sa faim. Achille Mbembe, camerounais d’origine, universitaire, enseigne actuellement en Afrique du Sud. Son livre qui fait appel aux meilleures sources anglophones et francophones, pourvu d’un appareil de notes imposant, ne se rattache à aucune discipline particulière. L’histoire événementielle et l’histoire des idées, la psychologie, voire la psychanalyse, l’anthropologie, la sociologie sont mobilisées dans cet essai qui explore la condition de l’homme noir.

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Courtes Lignes présente : « Le Repas des fauves » de Vahé Katcha

— Par Selim Lander —

Que fait le théâtre de boulevard sinon nous amuser de situations dramatiques, susceptibles a priori de donner plus à pleurer qu’à rire ? Le ressort le plus courant, dans le vaudeville, consiste à se moquer d’un cocu, en usant largement du procédé dit de « l’ironie » : tout le monde est au courant, y compris les spectateurs, de ce que le mari malheureux ignore encore. Cependant, comme le thème est éculé à force d’avoir servi, les auteurs ont dû explorer d’autres voies. Pour ne prendre qu’un exemple, emprunté à Guitry, dans la pièce mystérieusement intitulée Le KWTZ[i], lorsque le mari cocu apparaît, tout à fait à la fin, il n’ignore déjà plus qu’il est trompé par sa femme avec son meilleur ami et la pièce joue sur un autre ressort, principalement un faux suicide des amants et, accessoirement, lorsque le mari paraît enfin, sur l’incertitude quant au comportement qu’il adoptera à leur égard.

Si cette pièce tourne encore autour du cocuage, le thème n’intervient plus guère, ou alors de manière anecdotique, chez les auteurs contemporains. Tel est le cas dans Le Repas des fauves où le mari découvre que sa jeune épouse n’est pas tout à fait l’oisillon de la dernière couvée qu’il croyait.

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« La Folie Guitry » par la troupe Les Buv’Art

Les 2 et 3 juin 2017 à 19h30 au Robert

Par Laurence Aurry

A l’OMCL sur le front de mer

Entrée libre

Pourquoi jouer du Sacha Guitry ? Quel intérêt peut-il y avoir aujourd’hui à reprendre ces comédies bourgeoises du début du XXè siècle ? Le théâtre n’a-t-il rien de moins léger et conventionnel à proposer ?  C’est sans doute ce que le spectateur peut se demander et ce sont aussi les questions que nous nous sommes posées, nous, comédiens et metteur en scène de la troupe, les Buv’Art.  Dans la grosse production de Guitry, plus de 120 pièces, oui, certaines ont vieilli et n’échappent pas aux stéréotypes du Boulevard de la Belle époque. Mais, il est des pièces qui gardent une fraîcheur, une singularité et une modernité assez surprenantes. C’est ce que nous avons découvert,  notamment avec la lecture de ses courtes pièces en un acte qui viennent d’être rééditées.

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« Mi-chaud – Mi-froid » de Catherine Dénécy : emballant !

Plus (in fine) Solitude, Le Collier d’Hélène

Par Selim Lander

Une danseuse comme Catherine Dénécy, ça ne court pas les rues. Cette fille au gentil minois et au teint de sapotille est un joyau ! Elle a la grâce, la force, une endurance qui paraît sans limite, le tout allié à une technique impressionnante. Ce n’est pas tout car elle est également comédienne : son visage constamment expressif passe à volonté de la séduction à l’intimidation, elle plaisante, invective… Qu’on permette à un habitué des créations de Preljocaj et surtout des pièces présentées par ses invités au Pavillon Noir d’Aix-en-Provence, au format davantage comparable à celle de C. Dénécy, de réitérer que cette danseuse est vraiment exceptionnelle, un pur joyau, du genre diamant, tant sa chorégraphie peut paraître parfois tranchante. En réalité, elle semble capable de tout faire, par exemple danser comme une forcenée dans des escarpins pendant le premier quart d’heure, au point de faire douter le spectateur tout ébaubi de ce qu’il voit. On imagine la somme de travail derrière cette virtuosité mais que serait le travail sans un talent ici éclatant ?

