Étiquette : Selim Lander

Cinéma de Russie – « Arythmie »

— Par Selim Lander —

Dans le panorama des cinémas du mode auquel nous convie régulièrement Steve Zebina, retour en ce mois de mai vers la Russie. Il est toujours surprenant de constater combien les cinémas nationaux gardent leur spécificité malgré la mondialisation culturelle. Le cinéma démontre en effet qu’il ne suffit pas d’avoir un Mac Do au coin de sa rue et des séries américaines au programme de la télé pour perdre totalement son âme. Cette résilience des identités nationales (ethniques, religieuses, …) est-elle un bien, un mal ? Un bien, sans doute, puisque la diversité est une richesse et un mal sans davantage de doute puisque les nations, ethnies, religions ne sont que trop portées à se faire la guerre.

Le cinéma russe contemporain affectionne les personnages déprimés qui cherchent à soigner leur chagrin dans les boissons fortes et les décors mélancoliques. Un homme au cerveau embrumé par l’alcool (vodka) qui erre dans la brume, voilà un personnage typique des films russes. Pour le cinéma sud-coréen, ce serait plutôt un homme au cerveau embrumé par l’alcool (de riz) qui déblatère dans une gargote.

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Exposition « Pictural » : peinture actuelle en Martinique

Par Selim Lander

Après l’exposition tirée du fonds de l’entreprise Renault, présentant quelques grands noms des arts plastiques du XXe siècle, la Fondation Clément a eu l’excellente idée de réunir trente-cinq artistes martiniquais toujours actifs dans une exposition collective intitulée Pictural. « Pictural » comme peinture, même si l’on n’est pas surpris de trouver des exceptions au châssis rectangulaire habituel, tant les frontières entre peinture, sculpture, installation se sont désormais estompées.

Si l’art contemporain, on ne le sait que trop, trop souvent déçoit (« le n’importe quoi ou le presque rien » selon la formule célèbre de Jean Clair), ce n’est nullement le cas des œuvres rassemblées ici, à quelques réserves inévitables près. Aucune mièvrerie dans cette exposition, et si les silhouettes « approximativement » dessinées sont de rigueur, ce n’est pas gaucherie ou maladresse mais simplement parce que l’avènement de la photographie a « tué » le dessin académique (sauf chez de rares récalcitrants qui font parfois figure désormais de révolutionnaires. Voir le portrait par Claude Cauquil reproduit en tête de cet article). On sait d’ailleurs, depuis Münch et d’autres, qu’une physionomie n’a pas besoin d’être exacte ni même précise pour être réaliste et expressive.

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« Seulaumonde » de Damien Dutrait avec N.-R. Madel

— Par Selim Lander —

Dans un récent billet[i], nous nous interrogions sur le paradoxe du comédien tenu de « jouer vrai ». On exige de lui qu’il s’accapare son personnage de telle sorte que les spectateurs puissent y croire, tout en restant constamment conscient qu’il ne fait que jouer. Evidemment, les spectateurs, qu’ils adhèrent ou non au personnage – du moins les spectateurs aguerris, ceux qui forment le public habituel des théâtres – ne peuvent eux-mêmes pas ignorer que ce qui se déroule sur le plateau n’est qu’un jeu : l’illusion n’est pas complète. Sauf que, n’en déplaise à Diderot, il n’est pas rare qu’un comédien, même un bon, se laisse par moments envahir par son personnage au point de s’oublier lui-même. Les mots sortent de sa bouche comme les siens, il oublie qu’il récite le texte d’un autre qu’il a appris par cœur. Et dans ce cas, il n’est pas rare que les spectateurs – même aguerris – oublient par moments, eux aussi, où ils se trouvent et identifient le comédien à son personnage, voire s’identifient eux-mêmes au personnage.

