Étiquette : Dominique Daeschler

« Nous sommes tous martiniquais »

Avant les trois coups rencontre avec des élèves du collège Édouard Glissant.

— Par Dominique Daeschler —

C’est un mercredi après midi et les élèves de quatrième sont tous autour de de leur prof d’anglais Rosette Lima pour répéter une comédie musicale « Nous sommes tous martiniquais » qui sera présentée le 12 juin au Grand Carbet de Fort de France.
Qu’on se souvienne : depuis dix ans le collège Glissant utilise en classes une méthode d’ «adéquation par l’image» issue d’une mallette pédagogique conçue par DK qui, s’il n’est pas du sérail de l’Éducation Nationale, a une grande expérience des relations humaines . L’image, la dynamique de groupe avec échanges, soutien, auto -évaluation, la prise de parole sont autant d’éléments qui projettent les élèves dans une meilleure connaissance de soi, en créant du partage et de la confiance. Au rendez -vous : une réussite scolaire sans précédent et une appréhension du vivre ensemble qui chasse la violence.
C’est bien cette appréhension du vivre ensemble qui est valorisée dans Nous sommes tous martiniquais qui fait suite à Stop Violence, Dérive ludique, Moi fils de la mer et la vidéo Say No.

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Salon du livre 2019 : déambulations et rencontre avec JB Desnel éditeur

— Par Dominique Daeschler —

Porte de Versailles, un salon polissé et bien rôdé, aux visages multiples, ouvert au-delà des grosses maisons d’édition et des libraires aux cultures du monde (Bratislava en vedette ainsi que le sultanat d’Oman). Focus important sur l’Europe : actualité oblige !

Dix scènes thématiques (Polar, Jeunesse Grande scène, Young adult, Agora, BD, Europe, Sciences, coulisses de l’édition) ont organisé pendant quatre jours, des conférences, des débats, des ateliers, créant une dynamique de réflexion auprès des lecteurs et des professionnels du livre, au-delà des rencontres et des signatures dans les stands.

D’un picorage sélectif autour des tables rondes lors de la journée professionnelle, à l’exemple de celle de l’Institut français au stand du Centre National du Livre, à laquelle a participé la romancière martiniquaise Suzanne Dracius, déléguée par le Parlement des Écrivaines francophones, dans le cadre des États généraux du livre en langue française, on retient quelques données et quelques questions. En 10 ans le nombre de lecteurs a considérablement diminué, 32% de personnes ne lisent pas. Sachant que le salaire médian d’un écrivain est de 800 euros par an (!),

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Qu’ils crèvent les critiques ! de JP Léonardini

— Par Dominique Daeschler —

Lire sur Madinin’Art :  La présentation de « Qu’ils crèvent les critiques! »

Voilà une affaire rondement menée au bénéfice du plaisir de l’écriture « charogne », du plaisir du critique qui affirme son point de vue, prend parti. Honni soit qui mal y pense ! Au boulot les ghost writers ! Léonardini l’affirme dès les premières pages, on ne peut pas écrire sous couvert d’innocence et c’est son appréciation personnelle qui fait le critique car la critique est un genre littéraire. Mazette ! Et de rappeler que pour Baudelaire la critique doit être passionnée, partiale, politique. Mallarmé n’est pas en reste puisqu’il lui attribue des vertus poétiques.
Au galop ! Léonardini nous entraîne dans ses souvenirs de critique et de responsable du service culture au sein de l’Humanité pendant un quart de siècle, journal d’obédience communiste, pionnier dans l’importance accordée à la culture et à la critique. On voyage, on se remémore, on fait le lien : car à travers ce qui est rapporté c’est à une histoire citoyenne du théâtre que nous entraîne l’auteur.