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« Cette guerre que nous n’avons pas faite » de Gaël Octavia

— Par Selim Lander —

Après L’histoire du royaume de Mirpou de Stanislas Sauphanor, une pièce lauréate du concours jeune public d’ETC-Caraïbe présentée récemment à l’Atrium, voici une autre pièce couronnée cette fois par le prix ETC-Caraïbe Beaumarchais. On ne peut que saluer la chance qui est ainsi donnée aux jeunes auteurs antillais qui se sont fait remarquer par la qualité de leurs textes de les voir montés et joués devant leur public, ce qui ne les empêche pas de se produire également sous d’autres cieux.

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« L’Autre Rive » de Ulises Cala

11, 12, & 13 mai 2017 à 19h30 au T.A.C.

— Par Selim Lander —

« Jusqu’où faut-il aimer ? Il faudrait un manuel pour expliquer cela. »

Cette phrase prononcée par un homme qui va émigrer en abandonnant sa fille n’est qu’un aspect d’un texte qui brasse toutes sortes de sentiments, de sensations, depuis les jeux amoureux pleins de malice jusqu’à la désespérance profonde en passant par les moments d’attente indécise hantés par la crainte des « persécuteurs ». Nous sommes sur une île, Cuba sans nul doute, entourée d’une « mer interdite ». La télévision qu’on entend parfois s’exprime en espagnol (« la télévision est une chose répugnante » répètera l’homme à plusieurs reprises).

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Mirpou au royaume des enfants

Précédé de quelques considérations sur la politique culturelle

— Par Selim Lander—

Du théâtre jeune public à l’Atrium, c’est non seulement rare mais précieux à voir l’affluence à la représentation programmée à 17 h un samedi après-midi, jour et heure bien choisis au demeurant pour attirer les petites têtes brunes ou blondes et leurs parents. Il n’est jamais trop tôt pour donner le goût du théâtre, aussi ne peut-on que souhaiter que de telles séances deviennent plus fréquentes.

En cette période d’élection présidentielle, les institutions culturelles sont sur la sellette. Aucun des deux candidats restant en lice ne semble décidé à pérenniser sans examen un système où les institutions culturelles à caractère plus ou moins officiel captent la quasi-totalité (85%) du budget du ministère de la Culture. La question récurrente est celle du public qui fréquente ces institutions, un public que l’on sait culturellement favorisé. Car si des solutions existent pour faire accéder le public « populaire » à la culture « noble », elles n’ont jamais été mises en œuvre avec la vigueur nécessaire. Le slogan – magnifique – de « la culture élitaire pour tous » est malheureusement resté un slogan.

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D’ de Kabal rhétoricien

Variations sur « l’intégrisme masculin »

Par Selim Lander

Les Martiniquais connaissent bien D’ de Kabal qui s’est produit plusieurs fois chez nous… ou croyaient bien le connaître. Il se présente cette fois dans un seul en scène qui révèle d’autres facettes de son talent. Dans ce nouveau spectacle intitulé L’Homme-femme – les mécanismes de l’invisible, dont il a écrit le texte et assuré la M.E.S., il joue en effet moins que d’habitude avec un micro et exploite moins la tessiture étonnamment grave et métallique qu’il est capable d’atteindre. Il parle d’abondance, le plus souvent à voix nue, et cultive un registre intime. Il se présente tout d’abord vêtu seulement d’une jupe blanche qui crée un contraste pour le moins déroutant avec la barbe fournie et le corps massif. Malaise… lequel se trouve renforcé quand il entame son discours en dénonçant le mauvais procès qui est fait aux musulmans lorsqu’on leur demande de se désolidariser publiquement des djihadistes. À ce compte, en effet, on pourrait tout autant dénoncer le mauvais procès qui est fait aux Français dits « de souche » dont on exige repentance pour les crimes commis par leurs ancêtres colonialistes et esclavagistes…

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Albert Cohen black-blanc-beur

— Par Selim Lander —

Un texte contre le racisme, un récit, pas une pièce de théâtre. Un vieil homme se remémore un incident de son enfance au cours duquel il s’est découvert brutalement autre que celui qu’il croyait, un être susceptible de provoquer la haine et le mépris ; dans sa logique enfantine, il a conclu qu’il était sans doute méchant pour être maltraité ainsi, sinon lui du moins sa race. Cela se passait à Marseille, tout-à-fait au début du XXe siècle. Sa famille s’est installée depuis peu dans le midi de la France, un pays qu’il idéalise, qu’il idolâtre même s’il faut en croire son récit, au point d’installer sur une étagère de l’armoire de sa chambre une sorte d’autel couvert de reliques des gloires de la France telles qu’il peut les percevoir, à neuf ans, jusqu’à un sachet de terre des colonies acquis auprès d’un de ses camarades d’école, graine d’escroc ! Au retour de l’école, le petit Albert s’est arrêté pour écouter un camelot dont il admirait la faconde, l’art de manier cette langue française tant aimée. Las, le bonimenteur a repéré bien vite en lui un « youpin », le lui a fait savoir et lui a enjoint de déguerpir.