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RCM 2019 – Cinq courts métrages du GREC

— Par Selim Lander —

Le Groupe de recherches et d’essais cinématographiques sélectionne des projets auxquels il accorde une modeste bourse pour leur réalisation, une aide pour un premier film. Les cinq films présentés lors des RMC témoignent de l’éclectisme des comités de sélection, même si l’on peut regretter que trois d’entre eux – Cilaos, Pays rêvé/pays réel et Francilia/Braids of Space and Time – entretiennent un rapport plus ou moins lointain avec l’outre-mer. Si cela partait certainement d’un bon sentiment, sans doute aurait-il mieux valu proposer aux réalisateurs martiniquais présents lors de la projection à l’Atrium des expériences les éloignant de l’univers qu’ils ont naturellement tendance à explorer.

D’autant que, bien malencontreusement, les trois films fléchés outre-mer sont justement ceux qui nous ont le moins intéressé.

Cilaos de Camilo Restrepo (Colombie) est tourné dans un entrepôt de la banlieue parisienne. Qui l’ignorerait pourrait croire que l’équipe s’est déplacée à la Réunion, ce qui n’est pas le cas. Cette mystification est un point positif du film. Par ailleurs, les comédiens imposent leur présence et la photo instaure un univers glauque en accord avec le propos : une jeune femme part à la recherche de son père, dit « Bouche » qu’elle n’avait jamais rencontré ; quand elle arrive « sur place », à Cilaos, elle apprend qu’il vient de mourir et qu’il était de surcroît un individu peu recommandable.

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RCM 2019 – Images en temps de grève

— Par Selim Lander —

Les RCM ont marqué l’anniversaire des dix ans de 2009 par un hommage à une initiative originale dans le domaine audiovisuel, la Télévision Otonom Mawon qui fonctionna quelques semaines lors des événements. Christian Foret qui fut à l’origine de l’entreprise a présenté un montage des images captées pendant la brève période de fonctionnement de la TOM, des images qui furent diffusées à l’antenne et des images tournées dans les locaux du TOM (le Théat Otonom Mawon) mis à la disposition de la télévision libre par la mairie de Fort-de-France. Ce documentaire, monté ex post pour les RCM, rend agréablement compte de cette expérience éphémère où l’autogestion s’apprenait au jour le jour.

Les émissions de la TOM fabriquées avec des bouts de ficelle – des collaborateurs bénévoles et des moyens techniques minima – étaient reprises par la chaîne KMT et diffusées également sur le net. Quel était leur impact sur le mouvement ? La chaîne avait-elle une ligne claire, favorable au mouvement ou déontologiquement neutre ? Ou chacun faisait-il ce qu’il voulait dans un désordre à peine organisé ?

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RCM 2019 – « Samouni Road » de Stefano Savona

— Par Selim Lander —

Après Un homme est mort (notre billet précédent) un autre film politique, une docu-fiction relatant une bavure de l’armée israélienne, soit une vingtaine de morts civils dans une famille élargie lors de l’opération « Plomb durci » (le nom, à lui seul, est tout un programme) dans la Bande de Gaza. On connaît la brutalité de Tsahal qui n’hésite pas tuer froidement une centaine de Palestiniens (par bombardement ou tirs à bout portant) pour tout Israélien tué : entre le 27 décembre 2008 et le 19 janvier 2009, 1315 Palestiniens ont été tués contre 13 Israéliens selon Wikipedia. Il s’agit de terroriser les terroristes en se montrant encore plus cruels qu’eux. A voir comment ils votent, les Israéliens sont majoritairement favorables à cette politique dont on imagine mal, pourtant, qu’elle puisse conduire à la paix. Il est vrai qu’ils y sont encouragés par les puissances grandes et moyennes, Arabie saoudite comprise, qui se bornent à financer la reconstruction des bâtiments et installations diverses bombardées par Israël sans jamais lui présenter la note.

Là-dessus se greffent le souvenir de la Shoa et la dénonciation de l’antisémitisme et de l’antisionisme.