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L’autre Césaire : Suzanne, lumineuse dissidente

— Par Dominique Daeschler —

En fond d’un plateau noir, de dos, trois femmes accoudées à une table de bar, nous offrent, sur un air jazzy mâtiné de lumières tamisées, la vision de postérieurs joliment gainés. Atmosphère ! Atmosphère ! La volteface n’en est que plus saisissante !
En s’avançant sur le devant de la scène avec table et sièges, le temps d’un verre partagé, elles saisissent à bras le corps le verbe de Suzanne Césaire, proche des surréalistes et plume acérée de Tropiques.
C’est dans les écrits de dissidence que Daniel Maximin (auteur d’un livre sur Suzanne Césaire) s’est plongé pour constituer ce qui fait spectacle. Bonne pioche. Hassane Kouyaté, pour servir sa mise en scène les a assemblés à sa guise, prenant comme point de départ la terre insulaire.
L’écriture de Suzanne Césaire est dansante, imagée dans la forme, maniant la formule et l’incise. C’est sans détours ni ménagements qu’elle trace l’histoire de « sa » Martinique, nous faisant entrer, presque par effraction, dans sa terre. Odeur de la canne, chant du pipiri, luxuriance de la végétation : : on est loin d’un exotisme de carte postale.

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Avignon 2018 : « Le voyage de D. Cholb ou penser contre soi-même », de Bernard Bloch (Off)


—Par Dominique Daeschler —
En 2013, Bernard Bloch, (Dranreb Cholb est son anagramme), effectue un voyage en autocar organisé par Témoignage Chrétien en Cisjordanie (qu’il prolongera en Israël). Il est le seul juif athée au milieu d’un groupe de catholique. . De cette expérience essentielle il tirera un livre « Dix jours en terre ceinte » qu’il a souhaité adapter au théâtre.
C’est bien l’envie de comprendre la permanence du conflit, de rencontrer des civils de part et d’autre, de confronter ses souvenirs avec ses liens familiaux, d’aller au centre de aveuglements perpétués de part et d’autre qui le motivent.
Bernard Bloch, assis de dos sur scène, confie le récit du voyage à Patrick le Mauff, reprécise, commente, interroge. Ce dialogue en fraternité pourrait être celui d’Israël et de la Palestine ? Il est donné dans une volonté d’ouverture qui n’exclut pas la subjectivité au sens premier du terme. Une vidée fait défiler paysages et visages. Les échanges vécus sont reconstitués avec des comédiens qui jouent le jeu de points de vue différents, constituant un fil rouge. Cette mise à distance est servie par des comédiens exceptionnels dont on sent la proximité avec Bernard Bloch, comme un engagement.

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Avignon 2018 : Sol (0ff) / Ver (Off) / Mémoire de naissance (0ff)

— Par Dominique Daeschler —

Sol (0ff) /

Accompagné par deux musiciens, Paul Wamo, poète kanak prend la scène comme il prend le verbe, le répétant, l’exultant, le portant aux nues ou en enfer. Il chante, slame, danse, s’offrant une respiration quand il atteint la lune ou le soleil. Il ouvre « le ciel des avions jaunes » lui le « noir qui tape à l’œil » et l’on comprend vite qu’il est sans limites quand il parle de sa terre, de la mort qui arrive comme marée haute. Il associe les mots, joue d’une grammaire des sons où il crée ses propres accords. C’est incisif, tourbillonnant, entêtant comme une vérité que l’on assène car il y a dans la personne et dans la voix une générosité qui appelle à le rejoindre dans son univers poétique grave et fêlé.

Ver (Off)
A la maison de la poésie où l’on retrouve de plaisir de caresser et de feuilleter des livres à portée de main, un choix qui eut étonner : un jeune comédien Julien Barret crée un spectacle « verre en mains » : venez prendre un vers, venez boire un mot, vous allez déguster.

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Avignon 2018 – « Certaines n’avaient jamais vu la mer » & « Pale blue dot » – IN


— Par Dominique Daeschler —

Certaines n’avaient jamais vu la mer
C’est à un sujet tabou, l’histoire des américano-japonais de la seconde moitié du 19esiècle à Pearl Harbor, que sont attaqués Julie Otsuka dans son roman puis Richard Brunel dans l’adaptation.
A une première émigration de travailleurs japonais aux USA succède une période d’établissement avec la mise en lace de ghettos urbains et l’arrivée en masse de femmes venues du Japon épouser des compatriotes inconnus (c’est le point de départ du roman et de la pièce). Sont évoqués la nouvelle génération (enfants nés avec la nationalité américaine) puis à partir de 1942 l’expulsion, l’incarcération, la déportation des américano-japonais.
Le récit qui débute avec l’arrivée des femmes en bateau, donné sur le plateau dans un mode incantatoire par hui femmes et quatre hommes, fait appel au chœur et à la confession individuelle. C’est leur prise de parole qui charpente le point de vue scénique. Des cloisons et des chariots mobiles traversent l’espace à l’unisson d’une mise en scène qui joue du travelling et du gros plan, de la projection du plein écran et du champ contre champ, avec un sol qui se délite comme une terre brûlée.