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L’atelier d’écriture théâtrale de Paul Emond

— Par Selim Lander —

L’association ETC-Caraïbe (« ETC » pour Ecriture Théâtrale Contemporaine), basée en Guadeloupe et en Martinique, organise chaque année un concours d’écriture destiné alternativement aux adultes et aux lycéens, systématiquement préparé par un atelier d’écriture sous la houlette d’un auteur confirmé. Cette année vient le tour des adultes (voir les modalités du concours sur le site d’ETC-Caraïbe). Après une première session en Guadeloupe lors de la semaine du 3 avril, ce fut le tour de la Martinique du 10 au 14 avril, à raison de 6 heures par jour. Le but de ces ateliers est double : développer la créativité des participants tout en leur fournissant des outils indispensables pour réussir une pièce de théâtre (chacun comprendra, en effet, qu’on n’écrit pas une pièce comme un poème ou un roman). De surcroît, le fait de rassembler plusieurs auteurs dans un même lieu pendant une durée conséquente permet de découvrir d’autres imaginaires et d’autres langues, éventuellement de s’en nourrir – ce qui n’empêche pas que chacun garde sa personnalité propre.

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Les contes merveilleux d’Alexis Michalik

— Par Selim Lander—

Le Porteur d’histoire

Alexis Michalik a reçu deux Molières en 2014 en tant qu’auteur et metteur en scène de cette pièce. Autant dire qu’on n’allait pas rater Le Porteur d’histoire de passage pour une seule soirée en Martinique. Et l’on n’a pas été déçu. La pièce est en effet très bien construite avec une histoire prenante bien que (ou parce que) passablement fantaisiste et des comédiens à la hauteur (pas tous la même, cependant…)

Les amateurs de théâtre connaissent sans doute la pièce d’Aristophane qui met en scène une certaine Lysistrata, initiatrice de la grève du sexe… C’est sans doute le point de départ de l’invention par Michalik des « Lysistrates », cette lignée des femmes qui aurait accumulé richesse et pouvoir tout au long des siècles. Un mauvais garçon de notre XXIe siècle commençant a eu vent de l’existence de leur trésor et se lance à sa recherche.

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Piano classique à l’Atrium

— Par Selim Lander —

Dans toutes les époques les vieux réactionnaires ont été inaudibles et même ridiculisés. Qu’on permette quand même à l’un d’entre eux d’exprimer son bonheur (nul n’est obligé à le lire). Oui, ce fut un bonheur d’écouter enfin, pour la première fois en Martinique lors de cette saison 2016-2017, un instrument, le piano en l’occurrence, dans toute sa pureté ou sa simplicité, comme on voudra. Car si nous avons déjà entendu cet instrument pendant le festival de jazz, il était systématiquement amplifié, à l’instar des autres instruments, comme si désormais, pour les musiciens d’aujourd’hui, l’important avant toute chose était d’en mettre plein les oreilles des auditeurs. Il y eut certes des moments de grâce : parfois, dans ces concerts, le batteur a accepté de se calmer, les guitares et basses électriques se sont tues, et l’on a pu avoir une idée de ce que furent les petites formations de jazz d’antan lors d’un bref solo du piano ou un duo piano-contrebasse avec ou non accompagnement discret de la batterie. Si ces instruments restaient amplifiés, au moins le bruit avait-il cessé.

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RCM 2017 – Suite (4) et Fin

Félicité, Clôture

—Par Selim Lander —

Félicité d’Alain Gomis

Voilà un film reconnu par la critique (sélectionné à Berlin, Étalon d’or au dernier FESPACO) qui laisse néanmoins une impression mitigée. Le résumé dans le programme du RCM est parfaitement exact. L’héroïne, Félicité est bien une chanteuse qui se produit dans un bar, « libre et fière » ; à la suite de l’accident de moto de son fils, elle se lance dans Kinshasa à la recherche de l’argent nécessaire pour l’opération ; il y a également un homme, un mécanicien, Tabu, qui s’intéresse à elle : assez d’ingrédients pour faire un bon film.

