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Centres culturels de Rencontre : l’exemple d’Arc et Senans (Doubs)

De l’audace, toujours de l’audace et encore de l’audace !

— Par Dominique Daeschler —

Costume bleu nuit adouci par une chemise liberty, léger flou dans les cheveux : Hubert Tassy, directeur général de la Saline Royale d’Arc et Senans, Centre Culturel de Rencontre, impose de suite , accent méridional à l’appui, l’image d’une élégance discrète et d’une courtoisie attentive, en harmonie avec un site conjuguant sobriété du bâti et ressources mises au service de l’innovation.

Du visionnaire Claude Nicolas Ledoux inventant une ville ( 1793) autour d’une manufacture de sel, Hubert Tassy a gardé la volonté de créer un système économique où jouent des complémentarités et la nécessité de ne pas vivre sur des acquis.

De nouveaux outils au service des visiteurs

Si l’histoire du lieu se décline entre expositions permanentes et musée, elle s’enrichit, en lien avec l’appartenance de la Saline au Patrimoine Mondial de l’Unesco d’un Centre des Lumières, pleinement ouvert aux arts numériques. Ce dernier permet de comprendre l’invention du Patrimoine Mondial architectural, naturel, culturel dans ses dimensions matérielles et immatérielles, grâce à la diffusion de films de façon immersive dans le bâtiment de la Berne Ouest.

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L’entrée singulière en écriture de Mahmud Nasimi, exilé Afghan.

— Par Dominique Daeschler —

A travers deux livres « un Afghan à Paris » et « Chant de la mélancolie », Mahmud Nasimi évoque le long périple qu’il a accompli avant d’arriver à Paris : Iran, Turquie, Grèce, Serbie, Hongrie, Autriche, Allemagne, Belgique. Parti précipitamment de Kaboul en 2013 car menacé, il prend la route de l’exil et y connaît ces douleurs multiples qui blessent jusqu’à l’intime : peur, soif, faim, duplicité des passeurs, vols et trahisons, prison et chantages…

De son pays, plongé depuis si longtemps dans la guerre il dit «  le nombre de bombes qui ont explosé dans mon pays l’emporte sur celui des étoiles du ciel ou des grains de sable du désert ». Le ton est donné, sans le savoir encore, Mahmud Nasimi entre en poésie et fait bagage d’images, de métaphores liées aux nuances précieuses du dari . Du cheminement chaotique à travers l’Europe, il donne des instants de vie sans s’appesantir sur l’horreur même quand il croise la mort. Il sait attraper à la volée un souvenir qui aide à vivre (la magnifique grand-mère, les baisers de la mère, la bien-aimée, le copain voleur de biscuits, l’oncle intransigeant, les tantes insouciantes, la grande cour inondée de soleil) et se taire par pudeur et dignité.

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« L’exercice du super héros », texte Sébastien Nivault & Martin Grandperret, m.e.s. Emmanuel Vérité

—Dominique Daeschler —

— Avignon 2023 —

Depuis quelques années s’est construit autour du théâtre de l’Oulle un ensemble appelé La Factory qui comprend deux autres salles la chapelle des Antonins et la salle Tomasi, permettant à l’année des résidences d’artistes et un lieu attentif aux compagnies régionales ( répétitions, aide logistique…)

La salle Tomasi accueille, parmi d’autres petite formes, L’exercice du super héros , un spectacle conçu et interprété par Sébastien Nivault( comédien) et Martin Grandperret (danseur). A partir de leur quotidien de travail d’ateliers de pratiques artistiques, ils repèrent, dans un groupe peu littéraire , le rétif, celui qui ne voit pas à quoi cela peut lui servir. Patrick le boxeur, c’est le pragmatique de service qui entrevoit une seule ouverture possible : que ces cours l’aident à draguer ! Appréhension par le geste, la parole, Sébastien et Martin se renvoient la balle, l’un danse quand l’autre parle et vice versa et surtout il joue tour à tour Patrick. Un joyeux punching ball entre les méthodes pédagogiques, leur nécessaire adaptation et leur réception se met en route. Bataille complice des approches psychologiques, analyses pleines d’humour, résistances et découvertes de part et d’autre.

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« Marguerite : le feu », texte et m.e.s. Emilie Monnet.