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Avignon 2018 – « 36 avenue Georges Mandel » – (IN)

— Par Dominique Daeschler —

En hommage à Callas, dans l’espace sacré du cloître des Célestins où les platanes font voûte, Raimund Hoghe prend tous les risques, confrontant son corps menu à l’inamovible des pierres et à la vibrante démesure de la cantatrice. Avec humilité et une extrême concentration, il trace ses chemins, construit son labyrinthe, évoque l’errance et la solitude. Apportant une signification symbolique à tous ces petits tas de vêtements repères et tombes à secrets, il s’arrête, prend le public en pleine face avant d’oser « une fente » de profil. Que reste t ‘il du mouvement dans des postures figées ? Que dit un geste non terminé, arrêté dans son envol ? Les éléments du corps (tête, bras, épaules, jambes), à l’affût du chant, semblent se déplacer en autonomie formant un cosmos qui a ses propres règles. Dans l’épuration, la radicalité de la lenteur voire de l’immobilisme, la communion entre voix et mouvement se fait presque oppressante, rappelant une Callas morte dans l’oubli. De l’icône de la cantatrice, de « l’image » du danseur, il ne reste rien : le travail se fait dans les failles, pour dire que l’Art se construit avec des fragilités, des souffles et des formes éphémères.

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Avignon 2018 : « De Dingen die voorbijgaan: les choses qui passent », d’après Louis Couperus, m.e.s. Ivo Van Hove (In)


Ivo Van Hove, metteur en scène des Damnés (en cour d’honneur il y a deux ans) nous plonge dans une saga familiale, digne de « Dallas » quant à ses turpitudes. A partir d’une adaptation de trois romans de Louis Couperus auteur néerlandais de la fin du 19esiècle.
Quinze comédiens et un musicien vont opérer dans un univers clos qui ressemble à une salle d’attente d’aéroport avec, taguées sur ses murs de verre, des figures grimaçantes. Tout de noir vêtus, en deuil d’eux-mêmes, ils vont jouer diverses partitions en duo, trio, quatuor… avec un minimum d’accessoires et sans autre mobilier scénique qu’une étrange table horloge. Au centre de l’histoire, un meurtre perpétué par un vieux couple d’amants sert de socle au non-dit qui ronge toute une famille qui sait : celui qui a vu, celui qui a répété…Le ver est dans le fruit. Les couples sont disparates, les jeunes jouent les vieux et vice versa. On aborde la pédophilie de l’un, l’hystérie de l’autre, l’homosexualité latente, la gourmandise sexuelle ou son refus, le marchandage. Je vous le dis « un univers impitoyable » où jusqu’ à la mort des très vieux, il y aura révélation de filiation, afin de bien ébranler ces liens familiaux et d’en montrer l’iniquité.

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Avignon 2018 : « Zone » (Off) / « Mama » (In)

« Zone » (Off) d’après Mathias Enard, adaptation & m.e.s. de Marilyn Leray, Marc Tsypkine de Kerblay
Des livres de Mathias Enard Marilyn Leray dit avoir gardé une unique grande phrase qui tout le long du spectacle sera hachée, syncopée, arrêtée dans un crissement de ces vieux trains fatigués qui traversent l’Europe.
Le parcours d’un ancien agent secret qui souhaite livrer contre monnaie sonnante et trébuchante moult secrets d’état, est examiné à la loue, ravivé, éclaté (marche arrière et marche avant !). Quatre comédiens dans un no man land scénique impossible à décrire sinon comme un terrain vague aux astuces de survie que sont la vidéo, le son, l’installation, le verbe. Le théâtre pousse comme une mauvaise herbe au milieu des seaux, des couchages de fortune, des ordinateurs, se fait investigateur pour parler, en rebond, des guerres d’aujourd’hui. Roule le train. Les comédiens manipulent, changent à vue et nous plongent, témoins et acteurs dans notre monde et ses violences. En toute simplicité cet échange en « terrain miné » nous renvoie sans coup férir à nos propres zones d’obscurité et d’incertitude.
Dominique Daeschler

« Mama » texte & m.e.s.