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RCM 2019 – « Un homme est mort » d’Olivier Cossu

— Par Selim Lander —

Brest, 1950. Après les bombardements alliés, la ville est un immense chantier de construction. Puisque, en effet, la guerre c’est d’abord détruire et après, bien sûr, reconstruire… jusqu’à la prochaine. En ce temps-là, malgré les acquis de 36 et de la Résistance, les temps sont durs pour les ouvriers. Certes, ils ne vivent pas dans la hantise du chômage comme aujourd’hui mais les salaires sont bas et le travail se fait encore, pour l’essentiel, à la main. Alors on se met en grève et on manifeste. Autre différence avec aujourd’hui où, face aux gilets jaunes, la police a la consigne d’éviter à tout prix un accident mortel, à l’époque les gardes-mobiles étaient équipés non de flash-ball mais d’armes à feu. Quand un manifestant était tué, les autorités ne s’émouvaient pas plus que ça ; elles étaient même d’accord avec le patronat pour juger que cela pourrait hâter la fin de la grève. Rien de tel qu’une démonstration de force pour calmer les esprits, n’est-ce pas ?

Tel est le cadre du film d’Olivier Cossu, directement inspiré de la BD éponyme d’Etienne Davodeau et Kris.

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 RCM 2019 – « Nos batailles » de Guillaume Senez

— Par Selim Lander —

Tendresses

Le cinéma comme on l’aime. Rien d’extraordinaire pourtant. Ou serait-ce justement pour cela qu’il plaît, parce qu’il n’a rien d’extraordinaire ? Un film comme on sait les faire en France, sans grand moyen, sans intrigue ronflante, un film fait de tranches de vie, des vies ordinaires, des existences difficiles pour des gens qui refusent néanmoins de se laisser abattre, en dépit des épreuves, des injustices. Ici le personnage principal, Olivier, est marié à Laura et père de deux enfants en bas âge. Il est chef d’équipe dans l’entrepôt d’une société de vente par correspondance et syndicaliste. Un beau matin, Laura quitte le domicile sans prévenir personne. Le spectateur qui se demande pourquoi elle a abandonné ainsi enfants et mari et si elle reviendra, restera sur sa faim mais il se sera laissé submerger par des émotions et en premier lieu par la tendresse qui unit les principaux personnages.

Celle de Laura et d’Olivier pour leurs enfants, celle des enfants entre eux, celle – un tantinet maladroite – de la grand-mère, celle de la sœur d’Olivier envers son frère et ses enfants, celle de la « camarade » syndicaliste pour Olivier (qui ne la lui rendra pas autant qu’elle l’aurait voulu), etc.

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RCM 2019 – « Les oiseaux de passage »

— Par Selim Lander —

Agréable surprise, ce film mexicano-colombien de Ciro Guerra et Cristina Gallego en cinémascope est projeté sur un écran incurvé, autant dire qu’on en a plein les yeux, du moins au début car on oublie la technique assez vite, les réalisateurs des oiseaux de passage ne s’en servant guère. Il reste que bien maniée elle peut à notre avis remplacer avantageusement la 3D et qu’il est dommage que l’on ne voit pas davantage de films réalisés ainsi.

Les oiseaux de passage sont une sorte de thriller en pays indien (d’Amérique du Sud) avec revolvers et 4×4 en veux-tu en voilà et moult gros plans sur les visages menaçants ou inquiets des principaux personnages : au pays de la marijuana, la vie humaine ne vaut pas grand-chose en effet. Le film, qui couvre les dernières décennies du XXe siècle, raconte les conséquences de l’introduction du business de la drogue dans les communautés indiennes. Difficile pour un spectateur comme nous, qui n’est pas un connaisseur des problématiques de l’Amérique Latine, de juger de la fidélité du film par rapport à la réalité.

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RCM 2019 – « I Philip », « Have a Nice Day »

— Par Selim Lander —

Les Martiniquais se rendent-ils suffisamment compte de la chance qu’ils ont de pouvoir, grâce aux Rencontres Cinémas Martinique, visionner autant de films, rencontrer autant de professionnels du cinéma ? Une centaine de films sont programmés lors de la présente édition ! De quoi satisfaire tous les âges et tous les goûts.