— Par Dominique Daeschler —

— Avignon 2023 —

Emilie Monnet, artiste multidisciplinaire autochtone travaille au Québec où elle a fondé une plate-forme nomade pour les arts vivants dédiée à la rencontre des artistes des peuples autochtones. Le chant, la danse, la performance sont au cœur de ses créations théâtrales, utilisant des processus collaboratifs et multilinguistiques.

Découvrant la vie de Marguerite Duplessis, née d’une mère autochtone libre et d’un père français et mise en esclavage, elle se penche sur un Canada raciste et colonialiste où les propriétaires pratiquaient la vente et l’achat d’êtres humains . Une mémoire toujours occultée, comme le montre en 2015, le refus du gouvernement conservateur d’ouvrir une enquête sur les femmes autochtones assassinées ou disparues.

Une Marguerite chorale ( 4 comédiennes d’origines différentes) va naître sous la plume d’Emilie, créant un dialogue entre le passé et le présent. Elle renvoie le combat de Marguerite Duplessis qui engage un procès pour faire reconnaître sa liberté et ne pas être déportée en Martinique, à toutes les oppressions faites aux femmes autochtones et afrodescendantes, à la violence des « starlight tours ».

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« A Noiva e o Boa Noite Cinderela ». Texte, conception, m.e.s., dramaturgie Carolina Bianchi

— Par Dominique Daeschler—

— Festival d’Avignon — Carolina Bianchi, metteuse en scène, autrice et interprète travaille à Amsterdam avec le collectif artistique Cara de Cavalo. Elle aime mêler performance, danse, théâtre pour entrer dans un univers syncrétique qui crée volontairement ou non une confusion entre réel et imaginaire, entre passé et présent.

Elle entre seule en scène (première partie) et livre en conférencière de l’histoire de l’art, son interprétation de « la chasse infernale » de Botticelli où une femme est dépecée par des chiens et passe vite aux violences sexuelles. Sont évoqués le meurtre et le viol de l’artiste Pippa Bacca qui, dans une performance itinérante avec une partenaire, avait fait le pari de traverser en stop l’Europe habillées en robes de mariée, symbolisant l’union entre les peuples. Une double interrogation est menée sur la place difficile des femmes dans le milieu artistique et les agressions sexuelles qui vont jusqu’au féminicide. Double négation. Carolina Bianchi refuse d’entrée la compassion, la victimisation, la résilience, la sororité . Aller plus loin c’est se mettre en jeu physiquement en entrant à son tour dans une performance qui réveille la mémoire et appuie sur le traumatisme.

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« Maison close, ( Chez Léonie) », texte, m.e.s. & jeu Agnès Chamak et Odile Huleux

— Par Dominique Daeschler —

— Festival d’Avignon —

Une fois n’est pas coutume et la curiosité piquée par une présentation enjouée m’a conduite à aller voir ce que je ne vois jamais : du théâtre de boulevard. Tout y est : la jeune provinciale sans expérience, l’ultra-lucide, la maîtresse femme qui s’illusionne sur sa possibilité de mariage, la tenancière près de ses sous, le commissaire qui a ses habitudes, le rabatteur aux abois, l’inspecteur tatillon et intègre, le fils de préfet maladroit. Ça tourbillonne, un incessant ballet d’entrées et de sorties avec froufrous et retournements de situation va-il pouvoir pallier l’homicide involontaire du jeune homme de bonne famille ? De la dissimilation au fiasco il n’y a qu’un pas. Pas de scrupules et pas de psychologie : le temps d’entrapercevoir une solidarité féminine , le pragmatisme prend le dessus et la maison brûle effaçant toute preuve. Les répliques claquent, les accessoires jouent leurs partitions et les comédiens, excellents, dans une belle complicité de jeu, s’en donnent à cœur joie dans la caricature.