De fait, on peut regarder ce film comme une tragédie, au sens moderne du terme. Voilà en effet une femme dure, une femme « debout » qui traverse les épreuves avec un courage indomptable. Et les épreuves ne manquent pas quand on est une femme seule, obligée de se débrouiller par elle-même dans la jungle d’une grande ville du Tiers-Monde. La partie centrale du film qui montre Félicité se débattant pour que son fils soit correctement soigné peut être regardée comme une docu-fiction.

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RCM 2017 – Suite (3)

Moonlight, Neruda

— Par Selim Lander —

Moonlight de Barry Jenkins

Oscar du meilleur film cette année, il n’est pas surprenant que la projection en VO dans le cadre des RCM ait fait le plein des spectateurs. On a tellement parlé de ce film dans les médias, avant même qu’il ait reçu l’oscar, que l’on pouvait avoir l’impression de l’avoir déjà vu. Il n’en est rien, évidemment, et, de toute façon, un bon film se laisse voir et revoir. Or Moonlight est incontestablement un bon film.

Une réserve préalable, cependant, concerne la manière dont des esprits fragiles risquent d’interpréter le film. Que montre-t-il en effet ?
– Le petit Chiron (c’est le nom du héros), un enfant noir du ghetto de Miami, maltraité par la vie ne trouve de réconfort qu’auprès de Juan, un dealer (prospère chef de réseau) au grand cœur et de la compagne d’y-celui.

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RCM 2017 – Suite (2)

Les Malheurs de Sophie, Swagger, The Fits

— Par Selim Lander —

Les Malheurs de Sophie de Christophe Honoré

Mercredi oblige, des films pour enfants sont programmés. Dommage que les parents des petits Martiniquais n’aient pas le réflexe de vérifier s’il n’y a pas une projection pour eux tel ou tel mercredi à l’Atrium. C’était le cas ce 22 mars dans le cadre des RCM, avec un dessin animé suivi des Malheurs de Sophie joués quant à eux par des comédiens en chair et en os dans les décors (réels) et les costumes de l’époque. Seuls les animaux sauvages (écureuil, hérissons et grenouille) sont des personnages de dessin animé incrustés dans les images du film. Du beau travail, un peu froid cependant, les bêtises de Sophie s’enchaînent les uns après les autres comme une série de sketchs sans lien entre eux (ainsi que dans le roman de la comtesse de Ségur). Les malheurs véritables (les deux parents de  Sophie sont morts en Amérique) sont rapidement relatés par la maman de Camille et Madeleine. Puis c’est le retour de Sophie avec son horrible belle-mère, qui est, lui, filmé jusqu’au dénouement.

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RCM 2017 – Suite (1)

Jazmin et Toussaint, La Danseuse

— Par Selim Lander —

Jazmin et Toussaint de Claudia Sainte-Luce

Un film d’auteur autobiographique dans lequel la réalisatrice s’est d’autant plus investie qu’elle interprète elle-même son propre rôle. Claudia Sainte-Luce est mexicaine mais de père haïtien. Elle a avec ce dernier des rapports compliqués. Lorsqu’il tombe malade, elle s’en occupe plus par devoir que par amour filial véritable. Il faut dire que le père, autoritaire, et qui s’enferme de plus en plus dans son monde à partir du moment où son esprit commence à partir à la dérive, ne laisse guère entrevoir de tendresse.

La volonté de Cl. Ste-Luce de coller à la réalité l’empêche de développer un scénario débouchant sur autre chose que la situation posée au départ. Il y a bien quelques échappées sur la vie privée de la jeune femme, son (ses) boulot(s), ses amis et sur la vie passée du père (qui a passé sa jeunesse en Haïti, a vécu à New-York, au Venezuela avant le Mexique) mais le film prend très souvent la forme d’un huis-clos entre père et fille.