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Avignon 2018 – « Saison sèche » – (IN)

— Par Dominique Daeschler —

Petit coup de massue en introduction : sur scène Phia Ménard, metteuse en scène, assène « je te claque la chatte »et s’en va. Ce n’est as la peine de la traquer sur les questions du genre de de l’indiscipline. Son discours et son œuvre sont telluriques.
Emprisonnés dans une boîte aux hauts murs, au plafond qui remonte ou descend, sept femmes vêtues d’une robe sac informe errent, cherchant la faille qui détruira la maison patriarcale. Le jeu n’est pas égal : d’un côté la force d’un pouvoir ancestral reconnu par la société, de l’autre une volonté de libération qui conduit à la construction politique de revendication de la liberté. De l’individu à la bande, de la bande au groupe, une maturation se fait en place. Le corps, objet politique, est nu, peint, déguisé en homme avec férocité et humour, pastichant sa place et son rôle dans une société aux désirs ajustés à la norme.
A chaque pensée une image forte et une recherche plastique, se jouant des clichés pour filer la métaphore avec les moyens de la danse, de l’acrobatie, de la performance.

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Avignon 2018 – « Le Misanthrope » – « Le comte de Monte-Cristo » – (Off)

Le Misanthrope, Molière,  m.e.s. Claire Guyot (Off)

— Par Dominique Daeschler —

Quelle belle idée que ce Misanthrope à la sauce politique ! traité tambour battant dans le texte de Molière, justement revigoré par ce coup de jeune ! Nous voilà dans les cabinets de ministre avec Alceste en « spin doctor ». Ça gesticule, ça communique, ça conspire ça flatte ! le pouvoir vous dis-je ! Pour qui connaît un peu le monde des éléments langage » du TTS (très très signalé), c’est un régal § Claire Guyot metteur en scène a su diviser son espace scénique de façon à rendre lisibles ses fonctions : q g, salon, bar de luxe. Les éclairages entrent astucieusement dans la construction du décor, apportant une dimension cinématographique à l’espace et en donnant un côté « people » aux acteurs. Pour Alceste, qui veut quitter le monde sans empathie de la politique reste un espoir ; entraîner la belle Célimène loin de cet « entre soi » grêlé de coups tordus. Fi donc ! Molière étant respecté jusqu’au bout Alceste se prend un râteau.
Tonique, insolent, faisant passer la primauté du politique ? le Misanthrope de Claire Guyot gagne nos voix haut la main, bien servi par une équipe de comédiens solides et solidaires dans le jeu.

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Avignon 2018 – « Ton beau capitaine » – (Off)

Texte de Simone Schwartz-Bart / m.e.s. Maud Galet Lalande

— Par Dominique Daeschler —

Wilnor dans sa « cage » en tiges de bois nous longe en voyeur dans la réalité de sa pauvreté, réalité loin de son rêve d’une maison à colonnades. Loin de chez lui, il fait partie de ces immigrés séparés de leur famille qui envoient de quoi vivre chaque mois. Il correspond par cassettes avec marie Ange la bien nommée dont le traitement en mapping vidéo accentue encore la distance la part rêvée.

Le beau texte de Simone Schwarz Bart est célébré avec simplicité, magnifiant les trouvailles de la langue créole qui crie l’absence, la séparation, la reconstitution et nous interroge tous, exilés ou non, sur la construction de l’amour. Une mise en scène épurée joue de ce donné et de ce fabriqué, du dedans, dehors comme d’un espace symbolique. Wilnor est à la fois naïf et petit joueur dans le mensonge. Marie Ange triche aussi jusqu’à la preuve (l’enfant) de l’adultère. Le dialogue se perd, se renoue dans l’impossibilité d’accepter les réalités auxquelles l’un et l’autre sont confrontés. Il y a de l’orgueil, de la colère, de l’humilité, du désarroi, du déni chez ces deux personnages qui d’une certaine façon sont traités en miroir par la mise en scène.