Théâtre des Brunes.16h40. Jusqu’au 29 juillet, relâche les 10,17 et 24

Auteurs

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« Vivarium », d’après Roamin Gary, m.e.s. & jeu Fred Cacheux

—Par Dominique Daeschler —

— Festival Avignon —Fred Cacheux s’empare de Gros Câlin, un des romans que Romain Gary publia sous le pseudonyme d’Emile Ajar et en fait un petit bijou : finesse de l’adaptation, bonheur du jeu . Le comédien passé par la Comédie Française, longtemps permanent du Théâtre National de Strasbourg, est sur scène ,seul, comme un poisson dans l’eau faisant de la durée du spectacle (1h30) un argument au service de la connaissance de son personnage Monsieur Cousin, sans redondance. Dans son costume étriqué d’employé de bureau effacé, ce dernier fait consciencieusement son travail et rentre en solitaire dans son petit appartement retrouver son …python surnommé Gros Câlin. Ceci intrigue ses collègues de bureau, suscite des problèmes avec les voisins quand Gros Câlin explorant les tuyauteries pointe sa tête dans les toilettes de l’appartement du dessous. Comment Monsieur Cousin amoureux mais ne souhaitant pas se séparer de son python va-t-il sans sortir ? Le texte de Gary reprend des thèmes qui lui sont chers : la solitude, le spleen, l’ambiguïté, la difficulté du regard de l’autre. Ce n’est pas mièvre mais enveloppé d’humour comme une politesse extrême.

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EXIT ABOVE, after the tempest, d’Anne Teresa De Keersmaeker, Jean-Marie Aerts, Meskerem Mees, Carlos Garbin.

— Par Dominique Daeschler —

Dans cette nouvelle création, la chorégraphe Anne Teresa de Keersmaeker associe d’emblée à la construction du spectacle Jean Marie Aerts architecte sonore du groupe fondé par Arno, Meskerem Mees autrice-compositrice-interprète- qui est proche du songwriting et danse aussi sur scène en compagnie du danseur guitariste Carlos Garbin. Plus que jamais, le rapport à la musique qui s’est développé au fil du temps dans ses chorégraphies, est présent : rapport à la pop, à la chanson, au blues, références à la dance et aux beats, amplification des instruments…Les chemins musique et danse sont d’abord tracés de façon parallèle avant une mise en commun qui dessine le corps du spectacle et son âme

Le point de départ est un hommage au bluesman Robert Johnson mâtiné d’une référence à la Tempête de Shakespeare, cœur de cyclone qui déchire l’espace (une grande toile en fond de plateau) et interroge l’humanité dans son devenir. L’univers, qui colle à merveille au grand plateau de la Fabrica, est celui d’un gymnase ( souvent lieu de refuge en cas de catastrophe naturelle), au sol des diagonales, des lignes droites, des courbes de couleurs différentes qui sont dédiées aux parcours singuliers des douze danseurs.

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« La joie ! », texte et m.e.s. Louise Wailly & « J’aime », texte Nane Beauregard m.e.s et jeu Laure Werckmann

— Par Dominique Daeschler—

FESTIVAL D’AVIGNON OFF.

Sur une échelle un personnage dans une carapace d’insecte (clin d’œil à Kafka ?) vite délaissée s’empare de la joie comme d’un problème à résoudre, convoquant tour à tour Spinoza et Montaigne, avec des plumes , en femme. Il y a comme un acharnement à jouer entre pression et dépression, à toute allure. Avec un sens certain du verbe, le comédien très jeune homme de bonne famille gentiment déluré essaie de nous faire adhérer au parti de la joie, en décidant comme lui d’y croire même s’il pencherait plutôt du côté des sceptiques tristounets. Quentin Barbosa se démène sur scène comme un beau diable, tourne en cage, envisage divers plans, invente la carte avec un seul œil pour voir la vie. Ce temps morose et violent de guerre et de pandémie ne pourrait-il pas être bouleversé par un changement radical et collectif qui appellerait le « care » à la rescousse. Le texte est intelligent même si ses nombreuses pirouettes ne facilite pas la tâche d’un comédien doué qu’on a plaisir à suivre sur le plateau.

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« Les femmes de la maison ». Écriture, m.e.s. Pauline Sales.

— Par Dominique Daeschler —

FESTIVAL D’AVIGNON0FF

Pauline Sales empoigne le féminisme, son aura et « ses mauvaises fréquentations ». Un état des lieux en trois étapes : époques différentes, personnages différents dans un seul lieu, dans une même situation.