Fasse au Ciel que les RCM donnent aux jeunes classes l’envie de découvrir d’autres œuvres que les blockbusters débiles vers lesquels ils se précipitent spontanément. Culture de masse / culture élitiste ? Les enseignants constatent avec effarement que le fossé, loin de se combler, est plus profond que jamais. Les déclarations des ministres n’y changeront rien : l’école n’est pas de force pour contrebalancer les médias de masse. Raison de plus pour espérer des RCM – puisque des projections scolaires sont au programme – qu’elles fassent bouger les lignes.

I, Philip : réalité virtuelle

Pour la première fois cette année, une section est consacrée à la réalité virtuelle (VR) avec 6 œuvres au programme (visibles à travers un masque). Bonne pioche : le court métrage I, Philip de Pierre Sandrowicz, film français même si ni le titre, ni la langue qui y est parlée (l’anglais dans les deux cas), ni le nom du réalisateur ne le laissent deviner.

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« Et pendant ce temps Simone veille » par les Buv’Art

— Par Selim Lander —

Salle comble au théâtre municipal, à l’occasion de la Journée de la femme, pour la reprise de cette pièce qui avait déjà connu un grand succès l’année dernière en Martinique. Toujours emmenées par Marie Alba, les comédiennes nous rappellent dans la bonne humeur les principales étapes des luttes des femmes et des avancées du féminisme depuis l’obtention du droit de vote en 1946. Elles sont trois représentatives respectivement du milieu populaire, de la classe moyenne et de la classe supérieure. Trois comédiennes qui incarneront chacune successivement trois générations de femmes prises en 1970, 1990 et 2010. Trois plus une, laquelle, depuis son pupitre, apportera les précisions historiques indispensables (chiffes, dates, lois). Sait-on par exemple que les femmes n’ont été légalement autorisées à porter le pantalon qu’en 2013 ? Encore s’agit-il d’un sujet bénin pour lequel les mœurs avaient depuis longtemps précédé le droit. Mais ce n’est pas toujours le cas, loin de là : jusqu’à l’adoption de la loi Veil légalisant l’avortement, combien de femmes se sont trouvées assumer une maternité non désirée à moins de se remettre entre les mains d’une « faiseuse d’ange » clandestine avec l’angoisse de n’en pas sortir vivantes ?

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Difé Kako : danse traditionnelle, danse actuelle

— Par Selim Lander —

Après un prologue qui faisait appel à quatre élèves d’une école de danse – si nous avons bien compris – et sur lequel il vaut mieux jeter un voile pudique, les danseurs de Difé Kako sont entrés en scène, sept vrais danseurs, plus cinq musiciens-animateurs capables également de bouger avec les danseurs tout de blanc vêtus, pour une pièce intitulée Cercle égal – demi-cercle – au carré, laquelle comme le nom l’indique, fera appel aux danses traditionnelles antillaises issues du quadrille métropolitain, soit notre haute taille martiniquaise (autrement appelée boulangère en Guyane et, plus simplement, quadrille en Guadeloupe). Il s’agit pourtant bien dans cette pièce de danse contemporaine, même si elle est inspirée, innervée, instillée par des réminiscences du quadrille à l’Antillaise. La troupe, guadeloupéenne, mêle des danseurs noirs et blancs, une configuration dont les compagnies martiniquaises devrait s’inspirer, tant le mélange des cultures et des manières d’aborder l’art chorégraphique se révèle, ici, fécond.

On ne sait pas si la pièce dessine vraiment – comme indiqué dans la présentation écrite – « la possibilité d’un ‘Tout-monde’ fécond et jubilatoire ».

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« Mea culpa » ou plaidoyer pro domo ?

— Par Selim Lander —

Hervé Deluge prend la scène du théâtre municipal

Devant une salle remplie mais par un public qui n’est pas celui que l’on croise habituellement au Théâtre municipal, Hervé Deluge s’explique sur un événement qui a défrayé la chronique, il y a deux ans, lorsque, pris d’un coup de sang, il a fracassé avec son pick-up une porte vitrée et abîmé quelques marches du bâtiment de Tropiques Atrium-Scène nationale de Martinique, avant de tenir des propos plus ou moins menaçants à l’encontre de certains responsables présents dans les lieux. L’incident valait qu’on revienne dessus, même si les suites judiciaires furent bénignes (n’est-il pas rappelé au cours du spectacle qu’« un artiste a le droit de péter les plombs » ?)

