Les contes merveilleux d’Alexis Michalik

— Par Selim Lander—

Le Porteur d’histoire

Alexis Michalik a reçu deux Molières en 2014 en tant qu’auteur et metteur en scène de cette pièce. Autant dire qu’on n’allait pas rater Le Porteur d’histoire de passage pour une seule soirée en Martinique. Et l’on n’a pas été déçu. La pièce est en effet très bien construite avec une histoire prenante bien que (ou parce que) passablement fantaisiste et des comédiens à la hauteur (pas tous la même, cependant…)

Les amateurs de théâtre connaissent sans doute la pièce d’Aristophane qui met en scène une certaine Lysistrata, initiatrice de la grève du sexe… C’est sans doute le point de départ de l’invention par Michalik des « Lysistrates », cette lignée des femmes qui aurait accumulé richesse et pouvoir tout au long des siècles. Un mauvais garçon de notre XXIe siècle commençant a eu vent de l’existence de leur trésor et se lance à sa recherche. Deux cents ans auparavant, dans une calèche, un écrivain en herbe (Alexandre Dumas) a fait la connaissance d’une jeune aristocrate, tout juste sortie de la retraite où elle se terrait depuis la Terreur et dont la famille n’est pas sans rapport avec les Lysitrates. Retour au XXIe siècle : le mauvais garçon arrive en Algérie à la recherche du fameux trésor ; il convainc une mère et sa fille de le suivre : cela semble un peu étrange mais un dernier coup de théâtre nous apprendra que le « hasard » commandé par l’auteur a bien fait les choses, que les deux femmes appartiennent également à la lignée…

En racontant cela, on n’a pas dévoilé grand-chose car l’intrigue est complexe, pleine de rebondissements, de livres (parmi lesquels Le Comte de Monte-Cristo) et de carnets secrets. Il y a par ailleurs bien d’autres personnages que ceux mentionnés jusqu’ici : un mort, un croque-mort, un professeur canadien, un notaire, une femme abandonnée, un couple tenancier d’un bar, une joggeuse, un ministre de Charles X, le peintre Eugène Delacroix, des policiers, un douanier plus quelques comparses muets. Ils sont portés par seulement cinq comédiens (trois hommes et deux femmes) qui changent simplement de rôle en attrapant un bout de costume pendu sur un portant et qui profitent des moments où ils ne sont pas requis pour jouer pour inscrire à la craie sur un tableau, en fond de scène, les éléments clés de l’intrigue (des indications en effet bien utiles pour les spectateurs).

Les scènes s’enchaînent sur un rythme d’enfer, la pièce sans être transcendante n’a pas volé ses Molières. Si les comédiens tirent tous leur épingle du jeu, on remarque surtout deux des hommes, très bons dans des rôles de composition.

La pièce suivante de Michalik, Le Cercle des illusionnistes, a remporté pour sa part trois Molières plus d’autres prix. Puisse-t-elle arriver également jusqu’à nous : son public est déjà trouvé.