Un cinéaste documentariste ( spécialisé dans le tournage de « révolutions ») rachète à sa femme la maison dont il lui avait fait cadeau pour servir de lieu de résidence et de création à des artistes femmes. Il s’autorise régulièrement de petites incursions qui ne manquent pas de le remettre en question. Au fil des ans, la résidence d’artistes vire à une communauté de femmes qui passera d’un mode baba ( Ah! les coussins roses échancrés en leur milieu d’une grande fente rouge !) à un mode plus people avant d’entrer dans l’espace de la sororité, d’évoquer l’homosexualité, d’interroger le genre et les assignations et appellations contrôlées homme- femme, le racialisme…et l’écriture, les écritures. Pauline Sales a le verbe haut, malicieux, secoué de rires : celui qui se retourne comme un gant et fait théâtre avec un sens aigu de la dramaturgie et de la politique.

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« Welfare », m.e.s. Julie Deliquet.

— Par Dominique Daeschler –

Festival d’Avignon.IN.

Julie Deliquet, directrice du TGP, avec une expérience certaine d’adaptation de scénarios, s’attaque à l’adaptation théâtrale du film de Frederick Wiseman, Welfare, qui décrit la vie d’un centre social de New York dans les années 70, en dressant le portrait des usagers et des travailleurs sociaux. Dans une sorte de gymnase réaménagé en urgence vont être livrées aux exigences terre à terre de l’administration – le fameux « remplir les papiers « pour avoir droit à postuler à une aide, des demandes d’urgence qui implique un regard humain sur la situation et un soutien loin de toute rigidité administrative. Réunis par la douleur de vivre au quotidien, défileront, le blessé du Vietnam, la petite vieille un peu juste du caboulot, la femme délaissée avec ses gosses , la grande gueule, le cacou, celui qui n’a jamais travaillé, la femme mytho, l’apatride, le sans abri …. Autant d’abîmés par la vie qui connaissent l’usure, la faim et se heurtent à l’absurdité de règles auxquelles ils ne peuvent répondre, faute le plus souvent de critères concordants.

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Festival d’Avignon : Vitesse de croisière pour le TOMA : 25 ans déjà !

— Par Dominique Daeschler —

C’est le coup de feu. Le camion du matériel part cette semaine, les stagiaires radio s’accrochent à leurs téléphones pour capter souvenirs et anecdotes. Ça roule. Alors pour fêter ce théâtre installé dans la chapelle du Verbe Incarné et dire au public combien on l’attend, combien la parole théâtrale porte aussi la singularité des cultures ultramarines, on frappe un grand coup. Pas de commémoration surannée ni de nostalgie mais une naissance : le pass 25 qui offre toute la programmation aux jeunes ( jusqu’à 25ans ) pour 25 euros. Avanti !

L’évolution vers un lieu-ressource, alliant création, diffusion, formation est en train de devenir réalité : c’était la mission qui lui avait été impartie dans la longue convention signée avec la Drac Martinique en 2004. Une lecture un peu précise du dossier de presse, avec les éclairages de Marie Pierre Bousquet codirectrice, met en exergue une valorisation des femmes qu’elles soient interprètes, autrices, metteuses en scène.

Citons Arielle Bloesch(Mange-moi) qui travaille depuis longtemps comme metteuse en scène et dramaturge avec les compagnies martiniquaises. Véronique Kanor (je ne suis pas d’ici, je suis ici), autrice, vidéaste, performeuse, présente au Toma pour la troisième année consécutive, revient cette année avec un spectacle abouti ,amorcé en lecture l’an dernier.

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« Angels in America », m.e.s. Arnaud Desplechin à la Comédie française

—Par Dominique Daeschler —

La reprise d’Angels in America de l’américain Tony Kushner, réaffirme avec vigueur, la pertinence d’un questionnement sur une Amérique puritaine, obsédée par le mal sa punition divine. C’était hier avec l’explosion du sida et le haro sur les homosexuels C’est aujourd’hui avec l’avortement.

Le texte, s’il n’est plus un texte d’intervention fait toujours écho. Arnaud Desplechin, en cinéaste, découpe en plans, en séquences, s’amuse de jouer du décalage de la parole théâtrale, nous revoyant à nos références shakespeariennes, brechtiennes pour mêler poétique et politique en astucieux travellings. Devant l’Amérique ébahie, des homosexuels se découvrent, s’aiment, se quittent, se renient ou affirment la réalité d’une forme d’amour là même où le sida l’attaque. De Louis à Prior, De Belize à Roy Cohn et Joe, s’échangent des paroles secouées comme dans ces roues de la chance qui cherchent la combinaison gagnante.