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RCM 2017 – premiers aperçus

Le Christ aveugle, Relève, histoire d’une création, Your Name

— Par Selim Lander —

L’abondante programmation des RCM 2017 est telle qu’elles ne cèdent rien à bien des festivals de cinéma : 36 longs métrages, dont 6 documentaires auxquels s’ajoutent 10 courts-métrages de la dernière Semaine de la critique ou de la sélection ADAMI (Cannes 2016), plus 8 courts métrages caribéens, des courts-métrages d’animation des élèves de l’École des Gobelins, 16 vidéo-clips, etc. et enfin, last bust not least, deux films pour les chères petites têtes noires (ou blondes). On espère que les Martiniquais mesurent bien la chance qui est la leur. En attendant, soulignons qu’un modeste chroniqueur ne saurait y suffire et pas davantage la tout aussi modeste équipe des critiques de madinin-art, d’autant plus qu’elle se trouve, en cette période cruciale, privée de son chef, le valeureux et talentueux Roland Sabra. Nous ferons donc ce que nous pourrons. Voici, en attendant la suite, une première moisson de films.

Le Christ aveugle de Christopher Murray

Commençons par le dernier visionné, celui qui est le plus frais dans notre tête, et certainement pas le moins intéressant.

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« Le Journal d’une femme de chambre », version minimale

Par Selim Lander

Le roman d’Octave Mirbeau est l’un de ceux qui ont « fait époque » au double sens où ils ont marqué les contemporains et où ils sont un reflet si fidèle de leur temps (aussi fidèle que peut l’être un roman) qu’ils prennent aux yeux des générations futures valeur de témoignage. Ceci explique que Le Journal d’une femme de chambre ait fait l’objet de plusieurs adaptations successives. Au cinéma, Jeanne Moreau et plus récemment Léa Seydoux ont rencontré un grand succès dans le rôle titre.

Le cinéma est incontestablement avantagé par rapport au théâtre car il peut reconstituer l’environnement des personnages avec une précision quasi parfaite. C’est en particulier le cas avec le film de Benoît Jacquot (avec Léa Seydoux – voir la photo) qui nous transporte dans l’univers de la Belle Époque comme si nous y étions. Or les objets pèsent lourd dans cette histoire : cirer les bottes, faire les lits, plier le linge, astiquer l’argenterie, servir à table, c’est le quotidien d’une femme de chambre. Comment faire spectacle (et non littérature) de ce quotidien sans montrer tous ces objets ?  

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Vénus et Adam

Par Selim Lander

Tous les grands prix Beaumarchais/ETC-Caraïbe ne se ressemblent pas : telle était la réflexion que l’on pouvait se faire en assistant pendant deux longues heures à la pièce d’Alain Foix (lauréat du prix 2004) qui mêle l’enquête policière et journalistique, la romance interraciale, les rites sanguinaires, la Tamise, Scotland Yard, le panthéon yoruba, la mythologie grecque, The Times, Libération et les dissections d’une médecin légiste à l’esclavage, à la vénus hottentote et aux saumons qui remontent les rivières. Non qu’on soit contre les mélanges de genres, au contraire, mais ici tout cela nous a paru plaqué et artificiel. On cherche – pardon, nous avons cherché – en effet vainement dans la pièce « l’alliance d’une esthétique brillante profondément humaniste [qui] fait merveille dans le roman [tiré de la pièce] » d’après le site Evène. (1)

Loin de briller, en effet, les dialogues ont semblé surtout plats et les bons mots désolants. On s’excuse ici auprès du lecteur, il faudrait en citer au moins un de ces bons mots mais, trop accablé par ce que nous étions en train de voir et d’entendre, nous n’en retînmes aucun.

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« Samo, a Tribute to Basquiat », cérémonie funèbre

— Par Selim Lander —

Jean-Michel Basquiat (1960-1988), né d’un père haïtien (d’où son prénom français) et d’une mère américaine, fut un mauvais garçon, un beau gosse aux mœurs « spéciales » (comme on disait naguère), avec au cœur la hargne, l’ambition, et surtout l’envie d’une existence sans frein. Promu par la grâce de la critique et des médias figure de proue du néo-expressionnisme new-yorkais, il devint un familier de la Factory d’Andy Warhol où se côtoyaient toutes sortes de gens, des célébrités et des voyous. Incapable de se détacher des drogues, il mourut à vingt-sept ans de l’overdose d’un mélange d’héroïne et de cocaïne. Les visiteurs présents à l’été 2015 à la rétrospective du Guggenheim-Bilbao ont pu apprécier ou en tout cas découvrir une peinture « sauvage », au sens où elle est à l’évidence guidée davantage par la rage de s’exprimer que par le souci de plaire.