Redoutable, le défi que s’est lancé Deluge à lui-même en montant sur un théâtre pour nous faire revivre cet événement dont il fut l’acteur et qui a marqué les Martiniquais au-delà du milieu des artistes, tout en s’interrogeant sur ses motivations. Autant dire qu’il était attendu.au tournant. Mais Deluge est une bête de scène, ce sujet est son sujet et il tire plutôt adroitement son épingle du jeu.

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India Films : Jean Renoir, Mia Hansen-Lowe, Rohena Gera

— Par Selim Lander —

Trois films indiens programmés par Tropiques-Atrium en ce mois de février (2019). Et pour commencer, à défaut d’India Song, un autre « film du patrimoine » sous les espèces du Fleuve de Jean Renoir. A voir pour son caractère patrimonial, justement, et parce que, en dépit du caractère plus que convenu du scénario (un prince charmant – capitaine américain blessé à la jambe lors de la première guerre mondiale – débarque dans une famille perdue quelque part au bord d’un fleuve, en Inde où le papa expatrié dirige une fabrique de jute et naturellement les jeunes filles de la maison tombent immédiatement amoureuses), le film ne manque ni de fraîcheur ni d’humour. Rien de tel, hélas, avec Maya de Mia Hansen-Lowe, pitoyable arlequinade (le scénario digne des pires bouquins de la collection Arlequin) où ce qui était léger et pittoresque chez Renoir devient lourd et ennuyeux. Ici c’est une jeune fille de la grande bourgeoisie indienne qui tombe immédiatement sous le charme du filleul de son papa, lequel filleul, jeune journaliste français a besoin de se ressourcer (il est né en Inde) après avoir passé quatre mois dans les geôles des djihadistes syriens.

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« Doubles vies » d’Olivier Assayas

Branché et pétillant

— Par Selim Lander —

Olivier Assayas serait-il notre Woody Allen ? C’est ce que son film donne à penser. Le petit monde peint dans Doubles vies, celui des bourgeois intellos parisiens, évoque en effet irrésistiblement celui des bourgeois intellos version Manhattan de W. Allen. Et Léonard, l’écrivain « autofictif » et pataud (joué par un Vincent Macaigne au mieux de sa forme) qui réussit néanmoins à plaire aux dames, ne peut pas ne pas faire penser aux personnages joués par W. Allen lui-même dans ses films. Ceci dit, nous sommes bien en France, à Paris, dans des appartements meublés avec goût mais sans ostentation en dehors des murs couverts de livres ou une affiche de Bill Viola au mur. Bien sûr, quand on se rencontre, on ne manque pas de mentionner Thomas Bernhard ou Lars Noren, Visconti ou Haeneke et, cela va de soi, de parler « boutique », c’est-à-dire principalement d’édition et accessoirement de politique, puisque l’un des principaux personnages est un éditeur (Guillaume Canet) qui publie entre autres les livres de son ami Léonard et que ce dernier est en couple avec l’assistante d’un homme politique.

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Le festival de marionnettes de Case-Pilote (édition 2019)

— Par Selim Lander —

Qui croirait que dans notre petite île plusieurs compagnies se consacrent à l’art de la marionnette ? Tous les deux ans, à l’initiative de Jala, Pilotine du nord bien connue pour ses livres pour enfants et ses marionnettes, se tient le festival BBM (« Bamboula, Bwabwa & Marionnettes »). Certains des spectacles du festival basé à Case-Pilote essaiment dans d’autres communes. L’édition 2019 réunit six compagnies dont quatre martiniquaises (« ZigZag » qui reprend Terre, fleur d’amitié présenté récemment à l’Atrium[i]), « La Case aux Bwabwa de Jala », « L’ïle des Marionnettes » et la compagnie Luc Peseu) auxquelles s’ajoutent deux « invités », le Dominicain Ernesto Lopez et les trois Bretons de « La Case ».