File le temps de Reagan à Trump, de Tchernobyl à la fin de l’URSS. Les éléments d’une Amérique melting-pot se trouvent rassemblés par un dénominateur qui s’appelle homosexualité et un révélateur qui s’appelle sida qui sera sauvé, qui sera puni ?

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A L’0déon, un Othello radical et déjanté , m.e.s. Jean-François Sivadier

— Par Dominique Daeschler —

Entre châssis suspendus et voiles de plastique, Sivadier mène un train d’enfer à ses comédiens, maniant avec brio une introduction du burlesque au sein du tragique. Passé le prologue où Othello ( Adama Diop) apprend quelques mots de wolof à Desdémone (Emilie Lehuraux), la douceur va laisser place à l’intrigue, a dépendance , le tourment. A son accoutumée , Sivadier a bousculé la traduction de Déprats avec des interjections, des poncifs misogynes qui entrent dans le bonheur de jeu d’un Iago sans limites( Nicolas Bouchaud).
Iago a barre sur Othello dit « le Maure », valeureux général de la république vénitienne, jalousé pour ses actes de bravoure et son mariage avec la belle Desdémone. Eternelle histoire du transfuge de classe, d’un racisme ordinaire ( qui ne semble pas atteindre Othello) et d’une quête identitaire On chantonne Jealous guy de Lennon, on se saoule sur un tube de Queen…Iago ( blanc) et Emilie( noire ), Othello( noir) et Desdémone( blanche) sont des couples en miroir. Le drame va naître de petits riens ( mensonge de Desdémone, complicité d’Emilia à propos d’un mouchoir) et engendrer, avec l’habileté de Iago, la mise en route du doute, de la manipulation, de la jalousie.

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Au Centre Pompidou… dans les petites salles d’exposition…

— Par Dominique Daeschler —

Guiseppe Penone

Peu connus, les dessins de Penone font l’objet d’un travail sériel, accroché de façon thématique, lié à son œuvre sculpté.

Sont utilisés mine graphite, aquarelle, pigments ,encre mais de façon plus étonnante, le papier adhésif( les feuilles de la peau), le frottage de lames de parquet, les empreintes digitales. De nombreux dessins d’éléments végétaux définissent mouvement, formes, contours. Le tracé reproduit en trois dimensions sur un modèle servira le plus souvent pour la sculpture en deux temps : argile puis moulage de bronze.

Six sculptures utilisant le bois, la terre, la pierre, la feuille, le bronze témoignent de l’aboutissement du travail des dessins. La représentation du souffle chère à Penone s’exprime particulièrement par la jarre empreinte du corps de l’artiste, la bouche de bronze greffée sur une branche, le lit de feuilles a la forme du corps de Penone. Un travail d’écriture soit directement lisible, soit indépendant accompagne toujours le geste de création.

Jusqu’au 6 mars 2023

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Zadkine, une vie d’ateliers

— Par Dominique Daeschler —

Niché au fond d’une impasse de la rue d’Assas, le musée Zadkine est installé dans la maison atelier du sculpteur. La femme oiseau, sculpture monumentale du jardinet célèbre le quarantième anniversaire de ce musée voulu par le peintre Véronique Prax son épouse. L’exposition d’une centaine d’œuvres réparties entre les deux ateliers est accompagnée de dessins, de peintures et surtout de photos des grands photographes Morain, Vaux, Kertész, Maywald, précieux témoignages de la vie artistique d’un Montparnasse aux multiples ateliers.

Arrivé à Paris en 1910, Zadkine et un des pensionnaires de la Ruche, célèbre cité d’artistes. Plus tard, il enseignera à la Grande Chaumière créant une école d’art rue Notre Dame des champs d’atelier en atelier il ne quittera plus Montparnasse, s’installant en 1928 rue d’Assas avec quelques escapades dans sa maison du Lot ( hors période newyorkaise).