Koffi Kwahulé est pour sa part l’un des dramaturges francophones contemporains parmi les plus doués. Le public martiniquais a pu voir très récemment sur scène son monologue Jaz et, en 2013, P’tite Souillure, une pièce qui fait intervenir un personnage maléfique, Ikédia, alors interprété par Nelson Rafaell Madel.

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Sauver l’œuvre de Louis Caillat 

— Par Michel Herland —

A côté des Parcours du patrimoine consacrés aux différentes communes de la Martinique dont un article récent a rendu compte[1], d’autres guides sous le même format s’affranchissent du découpage géographique de l’île pour traiter d’un thème transversal[2], d’un lieu unique[3] ou de l’œuvre particulièrement remarquable d’un architecte. Dans l’article précité nous avons mentionné le guide consacré à Germain Olivier (1869-1942), l’architecte de la préfecture de Martinique et du château Aubéry. L’empreinte laissée par Louis Caillat (1901-2002) est bien plus importante puisqu’il a signé les plans de pas moins de 70 ouvrages, bâtiments publics, commerciaux ou maisons particulières.

Une particularité de cet architecte aussi prolifique que talentueux est de n’en être pas véritablement un ! En effet, son père, sculpteur sur pierre et sur bois ayant disparu dès le début de la guerre, il devient dessinateur industriel dès l’âge de 14 ans. Il découvrit l’architecture grâce à l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes (Paris 1925) et à l’ouvrage de Le Corbusier, Vers une architecture. Il saisit l’occasion de partir en Guadeloupe, après le cyclone dévastateur de 1928, toujours comme dessinateur mais cette fois aux côtés d’un architecte, Ali Tur.

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« F(l)ammes » : il n’y a pas de gens ordinaires

— Par Selim Lander —

Merci, monsieur Ahmed Madani pour cette démonstration enthousiasmante portée par dix jeunes femmes de toutes couleurs et de toutes conditions, comme on dit, mais plutôt typées immigrées, même s’il y a parmi elles une Guadeloupéenne qui a toutes les raisons de se revendiquer française d’ancienne lignée. Quoi qu’il en soit, si l’on dit qu’il n’y a pas de gens ordinaires, ces jeunes femmes en particulier, on ne veut pas insister sur leurs différences apparentes qui les distinguent des Françaises dites (horresco referens !) « de souche », la peau noire des unes, les cheveux frisés des autres (il n’y a  pas d’Asiatiques parmi elles) : elles ne sont pas ordinaires comme l’est chacun d’entre nous, parce qu’elles ont chacune une histoire qui les rend uniques.

Nous sommes tous intéressants mais nous ne sommes pas tous capables de le montrer. Le grand mérite d’A. Madani est d’avoir su insuffler à chacune de ces dix jeunes femmes la force de s’exprimer avec une éloquence de bon aloi, sans gommer l’identité de chacune et surtout sans atténuer une émotion constamment palpable.

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Le Geste et la Matière (Paris 1945-1965)

Le quarantième anniversaire du Centre Pompidou à la Fondation Clément

— Par Selim Lander —

Après le peintre Télémaque qui inaugurait, début 2016, les nouveaux espaces de la Fondation Clément en Martinique, une autre exposition en partenariat avec le Centre Pompidou vient d’ouvrir ses portes. Elle s’inscrit – comme d’autres un peu partout en France – dans le cadre des manifestations du quarantième anniversaire de l’installation du musée national d’Art moderne dans le bâtiment de Renzo Piano. Les collections du musée sont riches de quelque 120 000 pièces ! Autant dire qu’il peut se répandre en d’autres lieux que son siège parisien sans dégarnir ses cimaises.

L’exposition de la Fondation Clément permet ainsi de voir des œuvres, souvent majeures, qui demeurent le plus souvent cachées dans les réserves du musée. Le thème retenu pour la présente exposition est particulièrement intéressant puisqu’il s’agit de montrer comment l’art abstrait (non géométrique) s’est développé parmi les peintres installés à Paris (dont un certain nombre d’étrangers) pendant l’après-guerre. Le commissaire de l’exposition, Christian Briend, a fort intelligemment regroupé les œuvres en fonction soit de ce qu’elles évoquent pour le regardeur, soit de la manière dont elles sont « fabriquées ».

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