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Un petit tour au Centre Pompidou : rétrospective César, Sheila Hicks, Jim Dine

— Par Dominique Daeschler —

Rétrospective César :

Le grand pouce de 6m de hauteur en bronze poli dressé sur l’esplanade ne manque pas de nous faire penser au signe utilisé dans les combats de gladiateurs : enfin semble dire César, nous y voilà ! A trop jouer les stars, l’institution l’avait snobé !
L’exposition thématique suit l’artiste dans cinq grands modes d’expression qui cohabitent parfois, nous renvoyant à l’importance essentielle que l’artiste accordait aux matériaux et à la conquête de nouvelles techniques. Allant glaner aux puces, chez les brocanteurs ou dans les « casses » où il se laisse fasciner par les compresseurs, César joue des formes, fait matière à partir de rebuts, d’objets de la vie quotidienne, fait sculpture, l’exprimant dans une perpétuelle mutation.
Les fers soudés
lui permettent en utilisant la soudure à l’arc de travailler avec souplesse, de cisailler, écraser en utilisant boulons, clous, vis…. De la ferraille naissent des animaux (poules, chauves souris) et déjà une série de grands panneaux reliefs avec des morceaux froissés (ailes et plaques de voitures) annonce les compressions et son goût de la polychromie.
Les compressions
César se saisit de ces voitures compressées de façon cubique dans les « casses » les considérant comme sculptures à part entière puis les travaille, en formes, matières, couleurs en choisissant certains éléments et le degré de compression.

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Pleins feux sur Kery James : théâtre, rap, portrait.

— Par Dominique Daeschler —

En trois temps, trois mouvements, Kery James décline avec efficacité, avec passion mais sans emphase la devise républicaine Liberté, Egalité, Fraternité, intervertissant l’ordre : pas de liberté sans avoir conquis l’égalité grâce à la fraternité.

Premier round : au théâtre avec A vif

Récemment en reprise au Rond Point à Paris, A vif, la pièce de et avec Kery James (rappeur né en Guadeloupe aux Abymes), créée en début d’année à la scène nationale bipolaire de Lons le Saunier et Dole dans une mise en scène du sénégalais Jean Pierre Baro fortement impliqué sur des sujets d’engagement politique et citoyen ( discriminations, racisme, identité, dérives du pouvoir..) conforte l’option de citoyenneté responsable prise par Kery James.
Dans A VIF, Jean Pierre Baro met en scène deux avocats (Kery James, Yannick Landrein) qui argumentent, en une joute oratoire, sur la responsabilité de l’Etat dans les divisions actuelles en « deux France ». Pour, le blanc, avec un côté bien propret et gentil garçon, contre, le noir, issu des banlieues.
Première intelligence : avoir donné à Kery le rôle valorisant, la responsabilité individuelle citoyenne, la maturation que nécessite la conscience collective et son urgence.

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Renc’Art : des rencontres cinématographiques fondées sur des avant-premières

— Par Dominique Daeschler —

Au nouveau Méliès flambant neuf, se succèdent programmation classique, travail avec les publics (sensibilisation, formation) et, en fleuron, divers festivals dont Renc’ Art qui cumule 12 films en avant –première et des invités prestigieux tels Tonie Marshall, Raoul Peck, Laurent Cantet….Une bonne idée : présenter parfois en « vedette américaine » un court métrage, un documentaire.
On retiendra Le Bleu, blanc, rouge de mes cheveux de la jeune Josza Anjembe. Son héroïne, jeune camerounaise née en France s’oppose à son père pour avoir la nationalité française et l’obtient, au sacrifice de ses cheveux qui ne rentrent pas dans le cadre de la photo officielle. Avec pudeur, dans une économie voulue de langage, la cinéaste privilégie les situations, donnant au sacrifice de la chevelure un poids symbolique exprimant toute la douleur qu’il y a à être d’ici et d’ailleurs exprimant la complexité de l’identité. Un travail fort, une jeune réalisatrice à suivre.
Des réalisatrices à l’honneur
Demain et tous les autres jours de Noémie Lvosky
Mathilde a une enfance particulière. Elle protège sa mère, aux bornes de la folie (sublime scène où cette dernière va s’acheter une robe de mariée qu’elle met pour traverser tout Paris sous la pluie).Fugueuse,