Si le rythme des récits paraît le plus souvent exagérément lent aux yeux d’un adulte – qui ne peut s’empêcher de comparer avec Yeung Faï, « The Puppet Show-Man », ce virtuose de la marionnette (chinoise) à gaine[ii] –, force est de constater que les enfants invités à assister aux différents spectacles ont semblé captivés de bout en bout.

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« L’homme fidèle » de Louis Garrel

Vendredi 15 février à 19h30 Madiana V.O.

— Par Selim Lander —

Dans un film rohmérien de bout en bout, Louis Garrel nous livre un nouveau conte moral. Quelle peut être la destinée d’un homme fidèle confronté à des femmes qui ne le sont pas ? La réponse proposée par Louis Garrel vaut ce qu’elle vaut mais elle est très agréablement tournée et son film (le second de sa jeune carrière) qui abonde, mine de rien, en rebondissements, souvent drolatiques, n’ennuie pas une minute.

On peut raconter le début pour se mettre dans l’ambiance. Abel vit avec la belle Marianne dans le riche appartement parisien d’icelle. Au moment où il va partir au travail, elle lui annonce qu’elle est enceinte… d’un autre, Paul, leur meilleur ami commun. Il faut donc qu’Abel vide les lieux pour céder la place à Paul, ce qu’il fait sans protester. Il est fidèle, elle pas.

La suite se place neuf ans plus tard, au moment où Paul vient de mourir dans son lit, d’un arrêt cardiaque. On n’en dira pas davantage. Sachez simplement que rien n’est simple, que les retrouvailles attendues entre Marianne et Abel ne font l’affaire ni de Joseph, fils de Marianne, ni d’Eve, sœur du défunt Paul, deux personnages parfaitement retors.

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Coup de gueule : les cinémas Madiana et la VO

— Par Selim Lander et Roland Sabra —
Comment dire l’exaspération des cinéphiles martiniquais face à la légèreté des gestionnaires de Madiana dès qu’il s’agit de la VO ? Grâce à Steve Zebina qui a organisé des projections de films en VO pour Tropiques Atrium dans leurs salles, ces gens ont compris qu’il y avait des amateurs pour de tels films, donc de l’argent à gagner. Mais il faut croire qu’ils détestent la VO au fond d’eux-mêmes puisque les incidents se multiplient. Combien de films programmés ne sont finalement pas passés au cours de ces deux dernières années ? On aimerait pouvoir en faire le compte ! Nous pardonnera-t-on si nous avouons avoir eu mieux à faire que dresser ce genre de liste ? C’est dommage, malgré tout, car il serait bon de mettre sous le nez des gestionnaires de ce cinéma la liste exhaustive de leurs manquements.
Ce n’est pas anodin de déplacer pour rien des amateurs qui viennent spécialement, parfois de fort loin (certes rien n’est kilométriquement très éloigné en Martinique, mais l’on sait combien le moindre déplacement peut être chronophage !).

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« Bon anniversaire Marta » : et de quatre.

— Par Selim Lander —

Comment caractériser les quatre pièces présentant directement la condition féminine – dont trois écrites par des hommes, et ces trois-là les plus pessimistes des trois ? la femme en pays dominé peut-être. Toujours est-il que cette programmation en dit long sur l’état de notre société. Car les spectateurs, et les spectatrices en premier, loin de se plaindre de l’omniprésence du thème, se sont montrés passionnément intéressés lors du « bord de scène » de la dernière soirée consacrée à Bon anniversaire Marta de José Jernidier. Comme si la peinture la plus cruelle de l’aliénation féminine répondait à une aspiration profonde des gens de ce pays. Catharsis, exorcisme ? On ne sait, en tout cas la conviction fut exprimée à plusieurs reprises que ce genre de pièce était absolument nécessaire pour faire évoluer la situation des femmes antillaises (A Parté, Bon anniversaire Marta), caribéennes (Moi, fardeau inhérent), africaines (Dernier rivage), les libérer de l’emprise ravageuse des mâles.