A découvrir ses nus aux longs bustes quasi hermaphrodites, ses têtes tourmentées de colère qui l’emportent sur des œuvres très composées. A New York, Venise, il côtoie Fernand Léger ,Chagall, Lipchitz. C’est dans l’atelier du jardin que l’on se sent plus proche de l’œuvre en train de se faire, les de l’artisan menuisier ( sa première formation),le modelage, le tournage étant mis à nu.

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Rétrospective Germaine Richier

— Par Dominique Daeschler —

Le centre Pompidou consacre une grande exposition rétrospective à la sculptrice Germaine Richier.

Chez son élève baptisée «  rossignol » car elle chantait en travaillant, Bourdelle remarque un talent singulier qui la fera entrer très vite dans la cour des grands.

Contemporaine d’un Giacometti ( certaines sculptures sont très proches )mais loin du surréalisme, Richier est fidèle au modèle, à la technique de la triangulation. Sensible à l’omniprésence de la nature qui lui permet d’inventer, de transformer à partir d’une vérité organique, elle y trouve ses marques.

Aux nus et aux bustes ( souvent en terre) succèderont des corps déformés, écorchés, déchirés, s’organisant autour du vide( période de l’exil en suisse pendant la guerre). Enfin la nature doit aider l’homme à se régénérer. Il y a fusion, hybridation avec des insectes( mante, sauterelle, chauve-souris : on pense parfois au travail de Louise Bourgeois).Les sculptures incluent parfois différentes matières : briques, branches d’arbres…). ainsi s’installe un sentiment panthéiste d’un monde peuplé de créatures hybrides : ogre, ouragane, cheval à six têtes ; de fusions : le célèbre christ d’Assy dont le corps fusionne avec la croix.

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« La Gioia », m.e.s. Pippo Delbono : une ode baroque à « Bobo »

— Par Dominique Daeschler —
Le metteur en scène italien Pippo Delbono, habitué du Festival d’Avignon, nous offre avec Gioia un spectacle conçu comme un hommage à Bobo, ce petit homme sourd et muet, aux exceptionnels dons théâtraux, avec il eut un long compagnonnage. Bobo, sauvé de l’hôpital psychiatrique par Delbono fut aussi, paradoxalement son rédempteur et le catalyseur de son inspiration.

C’est sans doute le spectacle le plus italien de Delbono : on y retrouve le Fellini de Huit et demi, les vibratos de l’opéra et côté parcours vers la spiritualité et la transcendance un lien avec les Fioretti de François d’Assise et la Divine Comédie de Dante.

Dans une cage Pippo Delbono danse : quand il sort pour raconter l’histoire, les fleurs ne cesseront de pousser jusqu’à envahir le plateau. Pippo s’installe sur le rebord de scène et égrène d’une voix monocorde ce temps vécu avec Bobo. Ses compagnons, pour la plupart des fracassés de la vie, entrent, sortent dans des séquences sans queue ni tête? Ils chantent, dansent le tango, performent avec des costumes extravagants aux couleurs vibrantes.

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Le Off : réflexion et restructuration en marche avec AF&C et FTIAA

— Propos recueillis par Dominique Daeschler auprès d’Harold David et Sylvain Cano-Clémente—

Le Off reprend souffle cette année, après le covid et des turbulences internes, l’heure est au changement. Les réflexions menées tout au long de l’année au sein de commissions largement ouvertes ont conduit AF&C qui assure la coordination générale du festival Off et la Fédération des théâtres indépendants d’Avignon FTIAA à se rapprocher. Au-delà des premiers effets constatés par le spectateur : supports de communication jouant bien leur rôle de facilitateurs dans l’organisation de son parcours théâtral, village du off plus central très fréquenté, équipes d’accueil efficaces, l’état d’esprit général concernant l’organisation a changé. Assumant un rôle différent mais complémentaire, AF&C et FTIAA ont misé sur des présidences collégiales. Harold David, co-président d’AF&C et Sylvain Cano-Clémente co-président de FTIAA ont évoqué avec nous les nouvelles orientations du festival.

Avant de laisser Harold nous exposer méthodiquement le projet conduit par AF&C, Sylvain qui doit vaquer à ses occupations de directeur du théâtre du rempart, avec une fougue toute méditerranéenne, nous balance d’un trait les 1570 spectacles créés cette année avec les 33000 levers de rideau, la nécessité de l’intervention financière de l’État tant en ce qui concerne les moyens et la légitimation à sa juste valeur du 0ff que le projet porté par AF&C et auquel la FTIAA s’associe pleinement, présenté à la ministre de la culture pour la filière du spectacle vivant.