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Habdaphaï : « Prière de ne pas effacer »

— Par Dominique Daeschler —

Exposition de dessins et de livres sculptures

Nourri par une culture syncrétique, Habdaphaï conte sur les murs et des objets singuliers des histoires en séries déclinant la problématique identitaire et ses cheminements. Sautant de flaque en sillon, avec plus d’un tour dans sa besace, il sème pour entrer en résistance, prendre son envol ? s’insérer dans l’espace -temps pour nous inviter au partage.

Les dessins en noir et blanc, à l’encre et au feutre, offrent un tracé précis, à même la peau, avec talent de dentellière. Un personnage, bien campé sur ses jambes, porte comme un fardeau et comme une victoire, au-dessus de sa tête « l’autre » et « l’entre-soi » pour traverser l’histoire bouleversée des hommes. Territoires à conquérir et à apprivoiser : la marche est longue et le chemin est labyrinthe.

Les livres-sculptures rendent noblesse aux éléments voués au rebut. Habdaphaï s’amuse avec le détournement, taille, incruste, creuse, transpose. Naissent des livres écrits d’ailes d’oiseaux, de ramures et d’alphabet perdu.

Avec les dessins d’êtres décidés en leurs errances, ils conduisent au cœur du « dit » de l’artiste : comment sortir du cadre, vivre sans frontières, mettre en mouvement sa vie à la hauteur de nos rêves.

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Ibsen Huis-Toneelgroep-In

— par Dominique Daeschler —
Le metteur en scène Simon Stone, pour la première fois à Avignon nous offre une lecture très fouillée de l’univers d’Ibsen sur lequel il a longuement travaillé avec ses acteurs. Ce n’est pas une adaptation mais une transposition du sujet où se mêlent réflexion autobiographique et apport spécifique des acteurs dans la création des personnages. Nous entrons dans la vie ordinaire d’une famille qui se réunit dans une maison de vacances, réalisée sur scène sur un plateau tournant (très beau travail de scénographie de Lizzie Clachan). Par les larges baies vitrées nous avons accès à toutes les pièces : nous voilà voyeurs-violeurs de l’intime, entrant de plein pied dans la pathologie d’une famille du non dit. « Le temps ne fait rien à l’affaire », les générations se succèdent et on continue à se mentir, à se parler s’en s’entendre : inceste, homosexualité, drogue, rapports professionnels pipés où l’on se pique les projets, brouilles, arnaque immobilière….Le spectateur est mis en situation de travailler avec sa mémoire, il est sans cesse en train de refaire la généalogie car le récit n’est pas linéaire.

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Une ouverture aux comédiens en formation

— Par Dominique Daeschler —

En choisissant d’ouvrir les portes du in à des élèves comédiens (CNSAD) dans deux spectacles : On aura tout,  Claire, Anton et eux, Olivier Py  a eu souci de rappeler qu’être comédien est un métier….

Claire, Anton et eux-Cervantes-CNSAD – In

En fond de scène un portant chargé de costumes, à cour et à jardin des chaises et 14 comédiens qui bataillent avec leurs souvenirs, des pays, des situations, des familles, des rêves. Ils énoncent, partagent, prennent le relais, s’accueillent dans la mémoire et le corps de l’autre. Le plateau vibre du plaisir de jouer et de porter le besoin de parler. Un exercice réussi mais sans émotion.

Du côté du Off : le tout jeune  théâtre des deux galeries a ouvert sa première programmation à de jeunes comédiens élèves de grandes écoles.

Deux Frères-Compagnie de l’Illustre théâtre.

Trois comédiens qui souhaitent partager des textes d’auteurs  aux écritures singulières  et ont choisi  le nom d’une très célèbre troupe pour leur compagnie mettent collectivement en scène  la pièce d’un  jeune auteur italien Fausto Paravidino. Ce dernier travaille l’écriture au plan et à la séquence.