Femme à la fois victime et coupable. Victime du mari brutal et volage ; coupable comme mère car en élevant son fils dans sa dévotion et le mépris des autres femmes, elle le pousse inconsciemment à devenir lui-même brutal et volage.

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« L’Enclos de l’éléphant » et « Moi, fardeau inhérent » : choc et re-choc !

— Par Selim Lander —

L’enclos de l’éléphant d’Etienne Lepage

Nouvelle heureuse surprise grâce à ETC-Caraïbe et au festival des Petites Formes, il ne s’agit plus comme avec Françoise Dô (voir notre billet précédent) de l’éclosion d’un talent que nous avions vu bourgeonnant mais de la découverte d’un auteur québécois confirmé à travers sa pièce L’enclos de l’éléphant mise en lecture sous la direction de Lucette Salibur au milieu des spectateurs installés en cercle sur le plateau de la grande salle de l’Atrium. Se trouver ainsi au plus près des deux comédiens-lecteurs rendait encore plus intense cette plongée dans un univers d’une violence extrême quoique purement morale. Impossible de ne pas penser à Big Shoot de Koffi Kwahulé quand on entend cette pièce. C’est le même délire d’un pervers aux propos décousus et aux intentions obscures. On pense également à Congre et Homard de Gaëlle Octavia. Rapprochement d’autant plus inévitable dans ce cas que le même comédien, Dominik Bernard, qui est chargé du rôle de Paul, l’inquiétant personnage de Lepage, interprétait le mari qui joue au chat et à la souris avec l’amant de sa femme dans Congre et Homard.

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« A Parté » de Françoise Dô : une découverte

— Par Selim Lander —

Quoi de plus gratifiant pour un amateur de théâtre que de découvrir un nouvel auteur, entendons-nous bien, un « vrai », avec une voix, des personnages complexes, une construction subtile qui les révèle progressivement jusqu’à nous faire changer complètement d’opinion à leur égard, la victime devenant bourreau ou vice versa. Exactement ce que François Dô nous a offert lors d’une soirée mémorable à l’Atrium qui aura vu se succéder deux conceptions antipodiques du théâtre. De quoi dérouter les amateurs du premier, celui de Françoise Dô en l’occurrence, confrontés à la deuxième pièce (Résurgence de Jocelyn Régina), comme le furent sans doute les spectateurs enthousiastes de Résurgence contraints « d’avaler » A Parté en prologue.

Tenons-nous en à la première pièce de la soirée, qui est en fait la seconde écrite entièrement par Françoise Dô (sans compter son adaptation de Reine Pokou). Alors qu’Aliénation(s) (2017) sentait encore l’auteur débutant, tellement rempli de lui-même qu’il ne peut guère parler d’autre chose, son second essai est un coup de maître. Rien de tel, en effet, avec A Parté écrite l’année suivante.

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Stéphanie St-Clair, reine (de la pègre) de Harlem

— Par Selim Lander —

Adaptée du roman de Raphaël Confiant par Isabelle Kancel et mise en scène par Nicole Dogué cette histoire inspirée d’un personnage réel est la première pièce du festival des Petites Formes représentée dans la salle Fanon de l’Atrium, lieu plus adapté au théâtre que les tréteaux du Chapiteau (même si l’existence de ce dernier, par les diffusions qu’il permet loin de la « ville-capitale », est évidemment un plus pour le théâtre en Martinique).

C’est une vieille femme qui se raconte. D’origine martiniquaise et de très humble extraction, elle s’échappe des Antilles tout comme de son emploi de bonne à tout faire d’abord vers Marseille puis vers New York. Noire et sans argent, elle échoue dans le coin le plus misérable de Harlem. D’où il lui faudra s’extraire et franchir de nombreuses étapes, déjouer nombre d’embuches avant de devenir la « reine » d’un réseau de loterie clandestine qui lui apportera, sinon la fortune, une honnête aisance. Au début de la pièce elle est donc cette vielle femme assise près d’une table basse sur laquelle est posée une tasse et une théière, avec un tiroir qui contient une boite pleine de photos.