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Avignon 2022 : « La Tempesta », « Futur Proche »

Par Dominique Daeschler —

La Tempesta. Shakespeare, m.e.s. Antonio Serra. Opéra théâtre.

Futur Proche. Chorégraphie Jan Martens. Cour d’honneur Palais des Papes.

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La Tempesta. Shakespeare, m e s Antonio Serra. Opéra théâtre.

Féru des travaux de Grotowski et Brook, Antonio Serra en a gardé la certitude que le théâtre c’est d’abord l’acteur, que c’est lui qui fait sens. Le décor sera minimaliste, se transformant comme un couteau suisse dont on retient d’abord l’efficacité, traçant une aire de jeu où vont se débattre des corps-énergie. L’île où Prospero s’est retiré est un monde oscillant entre sa magie et son bon vouloir. Des pouvoirs qui s’exercent sur les plus faibles (Caliban, Ariel esclaves) à défaut de pouvoir se venger des plus puissants. C’est compter sans la finesse psychologique d’ Ariel et une judicieuse tempête. Voilà le roi de Naples et sa suite à la merci de Prospero ! Se succéderont de joyeuses ripailles, un mariage de Miranda la fille de ce dernier , les pulsions meurtrières de Caliban, l’immersion dans un cérémonial proche de la transe … Lavie de la même essence que nos rêves se joue de ses excès et de ses incessants allers-retours sous l’impulsion discrète d’Ariel.

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Avignon 2022 : « Pourquoi les lions sont-ils si tristes ? »,  » Bananas »

— Par Dominique Daeschler —

Pourquoi les lions sont-ils si tristes ? Leila Anis, Karim Hammiche, m.e.s. K.Hammiche. Le 11.
Bananas. Julie Timmerman, texte et m e s. La Factory .

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Pourquoi les lions sont-ils Modifier la date et l’heure si tristes ? Leila Anis, Karim Hammiche, m.e.s. K.Hammiche. Le 11.

La pièce écrite sur les mutations de la société du travail suit un processus désormais courant. Tout d’abord une collecte de témoignages (avec vidéo) dans différents milieux professionnels et statuts (santé, agriculture, industrie, cadre, ouvrier, retraité … ) suivie d’ une recherche documentaire, d’une première écriture modifiée au plateau constituent les étapes du travail. L’inter- vention de l’acteur sur le texte au plateau est désormais courante et change le rôle de ce dernier dans le processus de création. La plongée dans le réel, dans la connaissance de la vie des autres ( cheminement personnel, territoire) est l’axe de création choisi par la compagnie de l’œil brun : nous n’allons pas rêver, nous allons constater, nous faire une opinion pour mieux comprendre les hommes et la société dans laquelle nous sommes.

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Avignon 2022 : « L’Art de perdre », « Ghazal »

— Par Dominique Daeschler —

L’Art de perdre. Alice Zeniter, m.e.s. Sabrina Kouroughli. Le 11.

Ghazal. Collectif, m.e.s. Tiffany Duprés. La Factory.

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L’Art de perdre. Alice Zeniter, m.e.s. Sabrina Kouroughli. Le 11.

Sabrina Kouroughli adapte « l’art de perdre »  d’Alice Zeniter dans une sororité : toutes deux nées en France, passées par « l’école de la république » ont de la terre algérienne de leurs ascendants, une histoire trouée. Ici deux grand’mères analphabètes, là un grand père harki, des déracinements où la culture est piétinée, les souvenirs enfouis. Seul le silence permet de garder le respect de soi-même, ultime armure d’une identité fêlée par la honte sociale.

Nous entrons dans une enquête mémorielle où tout est raconté à partir de la famille et y retourne avec des confidences, des souvenirs, des fantasmes et des rêves. Naïma, jeune galériste navigue dans un milieu intellectuel pseudo mondain sans état d’âme particulier jusqu’aux interrogations violentes que suscitent les attentats de Paris. Un burn out, une invitation à se rendre en Algérie pour préparer une exposition seront des prises de conscience qui l’engageront, sautant la génération de son père, à engager le dialogue avec cette grand-mère ( formidable Fatima Aibout) arrachée à ses champs d’olivier, parquée pendant des années dans un camp pour atterrir dans un HLM de Normandie, sauvée quelque part par les exigences du quotidien.