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Populations déplacées, migrants, déportés Du In au Off

— Par Dominique Daeschler —

Grensgeval-Tonelhuis -In

A partir des Suppliants de Elfriede Jelinek,  texte qui fait référence à notre histoire culturelle et européenne  en associant ses mouvements de population à l’histoire d’aujourd’hui, Guy Cassiers metteur en scène et Maud le Pladec  chorégraphe plongent dans la réponse ambigüe, protectionniste de l’Europe à l’égard des réfugiés. Avec quatre comédiens, seize danseurs, de la vidéo et un son ultra présent, le choix est fait de dire avec plusieurs voix, plusieurs corps. La parole est absorbée par les jeunes danseurs (du conservatoire royal d’Anvers) qui s’engagent et résistent tout à la fois : porosité, mouvement, distance. Le spectacle se présente comme un triptyque : le périple en bateau (atmosphère sombre, projection agrandie des corps et lents déplacements des planches), la marche en Europe en plein feu avec une profusion d’images et d’informations qui se catapultent sur un écran géant, l’arrivée dans une église (protection et huis clos) où chaque être est fondu dans la pénombre en une masse  informe. La réussite du spectacle tient beaucoup à son absence totale de redondance, d’illustration : chacun joue sa partition sans qu’on sache toujours qui parle, quelle image est la plus forte car le récit provocateur, violent coure comme torrent furieux.

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TOMA : un petit tour de piste avec Marie Pierre Bousquet

— Par Dominique Daeschler —

Prendre le petit escalier en colimaçon et s’arrêter au premier : à droite, à gauche ça bourdonne autour des téléphones, des ordinateurs, des imprimantes. On charge les photos ,consulte la presse, revoit un texte, prend des rendez vous ,s’occupe d l’intendance au sens premier ( les buffets du Toma font appel à tous les talents culinaires de la maison) et si l’on s’écroule dans le divan du petit salon ( esprit « puces » garanti) c’est encore pour prendre le temps d’expliquer, de résoudre, de rencontrer…C’est le domaine de Marie Pierre Bousquet codirectrice qui officie dans un petit bureau surchargé de paperasse rebelle en compagnie de Séverine l’administratrice : les murs cependant attestent avec consignes et planning d’une vraie conscience organisationnelle !
DD Vous avez un parcours de manager plongé jusqu’au cou dans l’économie libérale et hop, d’un coup le théâtre, c’est un changement radical …
MPB Oui, Sup de Co, IBM, ITACHI, la Banque, une société de super calculateurs, les marchés boursiers c’est un autre monde. Il y a eu toute une conjoncture d’évènements (époque du fameux serpent budgétaire européen) qui ont fait que les risques du change devenaient trop élevés.

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Retour sur Jaz. Le dîner. 0’Brother Company.

— Interview d’Alexandre Zeff  par Dominique Daeschler —

Retour sur Jaz. La Camara Oscura.

Rendez vous au Jardin de Mons où se déroulent les rencontres De RFI avec le jeune metteur en scène de Jaz. Ce qui frappe de suite c’est son calme, son écoute et …son sourire.

DD   Peut-on faire un petit flash back sur votre parcours ? (premier sourire)

AZ  j’ai fait le CNSAD comme acteur. J’ai d’abord monté deux pièces de Pinter (Célébration et le Monte Plats puis je suis passé au court métrage (trois en 2013), puis au long métrage. Ensuite j’ai empoigné les textes de Lars Norén  et Jon Fosse.

DD  Et Koffi Kwahulé ?

AZ C’est un parcours sur trois textes. J’ai mis en scène Big Shoot l’an dernier. Pour moi Jaz en est le deuxième Volet. Après je terminerai avec Blues cat.

DD  Qu’est ce qui vous a amené à faire un tour dans l’écriture de Koffi Kwahulé ?

DD Bien sûr le lien avec la musique puisque Koffi se définit comme le jazzman de l’écriture. DD Comment ce mariage s’organise ?

AZ  La musique a été écrite en jeu avec le texte.

