« Le Souper » : Brisville/Mesguich père et fils

– Par Selim Lander –

Cet été en Avignon, les Mesguich étaient ensemble ou séparément dans quatre pièces différentes. Des journées bien occupées, donc, ce qui ne les empêchait nullement de briller tant est présent en eux le métier de comédien. Dans L’Entretien de M. Descartes avec M. Pascal le Jeune du même Jean-Claude Brisville, ils s’y montraient étincelants (1). Ils y jouaient également Le Souper mais c’est à la Martinique où ils sont en tournée que nous avons pu y assister.

Plus connue que « Descartes et Pascal », en particulier parce qu’il a été porté au cinéma par Edouard Molinaro avec Claude Rich et Claude Brasseul, Le Souper paraît pourtant un cran en-dessous. Sans doute parce que la confrontation de Talleyrand et Fouché, deux cyniques qui ne cherchent, sous couvert de sauver la France, qu’à se cramponner au pouvoir, ne peut pas avoir la même intensité dramatique que l’affrontement de deux grands penseurs défendant des philosophies de la vie opposées. La formule la plus fameuse du Souper est sans doute celle-ci : « on fait de la politique pour avoir le pouvoir et quand on a le pouvoir on s’amuse à faire de la politique ». La pièce peut avoir des bons mots comme ceux-ci – elle n’en manque pas – le débat ne vole jamais bien haut.

La scène, quoi qu’il en soit, se déroule en l’hôtel particulier de Talleyrand un soir de 1815 dans Paris occupé par les ennemis de Napoléon. Il s’agit de donner un gouvernement à la France : Fouché, alors chef d’un gouvernement provisoire, tient pour la république tandis que Talleyrand défend la monarchie des Bourbons et le retour de Louis XVIII.

Les Mesguich sont en Martinique pour trois représentations. Lors de la première, le 12 janvier, ils ont paru, au début, un peu à la peine, une illusion, bien sûr, et qui s’est rapidement dissipée le métier aidant, même si est demeurée l’impression que la pièce traînait quelque peu en longueur. Question de mise en scène aussi, sans doute. Quoi qu’il en soit, le public a dû le sentir car s’il s’est montré constamment réceptif on l’a peu entendu réagir aux nombreuses saillies du texte.

À défaut de décor, on a admiré la richesse des accessoires et des costumes qui contribuaient à rendre la situation aussi réaliste que possible. Daniel Mesguich joue Talleyrand en habit d’apparat du dix-huitième siècle. Son personnage étant atteint de la goutte, il ne se déplace qu’assez peu, en boitillant, tandis que William Mesguich, vêtu d’une redingote austère quoique luxueuse, bouge plus volontiers. Il mange par ailleurs de bon appétit les plats servis par son hôte (point ici de valets comme dans la distribution initiale de la pièce) et boit tout aussi goulûment le vin et le cognac, ce qui lui vaudra une remarque désobligeante. Une parmi d’autres car les deux protagonistes se connaissent suffisamment pour savoir appuyer là où ça fait mal.

Le Souper de Jean-Claude Brisville, Théâtre municipal de Fort-de-France, du 12 au 14 janvier 2023.

(1) https://www.madinin-art.net/avignon-2022-8-descartes-pascal-telephone-moi-off/