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Avignon 2022 : « La galerie. Machine de cirque », « Ici la nuit »

— Par Dominique Daeschler —

La galerie. Machine de cirque. La Scala Provence
Ici la nuit. Jon Fosse, m.e.s. Frédéric Garbe. Théâtre Transversal.

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La galerie. Machine de cirque. La Scala Provence.

Nouveau lieu à Avignon, la Scala Provence a repris les salles d’un ancien cinéma : plus de places et de grands plateaux , ce qui est rare en off. Le luxe ! Comme à la Scala Paris, la programmation est axée sur des spectacles mêlant le cirque, la performance, la danse faisant souvent appel à des références plastiques.

Machine de cirque, compagnie québécoise composée de sept acrobates et d’une musicienne y présente un spectacle déboulonnant les codes d’une galerie d’art branchée terriblement monochrome, adepte d’un dépouillement ascétique. Tabernacle ! Ils foutent le souk, le boxon, le bordel en exécutant des numéros de haut vol, réglés à l’américaine, valorisant la performance en toute décontraction. Le décor bouge autant qu’eux : tout se transforme pour que l’imaginaire reprenne possession de l’espace et de la poésie qu’une musicienne intemporelle distille d’un saxo impertinent. La couleur éclate sur d’immenses toiles, avec un sourire de connivence à Pollock, barbouillant salopettes et cheveux.

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Avignon 2022 : « La diversité est-elle une variable d’ajustement? », « Jogging »

— Par Dominique Daeschler —

La diversité est-elle une variable d’ajustement… Collectif : A Adjina, G Akakpo, M Navajo.
Jogging. Hanane Hajj Ali. Théâtre Benoît XII. In.

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La diversité est-elle une variable d’ajustement… Collectif : A Adjina, G Akakpo, M Navajo. Le 11.

Trois écrivains de théâtre, Amine Adjina, Gustave Akakpo, Metie Navajo se plient à un exercice à la mode : la conférence où le public est pris à partie. C’est tout bénef, pas de décor, un minimum de mobilier qui fait qu’on peut jouer n’importe où sans compter qu’on s’économise car on peut très bien lire son texte quand on passe l’autre à la question ! Chiche ! en route pour la diversité car ces auteurs ont en commun soit d’être nés dans un autre pays que la France, soit d’être liés à d’autres pays par leurs ascendants. La diversité est un fait mais quelle est sa reconnaissance sociale, culturelle, politique ? Les auteurs qui jouent leur propre rôle vont, lors de leurs présentations respectives émettre des doutes, glisser quelques peaux de banane .

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Avignon 2022 : « La mort grandiose des marionnettes », « Double jeu de l’amour et du hasard », « Moi, Kadhafi », « Macbeth »

— Par Dominique Daeschler —

La mort grandiose des marionnettes. Création de Old trout puppet.
Double jeu de l’amour et du hasard. m.e.s. Patrick Ponce.
Moi, Kadhafi. Véronique Kanor, m.e.s. Alain Timar
Macbeth. Shakespeare, m.e.s. Geoffrey Lopez

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La mort grandiose des marionnettes. Création de Old trout puppet. Girasole.

Trois filles en frac manipulent des marionnettes à tige dans et devant un castelet, démystifiant l’histoire de la marionnette et la tentation d’une réception ébahie. La mort, la disparition, la dévoration, le rejet sont au rendez vous dans toutes les scénettes qui développent un humour sarcastique. Le travail est raffiné, inventif . Défilent à toute allure le chanteur d’opéra qui se fait régulièrement casser la gueule, l’animateur exsangue et mortifère, le grand cordon des intestins-tuyaux d’arrosage de l’homme mort devant le castelet. Tout est passage à l’acte, désinhibition, volte-face avec parfois, le temps de reprendre souffle une accalmie poétique (l’homme feuille). C’est avec férocité que les trois marionnettistes canadiennes enterrent leurs créatures nous renvoyant à un parterre de figurants dans le castelet, histoire d’enfoncer férocement le clou. C’est détonant : un seul regret on voit parfois les mains.

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