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Festival d’Avignon : du côté du jeune public

— Par Dominique Daeschler —

Tout d’abord il faut signaler l’attention particulière que porte Olivier Py aux jeunes spectateurs. Depuis 2014 un lieu leur est consacré dans le in (Chapelle des pénitents blancs)  et des tarifs particulièrement attractifs (jusqu’à 9 euros la place) sont pratiqués. Mieux, un guide du jeune  spectateur réalisé avec  élèves d’écoles et collèges, animateurs, professeurs  indique spectacles et lieux, retrace l’histoire du festival, présente la cour d’honneur, initie au vocabulaire technique du théâtre etc…Intelligemment  il permet de, comme le dit le directeur du Festival, « reconsidérer le réel au prisme des artistes » et de ne pas oublier que «  l’émerveillement est bien plus une question qu’une réponse ».

Sous la neige. Compagnie des Bestioles.

Au cœur d’une scénographie épurée, deux comédiens évoluent sur un tapis épais de papiers de soie, plongent dans cette matière douce, y rêvent et en complicité totale avec une lumière changeante et une musique qui apporte aux bruissements du papier émotions et rythmes, inventent mariée, princesse, lapin…Une grande liberté de conception, des déplacements chorégraphiés nous entrainent loin du narratif et du conventionnel. Nous voilà en poésie, dans l’attente de ce qui va naître dans l’instant.

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Cirque Plume : un au revoir avec « La dernière saison »

— Par Dominique Daeschler —

Pas de meilleure introduction au spectacle que les mots de Bernard Kudlak son fondateur, directeur artistique, metteur en scène, scénographe.
« Le cirque Plume habite un chapiteau et le Jura des forêts…Aujourd’hui la nature, le vivant, le sauvage sont devenus des objets. A détruire ou à consommer. Le cirque Plume s’empare de la forêt, de la neige et du vent. A sa façon dans le rire et la fragilité en actes de cirque et de musiques. »
Cette « dernière saison » nous est donnée comme un acte poétique à partager ensemble en représentation et à savourer « à la fraîche », entre chien et loup, quand les ombres se jouent de la réalité et de nos mémoires. Quatorze artistes sur le plateau (France, Espagne, Argentine, Usa) et cinquante quatre en coulisses qui conjuguent les métiers du spectacle : mise en scène, administration, régie, construction des décors, fabrication des costumes, montage…
Comme au théâtre le spectateur est face à la scène. Noir ! Les saisons se déroulent en commençant par l’automne : une branche suspendue symbolise le cycle éternel de la nature se dénudant, se couvrant de neige puis de feuilles et de fleurs.

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Suisse, Fondation Michalski : les collages & facéties de Jacques Prévert

— Par Dominique Daeschler —

Posée en pleine nature, au lieu-dit Bois Désert, non loin de Lausanne la fondation Michalski pour l’écriture et la littérature, en lorgnant du côté du Léman et des alpes, s’offre le luxe d’une bibliothèque, d’un auditorium et de cabanes suspendues ( pour les résidences) dans une canopée de béton soutenue par une centaine de colonnes.
Elle abrite jusqu’à fin avril une exposition des collages de Jacques Prévert (centenaire de sa naissance cette année).
Fantaisiste, non conformiste, lié très jeune aux surréalistes, Prévert entretient tout au long de sa vie des liens profonds d’amitié avec des artistes tels Miro et Picasso qui l’encouragent dans sa passion du collage. Comme en poésie, l’image est au cœur de sa vie avec, ce qu’on sait moins, une pratique quotidienne du dessin.
Pour ses collages il fait feu de tout bois : images pieuses, magazines, cartes postales reproductions, photos. A partir de cette matière première, il détourne le sens attendu, crée des rencontres insolites, dépayse, chamboule les lieux communs dans une composition rigoureuse. Il interroge avec humour.
Ephémérides (ses agendas constituées de feuilles volantes) et planches de scénarios illustrées réalisées sur du bristol grand format à petits carreaux (les enfants du paradis) complètent cette exposition dense où l’on découvre le faiseur d’images : l’esprit s’y rie du quotidien en créant à perdre haleine.

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