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Race(s) de François Bourcier : salutaire !

— Par Selim Lander —

Paradoxe. Alors que les savants nous expliquent par A + B que les races – blanc, noir, jaune, rouge – n’existent pas, qu’il n’y a qu’une espèce humaine, voici que, dans notre France, pays des Lumières, s’éveille un communautarisme plutôt nauséabond. Au nom de la défense des minorités qui seraient insuffisamment reconnues – et sans doute ne le sont-elles pas autant qu’il conviendrait : qui a dit que nous sommes dans un monde idéal ? – un mouvement prend de l’ampleur qui veut faire entendre la voix des individus « racisés » (sic) ou « racialisés » (re-sic). Ainsi apprend-on qu’une guerre s’est déclenchée au sein des départements de sciences humaines de nos universités entre les universalistes qui s’en tiennent aux déclarations universelles des droits de l’homme et ne veulent reconnaître aucune différence « raciale » et les décoloniaux (re-re-sic) qui tirent argument du passé colonial de notre pays pour sommer les institutions de « réparer », c’est-à-dire de céder à toutes leurs revendications. Foin de la laïcité qui ne serait, selon certains, qu’une figure de l’islamophobie.

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« Dernier Rivage » de l’enfant soldat

— Par Selim Lander —

Ouverture du festival des Petites Formes avec cette pièce d’un auteur renommé, Daniel Keene, interprétée par une comédienne aguerrie, la guadeloupo-sénégalaise Nathalie Vairac et mise en scène par Hassane Kassi Kouyaté. On ne regrettera pas sa soirée malgré les réticences qu’on pouvait avoir au départ et qui ne se sont pas totalement dissipées au cours du spectacle. Car l’auteur, australien, relève a priori d’un univers bien éloigné de celui des enfants soldats africains. Nous avons essayé de savoir quels étaient ses rapports éventuels avec l’Afrique, sans obtenir de réponse. Si ces pièces ont été jouées un peu partout dans le monde, il n’est pas clair qu’il ait eu un contact direct avec le « Continent », a fortiori avec des enfants soldats. Or ce thème a déjà été traité, avec quel brio !, par la franco-camerounaise Léonora Miano (Les Aubes écarlates) et avec quelle sincérité par Serge Amisi, né en 1986, qui a publié un extraordinaire témoignage[i] de sa vie d’enfant soldat entre 1997 et 2001, d’abord dans les troupes rwandaises du rebelle Kabila, puis, après la victoire de ce dernier contre Mobutu, dans l’armée régulière de la RDC, soit pendant les deux guerres dites du Congo (1996-1997 et 1998-2002).

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Délices d’Asie : « La Saveur des ramen »

— Par Selim Lander —

On parle de la gastronomie à la française qui serait même un patrimoine de l’humanité. Force est de reconnaître que – quoi que nous en pensions – notre cuisine tient bien moins de place dans notre imaginaire que chez les Asiatiques, particulièrement les Japonais qui lui consacrent romans (e.g. Le Restaurant de l’amour retrouvé d’Ito Ogawa), mangas (e.g. Le Gourmet solitaire de Jiro Taniguchi et Masayuki Kusumi) et films (e.g. Les Délices de Tokyo de Naomi Kawase). Voici maintenant La Saveur des ramen du Singapourien Eric Khoo. Il faut peut-être préciser ici que les Asiatiques en général ont une tradition de la « gargote » (« petit cabaret où l’on donne à manger à bas prix » suivant mon Littré) bien plus développée que chez nous qui sommes encore marqués par la tradition de la « gamelle » pour les ouvriers, ou du déjeuner à la maison pour les petits bourgeois. Rien de tel en Asie où il est habituel de prendre son repas de midi (voire du soir pour les célibataires) dans la rue ou dans un modeste restaurant.

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